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Date : 20070223

Dossier : IMM‑1670‑06

Référence : 2007 CF 207

Ottawa (Ontario), le 23 février 2007

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SNIDER

 

ENTRE :

DHARMESHKUMAR PRAVINBHAI SHAH

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

 

[1]               En 2000, le demandeur a sollicité le statut de résident permanent au Canada. Par une décision en date du 2 février 2006, un agent d’immigration de la Section de l’immigration du Haut‑Commissariat du Canada à New Delhi (le HCC) a rejeté sa demande. Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de cette décision.

 

[2]               Si la demande de résidence permanente a été rejetée, c’est, au moins en partie, parce que le demandeur ne s’est pas présenté à l’entrevue à laquelle il avait été convoqué. Le demandeur dit qu’il n’a jamais été informé de l’entrevue et que la décision de l’agent d’immigration doit donc être annulée. Pour sa part, le défendeur dit qu’une lettre de convocation avait été renvoyée par télécopieur le 12 octobre 2005 au représentant du demandeur, Worldwide Immigration Consultancy Services Ltd. (WWICS), au numéro de télécopieur 901725063889, en même temps que six autres lettres dans lesquelles des clients de WWICS étaient convoqués à des entrevues. Le défendeur produit, pour le prouver, un double d’une confirmation de télécopie apparaissant sur ce qui constituerait la première page de la télécopie de 21 pages qui contenait la lettre de convocation du demandeur.

 

Question en litige

[3]               La présente demande de contrôle judiciaire soulève la question suivante :

 

1.    L’agent d’immigration a‑t‑il commis une erreur en refusant la demande de résidence permanente parce que le demandeur ne s’est pas présenté à l’entrevue en raison de circonstances qui échappaient à sa volonté?

 

Requête préliminaire

[4]               Au début de l’audience tenue devant moi, le demandeur a présenté une requête en recevabilité d’un autre affidavit de M. Devinder Sandhu, qui est consultant auprès de WWICS et le responsable du bureau compétent en Inde. Dans cet autre affidavit, il produit, pour la première fois, une preuve concernant l’une des six autres lettres de convocation qui, affirme‑t‑il, n’ont pas été reçues. S’agissant de la personne concernée (M. Varghese), M. Sandhu informe la Cour qu’il a dit aux agents d’immigration que la lettre de convocation envoyée par télécopieur avait été envoyée au mauvais numéro – 901725063889, plutôt que 911725063889. Il ajoute que, lorsqu’il a informé les fonctionnaires du Haut‑Commissariat de cette erreur, M. Varghese a obtenu une autre date d’entrevue. Il est évident que cette preuve tardive fut produite pour montrer que les agents d’immigration avaient envoyé les 21 pages – y compris la lettre de convocation du demandeur – au mauvais numéro de télécopieur. Plusieurs raisons me conduisent à rejeter la requête ou à n’accorder aucune valeur à cette preuve :

 

1.    Cette information aurait pu, et aurait dû, être produite plus tôt. Il est manifeste depuis au moins le 6 décembre 2006, date à laquelle le dossier certifié du Tribunal fut remis au demandeur, que la lettre de convocation du demandeur avait été envoyée en même temps que plusieurs autres, dont celle adressée à M. Varghese. À cette date tardive, il est impossible pour le défendeur de procéder à un contre‑interrogatoire sur cette preuve ou de produire une contre‑preuve. Recevoir cette preuve serait foncièrement injuste pour le défendeur.

 

2.    À part le témoignage non vérifié de M. Sandhu, je n’ai aucune idée de la raison pour laquelle M. Varghese a obtenu une autre occasion de se présenter devant un agent des visas.

 

3.    La preuve d’un numéro de télécopieur différent contredit les propos de M. Sandhu, qui a confirmé, en contre‑interrogatoire, le numéro de télécopieur 901725063889 et qui a reconnu que les autres télécopies avaient été reçues.

 

4.    La preuve contredit aussi le témoignage non vérifié de Jyotsna Sethi, l’agent d’immigration du HCC qui devait se prononcer sur la demande de résidence permanente présentée par le demandeur. Dans son affidavit, M. Sethi déclare qu’il a vérifié le numéro de télécopieur en le comparant à celui qui figurait dans le dossier du demandeur.

 

[5]               Comme j’en ai informé les parties verbalement, j’ai refusé de recevoir ce dernier affidavit.

 

Analyse

[6]               Selon le demandeur, l’agent d’immigration a commis une erreur en refusant sa demande de résidence permanente au motif qu’il ne s’était pas présenté à l’entrevue. Le demandeur invoque la décision Liviu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 61 A.C.W.S. (3d) 1153, 33 Imm. L.R. (2d) 310, [1996] A.C.F. no 317 (C.F. 1re inst.) (QL), pour dire qu’une demande ne doit pas être refusée si le demandeur ne se présente pas à une entrevue en raison de circonstances indépendantes de sa volonté. Le demandeur soutient aussi, s’appuyant sur l’arrêt Canada (Procureur général) c. Herrera, 103 A.C.W.S. (3d) 442, [2001] A.C.F. no 120 (C.A.F.) (QL), que les agents ont l’obligation de prouver qu’ils ont envoyé un avis d’entrevue au demandeur. Puis, invoquant finalement la décision Ilahi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1399, [2006] A.C.F. no 1758 (C.F.) (QL), le demandeur dit que les agents des visas ont l’obligation d’envoyer un avis d’entrevue à la bonne adresse du demandeur.

 

[7]               Finalement, le demandeur signale une décision récente, Dhoot c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1295, [2006] A.C.F. no 1625 (C.F.) (QL), où, dans des circonstances très semblables, la Cour a fait droit à une demande de contrôle judiciaire au motif qu’elle n’était pas convaincue que la lettre de convocation eût jamais été envoyée, par télécopieur ou autrement, au demandeur ou à son conseiller.

 

[8]               Il ne fait aucun doute que, si un demandeur ne se présente pas à une entrevue avec un agent des visas pour l’évaluation de sa demande de résidence permanente, alors l’agent des visas a le droit d’évaluer la demande sans connaître ce que le demandeur aurait pu lui dire (Su c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), 152 F.T.R. 136, 81 A.C.W.S. (3d) 867; Voskanova c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1999), 167 F.T.R. 258, 87 A.C.W.S. (3d) 785; Ahluwalia c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 103 A.C.W.S. (3d) 590, [2001] A.C.F. no 125 (C.F. 1re inst.) (QL); Scislowicz c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2000), 188 F.T.R. 123, 98 A.C.W.S. (3d) 676; Qazi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1177). Cependant, ce n’est pas la question à laquelle je dois répondre. Il ne s’agit pas de savoir si un agent des visas peut rendre une décision lorsque le demandeur de visa ne se présente pas à une entrevue. Il s’agit plutôt de savoir si la décision de refus prise lorsque le demandeur de visa prétend ne pas avoir reçu l’avis d’entrevue peut être annulée. La question est donc de savoir si l’avis d’entrevue a bien été envoyé à WWICS.

 

[9]               En général, il incombe aux agents d’immigration postés dans les bureaux des visas à l’étranger de s’assurer qu’un avis d’entrevue est envoyé. La Cour doit être convaincue que l’avis a bien été envoyé (décisions Herrara, Ilahi et Dhoot, précitées). La preuve doit être examinée dans chaque cas, mais si la réception de la télécopie au numéro fourni par un demandeur ou par son conseiller est établie, alors cette preuve suffit en principe. Si personne n’est présent pour recevoir la télécopie, s’il y a un mauvais fonctionnement de l’équipement de réception, ou encore s’il se produit des erreurs administratives, lorsque par exemple un conseiller a négligé d’informer son client, il s’agit là de problèmes dont les agents d’immigration ne sauraient être tenus responsables.

 

[10]           Je vais maintenant examiner la preuve qui a été produite en l’espèce. Il y a deux questions. D’abord, le document de 21 pages pour lequel nous avons une confirmation de réception a‑t‑il été envoyé au bon numéro de télécopieur? Deuxièmement, la lettre adressée au demandeur faisait‑elle partie de cet envoi?

 

[11]           Comme je l’ai dit, le défendeur a produit le double d’une page d’une télécopie de 21 pages qui confirme la réception de la télécopie au numéro 901725063889. Durant le contre‑interrogatoire sur son affidavit original, M. Sandhu a confirmé que le numéro 0172‑5063889 était un numéro de télécopie valide de WWICS, d’octobre 2005 à janvier 2006 (Q. 39). Le numéro de télécopieur inscrit sur la télécopie envoyée à WWICS le 12 octobre 2005 était le numéro 901725063889. Le premier chiffre est ajouté pour permettre l’accès à une ligne extérieure depuis les bureaux du HCC. M. Sandhu a aussi reconnu avoir reçu par télécopieur d’autres lettres de convocation durant la période allant d’octobre 2005 à janvier 2006. Je conclus que, si la lettre a été envoyée, elle l’a été au bon numéro de télécopieur.

 

[12]           La lettre de convocation du demandeur était l’une des lettres de convocation se rapportant à six autres dossiers d’immigration. Un total de 21 pages a été envoyé par télécopieur au numéro 901725063889. La confirmation de télécopie atteste la réception, à ce numéro, de 21 pages sur 21. Toutefois, le dossier certifié du Tribunal ne contient pas l’intégralité des 21 pages télécopiées. Pour l’expéditeur, la confirmation de télécopie n’est notée qu’après la transmission de la télécopie, et elle ne l’est que sur une page de la transmission intégrale. Le dossier contient la première page sur laquelle apparaît l’attestation de reçu de télécopie; cette première page était la première page d’une lettre adressée à un certain M. Varghese (susmentionné). À la suite de cette page, les fonctionnaires qui ont préparé le dossier certifié du Tribunal n’ont inséré que la lettre tout entière censément envoyée au demandeur; sur les 21 pages, seules quatre figurent dans le dossier. De l’avis du demandeur, cela soulève un doute sur la question de savoir si la lettre de trois pages adressée au demandeur faisait effectivement partie de cette télécopie de 21 pages. S’il n’y avait aucune autre preuve permettant de rattacher la page de confirmation de télécopie à la lettre de convocation envoyée au demandeur, je partagerais probablement le sentiment du demandeur. Cependant, outre la confirmation de télécopie sur la première page, nous avons une notation manuscrite des sept numéros de dossiers du HCC qui faisaient partie de l’envoi. Le numéro de dossier du demandeur figurait sur cette liste. Nous avons aussi l’affidavit de M. Jyotsna Sethi, dans lequel il jure que :

[TRADUCTION] Une lettre de trois pages a été envoyée par télécopieur au représentant du demandeur, WWICS, le 12 octobre 2005, en même temps que six autres lettres de trois pages convoquant des clients de WWICS à des entrevues.

 

M. Sethi n’a pas été contre‑interrogé sur son affidavit.

 

[13]           Je conclus, selon la prépondérance de la preuve, que la télécopie de 21 pages a été envoyée le 12 octobre 2005 par les fonctionnaires du HCC au bon numéro de télécopieur de WWICS et que la lettre de convocation adressée au demandeur se trouvait dans la télécopie de 21 pages qui fut envoyée à WWICS.

 

[14]           Dans son affidavit, M. Sandhu évoque plusieurs raisons possibles pour lesquelles la télécopie a pu ne pas être reçue. Pour la plupart d’entre elles, il s’agit de conjectures et, en tout état de cause, les raisons possibles évoquées ne modifient pas ma conclusion selon laquelle la lettre de convocation a été envoyée au bon numéro de télécopieur. Comme je l’ai dit plus haut, l’expéditeur ne répond pas des problèmes pouvant survenir au lieu de réception de la télécopie (par exemple en cas de défaillance mécanique ou de mauvaises procédures administratives).

 

[15]           Il ne s’agit pas ici d’un cas semblable à celui auquel avait affaire le juge Kelen dans la décision Dhoot, précitée. Dans cette affaire, le défendeur ne pouvait pas confirmer que la lettre avait été envoyée au bon numéro de télécopieur. Le juge Kelen a relevé que l’en‑tête de lettre de WWICS contenait des numéros de télécopieur différents de celui qui apparaissait sur le reçu de télécopie. Dans l’affaire dont je suis saisie, M. Sandhu a confirmé que le numéro de télécopieur était celui de WWICS.

 

Dispositif

[16]           Pour les motifs susmentionnés, je suis d’avis, selon la prépondérance de la preuve, que la lettre de convocation a bien été envoyée au demandeur. Le demandeur n’a pas avancé d’autres arguments propres à faire annuler la décision de l’agent d’immigration de refuser sa demande de résidence permanente. La demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

[17]           Aucune des parties n’a proposé une question à certifier. Je conviens que les points soulevés dans la présente affaire ne soulèvent aucune question de portée générale, et je ne certifierai aucune question.

 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.    La demande de contrôle judiciaire est rejetée; et

 

2.    Aucune question de portée générale n’est certifiée.

 

« Judith A. Snider »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

François Brunet, LL.B., B.C.L.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM‑1670‑06

 

 

INTITULÉ :                                       DHARMESHKUMAR PRAVINBHAI SHAH c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 21 février 2007

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       La juge Snider

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 23 février 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Wennie Lee                                                                            POUR LE DEMANDEUR

 

John Provart                                                                           POUR LE DÉFENDEUR

Janet Chisholm

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Lee et Compagnie                                                                   POUR LE DEMANDEUR

Avocats

Toronto (Ontario)

 

John H. Sims, c.r.                                                                    POUR LE DÉFENDEUR

Sous‑procureur général du Canada

 

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