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Date : 20070301

Dossier : IMM‑7365‑05

Référence : 2007 CF 239

[TRADUCTION FRANÇAISE]

OTTAWA (ONTARIO), LE 1er MARS 2007

En présence de monsieur le juge de Montigny

 

ENTRE :

ABDEL HAKIM AYAICHIA

demandeur

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               M. Ayaichia a demandé l’asile depuis l’Algérie. Dans une décision en date du 31 août 2005, la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu qu’il n’était ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger. Il a demandé le contrôle judiciaire de la décision de la Commission.

 

[2]               M. Ayaichia soutient que la Commission a contrevenu à l’équité procédurale lorsqu’elle a invoqué les Directives numéro 7 intitulées « Directives concernant la préparation et la tenue des audiences à la Section de la protection des réfugiés ». Il affirme que les Directives, publiées par le président de la Commission, entravent le pouvoir discrétionnaire de la Commission. Il affirme également que la Commission a commis une erreur lorsqu’elle n’a pas procédé à une analyse distincte de sa demande fondée sur l’article 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR). Pour les motifs décrits plus en détail ci‑dessous, je ne suis pas convaincu qu’il ne devrait obtenir gain de cause pour aucun de ces motifs.

 

FAITS

[3]               Abdel Hakim Ayaichia est un ressortissant de l’Algérie âgé de 29 ans. Il est arrivé au Canada le 28 décembre 2004, après avoir passé juste moins d’un mois en France. Il a demandé l’asile peu après son arrivée au Canada en soutenant qu’il craignait un homme appelé Rachid Baabouche.

 

[4]               Avant de quitter l’Algérie, M. Ayaichia travaillait en tant que technicien électronique pour la Société nationale des transports ferroviaires (SNTF). Il affirme avoir été témoin du meurtre d’un de ses collègues en octobre 2004, commis par M. Baabouche. Il soutient que M. Baabouche est un ancien terroriste et qu’il terrifiait tous ses collègues. Il affirme qu’il s’était caché pendant le meurtre et qu’il n’a pas aidé la victime parce qu’il avait peur. Toutefois, le lendemain, M. Ayaichia a signalé le crime aux autorités. On lui a finalement demandé de témoigner en tant que témoin principal au procès de M. Baabouche.

 

[5]               M. Ayaichia affirme qu’il a reçu une lettre de menace anonyme, mais que les autorités n’ont pris aucune mesure lorsqu’il l’a signalée. Il soutient également qu’il a été victime d’un tir par balle le 30 novembre 2004. Le 2 décembre 2004, il a pris l’avion depuis l’Algérie vers France au moyen d’un visa valide. Le 28 décembre 2004, il a pris l’avion depuis France vers le Canada au moyen d’un passeport illégal.

 

DÉCISION CONTESTÉE

[6]               Devant la Commission, M. Ayaichia a soutenu qu’il était confronté à la persécution conformément à l’article 96 de la LIPR, en raison de ses activités politiques. Il a également soutenu qu’il était un membre d’un groupe social particulier : les victimes de terroristes. Enfin, il a fait valoir qu’il était une personne à protéger en vertu de l’article 97. Même si elle a accepté son identité et a retenu le fait qu’il travaillait pour la SNTF, la Commission a rejeté ses demandes fondées sur les articles 96 et 97. La décision de la Commission a souligné un certain nombre de problèmes en matière de crédibilité en ce qui concerne l’histoire de M. Ayaichia. Elle a conclu qu’il n’avait pas une crainte subjective de persécution parce qu’il était resté en France pendant presque un mois sans y demander l’asile. La Commission a également conclu que M. Ayaichia n’avait pas les documents nécessaires pour étayer son histoire ni aucune explication concernant leur absence.

 

[7]               En outre, la Commission a conclu que M. Ayaichia ne pouvait pas obtenir gain de cause en vertu de l’article 96, parce qu’il n’y avait aucun lien entre son argument et les motifs énumérés dans la Convention. Elle a conclu que le fait de signaler un crime ne constituait pas l’expression d’une opinion politique. Il n’était pas non plus un membre d’un groupe social particulier, parce que son argument fondé sur la victimisation n’était pas fondé sur une caractéristique personnelle fondamentale.

 

[8]               Enfin, en ce qui concerne l’article 96, la Commission a conclu que M. Ayaichia n’avait pas réfuté la présomption de protection de l’État en Algérie. Après avoir signalé le meurtre de son collègue aux autorités, il a informé la Commission que M. Baabouche avait été arrêté et avait été mis en accusation pour le crime. Lorsqu’on lui a tiré dessus, la police aurait dit à M. Ayaichia qu’elle le protégerait. Elle ne pouvait rien faire à l’égard de la lettre de menace parce qu’elle était anonyme. Toutefois, malgré l’offre de protection de la police, M. Ayaichia s’est envolé pour la France – où il n’a pas demandé l’asile. La Commission a également renvoyé à la preuve documentaire qui décrit le système judiciaire d’Algérie comme étant efficace, malgré les problèmes liés à la corruption.

 

QUESTIONS EN LITIGE

[9]               La présente demande de contrôle judiciaire soulève les trois questions suivantes :

1.   Quelle est la norme de contrôle applicable?

 

2.   La Commission a‑t‑elle commis une erreur importante lorsqu’elle n’a pas procédé à une analyse distincte en vertu de l’article 97?

 

3.   La Commission a‑t‑elle contrevenu à l’équité procédurale lorsqu’elle a suivi les Directives numéro 7? M. Ayaichia a‑t‑il renoncé à son droit de présenter cet argument?

 

 

DISCUSSION

[10]           Avant d’étudier les questions énumérées ci‑dessus, il convient de préciser que M. Ayaichia n’a pas contesté les conclusions de la Commission selon lesquelles il n’était pas crédible et qu’il n’avait aucune crainte subjective de persécution. Il n’a pas non plus déposé d’observations ayant trait aux conclusions de la Commission quant au lien et la protection de l’État. En conséquence, il doit être considéré comme acceptant la conclusion de la Commission selon laquelle sa demande fondée sur l’article 96 de la LIPR devrait rejetée.

 

1.                                          Quelle est la norme de contrôle applicable?

 

[11]           Il est bien établi que, lorsque des allégations qui soulèvent des questions de justice naturelle ou d’équité procédurale sont formulées, il n’est pas nécessaire pour la cour de révision de procéder à une analyse pragmatique et fonctionnelle. Tel que la Cour suprême du Canada l’a indiquée clairement dans S.C.F.P. c. Ontario (Ministre du Travail), 2003 CSC 29, [2003] 1 R.C.S. 539, aucune retenue judiciaire n’est justifiée dans un tel cas. Si la Cour conclut qu’il y a eu manquement à la justice naturelle ou à l’équité procédurale, elle doit annuler la décision de la Commission.

 

[12]           La seule question assujettie à la norme de contrôle est celle de savoir si la Commission a commis une erreur lorsqu’elle n’a pas procédé à une analyse distincte de la demande de M. Ayaichia fondée sur l’article 97 de la LIPR. Ce qui exige que la Cour décide si la Commission a appliqué de manière appropriée ses obligations en vertu de l’article 97 aux faits de l’espèce. Je suis d’avis qu’il s’agit d’une question mixte de faits et de droit et, par conséquent, elle doit être examinée selon la norme de la décision raisonnable.

 

2.                              La Commission a‑t‑elle commis une erreur importante lorsqu’elle n’a pas procédé à une analyse distincte en vertu de l’article 97?

 

[13]           M. Ayaichia soutient que la Commission a commis une erreur lorsqu’elle n’a pas procédé à une analyse distincte de sa demande fondée sur l’article 97 de la LIPR, puisqu’il existait des éléments de preuve relatifs à son identité et au fait qu’il était une personne à protéger. Il fait valoir que le fait qu’il n’a pas été jugé crédible en ce qui concerne sa crainte subjective ou qu’il n’existe probablement aucun lien entre sa situation et les cinq motifs énumérés dans la Convention n’était pas pertinent pour l’application de l’article 97. Dans la mesure où il existait une preuve documentaire étayant son allégation qu’il serait exposé à un risque s’il retournait en Algérie, la Commission était tenue d’analyser les conditions dans le pays d’origine et d’évaluer ce risque. Si la Commission avait tenu compte des rapports sur les conditions dans le pays d’origine décrivant la guerre ouverte contre le terrorisme de l’Algérie et les victimes civiles des terroristes et de l’État qui en résultent, elle serait peut-être parvenue à une autre conclusion. M. Ayaichia soutient qu’à tout le moins, la Commission devait fournir des motifs du rejet de sa demande fondée sur l’article 97 puisque son identité n’était pas en litige.

[14]           Malgré les observations contraires du ministre, une lecture attentive des motifs de la Commission ne laisse pas à penser qu’elle ait étudié de manière approfondie les demandes de M. Ayaichia fondées sur l’article 97. Même s’il est vrai que la Commission a mentionné ce motif au début de ses motifs et au paragraphe de conclusion, il semble qu’elle l’ait fait de manière rituelle sans véritable analyse de ses exigences.

 

[15]           À l’audience, l’avocat du ministre a vaillamment essayé de faire valoir que les motifs de la Commission portaient en même temps sur les articles 96 et 97. Il a fondé cette proposition sur le fait que la Commission avait tenu compte de la protection de l’État et les conditions dans le pays d’origine même après avoir conclu que le demandeur n’était pas crédible et ne pouvait pas demander l’asile en vertu de l’article 96 de la LIPR.

 

[16]           Je ne juge pas cet argument convaincant. Le commissaire n’a fait allusion nulle part aux différents éléments requis pour établir une demande fondée sur l’article 97. Il est plus plausible d’interpréter cette partie de ses motifs comme une justification supplémentaire pour conclure que M. Ayaichia n’était pas admissible en vertu de l’article 96.

 

[17]           Il me semble que la véritable question ne consiste pas à savoir si la Commission a procédé à une analyse de l’article 97 (ce qu’elle n’a évidemment pas fait), mais plutôt si elle devait procéder du tout à une telle analyse dans ce cas précis.

 

[18]           Le point de départ pour répondre à cette question est la décision de mon collègue, le juge Edmond Blanchard, dans Bouaouni c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1211. Dans cette affaire, la Commission a conclu que le demandeur n’était pas crédible et n’avait pas une crainte subjective d’être persécuté. Après examen, le juge Blanchard a conclu que la Commission avait commis une erreur parce qu’elle n’avait pas examiné la demande du demandeur fondée sur l’article 97. Toutefois, il a ensuite déclaré que, vu les conclusions de la Commission en matière de crédibilité et le fait qu’elle n’avait pas mal compris les éléments de preuve ayant trait aux conditions dans le pays d’origine, l’erreur ne constituait pas une erreur importante. Par conséquent, il a rejeté la demande. Il convient de citer en détail des extraits de ses motifs :

41. [...] Il peut y avoir des cas où l’on conclut qu’un revendicateur du statut de réfugié, dont l’identité n’est pas contestée, n’est pas crédible pour ce qui est de la crainte subjective d’être persécuté, mais où les conditions dans le pays sont telles que la situation individuelle du revendicateur fait de lui une personne à protéger. Il s’ensuit qu’une conclusion défavorable en matière de crédibilité, quoique pouvant être déterminante quant à une revendication du statut de réfugié en vertu de l’article 96 de la Loi, ne le sera pas nécessairement quant à une revendication en vertu du paragraphe 97(1). Les éléments requis pour établir le bien-fondé d’une revendication aux termes de l’article 97 diffèrent de ceux requis en regard de l’article 96, la crainte fondée de persécution pour un motif visé à la Convention devant être démontrée dans ce dernier cas. Bien que le fondement probatoire puisse être le même pour les deux revendications, il est essentiel que chacune d’elles soit considérée distincte. Une revendication fondée sur l’article 97 appelle l’application par la Commission d’un critère différent, ayant trait à la question de savoir si le renvoi du revendicateur peut ou non l’exposer personnellement aux risques et menaces mentionnés aux alinéas 97(1)a) et b) de la Loi.

 

[…]

 

42. La Commission a conclu en l’espèce que le témoignage du demandeur était entaché d’importantes omissions, contradictions et invraisemblances, ce qui l’a amenée à conclure au manque de crédibilité de son récit. J’ai déjà statué qu’il y avait matière pour la Commission à tirer ces conclusions. Celle‑ci n’a pas prêté foi, spécifiquement et en énonçant des motifs détaillés, aux allégations du demandeur concernant son arrestation, sa détention et les actes de torture que des policiers lui auraient fait subir. Il appert, en outre, que la Commission a tenu compte de la situation régnant en Tunisie et qu’elle a examinée de façon particulière, dans ses motifs, la documentation sur le pays qui lui avait été présentée. Rien ne laisse penser que la Commission n’a pas tenu compte d’éléments de preuve dont elle disposait ni qu’elle a interprété erronément tout aspect de celle-ci. Mis à part les éléments de preuve déclarés non crédibles par la Commission, il n’y en avait pas d’autres dont celle-ci disposait et découlant de la documentation sur le pays ou de toute autre source qui auraient pu conduire la Commission à conclure que le demandeur était une personne à protéger. Dans ces circonstances, je conclus que la Commission a bien commis une erreur en omettant d’analyser spécifiquement la revendication fondée sur l’article 97. Je conclus toutefois également, exerçant à cet égard mon pouvoir discrétionnaire, que cette erreur n’a pas d’effet déterminant sur l’issue de l’affaire. [...]

 

[19]           D’autres juges de la Cour fédérale ont appliqué cette décision à maintes reprises par la suite. Même s’il est toujours préférable d’analyser à la fois les articles 96 et 97 lorsqu’un demandeur a invoqué les deux motifs à l’appui de sa demande d’asile, l’omission de le faire n’a pas toujours pour effet de vicier une décision bien fondée par ailleurs. Si la preuve constituant le fondement des deux demandes est la même et que le récit du demandeur n’est pas accepté comme véridique, il ne sera pas nécessaire de procéder à une analyse distincte en application de l’article 97, parce qu’il n’y aura aucun élément de preuve à l’appui de l’allégation du demandeur selon laquelle il a qualité de personne à protéger : voir, par exemple, Brovina c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 635; Islam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1391; Nyathi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1119; Ozdemir c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1008; Soleimanian c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1660; Masimov c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 859; De Silva c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1141; Biro c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1428; Yorulmaz c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 128; Stanchev c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 173.

[20]           Bien entendu, si les faits sous-jacents révèlent d’autres motifs permettant de décider que le demandeur a qualité de personne à protéger, le fait d’avoir conclu que cette personne n’est pas crédible pour l’application de l’article 96 ou qu’il n’y a aucun lien avec un motif prévu à la Convention ne dispensera pas la Commission de l’obligation de procéder à une analyse distincte en application de l’article 97. C’est précisément la situation qui a été examinée dans Kilic c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 84, que le demandeur invoque. Dans cette affaire, la Commission a décidé que M. Kilic n’était pas crédible à plusieurs égards, mais elle a néanmoins reconnu qu’il avait déserté l’armée parce qu’il avait présenté une preuve documentaire à l’appui de son allégation. La Commission a rejeté la demande du demandeur fondée sur l’article 96, concluant qu’il n’avait établi aucun lien avec un motif prévu à la Convention, et elle n’a pas mené d’analyse en application de l’article 97. Saisi de la demande de contrôle judiciaire relative à cette décision, le juge Richard Mosley a conclu que la Commission aurait dû se demander si le demandeur d’origine turque était exposé à un risque du fait qu’il avait déserté l’armée.

 

[21]           En l’espèce, il n’y a simplement aucun élément de preuve pour établir que M. Ayaichia serait exposé à un risque quelconque dès son retour en Algérie. Le seul motif de sa demande était qu’il craignait un terroriste qu’il aurait impliqué dans un meurtre. Dès lors que la Commission a décidé de ne pas croire ses allégations, il n’existait aucun autre motif distinct en vertu duquel une demande fondée sur l’article 97 pourrait être présentée et évaluée.

 

[22]           Il existe évidemment la preuve documentaire figurant dans les rapports sur le pays qui appuient le risque à l’égard de terroristes ou de ceux soupçonnés être des terroristes. Toutefois, selon le propre témoignage de M. Ayaichia à l’audience, aucune de ces catégories ne s’applique à son égard. S’il avait été en mesure d’établir qu’il était ciblé par des terroristes en tant que représailles pour avoir dénoncé Rachid Baabouche, il pourrait peut‑être obtenir gain de cause en vertu de l’article 97. Cependant, la Commission n’a pas cru son histoire et le risque d’être victime de groupes terroristes n’est donc pas particularisé et ne constituait pas plus un risque pour M. Ayaichia que pour la population générale de l’Algérie. Dans ces circonstances, la Commission n’était pas tenue d’examiner de manière détaillée sa demande fondée sur l’article 97, même si une explication de la raison pour laquelle une analyse n’est pas requise constitue une bonne pratique.

 

3.                              La Commission a‑t‑elle contrevenu à l’équité procédurale lorsqu’elle a suivi les Directives numéro 7? M. Ayaichia a‑t‑il renoncé à son droit de présenter cet argument?

 

[23]           En invoquant la décision du juge Blanchard dans Thamotharem c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 16, M. Ayaichia soutient que l’interrogatoire en ordre inverse en vertu des Directives numéro 7 de la Commission a entravé son pouvoir discrétionnaire. Le problème à cet égard est que M. Ayaichia ne s’est pas opposé oralement aux Directives pendant son audience devant la Commission. Il n’a pas non plus déposé une demande écrite avant son audience en vue de modifier l’ordre de l’interrogatoire en application des articles 43 et 44 des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2002‑228.

 

[24]           Il est bon de répéter que ni le juge Blanchard dans Thamotharem, précitée, ni le juge Mosley dans Benitez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 461, n’ont conclu que l’interrogatoire en ordre inverse viole intrinsèquement la justice naturelle. Même en supposant que les Directives numéro 7 entravent le pouvoir discrétionnaire de la Commission, comme le juge Blanchard a conclu dans Thamotharem, précitée, la question dont je suis saisi est celle de savoir si le demandeur a renoncé à son droit de s’opposer aux Directives devant la Cour lorsqu’il n’a présenté aucune opposition devant la Commission.

 

[25]           Le juge Blanchard n’a pas étudié cette question et, quoi qu’il en soit, le demandeur s’était opposé à l’ordre de l’interrogatoire au début de Thamotharem, précitée. Toutefois, le juge Mosley en a discuté dans Benitez, précitée, et après avoir examiné la jurisprudence et les principes pertinents en ce qui concerne la renonciation, il a rédigé ce qui suit au paragraphe 237 :

Le principe de common law relatif à la renonciation exige qu’un demandeur soulève une allégation de partialité ou un manquement à la justice naturelle devant le tribunal à la première occasion raisonnable. Si les avocats sont d’avis que l’application des Directives no 7 dans un cas particulier entraînerait pour leurs clients un déni du droit à une audience équitable, la première occasion de soulever une objection et de demander une exception à l’ordre normalisé des interrogatoires se présentera avant chaque audience mise au rôle conformément aux Règles 43 et 44, ou de vive voix au cours de l’audience. Le fait de ne pas formuler d’objection au cours de l’audience doit être considéré comme une renonciation implicite à toute crainte d’iniquité résultant de l’application des Directives elles-mêmes. Si l’objection a été présentée en temps opportun avant l’audience ou au cours de celle-ci, les demandeurs ont le droit de la faire valoir comme motif de contrôle judiciaire dans leur demande d’autorisation. Si les demandeurs n’ont pas fait valoir le manquement à l’équité procédurale dans leur demande d’autorisation, le contrôle judiciaire des demandes doit se limiter aux motifs pour lesquels l’autorisation a été demandée.

[Non souligné dans l'original.]

 

[26]           La Cour a depuis cité l’extrait ci‑dessus avec approbation dans un certain nombre de décisions : voir, par exemple : Somani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’ Immigration), 2006 CF 734; Vasanthakumar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’ Immigration), 2006 CF 959; Ali c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’ Immigration), 2006 CF 1360; Torres c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l`Immigration), 2006 CF 927; Mulliqi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’ Immigration), 2006 CF 563. Je ne vois aucune raison de m’écarter de ces conclusions en l’espèce.

[27]           Pour tous ces motifs, M. Ayaichia n’a pas démontré que la Commission a commis une erreur susceptible de contrôle et, par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question à certifier n’a été proposée et aucune question ne sera certifiée.

 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que la présente demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question n’est certifiée.

                                                                                                             « Yves de Montigny »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER : IMM‑7365‑05

INTITULÉ :

ABDEL HAKIM AYAICHIA

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

LIEU DE L’AUDIENCE :            Montréal, Québec

DATE DE L’AUDIENCE :         Le 15 février 2007

MOTIFS DE L’ORDONNANCE : MONSIEUR LE JUGE DE MONTIGNY

DATE DES MOTIFS :                  Le 1er mars 2007

COMPARUTIONS :

Me Mitchell Goldberg                                                                POUR LE DEMANDEUR

Me Gretchen Timmins                                                                POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

Mitchell Goldberg Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada Montréal (Québec)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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