Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

 

Date : 20070306

Dossier : IMM‑1169‑06

Référence : 2007 CF 256

Ottawa (Ontario), le 6 mars 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O’KEEFE

 

 

ENTRE :

CINTHYA VALLADARES LOW

VICTOR DANIEL AYALA VALLADARES

 

demandeurs

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

LE JUGE O’KEEFE

 

[1]               Les demandeurs sollicitent, en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), le contrôle judiciaire de la décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission), en date du 10 février 2006, qui a refusé aux demandeurs la qualité de réfugiés au sens de la Convention et la qualité de personnes à protéger.

 

[2]               Les demandeurs voudraient que la décision de la Commission soit annulée et renvoyée à un tribunal différemment constitué de la Commission, pour nouvelle décision.

 

Les faits

 

[3]               La demanderesse principale, Cinthya Valladeres Low, et son fils, Victor Valladeres (le demandeur mineur), sont de nationalité mexicaine. Les demandeurs disaient craindre d’être persécutés par l’ex‑mari de la demanderesse principale, Victor Castellanos. La demanderesse principale a sollicité l’asile en alléguant son appartenance à un groupe social, à savoir celui des femmes victimes de violence domestique. Le demandeur mineur a lui aussi sollicité l’asile en tant que membre d’un groupe social, à savoir sa qualité de membre de la famille de la demanderesse principale.

 

[4]               La relation de la demanderesse principale avec M. Castellanos a débuté en 1996, alors qu’elle avait 16 ans. Durant leur mariage, son mari l’a soumise à des violences physiques, verbales et psychologiques. La demanderesse a aussi été victime de violentes agressions sexuelles de sa part. Il a aussi agressé physiquement le demandeur mineur. En septembre 2002, la demanderesse principale a quitté le domicile familial. Cependant, son mari s’est servi de ses droits de visite à leur fils pour harceler la demanderesse principale, la menacer et la traquer. Elle craignait sérieusement pour sa propre sécurité, ainsi que pour celle de son fils.

 

[5]               En décembre 2002, la demanderesse principale a sollicité l’aide d’un organisme gouvernemental, le Centre d’aide contre la violence familiale (CENAVI), auquel elle a signalé le comportement de son mari. Le personnel du CENAVI lui a conseillé de recourir au système de justice pénale. Selon la demanderesse principale, le personnel du CENAVI lui a dit aussi que la police n’enquêterait probablement pas sur son cas à moins qu’elle puisse montrer des signes physiques attestant qu’elle avait été sérieusement battue par son mari. Elle ne s’est pas adressée aux autorités, mais a demandé le divorce en mai 2003.

 

[6]               La demanderesse principale a continué de subir le harcèlement, les intimidations et les menaces de son ex‑mari après leur divorce. En août 2004, elle est allée le trouver afin de toucher la pension alimentaire pour l’enfant. Durant leur rencontre, il l’a physiquement agressée et a proféré des menaces de mort contre elle et son nouveau compagnon. Elle a alors entrepris de prendre les dispositions nécessaires pour quitter le Mexique. Le 18 octobre 2004, l’ex‑mari a accompagné la demanderesse principale chez un notaire et a signé un document qui autorisait le demandeur mineur à se rendre au Canada. Les demandeurs sont arrivés au Canada le 21 octobre 2004.

 

[7]               Les demandeurs ont sollicité l’asile en décembre 2004. L’audience s’est déroulée le 2 décembre 2005. La demanderesse principale a été nommée représentante du demandeur mineur. Avant l’audience, l’avocat des demandeurs a déposé une requête écrite dans laquelle il priait la Commission de ne pas appliquer ici la règle de l’ordre inverse des interrogatoires. L’avocat a fait état de la vulnérabilité de la demanderesse principale et des difficultés qu’elle aurait à témoigner, en tant que femme qui avait survécu à une persécution de nature sexiste. La Commission a rejeté la requête et a entrepris d’interroger la première la demanderesse. Par décision datée du 10 février 2006, les demandes d’asile ont été refusées au motif que les demandeurs n’avaient pas établi une crainte objective de persécution et qu’ils étaient à même d’obtenir de l’État une protection.

 

Les motifs de la Commission

 

[8]               La Commission a trouvé que la demanderesse principale avait témoigné avec franchise et sans enjoliver son récit. Cependant, elle n’a pas cru que son ex‑mari voulait posséder et dominer les demandeurs, étant donné qu’il avait signé un document qui donnait à la demanderesse l’autorisation de quitter le Mexique avec le demandeur mineur, pour une durée indéfinie. La Commission a donc jugé improbable que les demandeurs aient eu des raisons valides de craindre la persécution aux mains de l’ex‑mari de la demanderesse principale.

 

[9]               La Commission a pris note des explications données par la demanderesse principale quant aux raisons pour lesquelles son mari avait signé le formulaire de consentement. Selon elle, il avait été contraint de signer le formulaire, étant donné que les conditions de leur divorce prévoyaient une garde partagée. Elle l’avait aussi assuré que leur visite au Canada serait brève. Son ex‑mari avait aussi spécifié qu’il devrait être informé de l’endroit où son ex‑épouse et leur fils se trouvaient, et pour combien de temps. Selon l’avocat des demandeurs, les explications de la demanderesse principale devaient bénéficier d’un poids considérable, étant donné le moment auquel le document avait été signé. La Commission a rejeté cet argument en disant que le formulaire de consentement avait été signé après l’incident d’août 2004, au cours duquel l’ex‑mari de la demanderesse principale avait menacé celle‑ci et manifesté sa volonté de la dominer. En outre, la preuve ne montrait pas que son ex‑mari était empêché de changer d’avis et de retirer l’autorisation qu’il avait donnée. Il n’y avait donc aucune preuve tangible qu’il était légalement tenu de signer le formulaire de consentement.

 

[10]           La Commission n’a pas été persuadée par l’argument de l’avocat selon lequel l’ex‑mari de la demanderesse avait pu signer un formulaire type dont il ignorait les conséquences. Elle a estimé que l’ex‑mari savait ce qu’il signait et que la crainte de la demanderesse principale à l’égard de son ex‑mari n’avait aucun fondement objectif.

 

[11]           La Commission a aussi estimé que les demandeurs pouvaient, en cas de retour au Mexique, obtenir de l’État mexicain une protection et qu’il n’était pas objectivement déraisonnable de penser qu’ils devaient s’employer à obtenir cette protection. La Commission a invoqué l’arrêt Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, où la Cour suprême du Canada avait jugé que les États sont présumés être en mesure de protéger leurs citoyens et qu’une preuve convaincante de l’incapacité d’un État à protéger ses citoyens est requise pour réfuter cette présomption. La Commission a estimé que la demanderesse principale n’avait rien fait pour obtenir de l’État une protection, bien qu’elle eût pris note du fait que, d’après ses dires, les menaces de son ex‑mari l’en avaient empêchée et que ses parents à lui avaient le bras long au Mexique. La Commission a relevé que, alors même que le CENAVI lui avait conseillé d’obtenir une aide par l’entremise du système de justice pénale, elle n’en avait rien fait.

 

[12]           La Commission a pris note de la preuve écrite et des affidavits justificatifs se rapportant aux allégations et à l’état psychologique de la demanderesse principale. Cette preuve montrait que la violence domestique est très répandue au Mexique et que les mesures prises pour l’enrayer devaient être renforcées. L’avocat des demandeurs a fait valoir qu’il n’était pas déraisonnable pour la demanderesse principale de ne pas avoir cherché à obtenir de l’État mexicain une protection. La Commission s’est référée à des preuves écrites contradictoires attestant que le Mexique était une démocratie, qui avait adopté des lois pour enrayer la violence domestique. Selon la Commission, la demanderesse principale avait pu s’adresser à un avocat au cours de la procédure relative à la garde de l’enfant, et elle serait en mesure de faire la même chose si elle devait retourner au Mexique.

 

[13]           La Commission a fait état des Directives concernant la persécution fondée sur le sexe, où l’on pouvait lire que, parmi les preuves à prendre en compte pour savoir si dans un cas donné une femme a raison de craindre la persécution fondée sur le sexe, il y a le témoignage portant sur des incidents personnels passés lors desquels l’État n’a pas assuré sa protection. En outre, les Directives prévoyaient qu’il faut se demander si la capacité de l’État d’assurer la protection contre la persécution fondée sur le sexe est suffisante. La demanderesse principale n’avait pas recherché une protection auprès de l’État, et il n’était pas établi que l’État lui avait offert une protection insuffisante. Par conséquent, rien ne prouvait que les demandeurs avaient des motifs valides de craindre la persécution au Mexique. La Commission a conclu que les demandeurs n’étaient ni des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger.

 

Les points litigieux

 

[14]           Les demandeurs ont soumis les points suivants pour examen :

            1.         La Commission a‑t‑elle manqué aux règles de la justice naturelle quand elle a rejeté la requête de l’avocat des demandeurs sollicitant la non‑application du principe de l’ordre inverse des interrogatoires?

            2.         La Commission a‑t‑elle commis une erreur de droit parce qu’elle n’a pas tenu compte de la preuve qui confirmait le témoignage de la demanderesse principale à propos du formulaire de consentement, et la conclusion d’invraisemblance qu’en a tirée la Commission était‑elle donc viciée?

            3.         La Commission a‑t‑elle commis une erreur parce qu’elle n’a pas clairement analysé les explications données par la demanderesse principale quant aux raisons pour lesquelles son ex‑mari avait signé ce formulaire de consentement et parce qu’elle n’a pas dit pourquoi elle n’acceptait pas les explications ainsi données?

            4.         La Commission a‑t‑elle commis une erreur parce qu’elle n’a pas reconnu le cycle de violence domestique?

            5.         La Commission a‑t‑elle commis une erreur de droit quand elle a conclu que les demandeurs pouvaient obtenir de l’État une protection, en écartant des éléments de preuve pertinents ou en en ayant fait une mauvaise appréciation?

 

[15]           Je reformulerais les questions ainsi :

            1.         La Commission a‑t‑elle commis une erreur en concluant que les demandeurs pouvaient obtenir de l’État une protection?

            2.         La Commission a‑t‑elle commis une erreur en tirant argument de sa conclusion d’invraisemblance à propos du formulaire de consentement pour dire que la crainte des demandeurs n’était pas fondée?

            3.         La Commission a‑t‑elle manqué aux règles de la justice naturelle quand elle a rejeté la requête de l’avocat sollicitant la non‑application du principe de l’ordre inverse des interrogatoires?

 

Les arguments des demandeurs

 

Ordre inverse des interrogatoires

 

[16]           Selon les demandeurs, la Commission a indûment restreint son pouvoir discrétionnaire et manqué aux règles de la justice naturelle en appliquant le principe de l’ordre inverse des interrogatoires (voir la décision Jin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2006), 40 Admin. L.R. (4th) 266, 2006 CF 57). En l’espèce, la Commission, invoquant des contraintes administratives, a rejeté la requête de l’avocat sollicitant la non‑application des Directives n° 7. La Commission n’a pas étudié les raisons invoquées à l’appui de la requête en non‑application du principe de l’ordre inverse des interrogatoires, à savoir la vulnérabilité de la demanderesse principale et les difficultés qu’elle aurait à témoigner en tant que victime d’une persécution fondée sur le sexe.

 

Vraisemblance

 

[17]           La Commission a douté de la vraisemblance du fondement objectif des demandes d’asile, en raison des circonstances entourant la signature du formulaire de consentement. Les demandeurs ont fait valoir que, pour arriver à cette conclusion, la Commission a mal compris ou a laissé de côté certaines preuves, dont un affidavit, une lettre rédigée par un notaire mexicain, enfin le témoignage des demandeurs. Ces preuves confirmaient les dires de la demanderesse principale, qui affirmait qu’elle‑même et son ex‑mari avaient simplement signé un formulaire type qui prévoyait une période d’un an, où la période qui était nécessaire, ce qui était une clause d’usage pour de tels documents au Mexique. La Cour fédérale a déjà jugé que la Commission commet une erreur si elle fait une lecture sélective de la preuve, en laissant de côté la preuve qui est contraire à ses conclusions et qui appuie la demande d’asile (voir la décision Cepeda‑Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), 157 F.T.R. 35, 83 A.C.W.S. (3d) 264).

 

[18]           Dans la décision Valtchev c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2001), 208 F.T.R. 267, 107 A.C.W.S. (3d) 293, la Cour a jugé que les tribunaux administratifs doivent user de prudence avant de rendre des décisions fondées sur un constat d’invraisemblance, parce que les demandeurs d’asile viennent de cultures diverses et que des actions qui semblent invraisemblables d’après les normes canadiennes peuvent être vraisemblables dans le pays où vivait le demandeur d’asile. Les demandeurs ont fait valoir que la Commission n’a pas fait reposer sur la preuve documentaire les conclusions d’invraisemblance qu’elle a tirées (voir l’arrêt Fok c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. n° 800 (C.A.F.) (QL)).

 

[19]           Selon les demandeurs, la Commission a laissé de côté les explications de la demanderesse principale quant aux raisons pour lesquelles son ex‑mari avait signé le formulaire de consentement, et elle n’a pas non plus dit pourquoi elle rejetait son témoignage. La demanderesse principale a attesté que le document était un formulaire type et que son ex‑mari l’avait signé pour faire plaisir à son fils. Selon elle, dans le contexte d’un divorce, une telle explication était vraisemblable. Elle a témoigné aussi que son ex‑mari avait signé le formulaire sous réserve de nombreuses conditions non écrites, notamment l’obligation pour elle de lui dire où elle se rendrait avec son fils, et la durée du voyage. Elle n’a jamais dit qu’il avait été forcé de signer le formulaire ou qu’il devait le signer pour se conformer aux conditions de leur divorce.

 

[20]           Les motifs d’un décideur doivent être énoncés et doivent rendre compte des principaux facteurs d’un dossier (voir l’arrêt Via Rail Canada c. Office des transports du Canada, [2001] 2 C.F. 25, (2000) 193 D.L.R. (4th) 357 (C.A.)). La Cour d’appel fédérale a jugé qu’une conclusion de vraisemblance doit être fondée sur des présomptions raisonnables, non sur des conjectures (voir l’arrêt Hilo c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1991), 130 N.R. 236, 15 Imm. L.R. (2d) 199 (C.A.F.)). Selon les demandeurs, lorsque la Commission a conclu que l’ex‑mari de la demanderesse principale avait probablement le droit de retirer son consentement, étant donné qu’il avait la garde partagée du demandeur mineur, elle a conjecturé sur ce qu’il aurait pu faire en vertu du droit mexicain de la famille. Selon l’avocat des demandeurs, la Commission n’a invoqué aucune preuve documentaire à l’appui de ses suppositions, et aucune preuve du genre n’a été soumise à la demanderesse principale pour qu’elle puisse y réagir.

 

Cycle de violence domestique

 

[21]           Selon les demandeurs, la Commission a commis une erreur parce qu’elle a mal apprécié le cycle de violence domestique. Dans la décision Griffith c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1999), 171 F.T.R. 240, 904 A.C.W.S. (3d) 118, la Cour a jugé que la Commission doit exposer avec précision les motifs qu’elle a de mettre en doute la crédibilité d’une demanderesse qui dit avoir été victime de violence domestique. Dans cette affaire, la Cour s’était fondée sur le raisonnement suivi par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Lavallée, [1990] 1 R.C.S. 852, pour dire que les connaissances particulières qui sont requises afin de bien juger un cas de violence domestique pouvaient être obtenues de témoignages d’experts ou de sources sociologiques.

 

[22]           Selon les demandeurs, la mention passe‑partout, par la Commission, des Directives concernant la persécution fondée sur le sexe ne montrait pas que la Commission avait évalué leur situation avec la sensibilité requise (voir la décision Keleta c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2005), 49 Imm. L.R. (3d) 69, 2005 CF 56). De l’avis des demandeurs, la Commission n’a pas tenu compte du témoignage de la demanderesse principale selon lequel : (1) elle avait peur que son mari ne décide de se venger d’elle pour le cas où il découvrirait qu’elle avait communiqué avec les autorités; (2) son mari l’avait menacée si elle décidait de ne pas signer un document absolutoire annulant l’obligation qu’il avait de présenter des déclarations pour cause de non‑paiement de la pension alimentaire pour l’enfant; (3) le CENAVI lui avait dit qu’il lui faudrait subir de graves sévices avant que la police n’enquête sur sa plainte, ce qui l’avait convaincue que la police ne l’aiderait pas. Selon les demandeurs, ces facteurs étaient des indices classiques d’une relation abusive.

 

[23]           De l’avis des demandeurs, les observations faites par la Commission lors de l’audience confirment qu’elle n’a pas saisi la nature de la violence domestique. À un certain moment, la Commission a qualifié de plaisante la séparation de la demanderesse principale d’avec son ex‑mari. Plus tard, la Commission a interprété une remarque de l’ex‑mari de la demanderesse principale concernant le caractère peu sécuritaire de sa voiture à elle, comme une préoccupation manifestée au cours d’une conversation agréable. Cependant, la demanderesse avait dit clairement qu’elle s’était sentie menacée par cette remarque. Selon les demandeurs, la Commission n’a pas tenu compte des témoignages ou de la preuve d’expert montrant que la demanderesse principale était traquée par son ex‑mari. Finalement, la Commission a laissé de côté le fait que la demanderesse principale avait maintenant un nouveau‑né, ce qui, avait dit la demanderesse principale, enragerait son mari, pour le cas où elle retournerait au Mexique. Selon les demandeurs, la définition du mot « persécution » était une définition qui anticipe sur l’avenir, et ce facteur aurait dû être pris en compte par la Commission.

 

Protection offerte par l’État

 

[24]           Selon les demandeurs, la Commission a laissé de côté la preuve qui confirmait le témoignage de la demanderesse principale concernant l’information qu’elle avait reçue du CENAVI à propos de la protection offerte par l’État. L’affidavit de Madeline Oquendo prouvait que le CENAVI dirigeait les femmes victimes de violence vers le système judiciaire et qu’un cas de violence domestique ne serait jugé digne de considération que si la femme concernée était en mesure de prouver un préjudice physique grave. Cette preuve confirmait le témoignage de la demanderesse principale selon lequel le CENAVI lui avait dit de s’adresser à la police, mais avait ajouté que les autorités n’étudieraient son cas que si elle pouvait apporter la preuve de sévices physiques graves. Selon la demanderesse principale, la Commission a également écarté son témoignage selon lequel elle pensait que la police mexicaine ne ferait rien pour la protéger, parce que la police mexicaine était corrompue. La Commission n’avait pas fait état de la preuve par affidavit qui contredisait sa conclusion sur la protection offerte par l’État, et, selon les demandeurs, cela prouvait que la Commission avait laissé de côté la preuve (voir la décision Cepeda‑Gutierrez, précitée).

 

[25]           Selon les demandeurs, la Commission n’a pas tenu compte de plusieurs autres documents portant sur cet aspect. Ils prétendent que la Commission a fait une lecture sélective de la preuve pour conclure à l’existence d’une protection étatique, tout en laissant de côté la preuve selon laquelle l’État mexicain n’offrait aucune réelle protection. Ils ajoutent que la preuve documentaire invoquée par la Commission montrait que les lois visant à enrayer la violence contre les femmes étaient déficientes, que l’idée de sanctionner les contrevenants se heurtait encore à des résistances et qu’une réconciliation avec un compagnon violent était souvent conseillée par les autorités.

 

[26]           Selon les demandeurs, la conclusion de la Commission concernant la question de la protection offerte par l’État était déraisonnable, parce qu’elle ne tenait pas compte de la preuve. Ils prétendent que cette question est sujette à révision selon la norme de la décision raisonnable (voir le jugement Ramirez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1413). Dans l’arrêt Ward, précité, la Cour suprême du Canada avait jugé que c’est uniquement dans les cas où il pouvait raisonnablement espérer de l’État une protection que le défaut, de la part d’un demandeur d’asile, de solliciter une telle protection entraînerait le rejet de la demande d’asile. Les demandeurs ont fait valoir que, lorsqu’elle se prononce sur la question de la protection étatique, la Commission doit se demander si la protection était réelle et si les lois en vigueur pour enrayer la violence domestique étaient appliquées (voir le jugement Bobrik c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1994), 85 F.T.R. 13, 50 A.C.W.S. (3d) 850).

 

[27]           La Commission a estimé que les demandeurs n’avaient pas sollicité de l’État une protection. Selon les demandeurs, la Commission a mal apprécié le témoignage de la demanderesse principale et s’est écartée de la norme juridique selon laquelle la demanderesse n’avait pas à mettre sa vie en danger en tentant d’obtenir de l’État une protection, si telle protection était illusoire. La Commission n’a pas compris le témoignage de la demanderesse principale selon lequel le CENAVI lui avait dit que, pour que la police ouvre une enquête, il lui faudrait produire une preuve tangible de sévices physiques. Selon la demanderesse principale, cette erreur, jugée à la lumière d’une preuve documentaire qui atteste l’inefficacité de la protection étatique, rendait déraisonnable la conclusion de la Commission sur la supposée protection offerte par l’État. Les demandeurs prétendent qu’il était déraisonnable pour la Commission de présumer tout bonnement que, si la demanderesse principale avait pu avoir recours aux services d’un avocat durant la procédure relative à la garde de l’enfant, alors un avocat pouvait s’assurer qu’elle obtienne la protection de la police.

 

[28]           Les demandeurs ont relevé que, même si la Commission s’est fondée sur certaines preuves documentaires qui l’autorisaient à dire que la protection offerte par l’État était suffisante, de nombreuses preuves documentaires montraient que la réponse de l’État à la violence domestique au Mexique était déficiente. Selon la demanderesse principale, la conclusion de la Commission était manifestement déraisonnable parce qu’elle ne tenait pas compte de ces documents.

 

Les arguments du défendeur

 

Ordre inverse des interrogatoires

 

[29]           Selon le défendeur, les demandeurs n’ont pas établi que l’audience tenue par la Commission n’était pas conforme à la justice naturelle. L’affidavit déposé à l’appui de leur requête en non‑application du principe de l’ordre inverse des interrogatoires n’exposait aucune raison justifiant une dérogation à la procédure des Directives n° 7 et ne disait pas que la demanderesse principale risquait d’être lésée par l’ordre inverse habituel des interrogatoires. Il était donc loisible à la Commission de dire qu’aucune circonstance exceptionnelle ne justifiait une dérogation à la procédure habituelle (voir la décision Kamiak c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2005), 145 A.C.W.S. (3d) 131, 2005 CF 1655).

 

[30]           Le défendeur a relevé que, dans la décision Thamotharem c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2006] 3 R.C.F. 168, 2006 CF 16, la Cour a jugé que les Directives n° 7 ne changeaient rien au rôle joué par la Commission dans les procédures se rapportant au statut de réfugié. En outre, dans la décision Benitez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2007] 1 R.C.F. 107, 2006 CF 461, la Cour a jugé que la procédure de la Commission ne comportait pas nécessairement le droit à un interrogatoire principal, mais requérait plutôt que l’audience se déroule d’une manière équitable. Selon le défendeur, l’affidavit de la demanderesse principale ne disait nulle part que l’audience n’avait pas été équitable.

 

Norme de contrôle; les demandeurs ont la charge de la preuve

 

[31]           Selon le défendeur, la Cour ne devrait pas intervenir à moins que la Commission n’ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée d’une manière abusive ou arbitraire, ou sans égard aux éléments qu’elle avait devant elle. D’après lui, les demandeurs doivent étayer leur demande d’asile par une preuve crédible. Il prétend que les demandeurs ne se sont pas acquittés de cette obligation, car leur témoignage était peu vraisemblable et ils pouvaient obtenir de l’État mexicain une protection suffisante (voir la décision Ndbombele c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2001), 110 A.C.W.S. (3d) 154; voir l’arrêt Ward, précité). Il était donc loisible à la Commission de conclure que les demandeurs n’avaient pas de raison valable de craindre la persécution. Selon le défendeur, les motifs de la Commission, lus globalement, montrent qu’elle comprenait les circonstances de la demande d’asile, et que les preuves produites à l’appui de ladite demande d’asile ne suffisaient pas à étayer une décision favorable (voir le jugement Miranda c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993), 63 F.T.R. 81, 40 A.C.W.S. (3d) 947).

 

Vraisemblance

 

[32]           Selon le défendeur, la Commission, principal arbitre des faits, était fondée à rejeter les preuves, mêmes non contredites, dans la mesure où de telles preuves ne s’accordaient pas avec les probabilités intéressant le dossier tout entier (voir l’arrêt Faryna c. Chorny, [1952] 2 D.L.R. 354 (C.A. C.‑B.)). Le défendeur a fait valoir que la Commission peut refuser de croire un demandeur d’asile du seul fait qu’elle juge invraisemblable sa version des faits. Il était donc loisible à la Commission de juger peu vraisemblable que l’ex‑mari de la demanderesse principale ait voulu posséder et dominer les demandeurs, alors qu’il les avait autorisés à quitter le Mexique pour une période indéfinie. Il était loisible également à la Commission de dire que la preuve ne montrait pas que l’ex‑mari de la demanderesse principale était empêché de changer d’avis et de retirer l’autorisation qu’il avait donnée, ou qu’il était légalement tenu de signer le formulaire de consentement.

 

[33]           Selon le défendeur, la Commission n’a pas écarté la preuve attestant que l’autorisation écrite donnée par l’ex‑mari de la demanderesse principale était un formulaire officiel type. Au contraire, la Commission n’a pas été persuadée par l’argument des demandeurs selon lequel, puisque le document était un formulaire type, l’ex‑mari ne savait pas ce qu’il signait. Comme il ne semblait pas qu’il avait été légalement tenu de signer le formulaire, ou qu’il lui était impossible de changer d’avis, la Commission a estimé qu’il savait ce qu’il signait. Il n’importait donc pas de savoir si le formulaire était ou non un formulaire type, puisque cela ne changerait rien au fait que l’ex‑mari de la demanderesse principale aurait pu refuser de le signer. Il appartenait donc à la Commission de décider de l’importance à accorder à la lettre du notaire mexicain.

 

Protection offerte par l’État

 

[34]           Selon le défendeur, les demandeurs doivent prouver, dans une demande d’asile, qu’ils ne souhaitent pas ou ne peuvent pas se prévaloir d’une protection de l’État dans leur pays d’origine. Puisque la demanderesse principale n’avait pas signalé à la police les abus dont elle disait être victime, il était loisible à la Commission de conclure qu’elle n’avait pas établi qu’une telle protection était inexistante. La Commission a considéré la preuve documentaire portant sur la protection des femmes victimes de violence au Mexique et elle a conclu que la protection offerte par l’État était suffisante (voir le jugement Szucs c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2000), 100 A.C.W.S. (3d)  650). Il était donc loisible à la Commission de conclure qu’il était déraisonnable, de la part des demandeurs, de ne pas avoir recherché la protection de l’État, et qu’ils n’avaient pas clairement établi qu’une telle protection était illusoire.

 

Analyse et décision

 

Norme de contrôle

 

[35]           La norme de contrôle applicable à un manquement à l’équité procédurale est la norme de la décision correcte. Les conclusions de la Commission touchant le fondement objectif de la crainte de persécution alléguée par les demandeurs doivent être revues d’après la norme de la décision manifestement déraisonnable (voir le jugement Nyachieo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2006) 149 A.C.W.S. (3d) 1101, 2006 CF 869, paragraphe 20).

 

[36]           S’agissant de la norme de contrôle applicable à la question de la protection étatique, les conclusions de fait qui se rapportent à cette question sont sujettes à la norme de la décision manifestement déraisonnable, tandis que la conclusion relative à l’efficacité de la protection étatique procède d’une question mixte de droit et de fait et doit donc être revue d’après la norme de la décision raisonnable simpliciter (voir le jugement Machedon c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2004), 256 F.T.R. 211, 2004 CF 1104).

 

[37]           Point n° 1

            La Commission a‑t‑elle commis une erreur en concluant que les demandeurs pouvaient obtenir de l’État une protection?

            Selon les demandeurs, la Commission a commis une erreur parce qu’elle a fait une lecture sélective des preuves documentaires en ne retenant que celles qui l’autorisaient à dire que l’État offrait une protection suffisante. Ils affirment que d’autres preuves documentaires contredisaient cette conclusion, notamment le document lui‑même invoqué par la Commission. Selon le défendeur, il était loisible à la Commission de dire, après examen des preuves documentaires, que la protection offerte par l’État était suffisante.

 

[38]           L’analyse que fait la Commission des preuves documentaires se trouve aux pages 8 à 10 de ses motifs :

La conseil a invoqué certains éléments de preuve documentaire et des affidavits à l’appui en ce qui a trait aux allégations et à l’état psychologique actuel de la demandeure d’asile. Ces documents révèlent manifestement que la violence familiale et la violence exercée en fonction du sexe demeurent un problème majeur au Mexique. [...]

 

J’ai pris note des documents que la conseil a invoqués. Cependant, à mon avis, la demandeure d’asile principale ne s’est pas acquittée de l’obligation qu’elle avait de faire des efforts raisonnables pour obtenir la protection de l’État au Mexique, compte tenu d’autres éléments de preuve documentaire, dans lesquels il est mentionné que le Mexique est une démocratie qui a adopté des lois et a pris des mesures juridiques et administratives pour lutter contre la violence familiale et la violence exercée en fonction du sexe. Il est indiqué ce qui suit dans ce document :

 

[...] Le Mexique a promulgué des lois qui traitent de la violence contre les femmes (OEA 13 oct. 2004; voir aussi, Nations Unies 2 mars 2005a) et ratifié deux conventions internationales – la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) en 1981 et la Convention interaméricaine sur la prévention, la sanction et l’élimination de la violence contre la femme (Convention de Belém do Para) en 1996 (ibid.; CIMAC juil. 2003).

 

En 1997, l’assemblée législative du District fédéral (ALDF) a créé, dans le code pénal du District fédéral, des infractions relatives à la violence conjugale assorties de peines allant de quatre mois à six ans de prison (ibid.; OEA 13 oct. 2004). En octobre 2004, le gouvernement fédéral a rapporté que 25 des 31 États s’étaient dotés de lois portant, d’une manière ou d’une autre, sur la prévention de la violence conjugale et sur l’aide aux victimes de cette violence (ibid.). Toutefois, le gouvernement a précisé que les mécanismes prévus par ces lois très hétérogènes (muy heterogéneas) différaient d’un État à l’autre : la conciliation, l’arbitrage et des procédures administratives sont privilégiées dans certains États, et le dépôt d’une plainte criminelle (denuncias) dans d’autres (ibid.).

 

Il existe également une norme officielle mexicaine (Norma Official Mexicana – NOM) qui traite de la violence familiale; cette norme, NOM‑190‑SSA1‑1999, est en vigueur depuis mars 2000 et oblige les établissements de santé à signaler tout cas de violence conjugale. (CIMAC 24 nov. 2003 ; ibid. juill. 2003) [...]

 

Un document du gouvernement fédéral a fait état de diverses mesures qu’il avait prises pour combattre la violence contre les femmes, dont la formation dispensée en 2003 à 1 000 travailleurs communautaires dans 236 municipalités situées dans les 31 États; cette initiative avait été entreprise dans le cadre du programme national pour une vie sans violence (Programa Nacional por una Vida sin Violencia) (Mexique mars 2004).

 

J’ai tenu compte du fait que le document renvoie également à certaines sources selon lesquelles, malgré les mesures législatives, policières, judiciaires et communautaires, la violence familiale demeure répandue. Selon ces sources, il est nécessaire d’augmenter les mesures et d’en améliorer l’efficacité. [...]

 

[...] Il ressort de la preuve que le gouvernement du Mexique fait de sérieux efforts pour offrir la protection de l’État aux personnes victimes de violence familiale et qu’il se conforme à son obligation d’assurer à ses citoyens une protection qui, bien qu’elle ne soit pas nécessairement parfaite, est adéquate.

 

(Voir Mexique : Protection offerte par l’État (décembre 2003 – mars 2005) – mai 2005)

 

 

[39]           Le même document contient les propos suivants :

[traduction]

Des communiqués de presse et des sources d’information sur les droits de l’homme ont signalé en 2003 et 2004 que la violence contre les femmes était encore un sérieux problème, malgré les efforts accomplis par le gouvernement pour y remédier [...]

 

[...]

 

Selon la présidente de INMUJERES, Patricia Espinosa Torres, dix ans après la signature par le Mexique de la Convention de Belem do Para, les lois mexicaines sur la violence contre les femmes restent insuffisantes... et, dans cinq États, inefficaces [...] Les participants au colloque de juin 2004 intitulé « Les besoins des victimes de violence domestique » [...] ont dit que les lois du Mexique sur la violence domestique, et les institutions ayant pour vocation d’aider les victimes de violence, étaient « ambivalentes » [...] Selon Julia Lopez, qui défend les victimes devant les tribunaux, on hésite à punir les abuseurs parce qu’on juge encore que la violence domestique est une affaire privée qui n’a pas de témoins [...]

 

S’agissant de la réforme du code pénal au chapitre des infractions de violence domestique, le président de la Commission des droits de l’homme de l’ALDF, et député du PRD, Julio Cesar Moreno Rivera, a relevé que de nombreuses victimes de violence domestique reçoivent peu de soutien du ministère public [...] Selon Barbara Yllan, procureur adjoint de la Section des services aux victimes et services communautaires, au cabinet du procureur général du district fédéral, les représentants du MP mettent souvent en doute la plainte d’une victime, allant même jusqu’à proposer à celle‑ci de tenter une réconciliation avec son partenaire abusif [...]

 

Marta Torres, professeure et chercheuse au Programme interdisciplinaire des études sur les femmes [...] a fait observer qu’il n’y avait pas suffisamment de refuges et que les refuges existants avaient de longues listes d’attente [...] Par ailleurs, les refuges n’offrent, paraît‑il, un abri que pour seulement 15 jours et, passée cette période, de nombreuses femmes retournent chez leurs partenaires abusifs (Torres, 3 avril 2005).

 

[...]

 

Dans des conclusions préliminaires faisant suite à la visite qu’elle avait faite en février 2005 au Mexique, Yakin Erturk, rapporteur spécial des Nations Unies sur la violence contre les femmes, a dit déplorer « l’absence de sensibilisation de la police ou des poursuivants lorsqu’ils reçoivent une plainte, et leur répugnance à prendre des mesures et à assurer le suivi des plaintes se rapportant à la violence contre les femmes » (2 mars 2005b). Selon Marta Torres, les femmes se méfient en général de la police et hésitent à dénoncer un partenaire abusif (3 avril 2005). [...]

 

 

 

[40]           En l’espèce, la Commission a admis qu’il y avait des preuves contraires, mais elle n’a pas dit pourquoi elle préférait telles preuves à telles autres. La Commission n’a pas suffisamment tenu compte de la preuve qui tendait à montrer l’inexistence d’une protection étatique. Il ne fait aucun doute que la Commission peut préférer une preuve documentaire à une autre, mais elle doit expliquer les raisons de sa préférence. La Commission n’a pas ici tenu compte de cette preuve mettant en doute l’existence d’une telle protection, et c’est là à mon avis une erreur sujette à révision, étant donné que je n’ai aucun moyen de savoir si la Commission serait arrivée à la même conclusion concernant la protection étatique si elle avait tenu compte de ladite preuve.

 

[41]           La demande de contrôle judiciaire est donc accueillie, et l’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué de la Commission, pour nouvelle décision.

 

[42]           Étant donné ma conclusion sur cet aspect, il ne m’est pas nécessaire de considérer les autres aspects.

 

[43]           Aucune des parties n’a souhaité soumettre à mon examen une question grave de portée générale pour qu’elle soit certifiée.

 


JUGEMENT

 

[44]           LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie, et l’affaire renvoyée à un tribunal différemment constitué de la Commission, pour nouvelle décision.

 

 

« John A. O’Keefe »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Michèle Ledecq, B. trad.

 


 

ANNEXE

 

Dispositions légales applicables

 

Les dispositions légales applicables sont reproduites dans cette section.

 

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, chapitre 27 :

 

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques:

 

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

 

 

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

 

97.(1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée:

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant:

 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

 

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles‑ci ou occasionnés par elles,

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

 

(2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

 

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well‑founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

 

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

 

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

97.(1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

 

(2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection.

 

 

 

Directives n° 7 du président (concernant la préparation et la tenue des audiences à la Section de la protection des réfugiés) :

 

19.  Dans toute demande d’asile, c’est généralement l’APR qui commence à interroger le demandeur d’asile. En l’absence d’un APR à l’audience, le commissaire commence l’interrogatoire et est suivi par le conseil du demandeur d’asile. Cette façon de procéder permet ainsi au demandeur d’asile de connaître rapidement les éléments de preuve qu’il doit présenter au commissaire pour établir le bien‑fondé de son cas.

 

23.  Le commissaire peut changer l’ordre des interrogatoires dans des circonstances exceptionnelles. Par exemple, la présence d’un examinateur inconnu peut intimider un demandeur d’asile très perturbé ou un très jeune enfant au point qu’il n’est pas en mesure de comprendre les questions ni d’y répondre convenablement. Dans de telles circonstances, le commissaire peut décider de permettre au conseil du demandeur de commencer l’interrogatoire. La partie qui estime que de telles circonstances exceptionnelles existent doit soumettre une demande en vue de changer l’ordre des interrogatoires avant l’audience. La demande est faite conformément aux Règles de la SPR.

19.  In a claim for refugee protection, the standard practice will be for the RPO to start questioning the claimant. If there is no RPO participating in the hearing, the member will begin, followed by counsel for the claimant. Beginning the hearing in this way allows the claimant to quickly understand what evidence the member needs from the claimant in order for the claimant to prove his or her case.

 

 

23.  The member may vary the order of questioning in exceptional circumstances. For example, a severely disturbed claimant or a very young child might feel too intimidated by an unfamiliar examiner to be able to understand and properly answer questions. In such circumstances, the member could decide that it would be better for counsel for the claimant to start the questioning. A party who believes that exceptional circumstances exist must make an application to change the order of questioning before the hearing. The application has to be made according to the RPD Rules.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                   IMM‑1169‑06

 

INTITULÉ :                                                  CINTHYA VALLADARES LOW

                                                                       VICTOR DANIEL AYALA VALLADARES

                                                                       c.

                                                                       LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                            TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                          LE 6 DÉCEMBRE 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                         LE JUGE O’KEEFE

 

DATE DES MOTIFS :                                 LE 6 MARS 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Kristin Marshall

 

POUR LES DEMANDEURS

Asha Gafar

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Refugee Law Office

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.