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Date : 20061201

Dossier : IMM-7289-05

Référence : 2006 CF 1457

 

Ottawa (Ontario), le 1er décembre 2006

 

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SNIDER

 

 

ENTRE :

 

ISSAM AL YAMANI

 

demandeur

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE DU CANADA

 

défendeur

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]        M. Issam Al Yamani, le demandeur, est un résident permanent du Canada qui désire demeurer au Canada. Dans une décision datée du 22 novembre 2005, un tribunal de la Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu que M. Al Yamani était interdit de territoire pour motif de sécurité parce qu’il était membre d’une organisation dont il y avait des motifs raisonnables de croire qu’elle se livre, s’est livrée ou se livrera au terrorisme. Cette décision a été rendue en application de l’alinéa 34(1)f) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR), reproduit ci-après. M. Al Yamani demande à la Cour d’annuler la décision de la Commission.

 

Les questions en litige

[2]        Il serait long de détailler le contexte historique de la présente demande, lequel me semble d’ailleurs peu pertinent. L’accent sera mis par conséquent, non pas sur les décisions antérieures ou subséquentes qui ont pu être rendues relativement à M. Al Yamani, mais plutôt sur les divers éléments de la décision de la Commission à l’examen. M. Al Yamani soutient qu’à cet égard, les cinq questions qui suivent sont en litige.

 

1.                  La Commission a-t-elle commis une erreur de droit en concluant qu’il y avait des motifs raisonnables de croire que M. Al Yamani était membre du Front populaire pour la libération de la Palestine (FPLP) du moment où il avait joint les rangs de son cercle d’études pour jeunes et jusqu’en 1991/92?

 

2.                  La Commission a-t-elle commis une erreur de droit en concluant que le FPLP s’était livré à des activités terroristes pendant que M. Al Yamani en était membre?

 

3.                  La Commission a-t-elle commis une erreur de droit en concluant que l’alinéa 34(1)f) de la LIPR ne contrevenait pas à l’article 2 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch.11 (R.-U.) (la Charte)?

 

4.                  La Commission a-t-elle commis une erreur de droit en concluant que l’alinéa 34(1)f) de la LIPR ne contrevenait pas à l’article 15 de la Charte?

 

5.                  La Commission a-t-elle manqué à son obligation d’équité en ne traitant pas dans ses motifs des questions soulevées devant elle?

 

[3]        Les deux premières questions en litige portent sur le fond des conclusions de la Commission. J’examinerai ensemble ces deux questions, et ensuite celles liées à la Charte. Je me pencherai, pour conclure, sur la question de la suffisance des motifs donnés par la Commission.

 

Les dispositions législatives pertinentes

[4]        La Commission a tiré sa conclusion d’interdiction de territoire après audience, en application de l’alinéa 34(1)f), de la LIPR, qui est rédigé comme suit :

 

34. (1) Emportent interdiction de territoire pour raison de sécurité les faits suivants :

 

 

34. (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible on security grounds for

 

(…)

 

 

[…]

 

f) être membre d’une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle est, a été ou sera l’auteur d’un acte visé aux alinéas a), b) ou c).

 

f) being a member of an organization that there are reasonable grounds to believe engages, has engaged or will engage in acts referred to in paragraph (a), (b) or (c).

 

[5]        La règle d’interprétation énoncée à l’article 33 de la LIPR doit orienter la Commission lorsqu’elle tire une conclusion en la matière, à savoir :

 

33. Les faits — actes ou omissions — mentionnés aux articles 34 à 37 sont, sauf disposition contraire, appréciés sur la base de motifs raisonnables de croire qu’ils sont survenus, surviennent ou peuvent survenir.

 

33. The facts that constitute inadmissibility under sections 34 to 37 include facts arising from omissions and, unless otherwise provided, include facts for which there are reasonable grounds to believe that they have occurred, are occurring or may occur.

 

[6]        J’aimerais renvoyer, finalement, à l’exception prévue au paragraphe 34(2) de la LIPR, eu égard à une conclusion d’interdiction de territoire.

 

(2) Ces faits n’emportent pas interdiction de territoire pour le résident permanent ou l’étranger qui convainc le ministre que sa présence au Canada ne serait nullement préjudiciable à l’intérêt national.

 

(2) The matters referred to in subsection (1) do not constitute inadmissibility in respect of a permanent resident or a foreign national who satisfies the Minister that their presence in Canada would not be detrimental to the national interest.

 

Analyse des questions en litige quant à la décision sur le fond

  1. Quelle est la norme de contrôle applicable?

[7]        La question de savoir si une organisation est visée par les alinéas 34(1)a), b) ou c) a été examinée dans le passé par la Cour en fonction de la norme de la décision raisonnable (Kanendra c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’immigration), 2005 CF 923, [2005] A.C.F. n° 1156, paragraphe 12 (C.F.)). Dans Kanendra, le juge Simon Noël s’est appuyé sur l’analyse pragmatique et fonctionnelle à laquelle le juge Marshall Rothstein de la Cour d’appel fédérale avait procédé dans l’arrêt Poshteh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’immigration), 2005 CAF 85, [2005] A.C.F. n° 381, paragraphe 23 (C.A.F.), pour décider d’appliquer la norme de la décision raisonnable à une conclusion relative à l’appartenance à une organisation décrite à l’alinéa 34(1)f). Les faits et les questions dont je suis saisie ne diffèrent pas de ceux en cause dans ces affaires et, par conséquent, il n’y a selon moi aucun motif pour que je m’écarte de la norme de la décision raisonnable.

 

[8]        Par conséquent, les conclusions de la Commission en l’espèce doivent être étayées par des motifs capables de résister à un examen assez poussé (Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam, [1997] 1 R.C.S. 748, 144 D.L.R. (4th) 1, paragraphe 56).

 

[9]        Lorsqu’il s’est penché sur la norme de la décision raisonnable dans l’arrêt Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.C.S. 247, paragraphe 56, le juge Iacobucci a mis en garde la cour de révision afin qu’elle considère les motifs dans leur ensemble et ne s’arrête pas à une ou plusieurs erreurs ou composantes de la décision qui n’affectent pas globalement la décision. À mon avis, même si une cour de révision conclut qu’une ou plusieurs composantes d’une décision sont déraisonnables, il ne s’ensuit pas que, dans son ensemble, la décision est elle-même déraisonnable. Il serait alors plutôt nécessaire d’examiner l’incidence de ces composantes sur la décision pour établir si, malgré l’existence d’erreurs, la décision est, dans son ensemble, « soutenable ».

 

  1. Quel sens faut-il donner à l’alinéa 34(1)f)?

[10]      La question dont la Commission était saisie nécessitait d’interpréter l’alinéa 34(1)f). Il est donc nécessaire de l’examiner. Le libellé de l’alinéa 34(1)f) est, selon moi, clair et sans aucune ambiguïté, et cette disposition impose à la Commission à procéder à deux examens distincts.

 

  1. La Commission doit établir s’il y a des motifs raisonnables de croire que l’organisation en cause est, à été ou sera l’auteur d’un acte visé aux alinéas a), b) ou c). En l’espèce, c’est l’alinéa 34(1)c) – « se livrer au terrorisme » -- qui est concerné.

 

  1. La Commission doit ensuite se demander si l’intéressé est interdit de territoire du fait qu’il est « membre » de cette organisation. Pour faciliter la réponse à cette question, l’article 33 prévoit que les faits qui emportent interdiction de territoire comprennent des faits qui soulèvent des motifs raisonnables de croire « qu’ils sont survenus, surviennent ou peuvent survenir ». En vertu de l’article 33, ainsi, le fait d’être membre est établi que ce statut soit survenu ou qu’il survienne.

 

[11]      Simplement dit et contrairement à ce que prétend M. Al Yamani, le facteur temps n’est pas à prendre en compte dans le cadre d’une analyse en application de l’alinéa 34(1)f). S’il y a des motifs raisonnables de croire qu’une organisation se livre actuellement à des actes de terrorisme, s’est livrée à de tels actes dans le passé ou s’y livrera à l’avenir, cette organisation satisfait alors au critère énoncé à l’alinéa 34(1)f). Ainsi, la Commission n’a pas à examiner si l’organisation en cause a mis un terme à ses activités terroristes, ou encore ne s’était pas livrée à de telles activités pendant une certaine période de temps.

 

[12]      Le fait pour l’intéressé d’être membre de l’organisation échappe de même aux restrictions quant au temps. La question est de savoir si l’intéressé est ou a été membre de l’organisation. Aucune correspondance n’est nécessaire entre la participation active comme membre de l’intéressé et la période pendant laquelle l’organisation se livrait à des actes terroristes.

 

[13]      Le résultat peut sembler sévère. Une organisation peut modifier ses buts et ses méthodes, et l’intéressé peut décider de quitter l’organisation, de façon temporaire ou permanente. Or, la disposition ne semble pas laisser la porte ouverte à un changement de situation, tant en ce qui concerne l’organisation que l’intéressé. En insérant le paragraphe 34(2) de la LIPR, toutefois, le législateur a heureusement prévu le moyen de faire exception à une conclusion d’interdiction de territoire en application du paragraphe 34(1). Le paragraphe 34(2) prévoit en effet qu’un résident permanent ou un étranger peut présenter une demande en vue de convaincre le ministre que « sa présence au Canada ne serait nullement préjudiciable à l’intérêt national ». Le législateur fournit ainsi l’occasion aux personnes qui, par ailleurs, seraient interdites de territoire aux termes du paragraphe 34(1), de convaincre le ministre que leur présence au Canada ne serait pas préjudiciable à l’intérêt national. Dans ce cadre, des facteurs tels que le moment de l’appartenance à l’organisation ou la caractérisation actuelle de celle-ci peuvent être pris en compte.

 

[14]      En résumé, l’article 34 de la LIPR prévoit une approche globale permettant de décider des questions d’interdiction de territoire. Il répond aux objectifs visés de garantir la sécurité de la société canadienne (alinéa 3(1)h)) de la LIPR) et d’interdire de territoire les personnes qui constituent un danger pour la sécurité (alinéa 3(1)i)), tout en offrant le moyen (grâce au paragraphe 34(2)) à tout intéressé de faire apprécier de façon individuelle si sa présence est ou non préjudiciable à l’intérêt national. La Commission procède à une analyse des faits pour apprécier la nature de l’organisation et l’appartenance comme membre de l’intéressé. Le ministre décide pour sa part si l’intéressé, bien qu’il soit interdit de territoire, devrait être autorisé à demeurer au Canada. C’était là l’intention du législateur, selon moi, en adoptant l’article 34.

 

[15]      En gardant à l’esprit cette interprétation de l’alinéa 34(1)f), je vais examiner la situation particulière de M. Al Yamani et la décision de la Commission.

 

  1. M. Al Yamani était-il membre du FPLP?

[16]      J’examinerai maintenant la demande dont je suis saisi, en abordant d’abord la question de l’appartenance de M. Al Yamani au FPLP. Était-il raisonnable pour la Commission de conclure qu’il existait des motifs raisonnables de croire que M. Al Yamani était membre du FPLP? La Commission a déclaré ce qui suit à cet égard, au paragraphe 30 de ses motifs :

Il est reconnu que M. Al Yamani était un membre du FPLP, fait qui a été corroboré par la preuve. Il a fait partie de ce groupe, du moins à partir de son adhésion à un groupe d’étudiant affilié à l’organisation jusqu’au moment où il s’est dissocié publiquement de l’organisation, soit en 1991 ou en 1992.

 

[17]      Selon M. Al Yamani, la Commission a commis une erreur en concluant qu’il existait des motifs raisonnables de croire qu’il était un membre du FPLP depuis son adhésion à son groupe d’études pour jeunes et jusqu’en 1991 ou 1992. M. Al Yamani concède avoir été membre du FPLP de 1972 jusqu’à un certain moment en 1974, de plus tard en 1974 jusqu’à la fin de l’année ou au début de 1975, de 1979 à 1982 et de 1987 à 1991 ou au début de 1992. M. Al Yamani soutient que, tout en ne mettant pas en cause sa crédibilité, la Commission a conclu qu’il était membre du FPLP à des périodes où, comme il l’avait dit dans son témoignage, il n’en était pas en fait membre. M. Al Yamani soutient que la Commission était par conséquent tenue d’expliquer cette apparente contradiction, ou la raison pour laquelle elle ne le croyait pas.

 

[18]      À l’audience devant la Commission et dans les observations qu’il a présentées à la Cour, M. Al Yamani a reconnu avoir été membre du FPLP. Il est fait mention tout au long de la transcription de l’audience de l’appartenance de M. Al Yamani au FPLP. À un certain moment lors de l’audience, l’avocate de M. Al Yamani a concédé que la participation passée de ce dernier au sein du FPLP suffirait pour démontrer qu’il existe des motifs raisonnables de croire en l’appartenance; ce à quoi elle s’objectait, c’était plutôt la caractérisation du FPLP (dossier certifié du tribunal, p. 2409 et 2410).

 

[19]      Selon M. Al Yamani, la Commission a commis une erreur en n’excluant pas les périodes pendant lesquelles il avait déclaré ne pas avoir été membre du FPLP. Ce qu’on peut en dire en premier lieu, c’est que le fait d’avoir ou non été membre pendant toute la période concernée n’a pas d’effet déterminant. Tout ce qu’il faut établir aux fins de l’alinéa 34(1)f), c’est que M. Al Yamani est ou a été membre du FPLP. La reconnaissance par M. Al Yamani de son appartenance à cette organisation, même pendant des périodes raccourcies, suffit à démontrer cette appartenance aux fins de la disposition législative. De la sorte, même si la Commission s’était trompée en déclarant que M. Al Yamani avait été membre de l’organisation pendant toute la période, cette erreur est sans conséquence.

 

[20]      Je ne suis d’ailleurs par convaincue que la Commission ait commis une erreur. Selon la preuve de M. Al Yamani, il n’aurait pas eu une participation active au sein du FPLP pendant certaines périodes de temps. D’après son propre témoignage, le motif en était qu’il voyageait ou résidait alors dans des pays qui ne comptaient pas de cellule active du FPLP aux activités de laquelle il aurait pu participer. Dès qu’il atteignait un lieu où il pouvait prendre part à des activités de membre du FPLP, il recommençait à s’adonner à de telles activités. Sur le fondement de cette preuve, il n’était pas déraisonnable pour la Commission de conclure que, même si M. Al Yamani cessait pendant certaines périodes de temps d’exercer directement des activités, son appartenance au FPLP, elle, ne cessait pas. La conclusion de la Commission à cet égard est donc soutenable.

 

[21]      Je suis convaincue que la conclusion de la Commission selon laquelle M. Al Yamani était bien membre du FPLP n’était pas déraisonnable.

 

  1. Le FPLP est-il une organisation terroriste?

[22]      Examinons maintenant la seconde question. La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant qu’il existait des motifs raisonnables de croire que le FPLP se livre ou s’est livré à des actes de terrorisme? M. Al Yamani fait valoir à cet égard un certain nombre d’erreurs. Il soutient plus particulièrement que la Commission a commis des erreurs

 

  • en tenant compte d’actes de terrorisme perpétrés alors qu’il n’était pas membre du FPLP,

 

  • en n’appliquant pas le critère approprié en ce qui concerne le « terrorisme »,

 

  • en ne comprenant pas que diverses factions coexistent au sein du FPLP et de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) et en attribuant à tort au groupe du FPLP auquel M. Al Yamani appartenait les actes commis par d’autres factions, et

 

  • en concluant que certains actes étaient des actes de terrorisme en se fondant sur une preuve inadéquate.

 

[23]      Je vais maintenant examiner chacune de ces erreurs alléguées.

 

[24]      Selon M. Al Yamani, la Commission a commis une erreur en tenant compte d’actes de terrorisme survenus avant ou après son appartenance au FPLP ou pendant qu’il ne participait pas activement à ses activités. Comme je l’ai dit précédemment, le facteur temporel n’est pas pertinent pour rendre une décision en application de l’alinéa 34(1)f). Aux fins de cet alinéa, en effet, la question de savoir si la FPLP se livre, s’est livré ou se livrera à des actes de terrorisme est indépendante de la question de l’appartenance de M. Yamani à cette organisation.

 

[25]      Les arguments de M. Al Yamani semblent faire valoir qu’une organisation terroriste n’est terroriste que les jours où sont perpétrés des actes particuliers de terrorisme. Il est illogique de raisonner ainsi. L’existence d’intervalles entre des actions terroristes ne rend pas un groupe « non terroriste » pendant ceux-ci. Le caractère imprévisible des organisations terroristes et de leurs membres a d’ailleurs été résumé succinctement comme suit par W. Michael Reisman, professeur à la faculté de droit de la Yale University :

[traduction]

[…] Parfois les terroristes demeurent inactifs pendant de longues périodes dans un État donné; leur présence n’y est pas moins du ressort du droit international pour autant. Comme toute autre arme, depuis les armes de poing jusqu’aux missiles nucléaires, les terroristes sont conservés dans l’arsenal en prévision de toute éventualité. On devrait les considérer à ce titre comme des armes actives et, du fait de leur caractère illicite intrinsèque, le simple fait pour un gouvernement de les préserver est une violation continue du droit international.

 

W. Michael Reisman, « International Legal Responses to Terrorism » (1999) 22 Hous. J. Int’l L. 3, p. 41

 

[26]      Même si je devais donner au paragraphe 34(1) une interprétation étroite et tenant compte du facteur temps (ce que je ne fais pas), je désirerais faire remarquer qu’il se peut que la question des aspects temporels du paragraphe 34(1) ne soit pas directement pertinente eu égard à la situation particulière de M. Al Yamani. Le dossier permet, en effet, de constater la corrélation entre les périodes où, selon ses propres dires, M. Al Yamani était membre du FPLP et les périodes où cette organisation s’est livrée à des actes terroristes. En juin 1989, par exemple, le FPLP a kidnappé un travailleur humanitaire américain; on peut assurément qualifier de terroriste un tel acte. Or, M. Al Yamani a admis avoir été membre du FPLP à l’époque.

 

[27]      M. Al Yamani soutient en outre que la Commission a commis une erreur révisable en ne mentionnant pas clairement quelle définition du « terrorisme » elle appliquait (Ali c. M.C.I., 2004 CF 1174, [2004] A.C.F. n° 1416, au paragraphe 63 (C.F.)). L’examen des motifs de la Commission révèle toutefois qu’aucune pareille erreur n’a été commise.

 

[28]      Dans ses motifs, la Commission a cité la définition donnée au terrorisme par la Cour suprême du Canada dans Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’immigration) [2002] 1 R.C.S. 3. La Commission a déclaré ce qui suit (paragraphe 31) :

 

Le paragraphe 98 de l’arrêt Suresh (Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) [2002] 1 CSC 3) présente une définition du terrorisme, laquelle a été reprise dans nombre de décisions subséquentes de nature similaire. La Cour a indiqué ce qui suit :

 

98. À notre avis, on peut conclure sans risque d’erreur, suivant la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme, que le terme « terrorisme » employé à l’art. 19 de la Loi inclut tout « acte destiné à tuer ou blesser grièvement un civil, ou toute autre personne qui ne participe pas directement aux hostilités dans une situation de conflit armé, lorsque, par sa nature ou son contexte, cet acte vise à intimider une population ou à contraindre un gouvernement ou une organisation internationale à accomplir ou à s’abstenir d’accomplir un acte quelconque ». Cette définition traduit bien ce que l’on entend essentiellement par « terrorisme » à l’échelle internationale […].

 

[29]      La Commission a poursuivi en appliquant cette définition aux actes décrits dans la preuve documentaire. Dans la décision Ali, précitée, que M. Al Yamani fait valoir au soutien de son argument, la situation était tout autre. Dans cette dernière affaire, la juge Anne MacTavish a conclu que « rien n’indique, ni dans les notes de l’agente ni dans sa lettre, ce qu’elle veut dire lorsqu’elle affirme que M. Ali est membre d’une organisation qui se livre au « terrorisme », puisqu’il est impossible de découvrir comment l’agente définit ce terme ». La Commission a clairement énoncé dans ses motifs la définition du « terrorisme » qu’elle appliquait, puis elle a examiné les actes allégués de terrorisme au regard de cette norme. Par conséquent, aucune erreur n’a été commise.

 

[30]      M. Al Yamani soutient en outre que la conclusion de la Commission selon laquelle le FPLP était une organisation terroriste ne tient pas compte de la preuve. La décision devrait être annulée, selon lui, vu le caractère insuffisant de la preuve étayant la conclusion que le FPLP s’est livré à des actes de terrorisme. Il cite à cet égard la décision Fuentes c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’immigration), [2003] A.C.F. n° 540 (C.F.), dans laquelle le juge François Lemieux a déclaré (au paragraphe 69) : « Cette preuve ne dit rien sur le qui, le quoi, le quand, le où et le comment, éléments qui sont nécessaires si l’on veut évaluer convenablement la preuve du ministre par rapport à la norme établie ».

 

[31]      La Commission était saisie d’une volumineuse preuve documentaire, à laquelle elle a fait référence pour bonne part dans ses motifs de décision. En regard des actes terroristes, la Commission a fait état des éléments suivants :

 

  • un attentat à la bombe perpétré dans un magasin de détail de la chaîne Marks and Spencer à Londres;

 

  • plusieurs détournements d’avions commis entre le moment où le groupe a été fondé et la date à laquelle [M. Al Yamani] a « rejoint les rangs » du cercle d’études en 1972;

 

  • l’assaut donné en 1972 par le FPLP et une faction de l’Armée rouge à l’aéroport de Lod, en Israël, qui a causé la mort d’environ 24 personnes;

 

  • le détournement, en juillet 1973, d’un avion de ligne japonais;

 

  • une attaque à la grenade dans un cinéma de Tel Aviv, en décembre 1974, où trois personnes ont été tuées et plus de 50 blessées;

 

  • des attaques visant des autobus en Israël en 1984 et en 1985;

 

  • l’enlèvement d’un travailleur humanitaire américain en 1989;

 

  • des attentats à la voiture piégée et des attentats suicides à la bombe depuis 1999.

 

[32]      La Commission a reconnu que les activités du FPLP-GC (Commandement général), un groupe qui s’est dissocié du FPLP en 1973 sous la direction de Wadi Haddad, ne devaient pas être imputées à la faction du FPLP avec laquelle M. Al Yamani a eu des liens.

 

[33]      Au terme de son analyse, la Commission a déclaré ce qui suit :

 

La preuve documentaire corrobore l’affirmation selon laquelle le FPLP se livre à l’occasion à des activités généralement associées au terrorisme telles que des détournements d’avion, des fusillades et des attentats suicides à la bombe. Ces actes de violence visent non seulement des militaires, mais également des civils. Il faut dire que le FPLP est inscrit sur la liste des organisations terroristes, conformément aux dispositions de la loi antiterrorisme canadienne en vigueur.

 

[34]      Compte tenu de la preuve dont la Commission était saisie, il est difficile d’imaginer comme celle-ci aurait pu tirer une conclusion différente quant à la nature de l’organisation. Selon M. Al Yamani, il n’y a eu aucune preuve démontrant que les activités menées visaient des civils. Il soutient que le FPLP mène sa lutte en vue de l’autodétermination des Palestiniens et qu’à ce titre, les cibles militaires visées échappent à la définition du terrorisme. Même si on interprétait la situation libéralement de manière à concevoir que le FPLP puisse viser des autobus en Israël en raison de la présence possible de soldats (ce que je ne puis d’ailleurs admettre au vu du dossier), l’argument de M. Al Yamani est tout simplement absurde en regard de l’enlèvement d’un travailleur humanitaire, de l’attentat à la bombe perpétré dans un grand magasin à Londres ou encore du détournement de nombreux avions civils.

 

[35]      Selon M. Al Yamani, comme je l’ai dit, la Commission n’a pas satisfait au critère énoncé dans la décision Fuentes, précitée, lui imposant, à l’égard de chaque acte allégué, d’analyser « le qui, le quoi, le quand, le où et le comment ». Ce qui cloche selon moi dans l’argumentation de M. Al Yamani, c’est le défaut de ce dernier d’interpréter les remarques du juge Lemieux en tenant compte du contexte de la décision en cause. Il m’apparaît à la lecture de la décision, en effet, que la preuve présentée à l’arbitre était dans ce cas franchement inadéquate. L’arbitre a fait une fois état, par exemple, du décès de civils, alors que la preuve documentaire fait voir que les victimes en question étaient plutôt des membres des forces de sécurité. L’arbitre a d’ailleurs elle-même reconnu à un moment donné que l’information était « lacunaire dans son contenu et dans son niveau de détail ». Par contraste, la preuve documentaire présentée à la Commission était relativement détaillée en l’espèce, et vient étayer, selon moi, la conclusion de la Commission. La preuve n’avait pas non plus un caractère vague. En outre, nombre des incidents décrits par la Commission entreraient assurément, en tant qu’attaques visant des civils, dans le cadre de la définition donnée au terrorisme dans l’arrêt Suresh. Vu la notoriété des incidents et le caractère manifestement civil de la plupart des cibles visées – par exemple, le détournement d’avions de Pan-Am, TWA, Swissair et BOAC au début de septembre 1979 –, « le qui, le quoi, le quand, le où et le comment » requis sont clairement énoncés.

 

[36]      Je partage l’avis de M. Al Yamani selon lequel la Commission a pu commettre une erreur en incluant parmi les actes terroristes l’assaut donné à l’aéroport de Lod, en Israël, en 1972. D’après la preuve documentaire, en effet, cet assaut et d’autres actions menées de concert avec une faction de l’Armée rouge japonaise sont l’œuvre du FPLP-GC. Comme je l’ai déjà dit, la Commission a reconnu que les activités de cette dernière faction, après qu’elle s’est dissociée du FPLP, ne devraient pas être imputées à celui-ci. Quoi qu’il en soit, même si je devais exclure cet événement de la liste des activités terroristes perpétrées, cela ne modifierait pas la preuve globale présentée à la Commission. Si erreur il y a, elle ne suffit pas pour faire annuler la décision.

 

[37]      En résumé, la décision de la Commission portant qu’il y avait des motifs raisonnables de croire que le FPLP s’était livré au terrorisme se fondait sur l’application de la définition du terrorisme énoncée dans l’arrêt Suresh et sur une évaluation convenable de preuve dont elle était saisie. La seule erreur possible, liée au FPLP-GC, ne rend pas la décision indéfendable en son entier. La conclusion de la Commission quant à la nature du FPLP était raisonnable.

 

  1. Conclusion

[38]      Pour conclure, la Commission a jugé que M. Al Yamani « est interdit de territoire pour raison de sécurité puisqu’il est membre d’une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle se livre ou s’est livrée à des actes de terrorisme ». Après examen de la décision ainsi que du dossier présenté à la Commission, je suis convaincue pour ma part que la décision de la Commission résiste à un examen assez poussé et qu’elle ne doit pas être infirmée.

 

Analyse des questions liées à la Charte

  1. Quelle est la norme de contrôle applicable?

[39]      La Commission a examiné et rejeté les arguments de M. Al Yamani selon lesquels on avait enfreint les droits que lui confèrent les articles 2 et 15 de la Charte. Selon M. Al Yamani, la Commission a tiré ses conclusions de manière erronée. Les parties conviennent à cet égard que la norme applicable aux conclusions de la Commission liées à la Charte est celle de la décision correcte.

 

  1. Les dispositions pertinentes de la Charte

[40]      M. Al Yamani soutient que l’application de l’alinéa 34(1)f) de la LIPR enfreint les droits que lui confèrent tant l’article 2 que l’article 15 de la Charte, reproduits ci-après.

 

2. Chacun a les libertés fondamentales suivantes :

2. Everyone has the following fundamental freedoms:

 

a) liberté de conscience et de religion;

a) freedom of conscience and religion;

 

b) liberté de pensée, de croyance, d’opinion et d’expression, y compris la liberté de la presse et des autres moyens de communication;

b) freedom of thought, belief, opinion and expression, including freedom of the press and other media of communication;

 

c) liberté de réunion pacifique;

c) freedom of peaceful assembly; and

 

d) liberté d’association.

d) freedom of association.

 

15. (1) La loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l’âge ou les déficiences mentales ou physiques.

  15. (1) Every individual is equal before and under the law and has the right to the equal protection and equal benefit of the law without discrimination and, in particular, without discrimination based on race, national or ethnic origin, colour, religion, sex, age or mental or physical disability.

 

(2) Le paragraphe (1) n’a pas pour effet d’interdire les lois, programmes ou activités destinés à améliorer la situation d’individus ou de groupes défavorisés, notamment du fait de leur race, de leur origine nationale ou ethnique, de leur couleur, de leur religion, de leur sexe, de leur âge ou de leurs déficiences mentales ou physiques.

(2) Subsection (1) does not preclude any law, program or activity that has as its object the amelioration of conditions of disadvantaged individuals or groups including those that are disadvantaged because of race, national or ethnic origin, colour, religion, sex, age or mental or physical disability.

 

 

  1. L’alinéa 34(1)f) de la LIPR enfreint-il l’article 2 de la Charte?

[41]      M. Al Yamani a soutenu avec assurance devant moi (et devant la Commission semble-t-il) que ses activités au sein du FPLP étaient nécessaires afin qu’il puisse exprimer ses opinions politiques et soutenir la cause de l’autodétermination de la Palestine. On a consacré beaucoup de temps pendant l’argumentation à décrire le rôle joué par l’OLP au Moyen-Orient. M. Al Yamani décrit l’OLP comme une organisation légitime, reconnue par le gouvernement canadien à titre de représentant du peuple palestinien. Il existe au sein de l’OLP diverses organisations secondaires, dont le FPLP. M. Al Yamani assimile l’OLP à notre Parlement et compare ces organisations secondaires, y compris le FPLP, à nos partis politiques. On ne peut prendre part aux activités de l’OLP (le Parlement palestinien), selon M. Al Yamani, qu’en étant membre d’un groupe tel que le FPLP (un parti politique palestinien). M. Al Yamani ajoute que le droit à l’autodétermination jouit d’une protection internationale, et qu’on reconnaît internationalement le droit d’appartenir à une organisation qui promeut une telle autodétermination, même lorsqu’une ou plusieurs des organisations secondaires chapeautées par cette organisation pourraient être qualifiées de « terroristes ». Selon M. Al Yamani, le libellé de l’alinéa 34(1)f) est de portée trop générale, puisque serait par exemple visé un employé de bureau travaillant dans une clinique médicale prise en charge par le FPLP. M. Al Yamani soutient, pour résumer, que l’alinéa 34(1)f) enfreint sa « liberté de pensée, de croyance, d’opinion et d’expression » garantie par l’article 2 de la Charte.

 

[42]      Le premier reproche d’ordre général que je ferais à l’argumentation de M. Al Yamani, c’est que celui-ci tente de se qualifier désormais de membre de l’OLP. Or, on lui applique l’alinéa 34(1)f) du fait de son appartenance au FPLP, une organisation qui est jugée être terroriste – selon la décision de la Commission et, de manière plus générale, par le gouvernement du Canada. La Commission a fait remarquer ce qui suit à ce sujet (au paragraphe 43) :

M. Al Yamani n’a pas fait, et ne fait pas, l’objet des procédures actuelles en matière d’immigration parce qu’il est un Palestinien qui s’est livré à des activités de nature politique. S’il fait l’objet des procédures actuelles, ce n’est ni en raison de tout lien qu’il pourrait entretenir avec l’OLP, ni en raison de son soutien à la cause palestinienne, mais bien parce qu’il a participé et adhéré à une organisation (le FPLP) qui s’est livrée à des activités terroristes.

 

Par conséquent, lorsqu’on apprécie le bien-fondé des arguments de M. Al Yamani fondés sur la Charte, on doit adopter comme prémisse que M. Al Yamani est membre du FPLP.

 

[43]      Selon moi, la question posée par M. Al Yamani cadre parfaitement avec celle dont la Cour suprême du Canada était saisie dans Suresh. Dans cette affaire, la Cour suprême s’est penchée sur la question de l’expulsion de M. Suresh, qui était membre des Tigres libérateurs de l’Eelam Tamoul (les TLET) et recueillait des fonds pour cette organisation, à qui on imputait des actes de terrorisme au Sri Lanka. Les dispositions concernées de l’ancienne Loi sur l’immigration et les questions soumises à la Cour suprême étaient essentiellement les mêmes que celles en cause en l’espèce. La Cour suprême a résumé comme suit (au paragraphe 100) les arguments que lui a présentés M. Suresh :

M. Suresh soutient que l’attestation délivrée par la ministre en vertu de l’art. 40.1 de la Loi sur l’immigration et l’ordonnance déclarant qu’il constitue un danger pour la sécurité du Canada au sens de l’al. 53(1)b) parce qu’il est membre des LTTE restreignent le droit à la liberté d’expression et à la liberté d’association que lui garantit la Charte et que cette restriction ne saurait se justifier. Il fait valoir qu’il ne s’est livré en fait à aucune activité terroriste au Canada, mais qu’il a seulement recueilli des fonds et appuyé des activités qui pourraient, jusqu’à un certain point, soutenir les Tamouls dans le contexte de la guerre civile qui fait rage au Sri Lanka. Il ajoute que l’appartenance à une organisation de ce genre ne constitue pas une infraction criminelle et que le gouvernement veut l’expulser pour quelque chose que tout citoyen canadien peut faire légalement sans encourir de sanction. Il soutient que le motif d’expulsion fondé sur la seule appartenance à une organisation qui s’est livrée ou qui se livrera à des actes de terrorisme restreint indûment la liberté des réfugiés au sens de la Convention d’exprimer leur point de vue sur des mouvements dissidents à l’étranger, de même que leur liberté de s’associer au Canada à d’autres personnes ayant les mêmes origines. Il fait observer que les prétendues organisations terroristes dont il aurait été membre participent à de nombreuses entreprises bénéfiques visant à améliorer le sort de personnes habitant le Canada et ne prennent part à aucun acte de violence dans notre pays.

 

[44]      La Cour suprême a totalement rejeté ces arguments et conclu qu’il n’y avait pas eu atteinte aux droits garantis à M. Suresh par l’article 2 de la Charte. Les motifs en sont énoncés par la Cour suprême aux paragraphes 107 à 111 de l’arrêt :

 

107.     Il est bien établi que l’art. 2 de la Charte ne protège pas les formes d’expression ou d’association violentes : Keegstra, précité. Certes, notre Cour a donné une interprétation large de la liberté d’expression, en étendant sa portée, par exemple, aux messages haineux et peut‑être même aux menaces de violence : Keegstra, précité; R. c. Zundel, [1992] 2 R.C.S. 731. Parallèlement, la Cour a clairement indiqué que la restriction touchant cette forme d’expression peut se justifier au regard de l’article premier de la Charte : voir Keegstra, précité, p. 732-733. L’effet combiné de l’al. 2b) et de l’analyse de la justification au regard de l’article premier de la Charte laisse croire qu’une forme d’expression violente ou terroriste ou contribuant à la violence ou au terrorisme ne bénéficiera vraisemblablement pas de la protection des garanties prévues par la Charte.

 

108.     Le pouvoir discrétionnaire de la ministre d’expulser une personne en vertu de l’art. 53 de la Loi sur l’immigration se limite, peu importe l’interprétation donnée à cette disposition, aux personnes qui ont commis des actes de terrorisme ou sont membres d’organisations terroristes et qui menacent la sécurité du Canada. Les personnes associées au terrorisme ou aux organisations terroristes — l’aspect central du débat — sont, selon la conception du terrorisme proposée plus tôt, des personnes qui sont ou ont été associées à des éléments dirigés vers la violence, voire associées à la violence même. Par conséquent, si la ministre exerce son pouvoir discrétionnaire en conformité avec la Loi, il n’y aura pas manquement à l’al. 2b) ou 2d) de la Charte.

 

109.     M. Suresh affirme que l’art. 19 est rédigé en termes tellement larges qu’il pourrait englober les personnes qui sont membres d’une organisation terroriste ou participent à ses activités sans savoir que celle‑ci se livre au terrorisme. Il souligne que beaucoup d’organisations auxquelles on reproche de soutenir le terrorisme appuient également l’aide humanitaire tant au Canada qu’à l’étranger. En fait, il fait valoir que c’est le cas des LTTE, l’association à laquelle on lui reproche d’appartenir. Bien qu’il semble ressortir clairement de la preuve que M. Suresh était au courant des activités terroristes des LTTE, il soutient qu’il pourrait en être autrement d’autres personnes qui en étaient membres ou participaient à ses activités. Ainsi, sans prôner sciemment le terrorisme et la violence, elles peuvent être considérées comme faisant partie de l’organisation et, partant, être susceptibles d’expulsion. Selon lui, ce résultat contreviendrait nettement aux al. 2b) et 2d) de la Charte.

 

110.     Nous croyons que le législateur n’avait pas l’intention d’inclure dans la catégorie de personnes suspectes décrite à l’art. 19 celles qui, en toute innocence, apportent une contribution à des organisations terroristes ou en deviennent membres. Cette interprétation trouve appui dans la disposition édictée à la fin de l’art. 19, qui exclut des catégories décrites à l’art. 19 les personnes qui « convainquent le ministre que leur admission ne serait nullement préjudiciable à l'intérêt national ». L’article 19 doit donc être considéré comme ayant pour effet de permettre à un réfugié de prouver que le fait qu’il continue de résider au Canada ne sera pas préjudiciable au Canada, malgré la preuve qu’il est associé à une organisation terroriste ou qu’il en est membre. Un réfugié peut ainsi établir que l’association avec le groupe terroriste qu’on lui reproche avait un caractère innocent. En pareil cas, la ministre exercerait son pouvoir discrétionnaire en conformité avec la Constitution en concluant que le réfugié n’appartient pas à la catégorie — visée à l’art. 19 — de personnes susceptibles d’expulsion pour des raisons de sécurité nationale.

 

111.     L’appelant n’a donc pas établi que le renvoi à l’art. 19 dans l’art. 53 porte atteinte de façon injustifiable au droit à la liberté d’expression et à la liberté d’association que lui garantit la Charte. De plus, en l’absence de manquement à l’art. 2, rien ne permet à la Cour d’intervenir relativement à l’attestation délivrée en vertu de l’art. 40.1 en octobre 1995.

 

[45]      Malgré les efforts déployés par M. Al Yamani, rien ne permet selon moi de distinguer les faits d’espèce de ceux en cause dans l’affaire Suresh. Ainsi par exemple, les activités de M. Suresh au sein de l’organisation dont il était membre étaient, comme celles de M. Al Yamani, de nature administrative plutôt que liées directement à des actes terroristes. M. Suresh soutenait que son organisation exerçait des activités humanitaires outre les prétendues activités terroristes qu’on lui imputait, et M. Al Yamani a soutenu la même chose. Et tout comme les LTTE, on a décrit le FPLP comme ayant de multiples facettes. Dans l’arrêt Suresh, enfin, la Cour suprême a déclaré qu’un demandeur peut faire valoir que son association avec une organisation terroriste est innocente pour obtenir une dispense du ministre. De même façon, une telle dispense ministérielle peut être obtenue par M. Al Yamani en vertu du paragraphe 34(2) de la LIPR.

 

[46]      Ainsi, la décision tirée par la Commission est conforme aux conclusions auxquelles la Cour suprême en est arrivée dans l’arrêt Suresh et elle est étayée par la preuve. C’est à juste titre, à mon avis, que la Commission a conclu que les dispositions de l’alinéa 34(1)f) de la LIPR ne contreviennent en rien aux droits de M. Al Yamani garantis par l’article 2 de la Charte.

 

  1. L’alinéa 34(1)f) de la LIPR enfreint-il l’article 15 de la Charte?

[47]      M. Al Yamani soutient en outre que l’alinéa 34(1)f) entraîne une discrimination interdite au paragraphe 15(1) de la Charte. Selon lui, en effet, l’alinéa 34(1)f) interdit des associations et des activités qui sont licites pour les citoyens canadiens et illicites pour les non-citoyens. M. Al Yamani fait valoir à cet égard que la non-citoyenneté constitue un « motif analogue » à ceux énoncés à l’article 15 de la Charte. Il soutient en outre qu’en tant que non-citoyen et Palestinien apatride, il est déjà défavorisé au sein de la société canadienne et que le traitement discriminatoire dont il fait l’objet en vertu de l’alinéa 34(1)f) fait en sorte qu’on lui réserve un traitement sensiblement différent de celui obtenu par les citoyens canadiens.

 

[48]      Selon moi, divers motifs font que le rejet par la Commission de ces arguments est justifié.

 

[49]      L’examen fondé sur le paragraphe 15(1) se fait en deux étapes (voir, par exemple, L’arrêt Law Society British Columbia c. Andrews, [1989] 1 R.C.S. 143; R. c. Turpin, [1989] 1 R.C.S. 1296). Le demandeur doit, premièrement, démontrer qu’on l’a privé de la « même protection » ou du « même bénéfice » de la loi par comparaison avec un tiers. Il doit, deuxièmement, démontrer que cette privation constitue de la discrimination. Pour faire la preuve d’une discrimination, à cette seconde étape, le demandeur doit démontrer que la privation repose sur l’un des motifs énumérés au paragraphe 15(1) ou un motif analogue et que l’inégalité de traitement se fonde sur l’attribution de caractéristiques personnelles ou de groupe présumées en fonction de stéréotypes.

 

[50]      Il semble que M. Al Yamani, en tant que non-citoyen, ne bénéficie pas d’un traitement égal devant la loi. On pourrait débattre, par conséquent, s’il satisfait aux exigences de la première étape de l’examen fondé sur l’article 15 de la Charte, comme l’article 34 ne s’applique pas aux citoyens canadiens. Je ferais toutefois remarquer, à cet égard, que la Charte reconnaît l’existence d’une distinction entre citoyens et non-citoyens du Canada. La Cour suprême a ainsi déclaré ce qui suit dans l’arrêt-clé Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) c. Chiarelli, [1992] A.C.S. n° 27 (paragraphe 32) :

 

[L’article] 6 de la Charte prévoit expressément un traitement différent à cet égard pour les citoyens et les résidents permanents. Si les résidents permanents jouissent aux termes du par. 6(2) de certains droits à la liberté de circulation, seuls les citoyens se voient conférer au par. 6(1) le droit de demeurer au Canada, d'y entrer ou d'en sortir. Ne constitue donc pas une discrimination interdite par l'art. 15 un régime d'expulsion qui s'applique aux résidents permanents, mais non aux citoyens. [Non souligné dans l’original.]

 

[51]      Même si je devais conclure que M. Al Yamani a démontré qu’on l’avait privé d’un traitement égal, l’élément clé quant à la seconde étape de l’examen est la nature de l’appartenance de M. Al Yamani au FPLP. Cette appartenance constitue-t-elle, directement ou par analogie, un intérêt protégé par l’article 15? Si l’on répond par la négative à cette question, l’article 15 ne s’applique pas.

 

[52]      À mon avis, on ne peut établir aucune analogie entre les motifs de discrimination énumérés au paragraphe 15(1) et l’appartenance à une organisation terroriste. Comme je l’ai dit, la présente affaire ne met pas en cause l’appartenance à l’organe directeur qu’est l’OLP, mais bien plutôt l’appartenance à une organisation terroriste.

 

[53]      On ne peut qualifier de condition immuable, comme le sont la race ou le sexe, l’appartenance au FPLP (Eaton c. Conseil scolaire du comté de Brant, [1997] 1 R.C.S. 241; Miron c. Trudel, [1995] 2 R.C.S. 418). L’existence de M. Al Yamani en tant que Palestinien est, je veux bien l’admettre, une constante. On ne peut toutefois pas en dire autant de son appartenance volontaire au FPLP. Le dossier révèle à cet égard que M. Al Yamani interrompait ses activités au sein du FPLP lorsqu’il le jugeait à propos, et qu’il y a même mis un terme en 1992. La capacité de se joindre à un groupe ou de s’en retirer est de nature totalement incompatible avec les motifs – tant énumérés qu’analogues – de l’article 15. À ce titre, la prétention de M. Al Yamani selon laquelle le paragraphe 34(1)f) contrevient aux droits que lui garantit l’article 15 est sans fondement. Parmi les droits garantis par l’article 15, on ne trouve pas celui d’appartenir à une organisation terroriste.

 

[54]      Je ne suis pas en désaccord avec M. Al Yamani lorsqu’il dit que dans l’arrêt Andrews, précité, la Cour suprême a statué que la distinction établie en fonction de la citoyenneté constitue un motif analogue à ceux énumérés à l’article 15 de la Charte. La Cour suprême l’a confirmé dans l’arrêt Lavoie c. Canada, [2002] 1 R.C.S. 769. Ces deux arrêts ne sont toutefois d’aucune aide pour M. Al Yamani pour le simple motif que l’alinéa 34(1)f) n’a pas trait à la citoyenneté d’un individu. Il se rapporte plutôt au droit qu’a le Canada de refuser l’admission au Canada d’une personne membre d’une organisation qui est, a été ou sera l’auteur d’actes terroristes.

 

[55]      Dans l’arrêt Lavoie, en outre, les juges MacLachlin et l’Heureux-Dubé ont souligné (au paragraphe 2) qu’une « distinction est discriminatoire lorsqu’elle porte atteinte à la dignité humaine ». Bien qu’on ait conclu que la distinction discriminatoire fondée sur la citoyenneté portait atteinte à la dignité humaine, il est difficile de concevoir comment une discrimination à l’encontre d’un non-citoyen en raison de son association avec une organisation terroriste pourrait porter atteinte à sa dignité humaine. Comme l’a fait remarquer le défendeur, [traduction] « l’activité terroriste contrevient directement à l’objet même du paragraphe 15(1), qui est d’assurer la dignité de tous ».

 

[56]      Il n’est pas nécessaire de procéder plus avant à un examen fondé sur l’article 15 de la Charte. M. Al Yamani ne satisfait pas à une condition fondamentale pour que l’article 15 puisse s’appliquer, comme il n’a pas démontré que l’appartenance à une organisation terroriste constitue un droit garanti par l’article 15.

 

[57]      C’est ainsi à juste titre que la Commission a conclu que « les dispositions du paragraphe 34(1) de la LIPR ne contreviennent en rien aux droits de M. Al Yamani prévus à l’article 15 de la Charte ».

 

Motifs suffisants

[58]      De l’avis de M. Al Yamani, la Commission a manqué à son obligation d’équité en ne traitant pas dans ses motifs des questions dont elle était saisie. M. Al Yamani soutient que la Commission a simplement repris les observations et la preuve des parties et énoncé sa conclusion, ce que la Cour d’appel fédérale a jugé être insuffisant dans Via Rail Canada Inc. c. Office des transports du Canada [2001] 2 C.F. 25, paragraphe 22, 193 D.L. R. (4th) 357. M. Al Yamani soutient plus particulièrement que la Commission a) ne s’est pas penchée sur la question de [traduction] « la qualité de la preuve soumise quant aux actes du FPLP », b) [traduction] « tout en ne mettant pas en cause sa crédibilité, a conclu qu’il était membre du FPLP alors qu’il avait affirmé le contraire dans son témoignage », et c) n’a pas abordé les questions complexes soulevées en regard de la Charte.

 

[59]      Il ne fait aucun doute que la Commission a l’obligation d’énoncer des motifs suffisants. En l’espèce, toutefois, je suis convaincue que les motifs fournis répondaient aux exigences quant au caractère suffisant. Les motifs de la Commission – qui s’étendent sur 25 pages – sont exhaustifs et détaillés. Après examen de ces motifs, je ne suis pas convaincue qu’ils consistent en une simple récitation des observations et de la preuve suivie de l’énoncé d’une conclusion, comme c’était le cas dans l’arrêt Via Rail, précité. La Commission a plutôt procédé à l’analyse approfondie des arguments qui lui avaient été présentés. Il ressort aussi très clairement des motifs quel est le fondement pour tirer la conclusion d’interdiction de territoire, et les motifs suffisent pour permettre le contrôle de la légalité de la décision. Cela vaut tant pour les arguments sur le fond de l’affaire que ceux qui se fondent sur la Charte.

 

[60]      Pour ce qui est des sujets de plainte plus spécifiques de M. Al Yamani, je suis convaincue tout d’abord que la Commission s’est bel et bien penchée sur la question de [traduction] « la qualité de la preuve ». Quant à l’argument de M. Al Yamani relatif à sa crédibilité et à son appartenance au FPLP, il fait abstraction de son aveu d’appartenance à cette organisation. Pour ce qui est finalement des analyses fondées sur l’article 2 et l’article 15, elles étaient on ne peut plus à-propos. La Commission a répondu aux arguments soulevés par M. Al Yamani en lien avec la Charte, quel que soit leur niveau de complexité, en appliquant des principes juridiques bien établis qu’elle a expliqués dans sa décision. En tout état de cause, la Cour révisant les conclusions liées à la Charte en fonction de la norme de la décision correcte, la question du caractère suffisant des motifs se révèle de moindre importance.

 

[61]      Les motifs pourraient toujours être « meilleurs ». En l’espèce, toutefois, les motifs satisfont aux conditions requises pour être jugés suffisantes. Il n’y a donc pas eu manquement à l’obligation d’équité.

 

Dispositif

[62]      Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

Questions certifiées

[63]      M. Al Yamani propose la certification de trois questions, la première étant celle-ci :

[traduction]

  1. [Aux fins de l’alinéa 34(1)f)], est-il requis par les principes d’interprétation législative que l’appartenance à une organisation se livrant au terrorisme corresponde dans le temps avec la participation réelle de l’organisation à des activités terroristes?

 

Cette question est problématique, en ce que la réponse à lui donner n’a pas d’effet déterminant dans la présente affaire. La Commission a mentionné dans ses motifs divers actes de terrorisme perpétrés par le FPLP à des périodes pendant lesquelles M. Al Yamani a admis avoir été membre de cette organisation. Ainsi, même si l’interprétation restrictive de l’alinéa 34(1)f) privilégiée par M. Al Yamani devait être retenue (une solution que je n’adopte pas), il ressort des faits d’espèce une correspondance dans le temps entre la participation du FPLP à des actes de terrorisme et l’appartenance de M. Al Yamani à cette organisation. Cette question ne sera donc pas certifiée.

 

[64]      Les deuxième et troisième questions proposées sont les suivantes :

[traduction]

  1. L’alinéa 34(1)f) de la LIPR contrevient-il à l’article 2 de la Charte dans le cas où l’organisation en cause est un membre à multiples facettes du représentant reconnu – un mouvement de libération nationale (MLN) – d’un peuple apatride, où l’intéressé n’a fait que s’exprimer au plan politique de manière non violente et où la seule façon possible de prendre part au MLN au plan politique, de manière structurée et non violente, est par l’intermédiaire d’un des partis politiques, y compris l’organisation concernée, qui en sont membres?

 

  1. L’alinéa 34(1)f) de la LIPR contrevient-il à l’article 15 de la Charte dans le cas où l’organisation en cause est un membre à multiples facettes du représentant reconnu – un mouvement de libération nationale (MLN) – d’un peuple apatride et où la seule façon possible de prendre part au MLN au plan politique, de manière structurée et non violente, comme en l’espèce, est par l’intermédiaire d’un des partis politiques, y compris l’organisation concernée, qui en sont membres?

 

[65]      Le premier problème posé par ces questions certifiées a trait à leurs prémisses. M. Al Yamani décrit le FPLP comme « un membre à multiples facettes du représentant reconnu [du peuple palestinien] » et un « parti politique ». Et il ajoute que l’appartenance à ce parti politique constitue la seule façon possible de prendre part aux activités du « représentant reconnu » (que je présume être l’OLP) du peuple palestinien. Cela pourrait être vrai ou ne pas l’être. Quoi qu’il en soit, M. Al Yamani lui-même, dans les questions ci-dessus qu’il propose, reconnaît l’existence d’autres « partis politiques » au sein de l’OLP. Or, l’on peut présumer qu’il est possible de participer et s’exprimer « au plan politique de manière non violente » par l’intermédiaire de l’une ou l’autre de ces organisations. L’alinéa 34(1)f) n’empêche donc pas M. Al Yamani de prendre part au MLN par l’entremise d’autres organisations, qui ne sont pas terroristes. M. Al Yamani n’a pas ailleurs présenté aucune preuve quant au fait que toutes les organisations chapeautées par l’OLP sont visées par la définition d’une « organisation terroriste ». Au plan des faits, par conséquent, les prémisses des questions proposées ne donnent pas nécessairement lieu aux atteintes alléguées aux droits garantis par la Charte.

 

[66]      Comme je l’ai dit, en outre, la Cour suprême a déjà répondu à ces questions dans les arrêts Suresh et Chiarelli, précités. Le désir qu’a M. Al Yamani (ou de manière plus exacte son avocate, quant à cet argument particulier) d’avoir une nouvelle occasion d’aborder la question tranchée par la Cour suprême dans l’arrêt Suresh ne constitue pas une raison valable de certifier la seconde question.

 

[67]      Par conséquent, ni l’un ni l’autre question liée à la Charte ne sera certifiée.


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE :

 

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

  1. Aucune question de portée générale n’est certifiée.

 

 

« Judith A. Snider »

___________________________

                        Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Alphonse Morissette, trad. a., LL.L

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-7289-05

 

INTITULÉ :                                       ISSAM AL YAMANI

                                                            c.

                                                            LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 31 OCTOBRE 2006

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LA JUGE SNIDER

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 1er DÉCEMBRE 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

 

Barbara Jackman                                  POUR LE DEMANDEUR

 

 

Donald A. MacIntosh / Jamie Todd      POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

Barbara Jackman                                  POUR LE DEMANDEUR

Avocate

Toronto (Ontario)

 

 

John H. Sims, c.r.                                 POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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