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Date : 20061201

Dossier : IMM‑550‑06

Référence : 2006 CF 1453

Ottawa (Ontario), le 1er décembre 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE KELEN

 

 

ENTRE :

MUHAMMAD ADEEL

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire d’une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission), en date du 12 janvier 2006, qui lui a refusé le statut de réfugié au sens de la Convention et le statut de personne à protéger.

[2]               Le demandeur, de nationalité pakistanaise, est né en 1980. À l’âge de 12 ans, en octobre 1993, il s’est envolé pour les États‑Unis avec ses parents et ses frères et sœurs. Aux États‑Unis, le père du demandeur a travaillé illégalement, et le demandeur et ses frères et sœurs ont fréquenté l’école. En 1996, la famille du demandeur est retournée au Pakistan, tandis que le demandeur restait avec des proches aux États‑Unis pour y poursuivre ses études. À l’époque, le demandeur était âgé de 15 ou 16 ans. Le demandeur a présenté une demande d’asile à la frontière canadienne en février 2003, à l’âge de 22 ans.

[3]               Le demandeur s’est représenté lui‑même au cours des audiences tenues devant la Commission. Il se représentait devant la Cour, mais il a informé la Cour, par lettre, le matin de l’audience, qu’il avait une douleur abdominale et ne pouvait pas se présenter à l’audience parce qu’il lui serait impossible de se concentrer; il priait la Cour d’examiner les pièces qu’il avait déposées et de rendre un jugement en se fondant sur les pièces en question. La Cour a décidé d’aller de l’avant avec l’audience en se fondant sur les nombreuses déclarations et pièces dont elle était saisie. La Cour a donc prié l’avocat du défendeur de s’exprimer sur chacun des points soulevés par le demandeur et sur d’autres points soulevés par la Cour.

[4]               Dans l’exposé circonstancié de son Formulaire de renseignements personnels (FRP) en date du 20 mars 2003, le demandeur écrivait que son père et son oncle étaient des adhérents du Parti populaire du Pakistan (le PPP). Après le coup d’État militaire d’octobre 1999, son père aurait participé à un rassemblement organisé par le PPP. Son père fut arrêté pour y avoir participé. Le demandeur dit que son père est dans la ligne de mire des autorités pakistanaises. Il dit aussi que lui‑même pourrait être ciblé en tant que membre de la famille d’un ennemi du régime en place. Le demandeur dit que, depuis le 11 septembre 2001, le gouvernement pakistanais est devenu hostile à toute possibilité de dissidence. Le demandeur craint de devenir une cible en raison du temps qu’il a passé en dehors du Pakistan, et il dit que les Pakistanais qui rentrent dans leur pays depuis l’étranger sont souvent victimes de violences parce qu’on les suppose riches. Il signale des rumeurs faisant état d’enlèvements au Pakistan, un pays où il est impossible de se prémunir contre la corruption policière.

[5]               Le 17 mars 2005, le demandeur a produit un nouvel exposé circonstancié modifiant son FRP, exposé dans lequel il écrit que, le 23 septembre 2003, son père avait joué un rôle de premier plan dans une grève organisée par l’opposition contre le gouvernement militaire. Sa maison avait donc été investie le lendemain, et son père était recherché en vue de son arrestation. La police disait que le père et l’oncle du demandeur avaient menacé l’ordre public. Son père n’était pas à la maison durant la descente de police, et il se cache depuis pour éviter d’être arrêté. Selon le demandeur, trois hommes du renseignement interservices (ISI) se sont rendus chez son père le lendemain pour arrêter son père et son oncle. Le frère cadet du demandeur leur a dit que son père et son oncle n’étaient pas à la maison. Le frère cadet aurait été détenu par l’ISI, et depuis nul ne sait où il se trouve. En octobre 2003, le reste de la famille du demandeur est parti pour Dubaï, où ils sont demeurés illégalement depuis. Le demandeur dit qu’il craint d’être exécuté ou torturé par l’ISI.

[6]               La Commission a trouvé des contradictions dans le témoignage du demandeur et a estimé que sa demande d’asile n’était pas crédible. Selon elle, la lenteur du demandeur à se rendre au Canada pour y présenter une demande d’asile n’était pas raisonnable. Elle a jugé que sa lenteur à présenter une demande d’asile attestait un manque de crédibilité et une absence de crainte subjective. La Commission avait aussi des doutes sur le rassemblement de septembre 2003 et sur le rôle joué par le père du demandeur dans ce rassemblement. Elle a relevé que, selon la preuve, il n’apparaissait pas que le rassemblement avait dégénéré en rixe comme le prétendait le demandeur. La Commission n’a pas jugé vraisemblable que le gouvernement pakistanais puisse s’intéresser au demandeur, qui vit hors du Pakistan depuis l’âge de 12 ans et qui n’a jamais été actif sur le plan politique. Elle a conclu qu’elle n’avait pas devant elle une preuve apte à confirmer l’allégation du demandeur selon laquelle il était fondé à craindre le gouvernement du Pakistan ou tout autre agent de persécution.

Points en litige

[7]               La demande soulève les points suivants :

1.                  La Commission a‑t‑elle commis une erreur parce qu’elle a tiré des conclusions de fait manifestement déraisonnables?

2.                  La Commission a‑t‑elle manqué à son obligation d’équité procédurale parce qu’elle a déposé un compte rendu déficient de l’audience qu’elle avait tenue?

3.                  La Commission a‑t‑elle manqué à son obligation d’équité procédurale parce que, durant l’audience, elle a inversé l’ordre des interrogatoires en application des Directives n° 7 du président de la CISR?

Norme de contrôle

[8]               S’agissant des conclusions de fait de la Commission, y compris de ses conclusions en matière de crédibilité, la norme de contrôle à appliquer est celle de la décision manifestement déraisonnable. Ce n’est que si les conclusions de la Commission ne sont pas étayées par la preuve produite que sa décision sera jugée manifestement déraisonnable. Autrement, la Cour ne procédera pas à une nouvelle appréciation des faits ou de la preuve dont la Commission était saisie : arrêt Jessani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CAF 127, paragraphe 16.

[9]               S’agissant de la question de l’équité procédurale, la Cour suprême du Canada a jugé que les questions d’équité procédurale ou de justice naturelle sont soumises à la norme de la décision correcte : Ellis‑Don Ltd. c. Ontario (Commission des relations de travail), [2001] 1 R.C.S. 221, paragraphe 65. S’il y a eu manquement à l’obligation d’équité, la décision doit être annulée : voir par exemple l’arrêt Congrégation des témoins de Jéhovah de St‑Jérôme‑Lafontaine c. Lafontaine (Village), [2004] 2 R.C.S. 650, page 665.

Dispositions applicables

[10]           La loi applicable à la présente demande est la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi). Les dispositions applicables qui régissent la protection des réfugiés et le statut de réfugié sont les suivantes :

Définition de « réfugié »

Convention refugee

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well‑founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

Personne à protéger

Person in need of protection

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

[…]

[…]

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas, […]

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country, […]

 

Analyse

Point n° 1 :      La Commission a‑t‑elle commis une erreur parce qu’elle a tiré des conclusions de fait manifestement déraisonnables?

[11]           Le demandeur fait valoir que la Commission a fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées, qu’elle a tirées sans tenir compte des éléments dont elle disposait. Plus exactement, il dit que la Commission a laissé de côté ou mal interprété la preuve expliquant son peu d’empressement à demander l’asile, ainsi que les passages de son FRP initial où il évoquait le rôle de son père dans le PPP.

[12]           Au soutien de sa conclusion selon laquelle le demandeur d’asile n’était pas crédible, la Commission a souligné le peu d’empressement du demandeur à venir au Canada pour y demander l’asile :

Le tribunal estime que le demandeur d’asile n’est pas arrivé au Canada pour présenter sa demande d’asile dans un délai raisonnable. Il a indiqué à la frontière et confirmé dans son FRP initial que son père avait été arrêté en 1999 et en 2000. Le demandeur d’asile n’est arrivé au Canada qu’au mois de février 2003. Dans son exposé circonstancié initial, il mentionne que le gouvernement pakistanais, après les événements du 11 septembre 2001, faisait preuve d’une hostilité accrue envers les éventuels dissidents. Le demandeur d’asile n’a fait aucun effort jusqu’à la fin de 2002 pour obtenir un avis juridique aux États‑Unis dans le but d’obtenir la protection de ce pays.

 

Le tribunal estime que le temps qu’il a fallu au demandeur d’asile pour demander l’asile démontre un manque de crédibilité et l’absence d’une crainte subjective.

 

[Non souligné dans l’original]

 

 

[13]           Le demandeur fait valoir qu’il avait donné, à l’audience, des raisons suffisantes expliquant pourquoi il n’avait pu présenter une demande d’asile aux États‑Unis et que les raisons qu’il avait données n’ont pas été prises en compte dans la décision de la Commission. Le témoignage du demandeur sur ce point est consigné dans la transcription de l’audience tenue le 19 mai 2005. À la page 12, le commissaire commence par interroger le demandeur sur son peu d’empressement à solliciter l’asile :

[TRADUCTION]

Le commissaire : Bien, nous allons voir maintenant si vous pouvez vivre là maintenant.

Vous aviez 13 ans lorsque vous êtes arrivé aux États‑Unis.?

Le demandeur d’asile : J’avais 12 ans.

Le commissaire : Douze ans, très bien, et vous aviez un visa d’étudiant ou bien vous êtes arrivé en tant que visiteur?

Le demandeur d’asile : Je suis arrivé là comme visiteur.

Le commissaire : Et quelle était la durée de validité de votre visa de visiteur?

Le demandeur d’asile : Six mois.

Le commissaire : Avez‑vous obtenu un autre visa de visiteur après cela?

Le demandeur d’asile : Non.

Le commissaire : Et vous avez fréquenté l’école jusqu’à quand aux États‑Unis.?

Le demandeur d’asile : Je suis allé jusqu’à la 12e année.

Le commissaire : Dans votre FRP, vous écrivez que vous avez fréquenté l’école jusqu’en juin 1998.

Le demandeur d’asile : Oui.

Le commissaire : Et après cela, vous avez travaillé jusqu’en janvier 2002, est‑ce exact?

Le demandeur d’asile : Non, j’ai travaillé jusqu’en juin 2003. Je n’ai pas travaillé jusqu’en juin, j’ai travaillé jusqu’en 2003 seulement, pas en juin.

Le commissaire : Quel mois de 2003?

Le demandeur d’asile : Janvier, j’ai travaillé jusqu’en janvier.

Le commissaire : Et vous travailliez pour la firme American Perfumery?

Le demandeur d’asile : Oui.

Le commissaire : Donc janvier 2003.

Le demandeur d’asile : Oui.

Le commissaire : Puis vous êtes venu au Canada en février, est‑ce bien cela?

Le demandeur d’asile : Oui.

Le commissaire : Pourquoi êtes‑vous venu au Canada en février 2003?

Le demandeur d’asile : Parce que, lorsque j’ai eu connaissance de la situation, mon père m’a parlé de ce qu’il fallait faire, après quoi j’en ai discuté avec l’avocat, qui m’a dit que j’avais très peu de chance d’obtenir l’asile aux États‑Unis et que je ferais mieux d’aller au Canada.

Le commissaire : Quand en avez‑vous discuté avec votre avocat?

Le demandeur d’asile : J’ai commencé à lui en parler à la fin de 2002, et cela s’est poursuivi jusqu’en 2003.

Le commissaire : Pourquoi n’aviez‑vous pas consulté un avocat auparavant?

Le demandeur d’asile : Vous me demandez pourquoi je ne suis pas allé consulter un avocat avant cela?

Le commissaire : Était‑ce la première fois que vous alliez voir un avocat?

Le demandeur d’asile : Oui.

Le commissaire : Très bien, alors pourquoi avez‑vous attendu jusqu’à la fin de 2002 pour consulter un avocat?

Le demandeur d’asile : Parce que, lorsque je suis arrivé aux États‑Unis, je n’avais que 12 ans, et je n’avais aucune idée de ce qui était légal ou illégal.

Le commissaire : Très bien, mais…

Le demandeur d’asile : Il se trouve que, aux États‑Unis, je n’avais aucun problème, mais, jusqu’alors, mon père ne m’avait rien dit des difficultés que nous risquions de rencontrer au Pakistan.

Mon père m’a alors dit : avant que les Américains ne mettent la main sur toi, ne t’arrêtent et ne te renvoient là‑bas, il vaudrait mieux que tu partes pour augmenter tes chances. Il m’a alors parlé des problèmes que la famille rencontrait au Pakistan et m’a dit que, si j’y retournais, je rencontrerais les mêmes difficultés.

Le commissaire : Quand vous a‑t‑il dit cela?

Le demandeur d’asile : Il me l’a dit en 2002, je ne me souviens pas exactement à quelle date.

Le commissaire : Pourquoi ne vous l’a‑t‑il pas dit plus tôt?

Le demandeur d’asile : C’est simplement qu’il avait le sentiment que je vivais loin de la famille et que, si je venais à avoir connaissance de tout cela, alors je ne cesserais de penser à eux.

[Non souligné dans l’original]

 

[14]           Dans sa décision, la Commission ne dit rien des raisons invoquées par le demandeur pour expliquer son peu d’empressement à solliciter l’asile avant février 2003. Elle écrit plutôt que le peu d’empressement manifesté par le demandeur d’asile n’était par raisonnable et attestait une absence de crainte subjective.

[15]           Le défendeur a renvoyé la Cour à un jugement du juge Rouleau, Hernandez Espinosa c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1324. Au paragraphe 17, le juge Rouleau écrivait qu’un demandeur d’asile doit donner la raison pour laquelle il a tardé à demander l’asile :

La Commission déclare à juste titre que, bien que le retard dans la présentation n’a habituellement pas d’effet déterminant sur une revendication du statut de réfugié, il arrive qu’il joue un rôle décisif en certaines circonstances. Ce qui porte le coup fatal à la revendication du demandeur, c’est son incapacité d’expliquer le moindrement ce retard de manière satisfaisante.

 

[Non souligné dans l’original]

 

 

[16]           En l’espèce cependant, le demandeur a donné une explication pour sa lenteur à agir. Lorsqu’il est arrivé aux États‑Unis sous la garde de ses parents, il n’avait que 12 ans. À l’époque des événements survenus au Pakistan qui étaient censés justifier sa crainte de persécution et son besoin de protection, il avait déjà vécu aux États‑Unis illégalement depuis plusieurs années. La Cour note que le demandeur était âgé de 22 ans lorsqu’il a entrepris de s’informer auprès d’un avocat sur les possibilités qu’il avait d’obtenir l’asile. La Cour relève aussi que, selon le Règlement, une personne âgée de moins de 22 ans est considérée comme un enfant à charge : Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227, article 2. Quoi qu’il en soit, la Commission n’a fait aucune analyse indiquant les raisons qu’elle avait de rejeter l’explication donnée par le demandeur pour justifier sa lenteur à agir. Il est donc impossible pour le demandeur ou pour une juridiction de contrôle de dire si la Commission est arrivée à sa décision après avoir pris en considération l’explication donnée par le demandeur. À mon avis, la Commission n’a pas motivé d’une manière intelligible son rejet de l’explication donnée par le demandeur indiquant pourquoi il avait attendu 2003 pour présenter une demande d’asile.

[17]           Cependant, la Commission a tiré d’autres conclusions de fait qui l’autorisaient à dire que le demandeur n’était pas crédible, notamment les conclusions suivantes :

1.                  le caractère douteux des modifications apportées le 17 mars 2005 à l’exposé circonstancié de son FRP. La Commission n’a pas jugé vraisemblable que le demandeur d’asile ait pu attendre de septembre 2003 jusqu’à mars 2005 pour faire connaître cette information nouvelle qui avait de l’importance. Par ailleurs, la Commission a estimé que cette information était extraite mot pour mot d’articles de presse et que cela « remet en question la fiabilité de l’ensemble de la modification de mars 2005 »;

2.                  dans la lettre de l’avocat, il n’était pas fait mention d’une quelconque mesure ayant pu être prise pour trouver ou faire libérer le frère du demandeur d’asile qui semble‑t‑il était détenu par la police en 2003 et dont on n’avait plus entendu parler depuis. Le demandeur a dit que son frère avait disparu en raison de la relation de ce frère avec son père, et il disait s’attendre à subir le même sort s’il devait retourner au Pakistan. Selon la Commission, le témoignage du demandeur d’asile à propos de son frère était « flou ». La Cour reconnaît que cette preuve est floue et peu vraisemblable; et

3.                  il n’est pas plausible que le gouvernement pakistanais s’intéresserait au demandeur, qui n’a pas vécu au Pakistan depuis l’âge de 12 ans et qui n’a jamais été actif sur le plan politique.

[18]           Ces conclusions de fait de la Commission ne sont pas manifestement déraisonnables, ni simplement déraisonnables. Elles sont fondées sur la preuve que la Commission avait devant elle. Par conséquent, la Cour ne peut pas annuler la décision de la Commission selon laquelle, au vu de telles conclusions, le témoignage du demandeur n’était pas crédible.

Point n° 2 :      La Commission a‑t‑elle manqué à son obligation d’équité procédurale parce qu’elle a déposé un compte rendu déficient de l’audience qu’elle avait tenue?

[19]           Le demandeur a fait valoir dans ses conclusions écrites déposées au soutien de sa demande d’autorisation que la Commission n’avait pas produit les transcriptions de l’audience tenue le 19 mai 2005 (l’audience de mai). Il a dit que le commissaire avait exprimé l’avis, à l’audience de mai, qu’il avait établi le bien‑fondé de sa demande d’asile, sous réserve que soient vérifiées deux lettres d’avocats devant être obtenues du Pakistan. Comme l’indiquait la fiche de renseignements sur l’audience, l’audience de mai fut « ajournée dans l’attente de documents ». Le demandeur fait valoir que l’ajournement de l’audience de mai avait pour unique objet de confirmer l’authenticité de deux lettres d’avocats qu’il avait produites au soutien de sa demande d’asile. Il affirme que, s’il est en mesure d’obtenir la transcription de la portion pertinente de l’audience de mai, il pourrait être prouvé que la Commission était par ailleurs persuadée du bien‑fondé de sa demande d’asile et qu’elle était par la suite revenue sur sa position à l’audience tenue le 19 décembre 2005.

[20]           L’argument du demandeur relatif à l’absence d’une transcription figure dans son exposé des faits et du droit portant la date du 2 mars 2006. Le demandeur a sollicité l’autorisation de faire appel afin d’être en mesure d’obtenir la transcription de l’audience. Le juge Robert Barnes lui a accordé cette autorisation le 30 août 2006 et, le 18 septembre 2006, le dossier de la Commission, y compris les transcriptions, furent déposés auprès de la Cour. Le dossier du Tribunal contient donc une transcription de l’audience de mai, de telle sorte que la question soulevée par le demandeur est aujourd’hui théorique.

Point n° 3 :      La Commission a‑t‑elle manqué à son obligation d’équité procédurale parce que, durant l’audience, elle a inversé l’ordre des interrogatoires en application des Directives n° 7 du président de la CISR?

[21]           Le demandeur fait valoir que la Commission a manqué à son obligation d’équité procédurale parce que, à l’audience, elle a inversé l’ordre des interrogatoires conformément aux Directives n° 7.

[22]           Puisque le demandeur s’est représenté lui‑même aux trois audiences tenues devant la Commission, il ne pouvait faire en sorte que son propre avocat lui pose des questions dans le cadre d’un interrogatoire principal. La Commission n’avait donc d’autre choix que de poser au demandeur les questions requises pour obtenir l’information propre à appuyer la demande d’asile.

[23]           Cet argument avancé dans le mémoire du demandeur n’a donc ni substance ni bien‑fondé.

Dispositif

[24]           Pour ces motifs, la Cour doit rejeter la demande de contrôle judiciaire. L’avocat du défendeur soutient que cette affaire ne soulève aucune question grave de portée générale susceptible d’être certifiée. Comme je l’ai dit, le demandeur n’était pas représenté à l’audience et il n’a pas comparu. La Cour ne croit pas que cette affaire soulève une question grave de portée générale qui puisse être certifiée. Par conséquent, aucune question ne sera certifiée.

 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE : La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

« Michael A. Kelen »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Alphonse Morissette, LL.L.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

 

DOSSIER :                                       IMM‑550‑06

 

INTITULÉ :                                      MUHAMMAD ADEEL

 

                                                           et

 

                                                           LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :              LE 28 NOVEMBRE 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :           LE JUGE KELEN

 

DATE DES MOTIFS :                     LE 1er DÉCEMBRE 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

 

Negar Hashemi                                                    POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

John H. Sims, c.r.                                                         POUR LE DÉFENDEUR

Sous‑procureur général du Canada

Ministère de la Justice

Toronto (Ontario)

 

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