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Date :  20070208

Dossier :  IMM-3663-06

Référence :  2007 CF 134

Ottawa (Ontario), le 8 février 2007

En présence de Monsieur le juge Shore 

 

ENTRE :

Tharcisse RYIVUZE

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

INTRODUCTION

[1]               La décision de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (Commission), concluant que le poste et la responsabilité de M. Ryivuze au sein du gouvernement Burundi, permettant d’affirmer qu’il a connaissance des crimes commis par le gouvernement burundais, est raisonnable. En outre, l’intention commune qui peut être déduite de l’association volontaire du demandeur avec ce gouvernement est suffisante pour conclure à la complicité par association.

 

[2]               Ainsi, dans le jugement rendu dans l’affaire Omar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 861, [2004] A.C.F. no 1061 (QL), au paragraphe 9, le juge Yvon Pinard conclut que l’ambassadeur d’un pays étranger peut être jugé complice par association des crimes commis par le gouvernement au pouvoir du pays qu’il représente, même s’il réside à l’étranger pendant toute la période pendant laquelle les exactions ont été commises, et ce, en raison de l’association étroite avec le gouvernement qui l’a nommé dans le poste d’ambassadeur à l’étranger :

[9]        En l'espèce, la preuve révèle clairement que le régime du Djibouti se livre à la répression des droits humains, à la persécution et à l'intimidation de la population civile ainsi qu'à la corruption gouvernementale. La CISR a conclu que le demandeur était complice du régime du Djibouti en raison des fonctions de confiance à lui confiées par le gouvernement au moment où le régime était engagé dans des activités qualifiées de crimes contre l'humanité et d'activités contraires aux buts et principes des Nations unies. En effet, depuis 1997, le demandeur était ambassadeur à Paris, occupant le plus haut poste au sein de la plus importante mission à l'étranger du Djibouti. De par cette fonction, le demandeur représentait son pays auprès des pays de l'Union européenne et des pays du Mahgreb. Il a témoigné avoir eu connaissance des crimes auxquels se livrait son gouvernement. Le demandeur, qui, en raison de son poste à Paris, représentait autant le parti au pouvoir que le gouvernement djiboutien, n'a jamais tenté de se dissocier de ces crimes. La preuve révèle que depuis 1988, date de son recrutement au sein du MAECI du Djibouti, le demandeur a toujours démontré son appui actif, constant et confiant au régime. Dans les circonstances, je suis donc d'avis que la CISR a raisonnablement bien apprécié la situation et qu'elle a correctement appliqué la clause d'exclusion à l'encontre du demandeur. Malgré l'habile argumentation de Me Bertrand, procureur de la partie demanderesse, la conclusion du tribunal en ce qui a trait à l'exclusion du demandeur doit également être maintenue.

 

(Voir aussi : Chowdhury c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 139, [2006] A.C.F. no 187 (QL), en ce qui concerne un dirigeant d’un parti politique formant le gouvernement au pouvoir au Bangladesh)

 

[3]               Récemment, le juge Simon Noël en est venu à une conclusion similaire dans l’affaire Chowdhury, ci-dessus, concernant un dirigeant d’un parti politique formant le gouvernement au pouvoir au Bangladesh :

[23]      Il ne m'appartient pas de décider si le demandeur a en fait participé personnellement et consciemment aux actes brutaux commis par le Parti de la Ligue Awami mais plutôt s'il était raisonnable que la SPR tire cette conclusion...

[24]      La SPR a également conclu que le demandeur avait omis de se dissocier du Parti de la Ligue Awami et était demeuré dans ce parti. La SPR a jugé non crédible le fait que les habitants du quartier du demandeur se soient opposés aux actes de violence commis par le Parti de la Ligue Awami, comme l'allègue le demandeur. Il n'existe donc aucune raison de remettre en question la conclusion de fait selon laquelle le demandeur a omis de se dissocier du parti.  [La Cour souligne.]

 

PROCÉDURE JUDICAIRE

[4]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire introduite en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (Loi), à l’encontre d’une décision, rendue le 31 mai 2006, par la Section de la protection des réfugiés de la Commission selon laquelle le demandeur n’a pas la qualité de réfugié au sens de la Convention de Genève (Convention) relative au statut de réfugiés (article 96 de la Loi) ni de personne à protéger (paragraphe 97(1) de la Loi) puisqu’il fait l’objet de l’exclusion prévue à l’alinéa 1Fa) de l’article premier de la Convention.

 

 

 

FAITS

[5]               Le demandeur, monsieur Tharcisse Ryivuze, est citoyen du Burundi. Il naît le 1 novembre 1966 à Gitobe dans la province de Kirundo. Il fait ses études à l’Université de Burundi de 1990 à 1993 et des études complémentaires à l’Université de Yaoundé de mars 1999 à juin 2000.

 

[6]               Monsieur Ryivuze entre dans la fonction publique du Burundi en 1996 à titre de conseiller auprès de la Direction de la planification du Ministère de la Planification, du développement et de la reconstruction du Burundi. En mars 2002, le demandeur obtient le poste de directeur de ce même département.

 

[7]               Monsieur Ryivuze allègue qu’en septembre 2002, sa fiancée et son cousin succombent à une embuscade de rebelles hutus sur une route menant au nord du pays; le demandeur présume que les rebelles reconnaissent sa voiture et tirent sur cette dernière le croyant au volant de la voiture.

 

[8]               Le 2 mai 2003, M. Ryivuze quitte le Burundi pour Washington, aux États-Unis, afin de poursuivre une formation. Pendant sa visite, le demandeur apprend que des rebelles hutus attaquent la ville de Bujumbura ainsi que son quartier de résidence. Craignant pour sa vie, ce dernier décide de ne pas retourner au Burundi et demande l’asile aux États-Unis en juillet 2003.

 

[9]               En mars 2004, il apprend que l’audition de sa demande d’asile aux États-Unis est remise pour une deuxième fois. Il décide donc de revendiquer le statut de réfugié au Canada.

 

[10]           Le 11 mars 2004, le demandeur entre au Canada et demande aussitôt l’asile aux autorités canadiennes en cachant son identité de fonctionnaire et certaines pièces d’identité, soit son passeport régulier et son passeport de services où il fait mention qu’il est fonctionnaire, le tout, selon lui, pour éviter le refus de sa demande.

 

DÉCISION CONTESTÉE

 

[11]           Ayant conclu qu’il existe de sérieuses raisons de croire que M. Ryivuze est complice de crimes contre l’humanité, la Commission rejette la demande de statut de réfugié de ce dernier et l’exclu du bénéfice du statut de réfugié au sens de la Convention et de celui de personne à protéger, aux termes de l’alinéa 1Fa) de l’article premier de la Convention. 

 

QUESTION EN LITIGE

 

[12]           L’exclusion de M. Ryivuze selon l’alinéa 1Fa) de l’article premier de la Convention pour complicité de crimes contre l’humanité est-elle raisonnable ?

 

 

 

 

CADRE LÉGISLATIF

[13]           Les articles 96, 97 et 98 de la Loi se lisent comme suit :

96.      A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

 

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

 

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

 

 

97.       (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

 

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

 

 

98.      La personne visée aux sections E ou F de l’article premier de la Convention sur les réfugiés ne peut avoir la qualité de réfugié ni de personne à protéger.

96.      A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

 

 

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

 

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

97.      (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally.

 

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

 

 

 

98.      A person referred to in section E or F of Article 1 of the Refugee Convention is not a Convention refugee or a person in need of protection.

 

[14]           En vertu de l’alinéa 1F de la Convention relative au statut des réfugiés, Annexe 1 de la Loi :

1F.   Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser :

 

a) Qu’elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l’humanité, au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes;

 

b) Qu’elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d’accueil avant d’y être admises comme réfugiés;

 

 

c) Qu’elles se sont rendues coupables d’agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies.

1F. The provisions of this Convention shall not apply to any person with respect to whom there are serious reasons for considering that:

 

(a) he has committed a crime against peace, a war crime or a crime against humanity, as defined in the international instruments drawn up to make provision in respect of such crimes;

 

 

 

(b) he has committed a serious non-political crime outside the country of refuge prior to his admission to that country as a refugee;

 

(c) he has been guilty of acts contrary to the purposes and principles of the United Nations.

 

NORME DE CONTRÔLE

[15]           La question de savoir si le demandeur doit être exclu de la catégorie des réfugiés en application de la disposition 1F de la Convention est une question mixte de fait et de droit sujette à la norme de contrôle raisonnable simpliciter. La Cour ne peut donc intervenir que si la décision de la Commission est déraisonnable. (Shrestha c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 887, [2002] A.C.F. no 1154 (QL), au paragraphe 12; Valère c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 524, [2005] A.C.F. no 643 (QL); Harb c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CAF 39, [2003] A.C.F. no 108 (QL), au paragraphe 14; Chowdhury, ci-dessus, au paragraphe 13)

 

ANALYSE

 

[16]           Le demandeur allègue que la Commission a erré principalement sur deux points :

 

1) En concluant que le demandeur est complice par association des crimes contre l’humanité commis par le gouvernement de Burundi. En outre, M. Ryivuze prétend que la Commission a mal interprété les critères développés par la jurisprudence sur la complicité par association, notamment au niveau de la preuve d’une participation personnelle et consciente aux crimes contre l’humanité et de l’intention commune.

 

2) En concluant que le demandeur a participé de façon personnelle et consciente aux exactions commises par l’armée du Burundi. Par ailleurs, M. Ryivuze argumente que la Commission a erré en n’identifiant pas les crimes auxquels ce dernier a participé de manière directe ou indirecte.

 

[17]           La Cour n’est pas d’accord avec ces allégations. Il appert de la décision de la Commission que celle-ci a attentivement examinée les principes applicables en matière de complicité et de complicité par association et a bien appliquée les critères aux faits de l’espèce.

 

Norme de preuve

 

[18]           La Cour d’appel fédéral dans les affaires Ramirez c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 2 C.F. 306, [1992] A.C.F. no 109 (QL) et Moreno c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 1 C.F. 298, [1993] A.C.F. no 912 (QL) a jugé que le Ministre doit se conformer à la norme de preuve comprise dans l’expression « raisons sérieuses de penser » prévue à l’alinéa 1Fa) de la Convention. Cette norme est bien inférieure à celle requise dans le cadre du droit criminel « hors de tout doute raisonnable » ou de droit civil « selon la prépondérance des probabilités ». À ce titre, dans l’arrêt Sivakumar c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 1 C.F. 433, [1993] A.C.F. no 1145 (QL), le juge Allen M. Linden affirme que la norme de preuve contenue à la section 1F de la Convention n’est pas tellement différente de celle contenu à l’ancien alinéa 19(1)j) de l’ancienne Loi sur l’immigration (« celles dont on peut penser, pour des motifs raisonnables »). (Voir aussi: Chiau c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] 2 C.F. 642, [1998] A.C.F. no 131 (QL), au paragraphe 27, confirmé : [2001] 2 C.F. no 297, [2001] A.C.F. no 2043 (QL))

 

 

 

L’application de la clause d’exclusion au demandeur

La norme de preuve applicable

[19]           Le texte de l’alinéa 1 F a) de la Convention se lit comme suit :

1F.   Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser :

 

a) Qu’elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l’humanité, au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes;

1F. The provisions of this Convention shall not apply to any person with respect to whom there are serious reasons for considering that:

 

(a) he has committed a crime against peace, a war crime or a crime against humanity, as defined in the international instruments drawn up to make provision in respect of such crimes

 

[La Cour souligne.]

 

[20]           Dans les arrêts rendus dans les affaires Ramirez, ci-dessus, et Moreno, ci-dessus, la Cour d’appel fédérale a décidé que la norme de preuve contenue à la section 1F de la Convention de Genève (« raisons sérieuses de penser ») n’était pas différente de celle contenue à l’ancien alinéa 19(1)(j) de la Loi (« celles dont on peut penser, pour des motifs raisonnables »). (Dans la Loi, la norme de preuve relative aux interdictions de territoire est maintenant prévue à l’article 33 et est celle des « motifs raisonnables de croire ».)

 

[21]           Selon la Cour d’appel fédérale, dans les deux cas, il s’agit d’une norme de preuve moins exigeante que la norme de preuve civile de la prépondérance de la preuve.

 

[22]           L’auteur Atle Grahl-Madsen, dans son traité « The Status of Refugees in International Law, Leyden, 1966, Sithoff », dit ceci en ce qui concerne le degré de preuve requis aux pages 289-290 :

The words ‘serious reasons for considering’ make it clear that it is not a condition for the application of article 1Fb) that the person concerned has been convicted or formally charged or indicted of a crime. The person’s own confession, the testimonies of other persons, or other trustworthy information may suffice. [La Cour souligne.]

 

[23]           En l’espèce, M. Ryivuze, a admis, devant la SPR et dans les procédures qu’il a déposées devant la Cour, avoir eu connaissance des exactions et violences commises par l’armée et le gouvernement du Burundi à l’encontre de la population civile (voir le paragraphe 38 du mémoire du demandeur).

 

Le gouvernement burundais a commis des crimes contre l’humanité

[24]           Telle que soulevée par la Commission, la preuve documentaire démontre que les forces armées du gouvernement burundais se livrent à la commission de crime graves et à la violation des droits de l’homme à l’encontre de la population civile.

 

 

 

Meurtre et torture

 

[25]           L’implication des forces armées burundaises, les forces de la gendarmerie, de la police ainsi que des milices à la solde, sous l’autorité du gouvernement dans des meurtres, est confirmée dans la preuve documentaire (pièce M-7). Cette preuve révèle l’existence de meurtres gratuits, vis-à-vis la population, des déplacements forcés, des assassinats des femmes et des enfants à la baïonnette, de la torture et de la privation de nourriture de cette population civile, plus précisément de l’ethnie hutue.

 

[26]           Également, la preuve documentaire déposée par le Ministre (M-8, M-10, M-16, M-17, M-22 et M-23) révèle qu’il y a des enfants soldats au Burundi engagés de force dans l’armée et qu’il y a de nombreux camps de regroupements contrôlés par l’armée où des crimes graves contre l’humanité sont commis.

 

[27]           De surcroît, la preuve documentaire fait, (spécifiée en détails, ci-dessus), le constat qu’en général, le gouvernement burundais se livre à la répression des membres de l’ethnie hutue, à des massacres de la population civile ainsi qu’à la corruption gouvernementale et qu’en plus, celui-ci n’a pris aucune mesure sérieuse pour réprimer ces actes commis par son armée à la majorité tutsie.

 

 

 

 

 

 

M. Ryivuze est complice par association de crimes contre l’humanité

 

[28]           Le droit reconnaît l’existence du concept de complicité par association, selon lequel l’individu qui n’a pas lui-même commis de crimes contre l’humanité, peut néanmoins être tenu responsable de ces crimes en raison de son association étroite et volontaire avec une organisation qui commet des actes de persécution et de la connaissance qu’il a de la commission des crimes. (Sivakumar, ci-dessus, au paragraphe 9)

 

[29]           En outre, la responsabilité des complices a été établie par l’article 6 de la Charte du Tribunal militaire international :

[...]

 

Les dirigeants, organisateurs, provocateurs ou complices qui ont pris part à l'élaboration ou à l'exécution d'un plan concerté ou d'un complot pour commettre l'un quelconque des crimes ci-dessus définis sont responsables de tous les actes accomplis par toutes personnes en exécution de ce plan.

 

Leaders, organizers, instigators and accomplices participating in the formulation or execution of a common plan or conspiracy to commit any of the foregoing crimes are responsible for all acts performed by any persons in execution of such plan.

 

[30]           L’élément essentiel pour qu’il y ait complicité est la « participation personnelle et consciente » de l’individu. Il s’agit là de la mens rea nécessaire. Dans Ramirez, ci-dessus, la Cour d’appel fédérale explique en ces termes le critère de complicité :

[26]      …la complicité dépend essentiellement de l'existence d'une intention commune et de la connaissance que toutes les parties en cause en ont...

 

[31]           Suite à une analyse des principes établis dans la trilogie Ramirez, Moreno et Sivakumar, ci-dessus, la juge Barbara J. Reed dans Penate c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 2 C.F. 79, résume la jurisprudence applicable en matière de complicité :

[5]        Dans les décisions Ramirez, Moreno et Sivakumar, il est question du degré ou du type de participation qui constitue la complicité. Il ressort de ces décisions que la simple adhésion à une organisation qui commet sporadiquement des infractions internationales n'implique pas normalement la complicité. Par contre, lorsque l'organisation vise principalement des fins limitées et brutales, comme celles d'une police secrète, ses membres peuvent être considérés comme y participant personnellement et sciemment. Il découle également de cette jurisprudence que la simple présence d'une personne sur les lieux d'une infraction en tant que spectatrice par exemple, sans lien avec le groupe persécuteur, ne fait pas d'elle une complice. Mais sa présence, alliée à d'autres facteurs, peut impliquer sa participation personnelle et consciente.

[6]        Selon mon interprétation de la jurisprudence, sera considéré comme complice quiconque fait partie du groupe persécuteur, qui a connaissance des actes accomplis par ce groupe, et qui ne prend pas de mesures pour les empêcher (s'il peut le faire) ni ne se dissocie du groupe à la première occasion (compte tenu de sa propre sécurité), mais qui l'appuie activement. On voit là une intention commune. Je fais remarquer que la jurisprudence susmentionnée ne vise pas des infractions internationales isolées, mais la situation où la perpétration de ces infractions fait continûment et régulièrement partie de l'opération. [La Cour souligne.]

 

 

[32]           Lorsqu’il s’agit de la complicité d’un demandeur d’asile par association, c’est la nature des crimes reprochés à l’organisation à laquelle on lui reproche de s’être associé qui mène à son exclusion. (Harb, ci-dessus, au paragraphe 11)

 

[33]           Finalement, dans l’arrêt Harb, ci-dessus, au paragraphe 18, la Cour d’appel fédérale cite, avec approbation, le passage suivant de la décision Bazargan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1996] A.C.F. no 1209 (QL), où il est précisé que la complicité par association peut être établie même si la personne visée par la clause d’exclusion n’est pas membre d’une telle organisation.

 

[34]           Comme le rappelait la Cour d’appel fédérale dans Bazargan, ci-dessus, il n’est pas nécessaire de faire la preuve de l’appartenance à une organisation vouée à des fins limités et brutales pour conclure à la complicité par association. Il suffit d’établir, comme il a été abondamment démontré en l’espèce, que les infractions internationales font régulièrement partie des opérations de l’organisation à laquelle est « associé » l’individu.

 

[35]           De plus, contrairement à la prétention du demandeur, la Commission n’était pas tenu de relier M. Ryivuze directement aux crimes commis par l’armée du Burundi pour conclure à sa complicité par association. La connaissance des crimes commis par le gouvernement du Burundi, et l’intention commune qui peut être déduite de l’association volontaire de M. Ryivuze avec ce gouvernement, sont suffisantes pour conclure à la complicité par association.

 

[36]           La complicité par association a été décrite comme suit dans Bazargan, ci-dessus :

 

[11]      Il va de soi, nous semble-t-il, qu'une "participation personnelle et consciente" puisse être directe ou indirecte et qu'elle ne requière pas l'appartenance formelle au groupe qui, en dernier ressort, s'adonne aux activités condamnées. Ce n'est pas tant le fait d'oeuvrer au sein d'un groupe qui rend quelqu'un complice des activités du groupe, que le fait de contribuer, de près ou de loin, de l'intérieur ou de l'extérieur, en toute connaissance de cause, aux dites activités ou de les rendre possibles. Il n'est nul besoin d'être un membre pour être un collaborateur. La complicité, nous disait le juge MacGuigan à la page 318 C.F. [dans Ramirez], "dépend essentiellement de l'existence d'une intention commune et de la connaissance que toutes les parties en cause en ont". Celui qui met sa propre roue dans l'engrenage d'une opération qui n'est pas la sienne mais dont il sait qu'elle mènera vraisemblablement à la commission d'un crime international, s'expose à l'application de la clause d'exclusion au même titre que celui qui participe directement à l'opération.

 

Les facteurs de l’existence d’une complicité de crimes contre l’humanité

 

[37]           À la lumière de la preuve et des principes de droit applicables, la décision de la Commission concluant que M. Ryivuze est exclu de la possibilité d’être déclaré réfugié ou personne à protéger en raison de l’alinéa 1Fa) de la Convention est raisonnable.

 

[38]           Le fait de déterminer si M. Ryivuze est complice des crimes commis par le gouvernement burundais est essentiellement un point de fait qui requiert une évaluation de sa situation personnelle. (Sivakumar, ci-dessus, au paragraphe 2). À ce titre, la Cour d’appel fédérale énumère six facteurs qu’il convient de considérer pour déterminer si un individu est complice de crimes contre l’humanité :

            (1) la nature de l’organisation;

            (2) la méthode de recrutement;

            (3) le poste ou le grade au sein de l’organisation;

            (4) la connaissance des atrocités commises par l’organisation;

            (5) la période de temps passée dans l’organisation; et

            (6) la possibilité de quitter l’organisation.

 

[39]           L’application de ces facteurs à la présente affaire confirme la complicité de M. Ryivuze.

 

La nature de l’organisation

 

[40]           Si une organisation a un dessein brutal et limité, la participation personnelle et consciente à l’objectif commun de commettre des crimes entraînant l’exclusion, peut être présumée du seul fait de l’appartenance à l’organisation. En l’espèce, la Commission ne soutient pas que le gouvernement du Burundi, ou ses forces armées, sont des organisations à des fins brutales et limitées. Par conséquent, la complicité doit être établie par la preuve de la participation personnelle et consciente de M. Ryivuze aux crimes commis par le gouvernement du Burundi.

 

La méthode de recrutement

 

[41]           M. Ryivuze est entré dans la fonction publique du Burundi en tant que conseiller, en 1996, après avoir participé à un concours. Ensuite, il obtient le poste de Directeur de la planification en 2002, en tant qu’analyste économique. Il n’a nullement été contraint de se joindre ou de demeurer à la fonction publique.

 

Le poste ou le grade au sein de l’organisation

 

[42]           La Commission note dans sa décision que M. Ryivuze a occupée un poste élevé au sein de la hiérarchie administrative du Ministère de la Planification du développement et de la reconstruction et que son ascension rapide au sein de ce ministère démontre qu’il a été un élément important dans la poursuite des objectifs du gouvernement. La preuve a d’ailleurs révélé que le poste occupé par le demandeur relevait directement du directeur général et du Ministre. (Voir aussi : Sungu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 1207, [2002] A.C.F. no 1639 (QL), au paragraphe 44)

 

[43]           La Commission a notamment jugé que le travail du demandeur a permis au gouvernement du Burundi d’obtenir des crédits et des revenus de la Banque mondiale et du Fonds monétaires international, contribuant ainsi au maintien et au fonctionnement du gouvernement dans ses activités. (Décision de la Commission, aux pages 7, 8 et 9)

 

[44]           Dans l’arrêt Sivakumar, ci-dessus, le juge Linden décrit ainsi le lien entre le grade ou le poste d’un membre au sein d’une organisation et la complicité de ce membre :

 

[10]      À mon avis, la complicité d'un individu dans des crimes internationaux est d'autant plus probable qu'il occupe des fonctions importantes dans l'organisation qui les a commis. Tout en gardant à l'esprit que chaque cas d'espèce doit être jugé à la lumière des faits qui le caractérisent, on peut dire que plus l'intéressé se trouve aux échelons supérieurs de l'organisation, plus il est vraisemblable qu'il était au courant du crime commis et partageait le but poursuivi par l'organisation dans la perpétration de ce crime. En conséquence, peut être jugé complice celui qui demeure à un poste de direction de l'organisation tout en sachant que celle-ci a été responsable de crimes contre l'humanité...

           

[45]           De plus, dans l’arrêt Sivakumar, ci-dessus, les principes soutenant la « complicité par association » sont énumérés de la façon suivante :

[9]        [...] la complicité par association, laquelle s'entend du fait qu'un individu peut être tenu responsable d'actes commis par d'autres, et ce en raison de son association étroite avec les auteurs principaux.

[10]      À mon avis, la complicité d'un individu dans des crimes internationaux est d'autant plus probable qu'il occupe des fonctions importantes dans l'organisation qui les a commis. [...] plus l'intéressé se trouve aux échelons supérieurs de l'organisation, plus il est vraisemblable qu'il était au courant du crime commis et partageait le but poursuivi par l'organisation dans la perpétration de ce crime [...] Dans ces conditions, un facteur important à prendre en considération est la preuve que l'individu s'est opposé au crime ou a essayé d'en prévenir la perpétration ou de se retirer de l'organisation...

[...]

[13]      [...] l'association avec une personne ou une organisation responsable de crimes internationaux peut emporter complicité si l'intéressé a personnellement ou sciemment participé à ces crimes, ou les a sciemment tolérés.

 

 

[46]           Également, le juge Edmond Blanchard dans l’arrêt Sungu, ci-dessus, mentionne qu’une « participation personnelle et consciente peut être directe ou indirecte » en précisant ce qui suit :

[33]      [...] Ce n'est pas tant le fait d'oeuvrer au sein d'un groupe qui rend quelqu'un complice des activités du groupe que le fait de contribuer, de près ou de loin, de l'intérieur ou de l'extérieur, en toute connaissance de cause, aux dites activités ou de les rendre possibles. Celui qui met sa propre roue dans l'engrenage d'une opération qui n'est pas la sienne mais qu'il sait qu'elle mènera vraisemblablement à la commission d'une[sic] crime international s'expose à l'application de la clause d'exclusion au même titre que celui qui participe directement à l'opération.

 

[47]           La décision de la Commission, concluant que le poste et la responsabilité de M. Ryivuze au sein du gouvernement Burundi permettant d’affirmer qu’il a connaissance des crimes commis par le gouvernement burundais, est raisonnable. En outre, l’intention commune qui peut être déduite de l’association volontaire du demandeur avec ce gouvernement est suffisante pour conclure à la complicité par association.

 

[48]           Ainsi, dans le jugement rendu dans l’affaire Omar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 861, [2004] A.C.F. no 1061 (QL), au paragraphe 9, le juge Yvon Pinard conclut que l’ambassadeur d’un pays étranger peut être jugé complice par association des crimes commis par le gouvernement au pouvoir du pays qu’il représente, même s’il réside à l’étranger pendant toute la période pendant laquelle les exactions ont été commises, et ce, en raison de l’association étroite avec le gouvernement qui l’a nommé dans le poste d’ambassadeur à l’étranger :

[9]        En l'espèce, la preuve révèle clairement que le régime du Djibouti se livre à la répression des droits humains, à la persécution et à l'intimidation de la population civile ainsi qu'à la corruption gouvernementale. La CISR a conclu que le demandeur était complice du régime du Djibouti en raison des fonctions de confiance à lui confiées par le gouvernement au moment où le régime était engagé dans des activités qualifiées de crimes contre l'humanité et d'activités contraires aux buts et principes des Nations unies. En effet, depuis 1997, le demandeur était ambassadeur à Paris, occupant le plus haut poste au sein de la plus importante mission à l'étranger du Djibouti. De par cette fonction, le demandeur représentait son pays auprès des pays de l'Union européenne et des pays du Mahgreb. Il a témoigné avoir eu connaissance des crimes auxquels se livrait son gouvernement. Le demandeur, qui, en raison de son poste à Paris, représentait autant le parti au pouvoir que le gouvernement djiboutien, n'a jamais tenté de se dissocier de ces crimes. La preuve révèle que depuis 1988, date de son recrutement au sein du MAECI du Djibouti, le demandeur a toujours démontré son appui actif, constant et confiant au régime. Dans les circonstances, je suis donc d'avis que la CISR a raisonnablement bien apprécié la situation et qu'elle a correctement appliqué la clause d'exclusion à l'encontre du demandeur. Malgré l'habile argumentation de Me Bertrand, procureur de la partie demanderesse, la conclusion du tribunal en ce qui a trait à l'exclusion du demandeur doit également être maintenue.

 

(Voir aussi : Chowdhury, ci-dessus, en ce qui concerne un dirigeant d’un parti politique formant le gouvernement au pouvoir au Bangladesh)

 

[49]           Récemment, le juge Noël en est venu à une conclusion similaire dans l’affaire Chowdhury, ci-dessus, concernant un dirigeant d’un parti politique formant le gouvernement au pouvoir au Bangladesh :

[23]      Il ne m'appartient pas de décider si le demandeur a en fait participé personnellement et consciemment aux actes brutaux commis par le Parti de la Ligue Awami mais plutôt s'il était raisonnable que la SPR tire cette conclusion...

[24]      La SPR a également conclu que le demandeur avait omis de se dissocier du Parti de la Ligue Awami et était demeuré dans ce parti. La SPR a jugé non crédible le fait que les habitants du quartier du demandeur se soient opposés aux actes de violence commis par le Parti de la Ligue Awami, comme l'allègue le demandeur. Il n'existe donc aucune raison de remettre en question la conclusion de fait selon laquelle le demandeur a omis de se dissocier du parti.  [La Cour souligne.]

 

[50]           Ces cas se distinguent des affaires Sungu, Valère, ci-dessus, et Mankoto c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 294, [2005] A.C.F. no 365 (QL) invoqué par M. Ryivuze puisqu’il s’agit dans ces cas, d’individus qui n’occupent pas des postes élevés au sein de l’organisation.

 

[51]           Il est important de noter ici que le demandeur a volontairement caché qu’il a travaillé pour le gouvernement du Burundi, justement pour ne pas être associé aux exactions commises par ce gouvernement. En effet, lors de son arrivée au Canada, il écrit dans son Formulaire de renseignements personnels (FRP) qu’il a été un consultant au sein du gouvernement burundais. Ce n’est que le 30 juin 2004 qu’il modifie son FRP pour mentionner qu’il a travaillé pour le ministère de la Planification du développement et de la reconstruction comme conseiller économique et comme directeur de mars 2002 à juillet 2003. À l’audience du mois de juillet 2005, interrogé sur les raisons pour lesquelles il a caché son rôle dans l’appareil gouvernemental, il mentionne qu’il savait que c’était mauvais d’être lié au gouvernement et qu’on allait l’accuser de collaborer, car l’armée avait commise des exécutions de civils. (Décision de la Commission, à la page 8.)

 

La connaissance des atrocités commises par l’organisation

[52]           La Commission note dans sa décision, que M. Ryivuze a connaissance des exactions et des abus de droits de la personne commis par le pouvoir en place au Burundi. Le demandeur a d’ailleurs admis avoir eu connaissance des crimes commis de manière systématique et répétée contre la population civile d’origine hutue, dont des femmes et des enfants. (Décision de la Commission, aux pages 4 à 7)

 

[53]           Par ailleurs, telle qu’il appert de la décision de la Commission, M. Ryivuze cherche constamment à minimiser la portée des crimes commis ou à justifier les actions du gouvernement à l’égard de certains groupes de la population civile, en affirmant que ces gestes et exactions commises ont servi à protéger d’autres groupes de la population, notamment l’ethnie tutsie dont il fait partie. (Décision de la Commission, aux pages 4 à 9 inclusivement)

 

[54]           Compte tenu de la jurisprudence et de l’interprétation donnée au critère de la participation personnelle et consciente, il n’est pas nécessaire de relier M. Ryivuze directement aux crimes commis par une section ou une autre de l’armée ou du gouvernement du Burundi; il suffit de faire la preuve de la connaissance du demandeur de la commission de ces crimes et de la continuation de son association volontaire et en toute connaissance de cause avec les auteurs principaux de ces crimes.

 

La période de temps passée dans l’organisation

[55]           M. Ryivuze a occupé un poste (premièrement comme conseiller et ensuite comme directeur) au sein du Ministère de la Planification du développement et de la reconstruction pendant sept ans, soit de 1996 à 2003.

 

La possibilité de quitter l’organisation

[56]           La Commission note dans sa décision que, malgré la connaissance des exactions commises par le gouvernement de Burundi, M. Ryivuze a omis de ce dissocier de celui-ci. En effet, lorsque la Commission le questionne sur la raison pour laquelle il a continué de travailler pour ce gouvernement malgré la connaissance des crimes infligés par celui-ci, M. Ryivuze répond qu’il n’y a aucun autre emploi au Burundi. Enfin, il appert que M. Ryivuze aurait pu se dissocier du gouvernement burundais en démissionnant en toute sécurité et c’est principalement par choix qu’il a décidé de continuer à travailler pour le Ministère de la Planification du développement et de la reconstruction en raison de l’argent et des privilèges (notamment l’utilisation d’un véhicule) que ce travail lui rapportait.

 

[57]           À ce sujet, le juge Michel Beaudry dans l’arrêt Kaburundi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 361, [2006] A.C.F. no 427 (QL), écrit ce qui suit :

 

[32]      Il est pertinent de noter que le demandeur n'a pas contesté la véracité des crimes reprochés au gouvernement burundais. Il n'a pas non plus nié être au courant de la perpétration de ces crimes alors qu'il travaillait pour le gouvernement. Pour s'en convaincre, il ne s'agit que de lire le formulaire de renseignements personnels du demandeur.

 

[33]      Il est manifestement incontestable que le demandeur n'ait pas personnellement commis de massacres ou de violences contre la population civile. Cependant, il n'était pas déraisonnable de la part du tribunal de conclure à sa complicité par association compte tenu de son adhésion volontaire aux activités du gouvernement, de son ascension au sein du ministère des affaires étrangères alors que le Burundi était en proie à des violences d'une atrocité abominable et du fait qu'il ne s'en est retiré que lorsqu'il en vint à craindre pour sa propre sécurité. Face à l'ampleur de la violence infligée par les forces gouvernementales (démontrée par la preuve documentaire au dossier) contre des membres de la population civile, la contrainte économique invoquée par le demandeur pour justifier la continuation de son emploi n'impressionne pas beaucoup.

 

[34]      Dans Harb, ci-dessus, le juge Décary écrit au paragraphe 11 : [...] Ce n'est pas la nature des crimes reprochés à l'appelant qui mène à son exclusion, mais celle des crimes reprochés aux organisations auxquelles on lui reproche de s'être associé. Dès lors que ces organisations commettent des crimes contre l'humanité et que l'appelant rencontre les exigences d'appartenance au groupe, de connaissance, de participation ou de complicité imposées par la jurisprudence [...], l'exclusion s'applique quand bien même les gestes concrets posés par l'appelant lui-même ne seraient pas, en tant que tels, des crimes contre l'humanité. [...]

 

[35]      Malgré les efforts considérables déployés par le demandeur pour minimiser l'importance de ses fonctions, il reste que son travail sur le plan financier a contribué au maintien et au bon fonctionnement de l'appareil gouvernemental burundais, notamment au niveau du fonctionnement de ses missions diplomatiques à l'étranger et au maintien de l'aide financière accordée par l'Union Européenne. [La Cour souligne.]

 

 

[58]           En somme, compte tenu de sa connaissance des exactions commises par le gouvernement du Burundi pendant la période où il a travaillé au sein du Ministère de la Planification du développement et de la reconstruction comme conseiller économique et comme directeur, la Commission a conclu raisonnablement que M. Ryivuze était, à tout moment de son association volontaire avec ce gouvernement, complice des crimes contre l’humanité commis par celui-ci.

 

[59]           Conséquemment, la Commission ne s’est pas prononcée sur les motifs de la demande d’asile de M. Ryivuze, le tout conformément à l’arrêt Kaburundi, ci-dessus, où le juge Beaudry mentionne ceci aux paragraphes 44 et 45 :

[44]      Dans Gonzalez c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] 3 C.F. 646 (C.A.), le juge Mahoney écrit au paragraphe 12 :

À mon avis, rien dans la Loi ne permet à la section du statut de réfugié d'apprécier la sévérité de la persécution potentielle au regard de la gravité de la conduite qui l'a amenée à conclure qu'il s'agissait d'un crime visé par la section Fa) de l'article premier. L'exclusion de la section Fa) de l'article premier fait, en vertu de la loi, partie intégrante de la définition. Quel que soit par ailleurs le bien-fondé de sa revendication, le demandeur ne peut aucunement être un réfugié au sens de la Convention si l'exclusion s'applique.

[45]      Ainsi, j'en conclus que le tribunal n'a pas erré en droit en ne considérant pas la question de l'inclusion du demandeur après avoir déterminé son exclusion en vertu du paragraphe 1F(a) de la Convention. [La Cour souligne.]

 

CONCLUSION

[60]           Compte tenu de ce qui précède, la Cour rejette la demande de contrôle judiciaire.


 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE que

1.         La demande de contrôle judiciaire soit rejetée;

2.         Aucune question grave de portée générale soit certifiée.

 

 

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3663-06

 

INTITULÉ :                                       THARCISSE RYIVUZE

                                                            c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 1 février 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS

ET JUGEMENT:                               le 8 février 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Annie Bélanger

 

POUR LE DEMANDEUR

Me Michel Pépin

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

BÉLANGER FIORE, avocats

Montréal (Québec)

 

POUR LE(S) DEMANDEUR(ERESSE)(S)

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE(S) DÉFENDEUR(ERESSE)(S)

 

 

 

 

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