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Date : 20061222

Dossier : DES-1-04

Référence : 2006 CF 1552

ENTRE :

THE OTTAWA CITIZEN GROUP INC.

et KATE JAIMET

et

LA SOCIÉTÉ RADIO-CANADA

demanderesses

et

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DE L’ONTARIO

et

ABDULLAH ALMALKI

défendeurs

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LE JUGE EN CHEF LUTFY

 

[1]        Le contexte de la présente demande formulée en vertu de l’article 38 de la Loi sur la preuve au Canada est exposé dans les motifs de l’ordonnance, rendue le 30 juillet 2004, qui ajournait sine die la présente procédure : Ottawa Citizen Group Inc. c. Canada (Procureur général), 2004 CF 1052. L’ajournement devait se poursuivre jusqu’à l’issue d’une requête visant à faire annuler ou modifier une ordonnance de confidentialité rendue en vertu de l’article 487.3 du Code criminel. La procédure devant les tribunaux de l’Ontario concernait les mêmes parties et les mêmes renseignements que ceux de la présente demande.

 

[2]        Les parties pertinentes des motifs de l’ordonnance expliquant l’ajournement sont notamment les suivantes :

1.                  En novembre 2003, The Ottawa Citizen Group Inc., l’une de ses journalistes, Mme Kate Jaimet, et la Société Radio-Canada (les demanderesses) déposaient devant la juge Célynne Dorval, de la Cour de justice de l’Ontario, une requête la priant d’annuler ou de modifier l’ordonnance de confidentialité qu’elle avait rendue le 21 janvier 2002 à l’égard des documents portant sur sept mandats de perquisition (les documents en cause). L’ordonnance de confidentialité et la requête en annulation ou en modification de ses modalités s’appuyaient sur l’article 487.3 du Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C‑46. […]

 

2.                  Plus tard en novembre, l’avocat du procureur général du Canada était informé que les documents en cause renfermaient des « renseignements potentiellement préjudiciables » ou des « renseignements sensibles » (ci-après les renseignements secrets), tel que définies dans l’article 38 de la Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. 1985, ch. C‑5. Les renseignements secrets sont, en termes généraux, des renseignements se rapportant aux relations internationales, à la défense nationale ou à la sécurité nationale. […]

 

3.                   En janvier 2004, alors que la requête présentée selon l’article 487.3 était encore examinée par la Cour de justice de l'Ontario, les demanderesses ont introduit la présente procédure de l’article 38 en vue d’obtenir une ordonnance autorisant la communication des documents en cause. […]

 

[…]

 

5.                  L’audience a débuté le 10 juin 2004. Après une étude plus approfondie des documents en cause ainsi que les exposés des faits et du droit présentés par les parties, la Cour a mis en doute la légitimité de continuer la procédure de l’article 38 alors que l’instance parallèle introduite devant la Cour de justice de l’Ontario n’avait pas été menée à terme. […]

 

6.                  À mon avis, la demande dont est saisie la Cour fédérale a été présentée prématurément. L’économie des ressources judiciaires et le dispositif institué par l’article 38 permettent d’affirmer que la procédure prévue par le Code criminel devrait être menée à son terme avant que la présente demande ne soit menée plus loin. Par conséquent, une ordonnance sera rendue qui ajournera sine die l’audition de la présente demande, et cela pour les motifs suivants.

 

[…]

 

15.       Le juge de chacune des juridictions aura la tâche de dire si la communication des mêmes documents en cause, appelés devant la Cour de justice de l’Ontario « documents déclarés confidentiels » et devant la Cour fédérale « renseignements secrets », risquerait de faire échouer ladite enquête ou de l’entraver.

 

[…]

 

18.       Encore une fois, la Cour de justice de l’Ontario dispose de tous les renseignements, sans aucune suppression. Quand les avocats ont évoqué l’application possible de l’article 38, la juge Dorval n’était pas expressément informée que le motif de sécurité nationale invoqué à l’appui de la non‑communication de l’ensemble des renseignements secrets consistait dans le risque d’avortement d’une ou de plusieurs enquêtes en cours. C’est regrettable. Elle n’était pas non plus informée qu’un second motif de sécurité nationale est invoqué pour quelques-uns seulement des renseignements secrets, un aspect qui a été communiqué aux demanderesses dans la présente instance. Le fait d’avoir invoqué l’article 38 a sans doute fait dévier indûment l’instruction de la demande présentée en vertu de l’article 487.3.

 

[…]

 

22.       Si la juge Dorval décide de modifier son ordonnance de confidentialité et que le procureur général du Canada continue de s’opposer à la publicité des renseignements sur le point d’être divulgués, les parties s’adresseront alors de nouveau à la Cour fédérale pour la poursuite de la présente procédure.

23.       Il sera opportun d’examiner l’application de l’article 38 lorsque la Cour de justice de l’Ontario se sera prononcée au regard de l’article 487.3. Les motifs de sa décision diront quelles portions, le cas échéant, des documents en cause la juge de la Cour de justice de l’Ontario était disposée à rendre publiques. Les parties pourront alors revoir leurs positions et, si nécessaire, faire valoir leurs droits selon l’article 38 avant que les renseignements ne soient rendus publics.

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[3]        Il n’a pas été interjeté appel de cette décision et l’affaire a été renvoyée à la Cour de justice de l’Ontario pour que la juge Dorval puisse compléter l’instruction de la requête en annulation ou modification des modalités de son ordonnance de confidentialité en vertu de l’article 487.3 du Code criminel.

 

[4]        Le 17 décembre 2004, la juge Dorval a modifié partiellement son ordonnance de confidentialité. Elle a joint à sa décision sa version expurgée des sept mandats de perquisition et des documents connexes (les documents en cause).

 

[5]        Les principaux documents en cause, outre les mandats de perquisition, sont un affidavit de quatre-vingt-dix-huit pages ou la dénonciation en vue d’obtenir les mandats de perquisition (Dénonciation ou annexe D) produits par le sergent Randal Walsh de la Gendarmerie royale du Canada, y compris une annexe de quarante-quatre pages à sa Dénonciation (annexe D‑1).

 

[6]        Le procureur général du Canada a continué de s’opposer à la communication de certains des renseignements que l’ordonnance de la juge Dorval a déclarés non confidentiels.

 

[7]        Le 29 avril 2005, le procureur général du Canada a envoyé à la Cour fédérale sa propre version expurgée des documents en cause. Cette version a clarifié pour la Cour et les demanderesses les parties des documents en cause à l’égard desquelles le procureur général du Canada continuait d’invoquer un privilège en vertu de l’article 38 dans la présente procédure (les renseignements en cause), malgré la décision de la juge Dorval sur la divulgation des renseignements. Le maintien de l’opposition du procureur général du Canada a réactivé la présente procédure selon l’article 38, scénario envisagé au paragraphe 22 des motifs de l’ordonnance que j’ai rendue le 30 juillet 2004, dont il est fait mention au paragraphe 2 ci-dessus.

 

[8]        En juin et juillet 2005, un certain nombre d’audiences de durées variables ont eu lieu sur une période d’environ neuf jours en l’absence des demanderesses. Au cours des audiences, les témoins du procureur général du Canada ont été interrogés sur les éléments de preuve par affidavit qu’ils avançaient à l’appui de la non-communication des renseignements en cause pour des motifs de sécurité nationale et de relations internationales.

 

[9]        Le retard apporté à la fois à autoriser la communication de certains renseignements et à mener à terme la présente procédure est lié à la résolution des trois questions suivantes : i) la divulgation des noms des personnes visées par les mandats de perquisition; ii) l’application de la règle des tiers; iii) les ordonnances de prorogation rendues par la Cour supérieure de justice de l’Ontario.

 

i)          Le retard relatif à la communication de l’identité des personnes visées par les mandats de perquisition

 

[10]      Les noms des personnes visées par les sept mandats de perquisition constituaient une partie importante des renseignements en cause.

 

[11]      Le 3 juin 2005, dans le cadre de la procédure intentée en vertu de l’article 487.3 du Code criminel, la Cour d’appel de l’Ontario a ordonné de communiquer aux demanderesses et à d’autres médias les noms des personnes visées par les mandats de perquisition, sous réserve d’une interdiction de publication de tout renseignement susceptible de permettre l’identification de ces personnes : Ottawa Citizen Group Inc. c. R., [2005] O.J. No. 2209.

 

[12]      Le 9 juin 2005, la Cour d’appel de l’Ontario a publié un addendum à ses motifs du 3 juin pour clarifier que son ordonnance s’appliquait aux noms de toutes les personnes visées par les mandats de perquisition, qui avaient été expurgés par la juge Dorval le 22 décembre 2003 et le 9 février 2004 : Ottawa Citizen Group Inc. c. R., [2005] O.J. No. 2298.

 

[13]      Le 24 juin 2005, après avoir reçu des observations concernant les arrêts de la Cour d’appel de l’Ontario, la juge Dorval a prononcé oralement ses motifs et conclu :

[traduction] Bien que la Cour n’ait pas traité de mes motifs du 4 janvier 2005, je dois conclure que l’intention de l’ordonnance demeure de communiquer les noms des personnes visées par les mandats de perquisition et d’interdire la publication de ces noms ou de tout renseignement susceptible de permettre l’identification des personnes. Par conséquent, j’en décide ainsi, sous réserve de la demande relative à l’article 38 dont est saisie la Cour fédérale.

 

Les motifs du 4 janvier 2005 de la juge Dorval constituent un rectificatif de sa première décision rendue le 17 décembre 2004, mentionnée ci-dessus au paragraphe 4. Ces motifs n’étaient pas visés par les arrêts de la Cour d’appel de l’Ontario des 3 et 9 juin 2005.

 

[14]      Au cours des audiences de juillet 2005, la Cour a reçu les témoignages ex parte de témoins du procureur général du Canada sur la question du préjudice aux relations internationales ou à la sécurité nationale du Canada que pourrait causer la communication des noms. Du 12 au 14 juillet 2005, trois auteurs d’affidavit ont témoigné sur la question. Il est devenu manifeste aux yeux de la Cour que l’une des institutions gouvernementales ne s’opposait plus à la communication des noms et qu’au moins l’une des autres continuait de s’y opposer.

 

[15]      Le 14 juillet 2005, au cours d’une audience où tous les avocats étaient présents, j’ai dit que je trouverais préférable que la juge Dorval indique de manière spécifique les noms dont elle autorisait la communication. Le fait que d’autres entités et adresses étaient mentionnées dans les mandats de perquisition exigeait plus de clarté sur ce point, à mon avis. Par conséquent, avec la collaboration des avocats, la Cour a donné la directive suivante le 14 juillet 2005 :

[traduction] Les demanderesses se sont adressées à la Cour, en vertu des articles 38.04 et 38.06 de la Loi sur la preuve au Canada, pour qu’elle autorise la divulgation des renseignements que la juge Dorval était disposée à déclarer susceptibles de divulgation dans sa décision du 24 juin 2005 (les renseignements).

 

La Cour ajourne la question sine die dans l’attente de la décision de la juge Dorval relative à la divulgation ou non-divulgation des noms des personnes visées par ces six mandats de perquisition à la lumière de l’arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario en date du 3 juin 2005 et de l’addendum de la Cour d’appel daté du 9 juin 2005.

 

 

 

[16]      Plus tard le 14 juillet 2005, après la délivrance de la directive, la transcription des motifs oraux de l’ordonnance du 24 juin 2005 de la juge Dorval a été signifiée à la Cour fédérale.

 

 

[17]      Vers la fin de novembre 2005, la Cour attendait toujours les observations des avocats sur sa directive du 14 juillet 2005.

 

[18]      Le 6 décembre 2005, lors d’une conférence téléphonique visant à expliquer la raison du retard, les avocats ont indiqué que les documents en cause s’étaient perdus dans le réseau administratif des tribunaux de l’Ontario. La juge Dorval travaillait à Ottawa. La Cour d’appel de l’Ontario siégeait à Toronto. Les documents en cause n’étaient plus à la disposition de la juge Dorval, ce qui l’empêchait de préciser clairement les noms des personnes visées par les mandats de perquisition qu’elle autorisait à communiquer.

 

[19]      Les avocats ont ensuite fourni à la juge Dorval des doubles des documents pour lui permettre d’indiquer spécifiquement les noms qui pouvaient être communiqués.

 

[20]      Le 23 janvier 2006, la juge Dorval a fourni aux avocats du procureur général du Canada des documents révisés qui indiquaient clairement les noms qui pouvaient être communiqués.

 

[21]      Au début de mai 2006, les avocats ont réalisé que la Cour fédérale n’avait pas été informée de ce fait nouveau. Les avocats des demanderesses pensaient également que le procureur général du Canada avait transmis à la Cour fédérale sa position au sujet de la communication des noms, ce qui n’était pas le cas.

 

[22]      Le 11 mai 2006, il est devenu évident pour tous les intéressés que le procureur général du Canada ne s’opposait plus à la communication des noms des personnes visées par les mandats de perquisition.

 

[23]      Au 10 juillet 2006, au terme de divers échanges entre les avocats et la Cour, toutes les parties ont estimé que les noms des personnes visées par les mandats de perquisition avaient été signifiés aux demanderesses comme la juge Dorval l’avait ordonné, sous une forme d’une clarté absolue pour tous les intéressés. En l’absence de ces retards d’inadvertance, les noms auraient pu être divulgués dans un délai raisonnable après juillet 2005 par ordonnance de la Cour ou autrement.

 

ii)         Le retard relatif à la règle des tiers

 

[24]      Au cours des audiences de juin et juillet 2005, le procureur général du Canada a souligné les parties des renseignements en cause à la communication desquels il s’opposait toujours au motif du préjudice causé aux relations internationales et à la sécurité nationale, et plus particulièrement à la règle des tiers.

 

[25]      En l’espèce, la règle des tiers concerne l’échange de renseignements entre des services du renseignement de sécurité et d’autres organismes apparentés. En termes simples, l’organisme qui obtient des renseignements ne doit ni désigner la source des renseignements ni en communiquer le contenu sans l’autorisation de l’organisme d’origine.

 

[26]      En juin 2005, l’avocate du procureur général du Canada s’est engagée à effectuer des démarches auprès des organismes étrangers du renseignement de sécurité pour savoir s’ils consentiraient à une renonciation à la règle des tiers. Ces démarches ont été effectuées peu de temps après l’engagement. Les réponses des organismes étrangers n’ont pas été aussi rapides.

 

[27]      Au 30 janvier 2006, l’institution gouvernementale pertinente disposait de renseignements indiquant que l’organisme ou les organismes étrangers refuseraient de renoncer à la règle des tiers. Encore une fois, toujours par inadvertance, le refus des organismes étrangers de renoncer à la règle des tiers n’a pas été communiqué à la Cour fédérale avant mai 2006.

 

[28]      En juin et juillet 2006, environ cinq audiences ont été tenues en l’absence des demanderesses et de leurs avocats, principalement en vue de recueillir des éléments de preuve et des observations au nom du procureur général du Canada sur les renseignements en cause directement reliés au refus de renonciation à la règle des tiers.

 

[29]      Au cours de neuf conférences téléphoniques tenues à partir du 23 mai 2006, les avocats des parties ont été informés de l’évolution des événements. À la conférence téléphonique du 21 juillet 2006, la Cour a indiqué que le procureur général du Canada pourrait autoriser d’autres divulgations conformément à l’article 38.03 et que d’autres observations ex parte étaient à prévoir en septembre 2006 sur l’application de la règle des tiers.

 

[30]      Le 23 octobre 2006, le procureur général du Canada a communiqué aux demanderesses la totalité du paragraphe 10.01 aux pages 28, 29 et 30 de l’annexe D-1, sauf huit mots. Les mots non divulgués concernent l’identité de la source des renseignements et le moment où les renseignements ont été obtenus. Considérant le critère de l’équilibre prescrit au paragraphe 38.06(2), je suis persuadé que l’intérêt public de la non-divulgation l’emporte sur le fondement de la règle des tiers.

 

[31]      D’autres questions afférentes à la règle des tiers qu’il reste à trancher sont exposées au paragraphe 59 et aux paragraphes suivants des présents motifs.

 

iii)        Les ordonnances de prorogation de la Cour supérieure de justice de l’Ontario

 

[32]      Par la voie d’une ordonnance datée du 29 novembre 2006, la Cour a autorisé la communication des renseignements d’un certain nombre de paragraphes spécifiés de l’annexe D. Ces renseignements ont maintenant été communiqués aux demanderesses. J’expose ici les motifs au nom desquels j’ai autorisé la communication des renseignements en cause.

 

[33]      Avant les ordonnances de la juge Dorval en janvier 2002, le juge B. Durno de la Cour supérieure de justice de l’Ontario avait autorisé l’interception de communications privées, en vertu de la Partie VI du Code criminel, et délivré un mandat général de perquisitions secrètes, en vertu de l’article 487.01 du Code criminel (les ordonnances Durno).

 

[34]      À certaines occasions, des ordonnances de prorogation ont été autorisées par le juge Durno pour prolonger le délai de notification des personnes visées par la surveillance électronique et les perquisitions secrètes (les ordonnances de prorogation). Ces ordonnances de prorogation se sont étendues jusqu’au 10 octobre 2006, date où elles n’ont plus été renouvelées.

 

[35]      La divulgation anticipée des renseignements reliés aux ordonnances Durno aurait été en contradiction avec la raison d’être de ces ordonnances de prorogation. Point tout aussi important, le lecteur éclairé aurait relié les renseignements communiqués à d’autres mesures d’enquête autorisées par les ordonnances Durno.

 

[36]      Lorsque la juge Dorval a délivré les mandats de perquisition en janvier 2002, elle connaissait les ordonnances Durno originales mais, selon toute vraisemblance, ne pouvait pas être au courant des ordonnances de prorogation. Compte tenu de la conclusion de la juge Dorval selon laquelle une large part des renseignements de l’annexe D ne pouvait être communiquée en raison de l’enquête en cours et compte tenu des ordonnances de prorogation, j’ai estimé que les renseignements en cause ne devaient pas être divulgués avant l’expiration des ordonnances de prorogation ou leur modification par un juge ou un tribunal compétents en vertu du Code criminel.

 

[37]      Passé le 10 octobre 2006, j’étais d’avis que la divulgation des renseignements reliés aux ordonnances Durno ne porterait plus préjudice aux relations internationales ou à la sécurité nationale et que, de toute façon, l’intérêt public de la publicité des débats judiciaires l’emportait sur l’importance de l’intérêt public touchant la non-divulgation. Le 20 novembre 2006, au cours d’une conférence téléphonique regroupant toutes les parties, l’avocate du procureur général du Canada a indiqué qu’une partie importante des renseignements reliés aux ordonnances Durno ne serait vraisemblablement pas divulguée conformément avec l’article 38.03. Cette position différait de mon point de vue.

 

[38]      Au terme d’une vérification par un court échange ex parte avec l’avocat du gouvernement, l’ordonnance du 29 novembre 2006 a été délivrée, autorisant la divulgation des renseignements.

 

Les principes directeurs

 

[39]      L’espèce concerne deux formes d’intérêt public conflictuelles.

 

[40]      Les demanderesses affirment le principe de la publicité des débats judiciaires, inextricablement lié à la liberté d’expression fondamentale garantie par l’alinéa 2b) de la Charte canadienne des droits et libertés : Vancouver Sun (Re), 2004 CSC 43 et Toronto Star Newspapers Ltd. c. Ontario, 2005 CSC 41.

 

[41]      Pour sa part, le procureur général du Canada fait valoir l’intérêt de l’État dans la protection de la sécurité nationale et des relations internationales.

 

[42]      Déjà il y a quinze ans, le juge George Addy, juge désigné pour être saisi des questions de sécurité nationale, s’est attaqué à ces intérêts conflictuels dans la décision Henrie c. Canada (Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité), [1989] 2 C.F. 229, [1988] A.C.F. n° 965. Dans son analyse visant à apprécier l’ampleur de tout préjudice à la sécurité nationale provenant de la divulgation de renseignements délicats, le juge Addy a établi une distinction entre la sécurité nationale et les enquêtes menées selon le droit criminel (aux paragraphes 26 et 28) :

[…] il faut se rappeler que l’objectif fondamental et de fait la raison d’être d’une enquête en matière de renseignement de sécurité diffèrent et se distinguent considérablement de ceux d’une enquête qui porte sur l’application de la loi en matière criminelle, où l’on est généralement en présence d’une infraction commise fournissant un cadre dans les paramètres duquel l’enquête doit se tenir et peut facilement être contenue.

 

[…]

 

Les enquêtes criminelles se tiennent généralement pendant une période assez brève alors que les enquêtes de sécurité s’étendent systématiquement sur une période de plusieurs années, aussi longtemps qu’il existe des motifs raisonnables de soupçonner l’existence d’activités qui constitueraient une menace envers la sécurité de la nation.

 

 

[43]      Le juge Addy s’est montré ouvert au principe de « l’entière transparence du processus judiciaire » même avant les arrêts importants de la Cour suprême du Canada Dagenais c. Canadian Broadcasting Corp., [1994] 3 R.C.S. 835 et R. c. Mentuck [2001] 3 R.C.S. 442, 2001 CSC 766. Il était également conscient de l’équilibre à respecter entre deux formes d’intérêt public conflictuelles, soit la publicité des débats judiciaires et le secret qui peut être imposé pour la protection de la sécurité nationale (Henrie, au paragraphe 18) :

[…] L’intérêt qu’a le public dans l’administration de la justice exige l’entière transparence du processus judiciaire. […] Cette règle cardinale […] est essentielle à l’intérêt qu’a le public dans le maintien de notre société libre et démocratique. Il existe toutefois des circonstances très limitées et bien définies où le principe de l’entière transparence doit jouer un rôle secondaire et où, en matière de recevabilité de la preuve, l’intérêt public servi par la non-divulgation de cette dernière peut l’emporter sur l’intérêt du public sur sa divulgation. Cela se produit fréquemment lorsqu’il est question de la sécurité nationale. […]

 

[44]      En 2004, dans le contexte d’une enquête criminelle sur le terrorisme, la Cour suprême du Canada a souligné le principe de la publicité des débats judiciaires dans l’arrêt Vancouver Sun (Re) (au paragraphe 26) :

Le principe de la publicité des débats en justice est inextricablement lié à la liberté d’expression garantie par l’al. 2b) de la Charte et sert à promouvoir les valeurs fondamentales qu’elle véhicule : […] La liberté de la presse de faire rapport sur les instances judiciaires constitue une valeur fondamentale. De même, le droit du public d’être informé est également protégé par la garantie constitutionnelle de la liberté d’expression : […] Étant donné que c’est elle qui véhicule au public l’information concernant le fonctionnement des institutions publiques, la presse joue un rôle vital : […] Par conséquent, le moins qu’on puisse dire est qu’il ne faut pas modifier à la légère le principe de la publicité des débats en justice.

 

[Renvois omis.]

 

[45]      Un an plus tard, dans l’arrêt Toronto Star Newspapers Ltd., la Cour suprême du Canada s’est penchée sur des ordonnances de confidentialité visant des mandats de perquisition dans une enquête criminelle sans conséquences en matière de sécurité nationale. Le juge Morris Fish a réitéré une fois de plus l’importance de la publicité des débats en justice (au paragraphe 7) :

[…] J’estime que le critère de Dagenais/Mentuck s’applique à chaque fois qu’un juge exerce son pouvoir discrétionnaire de restreindre la liberté d’expression et la liberté de la presse relativement à des procédures judiciaires. Toute autre conclusion romprait, à mon avis, avec la jurisprudence de notre Cour, qui est demeurée constante au cours des vingt dernières années. Elle porterait également atteinte au principe de la publicité des débats judiciaires qui est inextricablement lié aux valeurs fondamentales consacrées à l’al. 2b) de la Charte.   

 

[46]      Dans la présente procédure, les décisions de la juge Dorval m’ont également guidé. Le 17 décembre 2004, elle a conclu que l’enquête qui a mené la Gendarmerie royale du Canada à demander des mandats de perquisition en janvier 2002 n’était pas terminée. Elle a admis qu’une ordonnance de confidentialité s’imposait à l’égard de certains renseignements pour protéger la nature et la portée de l’enquête en cours. Néanmoins, elle a conclu qu’une partie des documents en cause devait être rendue publique.

 

[47]      J’ai également pris en compte le processus public devant la juge Dorval. Il ne permettait pas la production des éléments de preuve que la Cour a reçus lors d’audiences ex parte. En outre, les observations présentées à la juge Dorval étaient génériques et ne faisaient référence à aucun extrait particulier de l’annexe D. Ce n’est qu’au terme de la décision de la juge Dorval sur les renseignements qu’elle allait déclarer non confidentiels que le procureur général du Canada a pu aborder de manière spécifique les questions de sécurité nationale qui soulevaient des inquiétudes.

 

[48]      Comme je l’ai noté précédemment, la présente procédure a été réactivée à la fin d’avril 2005 lorsque le procureur général du Canada a maintenu son opposition à la divulgation des renseignements que la juge Dorval avait ordonné de communiquer.

 

[49]      La position du procureur général du Canada a évolué au cours de la période qui a suivi. Les auteurs des affidavits produits pour le procureur général du Canada ont été interrogés par son avocate et la Cour en l’absence des demanderesses et de leurs avocats. De nombreuses pièces ont été produites devant la Cour pour vérifier les affirmations faites au nom du procureur général du Canada. Au cours du processus, le procureur général du Canada a, de temps à autre, autorisé la divulgation de certains autres renseignements en cause en vertu de l’article 38.03. Par conséquent, il reste maintenant un nombre relativement faible de questions sur lesquelles la Cour doit se prononcer.

 

[50]      Le procureur général du Canada maintient son opposition à la divulgation des renseignements en cause restants pour l’un des deux motifs suivants. À son avis, la divulgation de ces renseignements porterait atteinte soit au privilège relatif aux indicateurs de police, notamment au souci de ne pas révéler l’identité des personnes d’intérêt, soit à la règle des tiers. Dans les dossiers dont est saisie la Cour, les renseignements qui sont toujours en cause ont été surlignés en grisé (les renseignements en grisé).

 

Le privilège des indicateurs de police

 

[51]      La Cour suprême du Canada a souligné l’importance du privilège relatif aux indicateurs de police dans l’arrêt R. c. Leipert, [1997] 1 R.C.S. 281, au paragraphe 9 : « une protection ancienne et sacrée qui joue un rôle vital dans l’application de la loi ».

 

[52]      Le privilège appartient au ministère public et aux indicateurs de police, même anonymes. Les tribunaux doivent faire preuve d’une grande prudence pour ne pas priver involontairement les indicateurs de police de ce privilège. Dans le cas de l’indicateur de police anonyme, aucun renseignement ne doit être communiqué, sous réserve seulement de l’exception concernant « la démonstration de l’innocence de l’accusé ». Voir l’arrêt Leipert aux paragraphes 15, 16 et 32. Dans l’arrêt Leipert, la Cour suprême du Canada ne fait pas explicitement référence au critère de l’équilibre prévu dans la Loi sur la preuve au Canada.

 

[53]      Dans les deux cas de l’espèce où le procureur général du Canada s’oppose à la communication de renseignements concernant des indicateurs de police anonymes, j’ai pris en considération les exigences prévues au paragraphe 38.06(2).

 

a)         Les paragraphes 28 et 28.A de la Dénonciation

 

 

[54]      Le procureur général insiste pour que les renseignements en grisé soient expurgés pour empêcher que la personne dont le nom et l’adresse sont indiqués à la quatrième ligne du paragraphe 28 puisse se reconnaître, puis identifier l’indicateur anonyme qui a appelé. La juge Dorval a protégé ailleurs l’identité de la personne. Cette personne est toujours une personne d’intérêt dans l’enquête en cours relative au projet A-O Canada.

 

[55]      En me fondant sur d’autres éléments expurgés par la juge Dorval aux paragraphes 28 et 28.A, je suis persuadé qu’elle aurait également expurgé les grisés si elle avait disposé des éléments de preuve obtenus dans le cadre de la procédure relative à l’article 38.

 

[56]      J’ai examiné la possibilité de divulguer un résumé ou une partie des renseignements en grisé. Pareil exercice ne peut être fait sans risquer que la personne d’intérêt soit en mesure de se reconnaître à partir des renseignements en cause. Cela est particulièrement vrai compte tenu des renseignements qui figurent aux paragraphes 28 et 28.A et qui ont déjà été rendus publics. Dans les circonstances, les intérêts de la sécurité nationale l’emportent sur l’intérêt public concurrent. Aucune autre divulgation de renseignements ne sera autorisée à l’égard de ces paragraphes.

 

            b)         Les paragraphes 73 et 73.A de la Dénonciation

 

 

 

[57]      Dans l’examen des paragraphes 73 et 73.A, j’ai tenu compte de la décision de la juge Dorval de ne pas autoriser la communication du nom et du lieu de la personne avec laquelle la source anonyme échangeait des renseignements par la voie du Numéro d’urgence national de la Gendarmerie royale du Canada.

 

[58]      En me fondant sur les éléments de preuve dont j’ai été saisi au cours des audiences à huis clos, je suis convaincu que la communication des grisés des paragraphes 73 et 73.A mènerait à l’identification de la source anonyme dont le nom a été expurgé par la juge Dorval. Cette personne pourrait alors être en mesure d’identifier et de mettre en péril l’indicateur anonyme qui a appelé. En outre, la communication pourrait permettre à l’indicateur anonyme qui a appelé de se reconnaître. Cela pourrait soulever des craintes relatives à la préservation de l’anonymat de cette source, qui a appelé le Numéro d’urgence national dans l’anonymat. J’accepte le témoignage du témoin du procureur général du Canada sur cette question. À mon avis, le préjudice causé à la sécurité nationale par la mise en péril d’une source, même anonyme, l’emporte sur l’intérêt qu’invoquent les demanderesses dans le contexte du présent dossier. Une ordonnance sera délivrée qui interdit la divulgation des renseignements en grisé aux paragraphes 73 et 73.A.

 

 

La règle des tiers

 

 

[59]      L’importance pour le Canada de respecter la règle des tiers, décrite ci-dessus au paragraphe 25, a été soulignée dans l’arrêt Ruby c. Canada (Solliciteur général), 2002 CSC 75. Rédigeant au nom de la Cour suprême qui s’exprimait à l’unanimité, la juge Louise Arbour s’est appuyée sur un extrait de l’un des affidavits produits devant la Cour fédérale siégeant en première instance dans l’affaire Ruby pour décrire le Canada comme un « importateur net » de renseignements issus des échanges entre les services du renseignement (au paragraphe 44) :

[traduction] Le Canada n’est pas une grande puissance. Il n’a pas la même capacité de recueillir et d’évaluer l’information que les États‑Unis, le Royaume‑Uni ou la France, par exemple. Il ne peut offrir en échange le même volume et la même qualité de renseignements qu’il obtient des pays qui sont sa principale source d’information. Si la confiance de ces partenaires dans notre aptitude à protéger ces renseignements venait à être ébranlée, le fait que nous soyons une source d’information relativement moins importante que d’autres accroît le risque que les portes d’accès aux renseignements délicats nous soient fermées.

 

 

[60]      À la lumière de cet enseignement, je passe maintenant aux renseignements en cause qui, de l’avis du procureur général du Canada, tombent sous le coup de la règle des tiers.

 

[61]      Sur le fondement d’un affidavit produit le 20 mai 2004, le procureur général du Canada s’est opposé à la divulgation des mots [traduction] « engagé dans des activités terroristes » du paragraphe 87.B au motif de la règle des tiers. S’agissant de l’autre renseignement du paragraphe 87.B, le seul privilège invoqué au début de la présente procédure est le fait que la divulgation nuirait à l’enquête en cours de la GRC dans une matière reliée à la sécurité nationale.

 

[62]      Toutefois, le procureur général du Canada a modifié sa position concernant les mots du paragraphe 87.B visés par la protection de la règle des tiers. Le 29 avril 2005 ou vers cette date, la divulgation des mots [traduction] « engagé dans des activités terroristes » a été autorisée, en vertu de l’article 38.03, semble-t-il.

 

[63]      Dans son témoignage de juin et juillet 2005, l’un des auteurs d’affidavit de la Gendarmerie royale du Canada a reconnu que, selon le point de vue de son service de police, il ne s’opposait plus à la divulgation de l’autre renseignement du paragraphe visé.

 

[64]      Dans un affidavit ex parte produit le 23 juin 2006, qui traitait de diverses questions, un deuxième agent de la Gendarmerie royale du Canada a cherché à dire que les mots en grisé du paragraphe  87.B avaient pour source un ou plusieurs des services du renseignement étrangers. Auparavant, aucun témoignage par affidavit n’avait fait opposition à la divulgation de ces mots au motif de la règle des tiers. La Cour a pris en note cette préoccupation mais a permis, sans se prononcer immédiatement, la poursuite de l’interrogatoire de l’auteur de l’affidavit.

 

[65]      Au terme d’un examen plus minutieux, le document faisant partie de la pièce 5 de l’affidavit du 23 juin 2006 (extraits indiquant les renseignements que l’auteur de l’affidavit prétendait sous la protection de la règle des tiers) ne comprenait pas d’extrait du paragraphe 87.B.

 

[66]      Après avoir examiné attentivement les affidavits et les témoignages oraux des témoins, je suis persuadé que les organismes canadiens étaient au courant des renseignements contenus dans ce paragraphe avant toute autre information qu’ils auraient pu recevoir d’un ou de plusieurs organismes étrangers. Encore une fois, d’après mon examen du dossier, la règle des tiers  n’a aucune pertinence à l’égard de ce paragraphe. Le procureur général du Canada n’a invoqué aucun autre intérêt de sécurité nationale qui, à mes yeux, justifierait la non-divulgation des renseignements en grisé, et certainement aucun qui prévaut sur l’intérêt public de communiquer les renseignements visés. L’avocate du procureur général du Canada n’a pas semblé contester cette conclusion dans les observations qu’elle a faites le 19 juillet 2006. Une ordonnance en conséquence sera rendue.

 

[67]      Au cours de la conférence téléphonique du 7 décembre 2006, la Cour a informé tous les avocats que les motifs de l’ordonnance seraient publiés dans les jours suivants.

 

[68]      Le 15 décembre 2006, le procureur général du Canada a communiqué aux demanderesses les renseignements en grisé du paragraphe 86.D. Compte tenu de ce fait survenu tardivement, la Cour préfère poursuivre l’examen de la position du procureur général du Canada à l’égard des renseignements en grisé qui figurent aux paragraphes 75.C.4, 84.A, 86.A et 86.C. La Cour accueille également la demande du procureur général du Canada de disposer d’une dernière chance de clarifier sa position au sujet du paragraphe 84.B.

           

 

« Allan Lutfy »

Juge en chef

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                          DES-1-04

 

INTITULÉ :                                                         THE OTTAWA CITIZEN GROUP INC.,

                                                                              KATE JAIMET

                                                                              et

                                                                              LA SOCIÉTÉ RADIO-CANADA

 

                                                                                                            demanderesses

                                                                              et

 

                                                                              LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

                                                                              LE PROCUREUR GÉNÉRAL DE L’ONTARIO

                                                                              et

                                                                              ABDULLAH ALMALKI

 

                                                                                                            défendeurs

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                   OTTAWA

 

DATE DES AUDIENCES À HUIS CLOS :       LES 20 JUIN ET 14 JUILLET 2005

 

DATE DES AUDIENCES EX PARTE

À HUIS CLOS :                                                   LES 14, 15 ET 16 JUIN 2005,12, 13, 14,

                                                                              22 ET 26 JUILLET 2005, 23 MAI 2006, 13,

                                                                              26 ET 28 JUIN 2006, 18 ET 19 JUILLET 2006

                                                                              ET 23 OCTOBRE 2006

 

ET DIVERSES TÉLÉCONFÉRENCES

EX PARTE À HUIS CLOS

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :                    LE JUGE EN CHEF LUTFY

 

 

DATE DES MOTIFS :                                        LE 22 DÉCEMBRE 2006

 

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Richard Dearden                                              POUR LES DEMANDERESSES

                                                                        – The Ottawa Andrew Kidd Citizen Group Inc. et Kate Jaimet

 

Edith Cody-Rice                                               POUR LA DEMANDERESSE

                                                                        – La Société Radio-Canada

 

Linda J. Wall                                                    POUR LE DÉFENDEUR

                                                                        – Le procureur général du Canada

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Gowling Lafleur Henderson, LLP                      POUR LES DEMANDERESSES

Avocats                                                            The Ottawa Citizen Group Inc.

2600 – 160, rue Elgin                                       et Kate Jaimet

Ottawa (Ontario)  K1P 1C3

 

Société Radio-Canada                                      POUR LA DEMANDERESSE
Services juridiques                                            La Société Radio-Canada

181, rue Queen                                               

B. P. 3220, succursale C

Ottawa (Ontario)  K1Y 1E4

 

John H. Sims, c.r.                                             POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général                         Le procureur général du Canada

du Canada

 

 

 

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