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Date : 20070213

Dossiers : IMM‑1110‑06

IMM‑1112‑06

 

Référence : 2007 CF 159

Ottawa (Ontario), le 13 février 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SIMON NOËL

 

ENTRE :

XIAO HUI LU

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), à l’encontre d’une décision de la Section de l’immigration du consulat général du Canada à Hong Kong (le consulat général), en date du 19 décembre 2005, qui a refusé la demande de résidence permanente de Xiao Hui Lu (le demandeur) parce qu’il est interdit de territoire au Canada pour fausses déclaration. La décision de la Section de l’immigration a été communiquée au demandeur en deux parties, à savoir une lettre de Brian Beaupre (le gestionnaire Beaupre), gestionnaire des services d’immigration de la Section de l’immigration du consulat général, et une lettre de Yvonne Tsang, agente d’immigration à la Section de l’immigration du consulat général. Les deux lettres portaient la date du 19 décembre 2005 et ont été reçues par le demandeur le 31 décembre 2005. 

 

[2]               Le demandeur a présenté initialement deux demandes de contrôle judiciaire, qui ont toutes deux été autorisées. Le contrôle judiciaire de la décision du gestionnaire Beaupre est le dossier IMM‑1110‑06 et le contrôle judiciaire de la décision de l’agente Tsang est le dossier IMM‑1112‑06. Ces deux dossiers ont été réunis par ordonnance de la Cour.

 

I.  Les faits

 

[3]               Le 8 octobre 2004, le demandeur, citoyen de la Chine, a présenté une demande de résidence permanente au Canada en qualité de membre de la catégorie des « investisseurs ».

 

[4]               Dans sa demande de résidence permanente, le demandeur a indiqué que de juin 1998 à aujourd’hui il était président du conseil et directeur général de Beijing Meige Decoration and Fitment Co. (Beijing Meige), une société spécialisée dans la décoration intérieure et extérieure de maisons. Le demandeur a également indiqué dans sa demande de résidence permanente qu’il était propriétaire de 33 % de la société, que le capital social de la société s’établissait à 5 000 000 yuans et que la valeur de son actif net était de 17 044 645,26 yuans. Par conséquent, d’après le demandeur, la valeur de sa part de la société était de 5 624 732,93 yuans ou de 839 512 $CAN. De plus, le demandeur établissait la valeur de son avoir net personnel à 1 263 107 $CAN.

 

[5]               Pour étayer sa valeur nette personnelle et la valeur de ses parts dans Beijing Meige, le demandeur a présenté des rapports de validation du capital. Dressés par des vérificateurs externes, ces rapports consignent l’évolution de l’apport de l’intéressé à une société ou un à autre organisme pendant un certain nombre d’années. Dans l’affaire qui nous intéresse, le demandeur a présenté quatre de ces rapports, soit ceux des années 1996, 1998, 2000 et 2001. 

 

[6]               Le 23 mai 2005, la demande de résidence permanente du demandeur a fait l’objet d’une sélection administrative au consulat général. Cet examen du dossier a semblé faire ressortir des contradictions entre le certificat de résidence du demandeur et les renseignements relatifs à la résidence et à l’emploi contenus dans sa demande. Le demandeur s’est fait demander d’expliquer ces contradictions. L’explication qu’il a fournie a été jugée acceptable par l’agente Tsang, qui était affectée au dossier. Par conséquent, le 22 juillet 2005, des visas de résident permanent ont été imprimés pour le demandeur et ses personnes à charge.

 

[7]               Le 1er août 2005, la demande de résidence permanente du demandeur a été choisie au hasard à des fins de vérifications de routine d’assurance de la qualité par l’Unité d’intégrité des mouvements migratoires. Un rapport sur ces vérifications (le rapport d’assurance de la qualité) a été dressé le 9 août 2005 et revu par l’agente Tsang. Le rapport d’assurance de la qualité a soulevé des questions au sujet de la validité du rapport de validation du capital daté du 27 août 2001 (le rapport de validation du capital de 2001) dressé par la société Beijing Jing Cheng, un cabinet d’experts‑comptables agréés (CPA). 

 

[8]               Étant données les questions soulevées par le rapport d’assurance de la qualité, le consulat général s’est informé au sujet du rapport de validation du capital de 2001 auprès de Mme Lu, l’une des deux comptables qui auraient signé le rapport. En réponse aux demandes de renseignements, Mme Lu a confirmé le 8 août 2005 que le rapport de validation du capital de 2001 ne comportait pas de numéro de référence, ce qui était inhabituel et empêchait de vérifier l’authenticité du  rapport. Elle a ajouté que la signature figurant à la fin du rapport n’était pas la sienne. Le lendemain, Mme Lu a de nouveau affirmé que ce n’était pas sa signature qui se trouvait à la fin du rapport de validation du capital de 2001.   

 

[9]               Le 17 août 2005, un autre membre du personnel de Beijing Jing Chen, Mme Zhang, a dit à des représentants du consulat général, alors qu’elle fournissait des résultats de la vérification de documents ayant trait à une demande d’immigration non liée, que le rapport de validation du capital de 2001 était authentique, la société ayant été en mesure de trouver sa copie du rapport d’après sa date de production.

 

[10]           Mme Zhang a également affirmé aux représentants du consulat général qu’elle ne savait pas pourquoi Mme Lu prétendait que la signature figurant sur le rapport de validation du capital de 2001 n’était pas la sienne. Après avoir parlé à Mme Zhang, des représentants du consulat général ont contacté de nouveau Mme Lu. Cette dernière a encore confirmé que ce n’était pas sa signature qui se trouvait à la fin du rapport de validation du capital de 2001 du demandeur. Mme Lu a ajouté que, si Mme Zhang pouvait trouver le rapport dans les archives de la société, le rapport de validation du capital de 2001 devait être authentique, et qu’il se peut que quelqu’un l’ait signé en son nom.

 

[11]           Le 28 septembre 2005, des membres du personnel du consulat général ont visité les bureaux de Beijing Jing Chen. Mme Lu a alors réaffirmé que ce n’était pas sa signature qui figurait sur le rapport de validation du capital de 2001. En outre, Mme Lu a réitéré qu’un autre vérificateur a pu signer le rapport en son nom, comme l’autorisait la politique de la société avant 2002. Mme Lu a également informé le personnel du consulat général que la seule personne à avoir accès aux archives de Beijing Jing Chen était Mme Zhang, qui n’était pas disponible. 

 

[12]           Le lendemain, des membres du personnel du consulat général ont visité de nouveau la société. Ils ont encore échoué dans leur tentative d’obtenir la copie du rapport de validation du capital de 2001 que détenait la société. D’abord, Mme Zhang a refusé de produire une copie du rapport, en affirmant qu’elle ne pouvait le faire sans avoir obtenu l’autorisation de son directeur, mais elle a refusé de fournir les coordonnées de ce dernier. Ensuite, Mme Zhang et Mme Lu ont informé le personnel du consulat général qu’il était impossible de trouver un rapport de validation du capital sans numéro de référence. Enfin, pressée de questions, Mme Zhang a dit qu’elle était parvenue à trouver une copie du rapport de validation du capital de 2001, mais que ce rapport se trouvait dans les archives de la société, et que la seule personne possédant une clé des archives était à l’extérieur du bureau.

 

[13]           Le 17 octobre 2005, l’agente Tsang a fait parvenir au demandeur une lettre expliquant les conclusions tirées par le personnel du consulat général concernant sa demande de résidence permanente. Dans cette lettre, l’agente Tsang déclarait qu’elle [traduction] « croyait vraiment qu’[il] ne satisfai[sait] pas aux exigences de la Loi », parce qu’il semblait que le rapport de validation du capital de 2001 était frauduleux et que Beijing Jing Chen était de mèche avec le demandeur. Ce dernier s’est vu accorder 60 jours pour soumettre des renseignements ou des documents en réaction aux préoccupations de l’agente Tsang. 

 

[14]           Le 14 novembre 2005, le demandeur a envoyé une lettre à l’agente Tsang indiquant qu’il avait rencontré le directeur de Beijing Jing Chen, M. Buer Pan, qui a confirmé l’authenticité du rapport de validation du capital de 2001 et a expliqué que la « façon de travailler » du personnel était à l’origine de la confusion au sujet du rapport de validation du capital de 2001. 

 

[15]           Le 16 novembre 2005, M. Pan a fait parvenir une lettre à l’agente Tsang dans laquelle il confirmait que le rapport de validation du capital de 2001 était authentique. Dans cette lettre, M. Pan tentait d’expliquer les gestes posés par le personnel de Beijing Jing Chen. Il déclarait tout d’abord que Mme Lu était « prudente » et ne voulait pas confirmer sa signature figurant dans la version du rapport de validation du capital qui lui a été présenté parce qu’elle était illisible. Il a ensuite déclaré qu’en fait Mme Zhang avait trouvé une copie du rapport de validation du capital de 2001 grâce à sa date de publication, mais qu’elle avait refusé de le remettre aux membres du personnel du consulat général lorsqu’ils ont visité la société parce qu’ils n’ont pas présenté de pièce d’identité sur demande. 

 

[16]           Après examen de la lettre de M. Pan, l’agente Tsang a conclu que M. Lu était interdit de territoire au Canada. Dans sa lettre en date du 19 décembre 2005 adressée au demandeur, l’agente Tsang a écrit que [traduction] « […] comme vous êtes une personne visée par le paragraphe 16(1) et les articles 34 à 42 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés […] vous êtes donc interdit de territoire au Canada pour criminalité ».

 

[17]           Dans sa lettre adressée au demandeur, également le 19 décembre 2005, le gestionnaire Beaupre a écrit :

 

[traduction]

[…] J’ai des motifs raisonnables de croire que vous avez présenté un document frauduleux pour étayer votre demande d’immigration. Cette présentation erronée sur un fait important quant à un objet pertinent, ou une réticence sur ce fait, a entraîné ou risque d’entraîner une erreur dans l’application de la présente loi pour les raisons suivantes :

 

1) je ne me serais pas rendu compte que vous avez contrevenu au paragraphe 16(1) de la Loi sur l’immigration qui prévoit que l’auteur d’une demande doit répondre véridiquement aux questions qui lui sont posées lors du contrôle, donner les renseignements et tous les éléments de preuve pertinents et présenter un visa et les documents requis;

 

2) en conséquence de l’information contenue dans le document frauduleux intitulé Description of Alteration Registration Capital Validation daté du 27 août 2001 que vous avez présenté, j’aurais pu être amené à croire que vous aviez accumulé légalement une partie de votre avoir net personnel grâce à l’investissement total que vous prétendez avoir fait dans Beijing Meige Decoration and Fitment Co. Ltd.

 

Par conséquent, vous êtes interdit de territoire au Canada pour une période de deux ans à compter de la date de la présente lettre. 

 

[18]           M. Lu a reçu les lettres de l’agente Tsang et du gestionnaire Beaupre le 31 décembre 2005. 

 

II. Cadre législatif

 

[19]           Les dispositions suivantes de la LIPR revêtent de l’importance pour la révision de la décision de refuser au demandeur sa résidence permanente au Canada.

Formalités préalables à l’entrée

 

Requirements Before Entering Canada

 

11. (1) L’étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à l’agent les visa et autres documents requis par règlement, lesquels sont délivrés sur preuve, à la suite d’un contrôle, qu’il n’est pas interdit de territoire et se conforme à la présente loi.

 

11. (1) A foreign national must, before entering Canada, apply to an officer for a visa or for any other document required by the regulations. The visa or document shall be issued if, following an examination, the officer is satisfied that the foreign national is not inadmissible and meets the requirements of this Act.

 

 

 

Obligation du demandeur

 

Obligation — answer truthfully

 

16. (1) L’auteur d’une demande au titre de la présente loi doit répondre véridiquement aux questions qui lui sont posées lors du contrôle, donner les renseignements et tous éléments de preuve pertinents et présenter les visa et documents requis.

16. (1) A person who makes an application must answer truthfully all questions put to them for the purpose of the examination and must produce a visa and all relevant evidence and documents that the officer reasonably requires.

[Je souligne]

[My emphasis]

 

Fausses déclarations

 

Misrepresentation

 

40. (1) Emportent interdiction de territoire pour fausses déclarations les faits suivants :

40. (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible for misrepresentation

a) directement ou indirectement, faire une présentation erronée sur un fait important quant à un objet pertinent, ou une réticence sur ce fait, ce qui entraîne ou risque d’entraîner une erreur dans l’application de la présente loi;

(a) for directly or indirectly misrepresenting or withholding material facts relating to a relevant matter that induces or could induce an error in the administration of this Act;

[…]

[…]

 

III. Questions en litige

 

(1)   Les lettres reçues par le demandeur de la part du gestionnaire Beaupre et de l’agente Tsang, qui expliquent pourquoi il a été jugé interdit de territoire au Canada, constituent‑elles un manquement à l’équité procédurale?

(2)   Le gestionnaire Beaupre a‑t‑il commis une erreur en concluant que le demandeur était interdit de territoire en raison de fausses déclarations?

(3)   La lettre de l’agente Tsang fournissait‑elle des motifs insuffisants pour justifier le rejet de la demande de résidence permanente du demandeur et, à ce titre, constituait‑elle un manquement à l’équité procédurale?

(4)   L’agente Tsang a‑t‑elle commis une erreur de droit en déclarant que le demandeur était « interdit de territoire pour criminalité », alors que dans les faits le demandeur a été jugé interdit de territoire pour fausses déclarations?

 

IV. Analyse

 

(1)   Les lettres reçues par le demandeur de la part du gestionnaire Beaupre et de l’agente Tsang, qui expliquent pourquoi il a été jugé interdit de territoire au Canada, constituent‑elles un manquement à l’équité procédurale?

 

[20]           Le demandeur a reçu, le 31 décembre 2005, les lettres du gestionnaire Beaupre et de l’agente Tsang, toutes deux datées du 19 décembre 2005.  La lettre de l’agente Tsang était plus générale que celle qui a été envoyée par le gestionnaire Beaupre. Toutefois, à la lecture conjointe de ces deux lettres, il est clair que la Section de l’immigration du consulat général a décidé que le demandeur a enfreint le paragraphe 16(1) de la LIPR, selon lequel l’auteur d’une demande d’immigration doit répondre véridiquement aux questions qui lui sont posées et donner les renseignements et tous les éléments de preuve pertinents et présenter les documents requis, et qu’il était à ce titre interdit de territoire au Canada en raison de fausses déclarations, en application de l’alinéa 40(1)a) de la LIPR.

 

[21]           Je ne vois pas en quoi l’envoi de deux lettres au demandeur par la Section de l’immigration du consulat général, lettres qui, lues conjointement, expliquent en détail le contexte factuel de la demande de résidence permanente du demandeur, les mesures prises par le consulat général pour vérifier les renseignements fournis par le demandeur et les motifs pour lesquels le demandeur était considéré interdit de territoire au Canada, pourrait constituer un manquement à l’équité procédurale. Ces deux lettres ne se contredisent pas. Ainsi, j’estime que la réception de deux lettres par le demandeur n’a fait que clarifier les motifs pour lesquels sa demande de résidence permanente a été refusée et ne lui porte aucunement préjudice.  

 

(2)   Le gestionnaire Beaupre a‑t‑il commis une erreur en concluant que le demandeur était interdit de territoire en raison de fausses déclarations?

 

[22]           La conclusion du gestionnaire Beaupre selon laquelle le demandeur a fait de fausses déclarations dans sa demande de résidence permanente est une conclusion de fait. Il est bien établi que des conclusions de fait tirées par des agents d’immigration sont susceptibles de révision suivant la norme de la décision manifestement déraisonnable (Boni c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CAF 68, aux paragraphes 7 et 8). Dans le cas qui nous occupe, le gestionnaire Beaupre a conclu que le rapport de validation du capital de 2001 présenté par le demandeur, dans le cadre de sa demande de résidence permanente, n’était pas authentique. C’est pourquoi le gestionnaire Beaupre a décidé que le demandeur était interdit de territoire au Canada pour fausses déclarations aux termes de l’alinéa 40(1)a) de la LIPR. 

 

[23]           La conclusion du gestionnaire Beaupre selon laquelle le rapport de validation du capital de 2001 n’était pas authentique n’est pas manifestement déraisonnable. Bon nombre d’éléments de preuve étayent cette conclusion, en particulier les suivants :

 

-         il n’y avait pas de numéro de référence sur le rapport de validation du capital de 2001, ce qui est inhabituel pour un tel document et ce qui constitue un obstacle de taille si l’on veut vérifier l’authenticité du document;

-         Mme Lu, l’une des vérificatrices qui aurait signé le rapport de validation du capital de 2001, a plusieurs fois déclaré que la signature qui se trouve à la fin du rapport n’était pas la sienne;

-         les demandes de renseignements concernant la validité du rapport de validation du capital de 2001 n’ont aucunement dissipé les doutes soulevés au sujet de l’authenticité du document, les membres du personnel de Beijing Chen Jing ayant sans cesse modifié leur récit quant à l’authenticité du document;

-         les explications données par le demandeur et le directeur de Beijing Chen Jing n’ont pas clarifié les divers récits faits par des membres du personnel de Beijing Chen Jing au consulat général au sujet du rapport de validation du capital de 2001. 

 

[24]           Par conséquent, la conclusion du gestionnaire Beaupre selon laquelle le rapport de validation du capital de 2001 n’était pas authentique était raisonnable compte tenu de la preuve. L’intervention de la Cour n’est donc pas justifiée.

 

(3)   La lettre de l’agente Tsang fournissait‑elle des motifs insuffisants pour justifier le rejet de la demande de résidence permanente du demandeur et, à ce titre, constituait‑elle un manquement à l’équité procédurale?

 

[25]           En tant que telle, la lettre de l’agente Tsang n’énonce pas la disposition précise de la LIPR en vertu de laquelle le demandeur a été jugé interdit de territoire. La lettre de l’agente Tsang dit simplement que [traduction] « comme vous êtes une personne visée par le paragraphe 16(1) et les articles 34 à 42 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés […] vous êtes donc interdit de territoire au Canada […] ». Ceci étant dit, tel qu’il a été mentionné précédemment, le demandeur a reçu des lettres de l’agente Tsang et du gestionnaire Beaupre. Dans sa lettre, ce dernier précisait que le demandeur était interdit de territoire au Canada en vertu de l’alinéa 40(1)a) de la LIPR. Comme les lettres du gestionnaire Beaupre et de l’agente Tsang ont été reçues à la même date (soit le 31 décembre 2005), ont été rédigées la même date (le 19 décembre 2005) et ont été envoyées par le même bureau, à savoir la Section de l’immigration du consulat général à Hong Kong, je ne vois pas pourquoi elles ne peuvent pas être considérées conjointement ni pourquoi le demandeur, à la lecture successive des lettres, n’aurait pas pu comprendre de façon claire les motifs pour lesquels il a été jugé interdit de territoire au Canada.

 

(4)   L’agente Tsang a‑t‑elle commis une erreur de droit en déclarant que le demandeur était « interdit de territoire pour criminalité », alors que dans les faits le demandeur a été jugé interdit de territoire pour fausses déclarations?

 

[26]           Dans sa lettre, l’agente Tsang a écrit : « Comme vous êtes une personne visée par […] les articles 34 à 42 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, vous êtes donc interdit de territoire au Canada pour criminalité. ». Les articles 34 à 42 de la LIPR sont les dispositions de la Loi qui établissent les motifs pour lesquels une personne peut être réputée interdite de territoire au Canada. Il se trouve que l’interdiction de territoire pour criminalité est l’un de ces motifs.

 

[27]           En l’espèce, rien n’indique que le demandeur avait un quelconque casier judiciaire qui le rendrait interdit de territoire pour criminalité. Le juge Blanchard, dans Zhong c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1636, au paragraphe 24, déclare :

Bien qu’il fût peut‑être loisible à l’agent, au vu de la preuve, de conclure que la preuve dont il disposait était trop contradictoire ou insuffisante pour lui permettre de penser que la valeur nette du demandeur provenait de sources légales et légitimes, pareille constatation ne conduisait pas nécessairement à la conclusion que le demandeur devait être interdit de territoire en vertu du paragraphe 36(2) de la Loi. Une personne n’est pas interdite de territoire au sens du paragraphe 36(2) du simple fait qu’elle a violé une des prescriptions de la Loi ou de ses règlements d’application (voir, à cet égard, l’arrêt Kang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) [1981] 2 C.F. 807 (C.A.F.) au paragraphe 6).  

 

[Non souligné dans l’original]

 

Je suis tout à fait d’accord avec le juge Blanchard. Une personne qui fournit des preuves contradictoires ou qui ne répond pas véridiquement à un agent d’immigration ne devient pas « interdite de territoire pour criminalité ».  

 

[28]           Le défendeur déclare explicitement que l’agente Tsang avait pour rôle d’établir si le demandeur satisfaisait aux exigences du paragraphe 11(1) de la LIPR, c’est‑à‑dire que l’agente Tsang devait établir que le demandeur se conformait aux exigences de la LIPR et n’était pas interdit de territoire. La lettre de l’agente Tsang prouve qu’elle n’était pas persuadée que le demandeur se conformait aux exigences de la Loi, car elle a établi que le demandeur n’a pas répondu véridiquement aux autorités de l’Immigration, enfreignant ainsi l’article 16 de la LIPR. L’agente Tsang a ensuite déclaré que le demandeur était interdit de territoire au Canada; elle a alors outrepassé son rôle qui consistait à évaluer la demande de résidence permanente du demandeur. Cela dit, les notes du STIDI mentionnent que l’agente Tsang a recommandé au gestionnaire Beaupre de déclarer le demandeur interdit de territoire aux termes de l’alinéa 40(1)a) de la LIPR. Cependant, la décision finale quant à l’interdiction de territoire du demandeur a été laissée au gestionnaire Beaupre. 

 

[29]           Quoique l’agente Tsang ait outrepassé son rôle dans l’évaluation de la demande de résidence permanente du demandeur, je ne crois pas que ses gestes soient une erreur de droit. Le fait que l’agente Tsang a écrit dans sa lettre au demandeur qu’il était « […] donc  interdit de territoire au Canada […] » représente, à mon avis, une erreur qui peut être associée à une erreur typographique et qui n’est pas de nature décisive. Comme il a été précédemment mentionné, des deux lettres reçues par le demandeur en date du 31 décembre 2005, celle de l’agente Tsang était la plus générale, exposant en termes généraux les faits en litige et les motifs de refus de la demande de résidence permanente présentée par le demandeur. Compte tenu du fait qu’elle n’a pas précisé aux termes de quelle disposition de la LIPR le demandeur a été jugé interdit de territoire, et étant donné également les motifs détaillés communiqués au demandeur par le gestionnaire Beaupre, dans sa lettre, sur les raisons de l’interdiction de territoire le frappant, l’agente Tsang n’a pas conclu que le demandeur était interdit de territoire pour criminalité en vertu de l’article 36 de la Loi, même si elle fait mention des dispositions sur l’« interdiction de territoire » de la LIPR. 

 

[30]           Le juge Russell, dans la décision Petrova c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 506, a traité des répercussions d’une erreur typographique sur les motifs d’un décideur qui sont revus par la Cour. Au paragraphe 52 de la décision Petrova, précitée, le juge Russell écrit :

Lorsqu’une erreur est de nature typographique, la Cour ne doit pas modifier la décision, surtout si l’erreur ne semble pas être le résultat d’une incompréhension de la preuve. Dans l’affaire Sandhu c. M.C.I., le juge Nadon s’exprimait ainsi à propos d’une erreur typographique qui s’était glissée dans la décision contestée:

 

... Il est clair, à la lecture du dossier, que la Section du statut ne s’est pas méprise quant à la visite de deux hommes qu’aurait remarquée le demandeur. Le demandeur a témoigné que deux hommes auraient visité la chambre de Pritam Singh. Il n’a pas témoigné que ces individus l’ont visité, et je suis convaincu que le mot « claimant » que l’on retrouve dans la phrase:

 

The claimant told the police that on two occasions he saw two individuals whom he could not identify visiting the claimant in his room [...]

 

est une erreur typographique. De toute façon, s’il y a erreur, cette erreur n’est pas déterminante et ne peut certainement pas justifier une intervention de ma part.

 

Sandhu c  Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2002 CFPI 134.

 

[Non souligné dans l’original]

 

Selon moi, rien ne justifie que l’erreur commise par l’agente Tsang se traduise par une intervention de la Cour en l’espèce. Rien n’indique, dans la lettre de l’agente Tsang, qu’elle a mal compris la preuve qui lui a été soumise et qu’elle croyait que le demandeur était interdit de territoire aux termes de l’article 36 de la LIPR pour criminalité, ou qu’elle croyait que des réponses non véridiques de la part du demandeur le rendaient interdit de territoire pour criminalité, comme c’était le cas dans la décision Zhong, qui précède.

 

[31]           Cela dit, l’expression « interdit de territoire pour criminalité » peut avoir des répercussions défavorables sur la capacité du demandeur d’entrer au Canada à l’avenir. Par conséquent, pour faire bonne mesure, je demande au ministre de faire enlever des dossiers toute mention d’« interdiction de territoire pour criminalité » qui se rapporte au demandeur.

 

[32]           Bref, l’ajout par l’agente Tsang des mots « pour criminalité », avant la mention portant que selon les dispositions générales sur l’interdiction de territoire de la LIPR le demandeur était interdit de territoire au Canada, ne constitue pas une erreur déterminante, n’a pas de répercussion sur le fond de la décision et ne peut justifier une intervention de la Cour. 

 

V.  Conclusion   

 

[33]           Pour les motifs énoncés précédemment, rien ne justifie l’intervention de la Cour en l’espèce. La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée. 

 

[34]           Les parties ont été invitées à soumettre une question en vue de la certification, mais aucune n’a été proposée. 


 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE :

 

-                  Les demandes de contrôle judiciaire dans les dossiers IMM‑1110‑06 et IMM‑1112‑06 sont rejetées.

-                  Le défendeur doit informer les personnes s’occupant du dossier IMM‑1112‑06 de ce qui doit être fait pour corriger le dossier, à la lumière des paragraphes 31 et 32 des motifs du jugement.

-                  Aucune question n’est certifiée.

 

 

« Simon Noël »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Michèle Ledecq, B. trad.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIERS :                                                   IMM‑1110‑06

                                                                         IMM‑1112‑06

 

INTITULÉ :                                                    XIAO HUI LU

                                                                         c.

                                                                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                              MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                            LE 8 FÉVRIER 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                          LE JUGE SIMON NOËL

 

DATE DES MOTIFS :                                   LE 13 FÉVRIER 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Stephen J. Fogarty

 

POUR LE DEMANDEUR

François Joyal

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Stephen J. Fogarty

288, St‑Jacques, 3e étage

Montréal (Québec)

H2Y 1N1

 

POUR LE DEMANDEUR

François Joyal

Complexe Guy‑Favreau

200, boul. René‑Lévesque Ouest

Tour Est, 12e étage

Montréal (QC)

H2Z 1X4

POUR LE DÉFENDEUR

 

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