Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

 

Date :  20070126

Dossier :  IMM-2782-06

Référence :  2007 CF 66

Ottawa (Ontario), le 26 janvier 2007

En présence de Monsieur le juge Shore 

 

ENTRE :

SAMIR SOUICI

demandeur

et

 

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

INTRODUCTION

[1]               Une distinction étroite existe entre un refus basé sur une demande de résidence permanente pour considérations humanitaires et la détermination de l’Examen des risques avant le renvoi (ERAR).

.

[2]               Or, dans l’affaire Figurado c. Canada (Solliciteur général), 2005 CF 347, [2005] A.C.F. no 458 (QL), le juge Luc J. Martineau  rappelle ce qui suit :

[40]      ...l'ERAR est étroitement liée à la date de renvoi prévue et elle est effectuée juste avant l'exécution de la mesure.

 

[41]      Conformément à l'article 232 du RIPR, les demandeurs d'ERAR bénéficient d'un sursis de la mesure de renvoi. Le législateur voulait donc que l'ERAR soit complétée avant le renvoi des demandeurs pour faire face au risque qu'ils allèguent... [Notre mise en évidence.]

 

[3]               L’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) n’est pas en mesure de procéder à l’exécution du renvoi sans certains éléments préliminaires pour s’assurer que le risque de renvoi soit entièrement considéré :

L’ASFC traite un certain nombre de dossiers par semaine selon les capacités opérationnelles. Le dossier ... fait partie des dossiers qui seront traités dans les mois à venir.

 

(L’affidavit de l’Agent du gouvernement)

Il n’est donc  pas question de l’exécution de quelconque renvoi à ce stade-ci. (Selon les nécessités de la considération d’ERAR.)

 

NATURE DE LA PROCÉDURE JUDICIAIRE

[4]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire à l’encontre d’une décision d’une agente de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC), rendue le 24 avril 2006, refusant la demande de résidence permanente pour considérations humanitaires de la demanderesse (DRP en vertu de considérations humanitaires). Cette décision a été rendue en vertu du paragraphe 25(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (Loi).

 

FAITS 

[5]               Le demandeur, M. Samir Souici, âgé de 31 ans, allègue être citoyen de l’Algérie. Il entre au Canada le 19 mai 2001 et demande aussitôt le statut de réfugié. La Section du statut de la Commission de l’Immigration et du statut de réfugié rejette sa demande le 6 janvier 2003. De plus, la Cour fédérale rejette la demande de contrôle judiciaire présentée par M. Souici.

[6]               Le 13 novembre 2003, M. Souici fait une DRP en vertu de considérations humanitaires. Puisqu’il présente sa demande après le délai permis du 31 janvier 2003, il ne peut se prévaloir de la nouvelle procédure spéciale mise en place pour permettre, sous certaines conditions, à des individus s’étant vu refuser le statut de réfugié de déposer une demande de résidence permanente au Canada.  C’est donc à partir des procédures régulières de l’ « IP-5  Demande présentée par des immigrants au Canada pour des motifs d’ordre humanitaire » (Directives IP5) que la décision est prise.

 

[7]               Le 24 avril 2006, l’agente d’immigration conclue que les motifs humanitaires sont insuffisants pour justifier l’étude du dossier de M. Souici. En outre, elle détermine que le fait d’imposer à M. Souici un retour en Algérie pour déposer une demande de résidence n’entraîne pas de difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives pour ce dernier. Par conséquent, la Commission rejette sa demande.

 

DÉCISION CONTESTÉE

[8]               Monsieur Souici cherche à faire annuler une décision rendue en vertu du paragraphe 25 de la Loi.

 

[9]               Le paragraphe 25 de la Loi est une mesure d’exception discrétionnaire, tel que noté par le juge Frank Iacobucci dans l’arrêt Chieu c. Canada (Ministre de Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] 1 R.C.S. 84, [2002] CSC 3 :

[64]      ... la demande faite au ministre en vertu du par. 114(2) est essentiellement un plaidoyer auprès de l’exécutif en vue d’obtenir un traitement spécial qui n’est même pas explicitement envisagé par la Loi.

 

(Voir aussi : Legault c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 125, [2002] A.C.F. no 457 (QL), aux paragraphes 15 et 16)

 

[10]           En effet, l’obtention d’un visa d’immigrant à l’extérieur du Canada est une exigence du paragraphe 11(1) de la Loi et l’octroi d’une dispense en vertu du paragraphe 25 de la Loi demeure un processus exceptionnel.

 

[11]           En l’espèce, l’agente du CIC a considéré tous les motifs allégués par M. Souici, en a fait une analyse complète, et a conclu qu’il n’y a pas de motifs humanitaires justifiant de dispenser celui-ci de l’obligation statutaire de demander un visa d’immigrant avant de venir au Canada en vertu du paragraphe 11(1) de la Loi.

 

[12]           Le 24 avril 2006, l’agente du CIC rejette la DRP en vertu de considérations humanitaires de M. Souici, pour les motifs suivants :

a)   Les pièces d’identités fournies par M. Souici sont insatisfaisantes comme preuve de l’identité de ce dernier;

b)   Monsieur Souici n’a pas démontré être en mesure de subvenir à ses besoins sans avoir recours aux services sociaux. Il n’a pas d’emploi stable, bien qu’il travaille en vertu d’un contrat à terme. Il a eu recours aux prestations d’aide sociale ou à l’assurance-chômage depuis son entrée au Canada;

c)   Bien que le demandeur ait des amis au Canada, les autres membres de sa famille habitent à l’extérieur du Canada. Le demandeur est propriétaire d’une voiture, a son permis de conduire et a des bonnes habitudes de gestion financière, mais ces éléments ne sont pas déterminants dans l’obtention de la résidence permanente au Canada;

d)   La situation en Algérie a changé depuis l’arrivée de M. Souici au Canada en mai 2001. De plus, en ce qui a trait à la crainte de sa situation irrégulière relativement au service militaire, la preuve indique qu’il y a une possibilité d’obtenir une régularisation s’il en fait la demande. En outre, le demandeur n’a pas démontré qu’il peut encourir un risque pour sa vie ou sa sécurité s’il retourne en Algérie. L’État algérien a fait de grands progrès dans les dernières années, spécifiquement en ce qui a trait au groupe terroriste et aux opérations effectuées par les forces de sécurité, pour enrayer la violence et les abus. 

 

[13]           C’est ainsi que l’agente du CIC a conclu que d’imposer un retour en Algérie à M. Souici, afin que puisse être traitée sa DRP pour des considérations humanitaires, n’entraîneraient pas de difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives à ce dernier.

 

QUESTION EN LITIGE

 

[14]           L’agente du CIC a-t-elle commis une erreur susceptible de contrôle judiciaire en rejetant la demande de dispense de M. Souici ?

 

NORME DE CONTRÔLE

[15]           Il est bien établi qu’une demande de dispense est une mesure d’exception qui est de nature purement discrétionnaire. À ce titre, la norme de contrôle applicable aux demandes de dispense de visa est la norme de raisonnable simpliciter. Cette norme a été articulée par le juge Iacobucci dans Canada (Directeur des enquêtes et recherches, Loi sur la concurrence) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748, [1996] A.C.S. no 166 comme suit :

[...] Est déraisonnable la décision qui, dans l’ensemble, n’est étayée par aucun motif capable de résister à un examen assez poussé...

 

[...]

 

En conséquence, la cour qui contrôle une conclusion en regard de la norme de la décision raisonnable doit se demander s’il existe quelque motif étayant cette conclusion. Le défaut, s’il en est, pourrait découler de la preuve elle-même ou du raisonnement qui a été appliqué pour tirer les conclusions de cette preuve...

 

[16]           Cette même Cour a statué dans l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817; [1999] A.C.S. no 39, que le pouvoir discrétionnaire conféré à l’agent d’immigration devait être considéré avec une certaine déférence :

[51]      Comme je l'ai dit précédemment, la loi et le règlement délèguent un très large pouvoir discrétionnaire au ministre dans la décision d'accorder une dispense pour des raisons d'ordre humanitaire. Le règlement dit que "[l]e ministre est autorisé à accorder, pour des raisons d'ordre humanitaire, une dispense [...] ou à faciliter l'admission au Canada de toute autre manière". Ce langage témoigne de l'intention de laisser au ministre une grande latitude dans sa décision d'accorder ou non une demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire.

 

            [...]

[59]      Le deuxième facteur est l'expertise du décideur. En l'espèce, le décideur est le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration ou son représentant. Le fait que, officiellement, le décideur soit le ministre est un facteur militant en faveur de la retenue. Le ministre a une certaine expertise par rapport aux tribunaux en matière d'immigration, surtout en ce qui concerne les dispenses d'application des exigences habituelles.

 

[...]

 

[62]      Tous ces facteurs doivent être soupesés afin d'en arriver à la norme d'examen appropriée. Je conclus qu'on devrait faire preuve d'une retenue considérable envers les décisions d'agents d'immigration exerçant les pouvoirs conférés par la loi, compte tenu de la nature factuelle de l'analyse, de son rôle d'exception au sein du régime législatif, du fait que le décideur est le ministre, et de la large discrétion accordée par le libellé de la loi. Toutefois, l'absence de clause privative, la possibilité expressément prévue d'un contrôle judiciaire par la Cour fédérale, Section de première instance, et la Cour d'appel fédérale dans certaines circonstances, ainsi que la nature individuelle plutôt que polycentrique de la décision, tendent aussi à indiquer que la norme applicable ne devrait pas en être une d'aussi grande retenue que celle du caractère "manifestement déraisonnable". Je conclus, après avoir évalué tous ces facteurs, que la norme de contrôle appropriée est celle de la décision raisonnable simpliciter.

 

 

ANALYSE

 

[17]           La décision de l’agente du CIC est contestée par M. Souici sur la base des éléments suivants :

a)   L’agente du CIC a rendu une décision arbitraire et déraisonnable en ne tenant pas compte de plusieurs facteurs déterminants et en tirant des conclusions qui ne sont pas supportées par la preuve ;

b)   L’agente du CIC a fait une erreur déraisonnable en ne permettant pas au demandeur de faire des représentations sur l’ERAR comme la Loi le prévoit, ce qui a eu comme résultant qu’elle s’est basée sur des observations soumises par le demandeur en juin 2003 qui ne sont pas mise à jour pour soumettre sa décision.

 

I. L’identité du demandeur : les pièces d’identité fournies étaient effectivement insatisfaisantes

[18]           Premièrement, dans ses motifs, l’agente du CIC note d’emblée que les documents d’identité déposés par M. Souici au soutien de sa DRP en vertu de considérations humanitaires n’arborent pas de photographie pour le relier de façon concrète à ceux-ci. De même, l’agente souligne le fait que le demandeur n’a pas produit de document de voyage ni de passeport pour prouver son identité. Dans ce dernier cas surtout, elle souligne que M. Souici « n’a pas fourni de motif relativement au fait qu’il n’y a pas son propre passeport » alors qu’il « est arrivé au Canada muni d’un faux passeport ». (Motif de la décision, à la page 3, au paragraphe 1)

 

[19]           Or, en annexe à la lettre que CIC a transmise à M. Souici le 4 avril 2006 afin qu’il mette à jour sa DRP en vertu de considérations humanitaires déposée en 2003, celui-ci demande clairement au demandeur de fournir « une copie complète de votre passeport ou document de voyage valide et/ou expiré ».

 

[20]           L’agente du CIC n’a pas erré en considérant négativement le fait que le demandeur n’a pas présenté aucun document de voyage ou passeport au soutien de sa demande. Sur ce point, cette Cour, dans l’arrêt Élazi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 212 (QL), soutient :

[17]      J'en profite pour ajouter qu'il est tout à fait raisonnable pour la Section du Statut de donner une grande importance au passeport d'un demandeur ainsi qu'à son billet d'avion. Ces documents, à mon avis, sont des documents essentiels pour démontrer l'identité d'un demandeur [...]

 

 

[21]           Cette obligation de la part d’un demandeur est d’autant plus vraie sous l’article 25 de la Loi puisqu’une décision favorable sous cet article confère le statut de résidence permanente du Canada (non seulement le statut de réfugié), d’où l’importance du passeport aux fins d’identification.

 

[22]           À ce titre, M. Souici oppose l’obligation de fournir un passeport pour les raisons suivantes :

Tout d’abord, il faut souligner que le demandeur est revendicateur du statut de réfugié. Il a toujours prétendu et prétend toujours craindre les autorités algériennes à cause du service militaire qu’il n’a pas fait et parce qu’il avait obtenu une fausse carte de dispense.

 

Les demandeurs d’asile n’ont aucune obligation de se présenter aux autorités de leur pays pour obtenir un passeport surtout s’ils ont des problèmes avec l’autorité de leur pays. [Notre mise en évidence.]

 

(Dossier de la partie demanderesse, p. 114)

 

[23]           Or, justement, les motifs invoqués ici par M. Souici pour ne pas obtenir un passeport – notamment la question de la fausse carte de dispense du service militaire – sont précisément des éléments qui n’ont pas été jugés crédibles par la Section de la protection des réfugiés (et dont l’autorisation de contrôle judiciaire n’a pas été accordée par cette Cour). En effet, les motifs de la décision se lisent comme suit :

Que le demandeur retourne chez lui à Mauratia pour fermer et liquider son commerce le 4 avril 2000, selon son témoignage ou plutôt à la fin de l’année 2000, selon sa réponse à la question 18 de son FRP, prouve que sa crainte n’était pas à la hauteur de celle exigée par les articles 96 et 97 de la Loi, sans compter le fait qu’il y a dans les propos du demandeur une contradiction pourtant [sic] sur un point essentiel et majeur...

           

Quant aux menaces écrites qu’il dit avoir reçues en octobre 1999, à savoir deux lettres consécutives qui émanaient du GIA et qu’il aurait remis à la police sans avoir la prudence de s’en ménager au moins une copie pour son dossier personnel, le tribunal se dit étonner d’apprendre que celles-ci étaient dactylographiées en français et en arabe. Cette prétention du demandeur choque notre connaissance spécialisée qui nous enseigne que le GIA n’a pas se soucis [sic] pour les deux langues. Bien au contraire, l’utilisation du français répugne au GIA qui se fait un point d’honneur d’écrire strictement en langue arabe. Le GIA n’estampille pas non plus ses lettres de menaces avec un tampon humide bilingue : français et arabe. Que le GIA menace de brûler un commerce situé à moins de 900 mètres d’un poste de police nous apparaît plus téméraire qu’audacieux.

 

Quant au fait qu’il dit être dans une situation irrégulière, voire illégale, en Algérie en rapport avec le service militaire, puisque la carte militaire du 7 décembre 1994 qui lui accorde par décision une exemption, serait une fausse carte, ne tient pas. Le tribunal rejette ce moyen. Cette décision existe bel et bien en faveur du demandeur qui n’a produit aucune expertise établissant le caractère apocryphe de cette carte non plus que le demandeur n’a fait une démonstration des éléments qui viendraient établir qu’elle ne doit pas être considérée comme authentique. Nous estimons que ce document bénéficie d’une présomption d’authenticité qui n’a pas été renversée au moyen d’éléments de preuve pertinents et fiables. D’autre part, il nous est permis de croire, aux termes de la preuve documentaire déposée en instance, que le demandeur, né le 15 septembre 1974, serait admissible à l’obtention d’une dispense à l’égard du service national, du seul fait qu’il est âgé de plus de 27 ans.

 

(Motifs de la décision de la Commission, aux pages 2 et 3.)

 

[24]           Ainsi, M. Souici n’a pas de motifs suffisants pour expliquer les raisons pour lesquelles il n’a pas tenté d’obtenir un passeport. Par conséquent, l’agente du CIC n’a pas erré sur ce point.

 

[25]           Deuxièmement, le demandeur allègue avoir remis à CIC en 2004 certains documents pour établir son identité. Or, d’une part, le demandeur n’a pas jugé utile de consigner plusieurs desdits documents dans son dossier au soutien de sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire et d’autre part, il n’y a aucune indication quiconque que lesdits documents comportent quant à eux une photo pour prouver son identité.

 

[26]           À ce titre, cette Cour a reconnu à différentes reprises l’importance des documents d’identité avec photo en matière d’identité. Par exemple, dans l’affaire Mukharji c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 721, [2004] A.C.F. no 911 (QL), le juge Michel Beaudry s’exprime comme suit :

[23]      [...] j'estime qu'il n'était pas déraisonnable que la Commission conteste l'identité du demandeur et tire une conclusion négative en matière de crédibilité du fait que le demandeur ne possédait aucune pièce d'identité avec photo qui aurait permis de confirmer l'authenticité des autres pièces d'identité. La Cour a déjà confirmé que les titres de voyage sont pertinents afin d'établir l'identité d'une personne (voir Museghe c. Canada (MCI), 2001 CFPI 1117, [2001] A.C.F. no 1539 (1re inst.) (QL), aux paragraphes 19 à 22)

 

 

[27]           Ainsi,  l’insatisfaction exprimée par l’agente du CIC à l’égard des documents d’identité fournis par le demandeur est raisonnable.

 

[28]           Troisièmement, M. Souici fait valoir ce qui suit :

[...] C’est en recevant les motifs de la décision, que le demandeur a appris que l’agente Pelletier, qu’il n’a jamais vu, a mis en doute son identité et laisse entendre cette fois-ci qu’il est peut-être citoyen de la Tunisie car il y a résidé.

 

Il s’agit d’une hypothèse qui n’a aucun fondement. Elle écrit par la suite que ce doute sur l’identité est déterminant et qu’elle accorde un poids important à l’absence de passeport valide.

 

[...]

La décision sur ce point est déraisonnable car elle ne repose sur aucune preuve tangible et est pure spéculation. Si l’agente avait en main un document qui disait que le demandeur est tunisien ou marocain [sic], elle aurait dû confronter le demandeur à cette preuve.

 

(Dossier de la partie demanderesse, p. 115)

 

 

[29]           Or, nulle part dans les motifs de l’agente du CIC indique ou insinue que le demandeur est Tunisien ou même Marocain. Tout ce que constate l’agente dans ses motifs est le suivant :

[...] je note que le requérant n’a pas fourni de motif relativement au fait qu’il n’a pas son propre passeport. Pourtant, je note que le requérant a séjourné en Tunisie.

 

(Motifs de la décision du CIC, à la page 3.)

 

[30]           Ainsi, cet extrait démontre clairement que l’agente a considéré négativement le fait que le demandeur n’ait pas de passeport à présenter et n’offre aucune explication en ce sens alors qu’il a voyagé en dehors de l’Algérie, ce qui nécessitait vraisemblablement un passeport.

 

[31]           Bref, la mention par l’agente du CIC du séjour de M. Souici en Tunisie vient davantage exprimer un doute quant à l’absence de passeport en sa possession plutôt qu’une insinuation à l’effet qu’il serait Tunisien plutôt qu’Algérien.

 

[32]           De surcroît, la constatation de l’agente selon laquelle le demandeur a séjourné en Tunisie n’est pas une preuve extrinsèque puisqu’elle émane du formulaire IMM-5001 rempli le 12 avril 2006 par M. Souici, et ce, tel qu’il appert de la Pièce A retrouvée au dossier de la Cour.

 

[33]           En l’espèce, M. Souici n’a pas soulevé le fardeau de preuve pour établir son identité. Or, comme la juge Judith A. Snider souligne dans l’affaire Anaschenko c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1328, [2004] A.C.F. no 1602 (QL) :

[8]        Il est important d'affirmer qu'il incombe au demandeur de présenter une preuve quant à toute prétention sur laquelle la demande CH repose.

 

 

Par conséquent, l’insatisfaction exprimée par l’agente du CIC à l’égard des documents d’identité fournis par le demandeur est raisonnable. L’intervention de la Cour n’est donc pas justifiée sur ce point.

 

II. L’intégration du demandeur au Canada : l’intégration n’est pas un élément déterminant alors que M. Souici n’a pas établi l’existence de difficultés inhabituelles, injustes ou excessives

 

[34]           M. Souici se prête à une analyse exhaustive afin d’établir son intégration au Canada. À cet effet, il se lance sur une longue discussion au sujet de la période exacte où il a bénéficié de l’aide sociale et de l’assurance chômage au Canada, de la période où il a occupé différents emplois au Canada et de l’aspect temporaire ou permanent, occasionnel ou sur appel de cet emploi. De plus, le demandeur souligne qu’il a son permis de conduire, s’est acheté une automobile, et depuis cinq ans, mène une vie tranquille.

 

[35]           Avec égards, la Cour estime que l’argumentation de M. Souici s’éloigne du véritable débat que doit trancher cette Cour eu égard à la décision DRP en vertu de considérations humanitaires.

 

[36]           En l’espèce, l’agente du CIC a considéré tous les éléments se rapportant à l’intégration du demandeur, mais parvient à la conclusion que « ces éléments ne sont pas déterminants dans l’obtention de la résidence au Canada ».

 

[37]           À ce titre, dans l’affaire Kawtharani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 162, [2006] A.C.F. no 220 (QL), la Cour souligne ce qui suit :

[32]      Le degré d'établissement d'un demandeur n'a pas un effet déterminant sur une demande CH (Klais c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2004] A.C.F. no 965 (QL), 2004 CF 785, au paragraphe 11). Il s'agit seulement d'un des facteurs à évaluer. L'agent CH reconnaît effectivement que M. Kawtharani s'est établi dans une certaine mesure au Canada; cependant, cet établissement ne signifie pas qu'il existe automatiquement suffisamment de raisons d'ordre humanitaire pour accueillir la demande de M. Kawtharani. L'agent CH doit effectuer une évaluation complète de tous les facteurs pertinents avant de prendre une décision.

 

 

[38]           La possibilité de présenter une DRP en vertu de considérations humanitaires a pour but de prévoir un recours en cas de difficultés inhabituelles, injustes ou excessives, alors que l’intégration à la société canadienne n’est qu’un élément parmi d’autres. En effet, tel que décrit tout récemment  par le juge James Russell dans Davoudifar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 FC 316, [2006] A.C.F. no 431 (QL) :

[43]      Comme l'écrivait le juge Paul Rouleau dans la décision Nazim c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2005] A.C.F. no 159, 2005 CF 125, au paragraphe 15 :

 

La possibilité de présenter une demande fondée sur des considérations humanitaires a pour but de prévoir un recours en cas de difficultés inhabituelles, injustes ou excessives. Il ne s'agit pas de savoir si le demandeur apporterait ou apporte vraiment une contribution positive à la collectivité canadienne. En examinant s'il existe des considérations humanitaires, les agents d'immigration doivent déterminer s'il existe une situation particulière dans le pays d'origine de la personne et si un renvoi peut causer des difficultés indues. C'est au demandeur qu'il appartient de prouver à l'agent qu'il existe une situation particulière dans son pays et que sa situation personnelle eu égard à cette situation particulière justifie l'exercice favorable de son pouvoir discrétionnaire.

 

[44]      La décision de l'agente est largement tributaire des faits, et, comme l'agente est mieux placée que la Cour pour évaluer les faits portés à sa connaissance, l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire dans l'évaluation du dossier de la demanderesse appelle un niveau élevé de retenue de la part de la Cour. En l'espèce, bien que la situation de la demanderesse suscite la compassion, la décision de l'agente n'était pas déraisonnable et il m'est donc impossible de la modifier.

 

[39]           Cette décision fait donc écho aux propos antérieurs du juge Paul Rouleau dans l’affaire Chau c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 107, [2002] A.C.F. no 119 (QL) :

[19]      Ainsi que le juge Pelletier l'a déclaré dans le jugement Irimie, (IMM-427-00) au paragraphe 12, le fait qu'une personne quitte des amis, et peut-être des membres de la famille, un emploi ou une résidence, de même que les coûts ou les inconvénients que comporterait le fait de devoir retourner dans son pays d'origine de la manière habituelle ne suffit pas nécessairement pour constituer un préjudice et pour justifier une décision favorable au sujet des raisons humanitaires. Le poids à accorder à des facteurs ou à des indices d'attachement déterminés relève du pouvoir discrétionnaire du fonctionnaire compétent.

 

 

[40]           Ainsi, c’est avec raison que l’agente du CIC est parvenue à la conclusion que M. Souici ne rencontre pas le fardeau qui lui incombe. Comme le souligne le juge Russell dans Pashulya c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1275, [2004] A.C.F. no 1527 :

[43]      Un demandeur doit satisfaire à un critère élevé lorsqu'il demande d'être exempté de l'application du paragraphe 11(1) de la LIPR. La Cour a à maintes reprises affirmé que la raison d'être du processus CH était non pas d'éliminer les difficultés inhérentes au départ d'une personne qui a séjourné pendant un certain temps au pays, mais de dispenser de cette exigence le demandeur qui subirait des difficultés "inhabituelles, injustes ou excessives" s'il devait quitter le Canada pour présenter sa demande de l'étranger de la façon habituelle. Le fait que le demandeur doive vendre une maison ou une voiture ou quitter un emploi ou sa famille n'entraîne pas nécessairement des difficultés indues ou excessives; il s'agit plutôt d'une conséquence du risque pris par le demandeur en restant au Canada sans avoir un droit d'établissement (Irimie c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2000), 10 Imm. LR. (3d) 206, aux paragraphes 12, 17, 26 (C.F. 1re inst.); Mayburov c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2000), 183 F.T.R. 280, au paragraphe 7; Lee c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 7, au paragraphe 14).

 

 

            III. L’absence d’ERAR

 

1) L’agente du CIC n’a pas à soumettre le dossier à un agent ERAR puisqu’elle exerce elle-même cette fonction et M. Souici a eu toute la latitude pour faire état de son risque allégué dans sa DRP en vertu de considérations humanitaires

 

 

[41]           Afin de justifier son allégation selon laquelle l’agente du CIC a erré, M. Souici se base sur la décision Kawtharani, ci-dessus. Dans cette cause, la Cour s’est référé à l’affaire Babilly c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1469, [2004] A.C.F. no 1771, où le juge John A. O’Keefe conclue que l’agent évaluant les considérations humanitaires (agente CH) a erré en ne communiquant pas avec le demandeur afin de permettre à ce dernier de fournir des renseignements additionnels sur le risque de persécution et en ne déférant pas l’affaire à un agent ERAR pour l’évaluation du risque.

[42]           Or, les principes dégagés dans l’affaire Babilly, ci-dessus, ne reçoivent pas application en l’espèce. D’une part, dans les arrêts Kawtharani et Babilly, ci-dessus, il s’agit d’une décision strictement rendue par un agent CH, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. À ce titre, l’affidavit du Ministre énonce ce qui suit :

3.         J’ai lu les prétentions de la procureure du demandeur figurant aux pages 118 à 120 de son dossier déposé le 7 juin 2006 au soutien de sa Demande d’autorisation et Demande de contrôle judiciaire.

 

4.         Dans le présent dossier, le fait que l’agent Marjolaine Pelletier n’ait pas – avant le prononcé de sa décision finale en vertu de l’article 25 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR) – « déféré l’affaire à un agent ERAR pour évaluation du risque » (Kawtharani c. M.C.I., 2006 CF 162) s’explique par le fait qu’elle était nommée à titre d’agente ERAR du 23 janvier 2006 au 22 mai 2006, soit durant la période au cours de laquelle elle a rendu sa décision le 24 avril 2006 dans le dossier du demandeur.

 

5.         Par conséquent, durant cette période, il entrait dans les fonctions de l’agent Pelletier d’évaluer les risques avant renvoi des demandeurs dans le cadre de leur demandes de considérations humanitaires, et, de ce fait, sans avoir à envoyer la demande à un autre agent.

 

6.         En somme, le 24 avril 2006, l’agent Pelletier a rendu la décision sous l’article 25 de la LIPR en tant qu’agente ERAR.

 

[43]            En l’espèce, contrairement à l’affaire Kawtharani, l’agente du CIC peut procéder à l’évaluation du risque alléguée par M. Souici sans pour autant avoir à transmettre son dossier à un autre agent. Une intervention n’est donc pas justifiée sur ce point.

 

[44]           Ensuite, en ce qui a trait à la question du défaut de l’agente du CIC de permettre au demandeur de mettre à jour son dossier dans sa DRP en vertu de considérations humanitaires afin d’évaluer le risque de persécution de ce dernier s’il doit retourner dans son pays natal, encore ici, il faut distinguer la situation présente à celle exposée dans l’affaire Babilly, ci-dessus, où la Cour résume comme suit la décision de l’agent CH :

[9]        Le décideur CH n'était pas convaincu que le demandeur subirait un préjudice indu, disproportionné ou immérité s'il était obligé de présenter sa demande de résidence permanente à l'étranger, et ce pour les motifs suivants :

 

1.         Le demandeur pourrait certes subir une perte de revenu s'il devait quitter le Canada, mais le préjudice ne sera pas disproportionné;

2.         Le demandeur a invoqué sa crainte d'être emprisonné ou torturé s'il était forcé de retourner en Syrie, mais il n'a présenté aucune preuve pour étayer cette allégation;

3.         L'information soumise était insuffisante pour justifier le renvoi du dossier pour un examen des risques, aucun renseignement nouveau ou additionnel n'ayant été présenté depuis l'audience de la Section du statut de réfugié (SSR) et ni le demandeur ni son avocat n'ayant demandé un examen des risques.

 

[45]           Ainsi, dans l’affaire Babilly, ci-dessus, le juge O’Keefe donne gain de cause au demandeur qui plaide, à bon droit, ce qui suit :

[12]      Le demandeur prétend que le décideur CH a manqué à son devoir d'équité en ne lui envoyant pas une lettre pour lui demander de fournir plus de précisions sur le risque personnalisé et en ne suspendant pas le traitement de l'affaire pour lui donner l'occasion de fournir ces précisions. Le demandeur allègue que le décideur CH a été raisonnablement avisé de la question mais qu'il n'a pas tenu compte des exigences d'équité qu'imposent les manuels du défendeur en décidant unilatéralement de ne pas déférer le dossier pour examen des risques une fois la question soulevée. Le demandeur soutient le décideur CH a violé l'obligation d'équité procédurale qu'il a envers les personnes placées dans la situation du demandeur lorsqu'est soulevée une question susceptible d'avoir de graves répercussions sur elles.  

 

 

[46]           Ainsi, dans cette affaire, Babilly, ci-dessus, l’agent CH conclut que le demandeur n’a pas soumis une preuve suffisante du risque qu’il allègue dans sa DRP en vertu de considérations humanitaires qui a comme conséquence que ce dernier décide arbitrairement de ne pas soumettre l’évaluation du risque à un agent ERAR. Par conséquent, un manquement à l’équité procédurale en résulte.

 

[47]           Or, en l’espèce, l’agente du CIC ne conclut pas qu’il existe une insuffisance des informations fournies par le demandeur pour permettre de déférer son dossier pour un ERAR. Cette dernière procède plutôt à l’étude de ce risque dans l’exercice de ses fonctions comme agente ERAR.

 

[48]           De surcroît, l’allégation de M. Souici en ce qui concerne le prétendu refus de lui permettre de faire une mise à jour de son dossier dont le dépôt remonte à 2003, est fausse. En effet, une lettre provenant du CIC datée du 4 avril 2006, révèle que le CIC encourage le demandeur de déposer cette preuve :

La présente fait suite à votre demande de résidence permanente présentée au Canada en vertu de considérations humanitaires reçues le 13 novembre 2003...

 

            [...]

Nous procédons actuellement à l’étude de votre demande. Pour pouvoir rendre une décision relative à la dispense du visa de résidence permanente, une mise à jour de votre dossier est nécessaire.

 

Vous devez donc faire parvenir les renseignements/documents demandés sur la liste en annexe, si applicable, le ou avant le 19 avril 2006 (15 jours)

 

            [...]

 

[49]           L’annexe de la lettre en question énumère plus d’une quinzaine de documents qui se termine en exigeant au demandeur de fournir « tout autre document ou information que vous jugez pertinent pour l’étude de votre demande ».

 

[50]           En somme, l’agente du CIC n’a pas erré du fait qu’elle n’a pas communiqué avec M. Souici pour lui permettre de mettre à jour son dossier en ce qui a trait au risque qu’il allègue en cas de retour en Algérie. En effet, comme le souligne la juge Johanne Gauthier dans l’arrêt Melchor c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1327, [2004] A.C.F. no 1600 (QL), il incombe au demandeur de faire sa preuve et ce dernier a tout le loisir, dans le cadre d’une DRP en vertu de considérations humanitaires, de mettre à jour son dossier tout au long du processus avant le prononcé de la décision :

[7]        Dans leurs représentations écrites, les demandeurs ont soulevé de nombreuses questions mais, à l'audience, ils ont principalement mis l'accent sur les deux questions suivantes :

 

i) l'agente d'immigration a-t-elle contrevenu à son obligation d'agir équitablement en ne demandant pas des renseignements à jour malgré le fait que la demande datait déjà de quatorze mois lorsqu'elle a été examinée;

 

[...]

 

[13]      Il est bien établi en droit qu'il incombe aux demandeurs de fournir tous les documents nécessaires à l'appui de leur demande. À cet égard, ils peuvent fournir des renseignements supplémentaires à tout moment avant qu'une décision ne soit rendue.

 

[14]      Dans la décision Arumugam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] A.C.F. no 1360 (QL) (1re inst.), paragraphe 17, le juge McKay a affirmé ce qui suit :

 

Après l'entrevue de mars 1999, l'agente d'immigration n'a pas cherché d'information nouvelle ou plus récente sur le pays en s'adressant au demandeur ou à d'autres sources (sauf pour la décision concernant la qualité de DNRSRC) mais, à mon avis, elle n'avait pas l'obligation de le faire. En tout temps après l'entrevue et avant la décision, il était loisible au demandeur de présenter des informations complémentaires pertinentes de nature personnelle ou relatives à l'évolution de la situation au Sri Lanka. Il ne l'a pas fait. L'agente d'immigration a rendu une décision fondée sur la preuve qui était devant elle. Je ne puis être d'accord avec l'idée que la procédure n'était pas équitable ou que la décision était déraisonnable, alors que le demandeur n'a pris aucune initiative pour fournir de l'information additionnelle sur les conditions régnant dans le pays, conditions qui, à son avis, allaient se détériorant pendant l'année 1999. La responsabilité de l'agente d'immigration était d'examiner la demande d'admission fondée sur des considérations humanitaires en s'appuyant sur les éléments de preuve produits par le demandeur et sur tout élément de preuve contenu aux dossiers d'immigration du demandeur ou fourni par le ministre, et elle s'en est acquittée.

 

[15]      Je souscris entièrement à ces propos et je conclus que l'agente n'a commis aucune erreur en rendant sa décision sans demander de renseignements supplémentaires aux demandeurs.

 

[51]           Par conséquent, puisque les allégations de M. Souici sont identiques à celles soulevées dans les affaires Melchor et Arumugan, ci-dessus, l’intervention de la Cour n’est pas justifiée sur ce point.

 

2) Le dossier de M. Souici n’est pas encore au stade où il peut être considéré pour un ERAR et c’est pour cette raison qu’elle n’a pas été offerte

 

 

[52]           M. Souici allègue qu’il n’a pas fait le programme ERAR parce qu’il n’a pas été convoqué pour faire sa demande et il reproche de ce fait, la négligence de l’agente du CIC de ne pas avoir respecté la procédure en n’offrant pas au demandeur la possibilité de faire une demande ERAR ou de mettre à jour son dossier.

 

[53]           Or, dans l’affaire Figurado, ci-dessus, le juge Martineau  rappelle ce qui suit :

[40]      ...l'ERAR est étroitement liée à la date de renvoi prévue et elle est effectuée juste avant l'exécution de la mesure.

 

[41]      Conformément à l'article 232 du RIPR, les demandeurs d'ERAR bénéficient d'un sursis de la mesure de renvoi. Le législateur voulait donc que l'ERAR soit complétée avant le renvoi des demandeurs pour faire face au risque qu'ils allèguent...

 

[54]           Dans le présent cas, l’agente du CIC ne peut offrir d’ERAR au demandeur puisqu’à l’heure actuelle, l’ASFC n’est pas en mesure de procéder à l’exécution du renvoi de M. Souici. À ce titre, l’affidavit de l’agent Louis-Philippe Benson explique le suivant :

1.         Monsieur SOUICI fait l’objet d’une mesure de renvoi soit une mesure d’interdiction de séjour devenue mesure d’expulsion...

 

2.         Monsieur SOUICI est admissible au programme d’évaluation des risques avant renvoi (ERAR).

 

3.         L’ASFC n’a pas invité Monsieur SOUICI à pas déposer une demande ERAR car :

 

                  i)                Le processus de renvoi est composé de trois principales étapes : (1)La convocation pour obtention de documents de voyage (2)La convocation pour offrir la possibilité au sujet de présenter une demande ERAR (3)La convocation pour remise de la décision ERAR et les arrangements de voyage.

                  ii)               Afin de pouvoir offrir ERAR au sujet, soit l’étape 2, le sujet doit être prêt pour renvoi et donc doit présenter un document de voyage valide à l’ASFC ou l’ASFC doit avoir en sa possession une approbation de délivrance d’un tel document des autorités dont le sujet est ressortissant, en l’occurrence, l’Algérie.

                  iii)               Monsieur SOUICI n’a pas présenté un tel document.

iv)              L’ASFC traite un certain nombre de dossiers par semaine selon les capacités opérationnelles. Le dossier de Monsieur SOUICI fait partie des dossiers qui sont traités dans le futur.

v)               L’ASFC n’a pas entamé les procédures d’obtention d’un laissez-passer auprès du consulat algérien. Conséquemment, Monsieur SOUICI devra être convoqué pour l’étape 1 du processus.

 

4.         C’es pourquoi ERAR n’a  pas été offert à Monsieur SOUICI.

[...]

 

[55]           Tel qu’il appert des motifs de la décision de l’agente du CIC, les autorités canadiennes du CIC n’ont pas de passeport valide pour exécuter le renvoi vers l’Algérie et il n’est donc  pas question de l’exécution de quelconque renvoi à ce stade-ci.

 

[56]           Par conséquent, l’agente du CIC n’a pas erré et l’intervention de la Cour n’est pas justifiée dans le présent cas.

 

CONCLUSION

[57]           Compte tenu de ce qui précède, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.


 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que

1.         La demande de contrôle judiciaire soit rejetée;

2.         Aucune question grave de portée générale soit certifiée.

 

 

 

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2782-06

 

INTITULÉ :                                       SAMIR SOUICI c.

                                                            MINISTRE DE LA CITOYENNET

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 16 janvier 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT:                               LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                      le 26 janvier 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Éveline Fiset

 

POUR LE DEMANDEUR

Me Sylviane Roy

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

ÉVELINE FISET, Avocate

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.