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Date : 20070215

Dossier : IMM-1301-06

Référence : 2007 CF 177

Ottawa (Ontario), le 15 février 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BLAIS

 

 

ENTRE :

NABEEL ATHAR

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire faite en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), à l’encontre d’une décision d’une agente des visas en date du 13 janvier 2006, qui a statué que le demandeur ne satisfaisait pas aux critères d’obtention d’un visa de résident permanent dans la catégorie des travailleurs qualifiés prévus à l’article 75 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement).

 

CONTEXTE

[2]               Nabeel Athar (le demandeur) est un citoyen du Pakistan qui vivait récemment aux États‑Unis avec son épouse et ses enfants et qui y travaillait.

 

[3]               En janvier 2002, il a demandé au bureau canadien des visas de Buffalo un visa de résident permanent en qualité de travailleur qualifié régi par la CNP 1112 (analystes financiers et analystes en placements) et par la CNP 1122 (consultants en gestion). En 2004, son dossier a été transféré au bureau des visas de Détroit, où il a été interviewé par Moira Escott (l’agente des visas) le 3 mai 2004.

 

[4]               Dans une lettre en date du 13 janvier 2006, sa demande a été rejetée parce qu’il ne satisfaisait pas aux conditions d’immigration au Canada à titre de travailleur qualifié. Les travailleurs qualifiés qui présentent une demande sont évalués suivant les critères énoncés au paragraphe 76(1) du Règlement. L’agente des visas a accordé au candidat 10 points sur une possibilité de 10 pour le critère de l’âge, 25 points sur 25 pour les études, 16 points sur 24 pour la connaissance des langues officielles, et 9 points sur 10 pour la capacité d’adaptation. Le candidat n’a obtenu aucun point pour un emploi réservé ou pour l’expérience de travail. Avec un total de 60 points, le candidat n’a pas obtenu les 67 points exigés pour convaincre l’agente des visas qu’il pouvait réussir son établissement économique au Canada.

 

QUESTIONS EN LITIGE

[5]               La présente demande soulève les questions suivantes :

1)      L’agente des visas a‑t‑elle commis une erreur en ne tenant pas compte de tous les éléments de preuve qui lui ont été présentés?

 

2)      L’agente des visas a‑t‑elle commis une erreur en n’exposant pas ses préoccupations au candidat et en ne lui donnant pas l’occasion de répondre, aux termes des règles de l’équité procédurale?

 

3)      La conduite de l’agente des visas a‑t‑elle suscité une crainte raisonnable de partialité?

 

NORME DE CONTRÔLE

[6]               Il est bien établi en droit que la décision d’un agent des visas d’accorder ou non un visa de résident permanent est une décision discrétionnaire qui repose essentiellement sur une appréciation des faits, et qu’elle devrait par conséquent être revue en fonction de la norme de la décision manifestement déraisonnable. Comme la Cour d’appel fédérale a statué dans l’arrêt Jang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] A.C.F. no 1575, 2001 C.A.F.  312, au paragraphe 12 :

Les demandes d’admission au Canada à titre d’immigrant sont assujetties à la décision discrétionnaire d’un agent des visas qui doit tenir compte de certains critères prévus par la loi pour prendre sa décision. Lorsque ce pouvoir conféré par la loi a été exercé de bonne foi et conformément aux principes de justice naturelle et que la décision n’a pas été fondée sur des considérations non pertinentes ou étrangères à l’objet de la législation, les tribunaux ne devraient pas intervenir (Maple Lodge Farms Limited c. Gouvernement du Canada, [1982] 2 R.C.S. 2, pages 7 et 8; To c. Canada, [1996] A.C.F. no 696 (C.A.F.)).

 

 

[7]               Toutefois, dans les cas où des réserves sont formulées relativement à un prétendu manquement à l’équité procédurale, la Cour suprême du Canada a statué que la norme à appliquer est celle de la décision correcte (Ellis-Don Ltd. c. Ontario (Commission des relations de travail), [2001] 1 R.C.S. 221, au paragraphe 65). Par conséquent, s’il est statué qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale, la décision doit être annulée (Congrégation des témoins de Jéhovah de St‑Jérôme-Lafontaine c. Lafontaine (Village), [2004] 2 R.C.S. 650, à la page 665).

 

ANALYSE

1) L’agente des visas a‑t‑elle commis une erreur en ne tenant pas compte de tous les éléments de preuve qui lui ont été présentés?

[8]               Le demandeur soutient d’abord que l’agente des visas a commis une erreur en omettant d’étudier toute l’expérience de travail du demandeur et en limitant son analyse à l’expérience accumulée par le demandeur depuis son arrivée aux États‑Unis.

 

[9]               Le défendeur, quant à lui, fait valoir qu’il existe une présomption selon laquelle l’agente des visas a examiné l’ensemble de la preuve qui lui a été soumise avant de rendre sa décision et qu’il incombe au demandeur de fournir les renseignements nécessaires pour étayer ses prétentions.

 

[10]           Le défendeur affirme à juste titre qu’il existe une présomption, reconnue par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Woolaston c. Ministre de la Main‑d’œuvre et de l’Immigration, [1973] R.C.S. 102, selon laquelle le décideur a examiné toute la preuve au dossier avant de rendre sa décision. La Cour d’appel fédérale a explicité ce point dans Hassan c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] A.C.F. no 946, (1992) 147 N.R. 317; dans cette décision, le juge Heald fait remarquer :

Le fait que la Commission n’a pas mentionné dans ses motifs une partie quelconque de la preuve documentaire n’entache pas sa décision de nullité. Les passages tirés de la preuve documentaire que l’appelant invoque font partie de l’ensemble de la preuve que la Commission est en droit d’apprécier sur le plan de la crédibilité et de la force probante.

 

[11]           Cela dit, il s’agit d’une présomption réfutable, comme le montrent les décisions de la Cour dans des affaires comme Sheremet c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2003] A.C.F. no 1247, 2003 CF 987, et Huang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2003] A.C.F. no 184, 2003 CFPI 126, dans lesquelles il a été statué que l’agent des visas a commis une erreur en ne tenant pas compte de toute l’expérience de travail du demandeur.

 

[12]           Dans son affidavit, l’agente des visas reconnaît qu’elle a mis davantage l’accent sur l’emploi récent du demandeur comme analyste financier alors qu’il était aux États‑Unis. Elle s’est dit qu’il serait plus facile pour le demandeur de décrire son emploi le plus récent à titre d’analyste financier et de fournir des preuves d’un emploi rémunéré pendant qu’il était aux États‑Unis que de fournir des preuves touchant son travail dans ce domaine au Pakistan. Comme l’agente des visas n’était pas convaincue, d’après les réponses données par le demandeur au cours de son entrevue, qu’il était un analyste financier chevronné et bien informé, elle lui a demandé de lui fournir la preuve de son emploi rémunéré en qualité d’analyste financier. Les notes du Système de traitement informatisé des dossiers d’immigration (STIDI) indiquent également qu’elle a examiné les lettres obtenues par le demandeur de ses anciens employeurs au Pakistan, mais qu’elle n’était pas persuadée qu’elles constituaient des éléments de preuve crédibles établissant que le demandeur possédait l’expérience d’analyste financier qu’il disait avoir.

 

[13]           Compte tenu des notes du STIDI et de l’explication donnée par l’agente des visas dans son affidavit, je suis convaincu que la présomption selon laquelle l’agente des visas a examiné toute la preuve présentée n’a pas été réfutée en l’espèce.

 

2) L’agente des visas a‑t‑elle commis une erreur en n’exposant pas ses préoccupations au candidat et en ne lui donnant pas l’occasion de répondre, aux termes des règles de l’équité procédurale?

 

[14]           Le demandeur allègue en outre que l’agente des visas a manqué à son obligation d’équité en ne lui donnant pas la possibilité de répondre à ses préoccupations au sujet de son expérience de travail. Il souligne que, bien qu’il lui incombait de fournir assez de renseignements à l’agente des visas, si elle avait certaines réserves qui pouvaient avoir des répercussions défavorables sur la demande, l’équité procédurale exigeait que le demandeur ait une occasion de dissiper ces réserves. De plus, le demandeur laisse croire que l’agente des visas ne l’a pas interviewé activement sur son expérience de travail de façon à ce qu’il puisse apaiser ses préoccupations en fournissant des renseignements supplémentaires.

 

[15]           En ce qui concerne l’équité procédurale, le défendeur allègue qu’il incombe au demandeur de fournir les renseignements nécessaires pour étayer sa demande et que l’agente des visas n’est pas tenue de faire part au demandeur de ses craintes que le demandeur ne satisfasse pas aux exigences, et de lui donner l’occasion de dissiper ces réserves. Néanmoins, le défendeur soutient que l’agente des visas a demandé davantage de renseignements sur un diplôme qu’elle croyait être frauduleux et a demandé au demandeur de fournir une preuve d’emploi rémunéré en qualité d’analyste financier, ce qu’il n’a pas fait.

 

[16]           Dans Madan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] A.C.F. no 1198,  (1999) 172 F.T.R. 262, le juge John M. Evans a déclaré au paragraphe 6 :

Il est bien établi qu’un demandeur de visa a l’entière responsabilité de présenter à l’agent des visas toute la documentation qui pourrait permettre à ce dernier de rendre une décision favorable. Les agents des visas n’ont par conséquent aucune obligation générale en droit de demander des détails ou des renseignements additionnels avant de rejeter une demande de visa au motif que la documentation soumise ne suffisait pas à les convaincre que le demandeur répondait aux critères de sélection pertinents.

 

[17]           Cela dit, l’agent des visas pourrait quand même être tenu, dans certaines situations, de donner à un demandeur l’occasion de dissiper ses réserves, conformément aux règles de l’équité procédurale. Comme l’a dit le juge Richard Mosley dans l’arrêt Hassani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2006] A.C.F. no 1597, 2006 CF 1283 :

21      La jurisprudence n’établit pas clairement quand un agent des visas doit faire part de ses réserves au demandeur lorsque ces réserves sont fondées sur les renseignements que le demandeur lui a fournis. Dans Hussain c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 468, [2002] A.C.F. no 596, aux paragraphes 35 à 37 (QL) [Hussain], par exemple, la Cour s’est demandé si l’agent des visas avait contrevenu à son obligation d’équité en ne faisant pas part au demandeur des réserves qu’il aurait eues au sujet de sa personnalité ou de sa capacité de parler couramment l’anglais et en ne lui donnant pas la possibilité d’aborder l’une ou l’autre de ces réserves. La Cour a conclu que l’agent n’était pas tenu de porter à la connaissance du demandeur les conclusions provisoires qu’il pouvait tirer des éléments qui lui avaient été présentés. Elle a mentionné que l’agent des visas n’avait fait qu’apprécier les renseignements que lui avait fournis le demandeur, comme il doit le faire dans le but de rendre une décision. Elle a rappelé que le demandeur a le fardeau de prouver qu’il a le droit de venir au Canada. La Cour a adopté le même raisonnement dans Bellido, précitée, au paragraphe 35.

 

 22      Par contre, la Cour a adopté une approche différente dans Liao c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (QL) [Liao], [2000] A.C.F. no 1926 (QL) (Liao) :

 

15      L’agent des visas est tenu de donner à l’immigrant la possibilité de répondre à la preuve précise qui est présentée à son encontre. Cette obligation d’équité peut obliger l’agent des visas à informer le demandeur des préoccupations ou des impressions défavorables qu’il a au sujet de la demande et à donner à celui-ci la possibilité de le détromper.

 

 

[...]

 

 

17      Toutefois, l’agent des visas s’acquitte de cette obligation d’informer le demandeur s’il oriente comme il se doit ses questions ou s’il demande des renseignements raisonnables qui donnent au demandeur la possibilité de répondre à ses préoccupations [...]...

 

En tirant cette conclusion dans Liao, la Cour n’a pas perdu de vue le fait que le fardeau de la preuve repose au bout du compte sur le demandeur. La Cour a examiné les questions qui avaient été posées par l’agente et les renseignements que celle-ci avait obtenus, avant d’affirmer qu’elle pouvait raisonnablement arriver à la conclusion qu’elle avait tirée.

 

 23      Dans Rukmangathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 284, [2004] A.C.F. no 317 (QL) [Rukmangathan], la Cour a donné les indications suivantes sur ce que doit faire un agent selon le type de réserves qu’il a :

 

22      [...] l’obligation d’équité peut exiger que les fonctionnaires de l’Immigration informent les demandeurs des questions suscitées par leur demande, pour que ceux-ci aient la chance d’« apaiser » leurs préoccupations, même lorsque ces préoccupations découlent de la preuve qu’ils ont soumise. D’autres décisions de la présente cour étayent cette interprétation de l’arrêt Muliadi, précité [Muliadi c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1986] 2 C.F. 205 (C.A.)]. Voir, par exemple, Fong c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1990] 3 C.F. 705 (1re inst.), John c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2003] A.C.F. no 350 (1re inst.) (QL) et Cornea c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2003), 30 Imm. L.R. (3d) 38 (C.F. 1re inst.), où il a été statué qu’à l’entrevue, l’agent des visas doit informer le demandeur de l’impression défavorable que lui donne la preuve que celui-ci a soumise.

 

 

23      Toutefois, ce principe d’équité procédurale ne va pas jusqu’à exiger que l’agent des visas fournisse au demandeur un « résultat intermédiaire » des lacunes que comporte sa demande : Asghar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1997] A.C.F. no 1091 (1re inst.) (QL), paragraphe 21, et Liao c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 1926. L’agent des visas n’est pas tenu d’informer le demandeur des questions qui découlent directement des exigences de l’ancienne Loi et de son règlement d’application : Yu c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1990), 36 F.T.R. 296, Ali c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), 151 F.T.R. 1 et Bakhtiania c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] A.C.F. no 1023 (1re inst.) (QL).

 

 

[18]           L’examen par le juge Mosley de la jurisprudence récente l’a amené à conclure que :

24     Il ressort clairement de l’examen du contexte factuel des décisions mentionnées ci-dessus que, lorsque les réserves découlent directement des exigences de la loi ou d’un règlement connexe, l’agent des visas n’a pas l’obligation de donner au demandeur la possibilité d’y répondre. Lorsque, par contre, des réserves surgissent dans un autre contexte, une telle obligation peut exister. C’est souvent le cas lorsque l’agent des visas a des doutes sur la crédibilité, l’exactitude ou l’authenticité de renseignements fournis par le demandeur au soutien de sa demande, comme dans Rukmangathan, ainsi que dans John et Cornea, deux décisions citées par la Cour dans Rukmangathan, précitée.

[Non mis en évidence dans l’original]

 

[19]           Comme il n’existe pas de transcription de l’entrevue, on ne peut savoir avec précision quelles réserves l’agente des visas a pu exprimer et dans quelle mesure elle a interrogé activement le demandeur. Toutefois, d’après les notes du STIDI, il ressort assez clairement que l’agente des visas a interrogé le demandeur au sujet de son emploi, lui a demandé quel était le nombre d’employés au sein de sa société, le travail qu’il a fait depuis son arrivée aux États‑Unis et le nom de certains de ses clients. Dans les circonstances, je suis convaincu que l’agente des visas a mené l’entrevue correctement. Comme l’a mentionné la juge Carolyn Layden‑Stevenson dans Verma c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2003] A.C.F. no 218, 2003 CFPI 136, au paragraphe 12 : « L’agent des visas a l’obligation de tenir une entrevue, mais n’a pas l’obligation de faire une enquête.»  

 

[20]           L’agente des visas a également rejeté la preuve documentaire présentée par le demandeur, soit les différentes lettres de ses anciens employeurs, en soutenant qu’elles ne constituaient pas la preuve nécessaire d’un emploi rémunéré. D’après ses commentaires contenus dans les notes du STIDI, selon lesquels ces références ont été fournies par des « membres du même groupe ethnique », affirmation qu’elle a ultérieurement expliquée dans son affidavit en soutenant qu’elle craignait que ces lettres aient pu être fournies par des amis et (ou) par des connaissances et donc qu’elles n’étaient peut-être pas authentiques, il ne serait pas déraisonnable de conclure qu’elle a rejeté les lettres en question parce qu’elle croyait qu’elles renfermaient de fausses preuves de l’expérience de travail du demandeur. Une telle conclusion se rangerait manifestement dans la catégorie de « la crédibilité, l’exactitude ou l’authenticité de renseignements fournis », établie par le juge Mosley dans l’arrêt Hassani, précité, et donnerait naissance à une obligation, de la part de l’agente des visas, d’informer le demandeur de ses réserves et de lui donner l’occasion de les dissiper.

 

[21]           Dans son affidavit, le demandeur soutient qu’il n’a jamais été informé des doutes de l’agente des visas relativement à l’authenticité des lettres de recommandation présentées pour étayer son expérience de travail comme analyste financier. L’agente des visas, quant à elle, allègue qu’elle a avisé le demandeur que ces lettres de recommandation n’étaient pas considérées comme des preuves fiables ou concluantes d’un emploi rémunéré à titre d’analyste financier. C’est la raison pour laquelle elle a demandé que le demandeur fournisse des preuves du paiement d’une rémunération.

 

[22]           Les notes du STIDI établies à la suite de l’entrevue mentionnent la conclusion de l’agente des visas selon laquelle le demandeur n’avait pas fourni de preuve d’emploi rémunéré et selon laquelle on lui avait remis une liste des documents nécessaires pour poursuivre le traitement de sa demande. Par la suite, le demandeur a présenté d’autres lettres de différentes sociétés des États-Unis, qui n’ont pas non plus convaincu l’agente des visas qu’il avait travaillé comme analyste financier. Ce sont ces documents qui ont fait l’objet de son commentaire selon lequel ces lettres étaient fournies par des « membres du même groupe ethnique », observation qui, comme elle l’a expliqué dans son affidavit, soulevait des doutes au sujet de leur crédibilité. Ce qui est également intéressant, c’est que l’agente des visas admettait dans les notes du STIDI qu’elle était tenue d’informer le demandeur de ses réserves au sujet de l’authenticité des documents; elle a en effet écrit [traduction] « l’équité procédurale exige que le suj[et] soit informé que j’estime qu’il a fourni de faux doc[ument]s pour étayer sa dem[ande] et qu’il doit obtenir une occasion de répondre ». Selon moi, le demandeur a été informé pendant l’entrevue des réserves de l’agente des visas au sujet de la véracité des documents communiqués au départ pour étayer son expérience de travail. Il est vrai que l’agente des visas n’a pas fait le suivi avec le demandeur après avoir reçu les documents additionnels. Cependant, je ne crois pas que l’agente des visas était tenue de continuer à assurer un suivi auprès du demandeur aussi longtemps qu’elle n’était pas convaincue qu’il avait fourni les documents qu’elle demandait.

 

[23]           En ce qui concerne les attestations d’études du demandeur, l’agente des visas a également conclu qu’il avait présenté de faux documents, ce que nie vigoureusement le demandeur. Après avoir consigné ses réserves dans ses notes du STIDI, l’agente des visas a fait parvenir une lettre officielle au demandeur pour l’informer qu’elle croyait que l’un de ses diplômes était frauduleux et pour lui donner l’occasion de répondre avant le prononcé de la décision finale. Dans l’intervalle, l’agente des visas a mené sa propre enquête sur le document en question, notamment en envoyant une demande de vérification au bureau d’Islamabad. Le demandeur a fourni d’autres renseignements pour appuyer la légitimité du diplôme en question et, malgré qu’elle a conclu dans les notes du STIDI qu’il n’avait pas fait les études alléguées, elle lui a quand même accordé tous les points pour les études, une décision qu’elle justifie dans son affidavit par l’absence de preuves selon lesquelles le document était effectivement frauduleux, car le bureau d’Islamabad avait un arriéré et n’a pu traiter sa demande de vérification au moment opportun.

 

[24]           L’agente des visas a exprimé d’importantes réserves au sujet de la prétendue expérience de travail du demandeur, parce qu’elle n’était pas persuadée que le demandeur exerçait effectivement l’emploi d’analyste financier qu’il prétendait exercer aux États‑Unis. Comme elle avait d’importantes réserves relativement à la crédibilité du demandeur, elle a demandé qu’il fournisse une preuve d’emploi rémunéré, et plus précisément la preuve du versement d’un salaire pour son emploi le plus récent aux États-Unis, ce qu’il n’a pas fait. Le défaut du demandeur à cet égard a tout simplement confirmé les conclusions initiales de l’agente des visas concernant son manque d’expérience de travail pertinente comme analyste financier.

 

[25]           Dans cette situation, nous pouvons nous demander : Qu’aurait pu faire de plus l’agente des visas? Aurait-elle dû continuer encore et encore à demander au demandeur une preuve d’emploi rémunéré jusqu’à ce qu’elle reçoive les documents qu’elle avait exigés au cours de l’entrevue? Selon moi, une telle approche aurait largement excédé les exigences de l’équité procédurale établies dans les arrêts Rukmangathan et Hassani, précités.

 

[26]           Je crois que le demandeur a été informé des réserves importantes de l’agente des visas au sujet de la crédibilité de la preuve présentée pour étayer son expérience de travail. Cependant, le demandeur n’a pas dissipé les réserves exprimées par l’agente des visas et ne l’a pas convaincue qu’il possédait l’expérience nécessaire en qualité d’analyste financier. L’agente des visas n’était pas tenue de demander et de redemander une preuve d’emploi rémunéré, car une telle approche mènerait à un renversement du fardeau de la preuve dans les demandes de visa de résident permanent.

 

[27]           En conséquence, je conclus que l’agente des visas n’a pas manqué à l’obligation d’équité qu’elle avait à l’égard du demandeur.

 

3) La conduite de l’agente des visas a‑t‑elle suscité une crainte raisonnable de partialité?

[28]           Enfin, le demandeur allègue que la conduite de l’agente des visas au cours de l’entrevue et les notes du STIDI suscitent une crainte raisonnable de partialité. Dans son affidavit, l’agente des visas nie avoir manqué de courtoisie ou avoir eu un parti pris et souligne qu’elle a fait preuve de professionnalisme et n’a été ni partiale ni négative à l’égard du demandeur.

 

[29]           Selon moi, l’affirmation selon laquelle la conduite de l’agente des visas suscite une crainte raisonnable de partialité devrait être rejetée. Les termes choisis par l’agente des visas lorsqu’elle traite de « lettres de personnes de la même origine ethnique » sont peut-être douteux, mais ils ne suffisent pas pour révéler une crainte raisonnable de partialité. De fait, l’agente des visas a remis en question la plupart des documents provenant non seulement du Pakistan, mais également des États-Unis, sous prétexte qu’ils n’étaient pas crédibles, et a rejeté le témoignage du demandeur parce qu’il était vague.

 

[30]           En outre, la crainte raisonnable de partialité est une allégation sérieuse, et il est difficile de répondre au critère, tel qu’il est énoncé dans l’arrêt Committee for Justice and Liberty c. Canada (Office national de l’énergie), [1978] 1 R.C.S. 369, aux pages 394 et 395, car le demandeur doit prouver qu’une personne bien renseignée, qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique, conclurait que les gestes de l’agente des visas donneraient lieu à une crainte raisonnable de partialité. Dans le cas qui nous occupe, les allégations formulées par le demandeur au sujet de la conduite de l’agente des visas pendant l’entrevue sont contredites par l’agente des visas, que le demandeur a choisi de ne pas contre-interroger relativement à son affidavit.

 

[31]           Le demandeur n’ayant pas prouvé l’existence d’une crainte raisonnable de partialité, cet argument doit être écarté.

 

[32]           Par conséquent, pour tous les motifs qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

[33]           Aucune question n’a été présentée à des fins de certification.


JUGEMENT

 

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                  Aucune question n’est certifiée.

 

 

« Pierre Blais »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Michèle Ledecq, B. trad.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                                 IMM-1301-06

 

INTITULÉ :                                                NABEEL ATHAR

                                                                     c.

                                                                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

                                                                    

LIEU DE L’AUDIENCE :                         TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                        LE 1ER FÉVRIER 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                      LE JUGE BLAIS

 

DATE DES MOTIFS :                              LE 15 FÉVRIER 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Max Chaudhary

 

POUR LE DEMANDEUR

David Joseph

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Max Chaudhary

North York (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

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