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Date : 20070305

Dossier : T‑291‑03

Référence : 2007 CF 246

Ottawa (Ontario), le 5 mars 2007

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE HANSEN

 

ENTRE :

 

BRIAN DONALD HICKEY

demandeur

 

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE

défenderesse

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

Introduction

[1]        Le demandeur, un détenu d’un pénitencier fédéral, s’est vu administrer, par le personnel sanitaire de l’établissement, deux fois la dose quotidienne recommandée d’un médicament antirétroviral. Il dit que cette surmédication a fait apparaître chez lui une douloureuse neuropathie sensorielle périphérique, dont il souffre encore aujourd’hui. Il voudrait obtenir réparation pour la faute de la défenderesse.

Points litigieux

[2]        Les points litigieux tels que les ont exposés les parties sont les suivants :

1.      Selon la prépondérance de la preuve, la neuropathie périphérique dont souffre le demandeur a‑t‑elle pour origine le surdosage de d4T?

 

2.      Vu le jugement Oswald c. Canada, [1997] A.C.F. n° 203, le demandeur est‑il empêché de poursuivre le Service correctionnel du Canada (SCC)?

 

3.      Le Service correctionnel du Canada est‑il astreint à une norme de diligence plus élevée envers les détenus dont il a la charge, en raison de l’autorité absolue qu’il exerce sur eux?

 

4.      L’action échoue‑t‑elle en vertu de la Limitations Act  de la Colombie‑Britannique, R.S.B.C. 1996, ch. 266?

 

5.      Si la responsabilité est établie, à quelle réparation a droit le demandeur?

 

[3]        Comme je l’expliquerai plus loin, bien que les principes exposés dans le jugement Oswald soient déterminants pour l’issue de cette action, il importe selon moi que soit examiné au fond le point de vue du demandeur concernant la prétendue faute.

 

Les faits admis

[4]        Les faits admis sont les suivants. Le demandeur a d’abord été placé à l’établissement de Matsqui, en Colombie‑Britannique, en juin 1996. En 1998, il a été transféré à l’établissement de Kent, en Colombie‑Britannique. Il y a eu ensuite transfèrement non sollicité à l’unité spéciale de détention (USD) du Québec. Il a été envoyé à l’établissement de Millhaven en mai 2000 et, en août de la même année, il a été transféré à sa demande au pénitencier de Kingston. En mai 2001, il a été transféré à l’établissement de Warkworth, où il est aujourd’hui incarcéré.

 

[5]        À Matsqui, on s’est aperçu que le demandeur avait contracté le virus de l’immunodéficience humaine (VIH). Le Dr E. Dick était, à Matsqui, le médecin chargé d’administrer les soins de santé dans l’établissement, en vertu d’un contrat conclu entre lui et le Service correctionnel du Canada.

 

[6]        Le demandeur fut présenté à un médecin de l’extérieur, pour qu’il reçoive soins médicaux et traitements d’un spécialiste du VIH, le Dr J. Montaner, directeur du Programme de recherche sur le sida et de la Clinique des maladies infectieuses, rattachée à l’hôpital Saint‑Paul, à Vancouver (Colombie‑Britannique). Le Dr Montaner a vu le demandeur à deux reprises, en octobre et novembre 1996. Il a recommandé au demandeur de commencer une thérapie antirétrovirale pour traiter le VIH.

 

[7]        La thérapie antirétrovirale recommandée par le Dr Montaner comprenait un médicament appelé d4T, ou stavudine. La posologie recommandée se présentait sous la forme de comprimés de 40 mg, à absorber deux fois par jour. Le Dr Dick a souscrit à la recommandation du Dr Montaner et décidé de prescrire le d4T. Cependant, le Dr Dick s’est trompé sur la quantité qui devait être administrée au demandeur. La quantité inexacte ainsi prescrite fut administrée par les employés de l’unité des soins de santé (USS) jusque vers février 1997. (Les parties ont admis, dans leur exposé conjoint des faits, que ce point nécessitera plus ample interprétation de la part de la Cour.)

 

[8]        Les parties admettent que la neuropathie périphérique est une forme de lésion nerveuse qui peut causer les symptômes indiqués. Elles reconnaissent aussi que la douleur résultant de cet état peut être aiguë et entraîner une hypersensibilité du toucher, rendant ainsi insupportable le port de chaussures ou de chaussettes, ou le fait d’être allongé sous des draps et couvertures.

 

[9]        Le demandeur a aussi été examiné par les Drs Ford et Keyes. Ils s’accordent tous deux sur ce qui suit :

-         Le demandeur souffrait, et souffre encore, d’une neuropathie périphérique qui était à la fois symptomatique et démontrable par évaluation électro‑physiologique et qui, dans la phase symptomatique, s’étendait à la fois aux mains et aux jambes.

 

-         Le médicament d4T peut causer une neuropathie, même aux doses recommandées.

 

-         Le VIH peut lui aussi causer une neuropathie.

 

-         Le demandeur n’a pas reçu la bonne dose.

 

-         La procédure exacte et généralement reconnue en cas de neuropathie se manifestant chez un patient qui prend du d4T consiste à arrêter le traitement jusqu’à ce que les symptômes disparaissent, puis à reprendre le traitement à une posologie plus faible que la posologie maximale recommandée.

 

-         Le Dr Montaner a écrit, dans une lettre adressée au médecin traitant du demandeur, que la neuropathie de celui‑ci était liée au d4T.

 

[10]      Avant de passer à l’examen de la preuve, il convient d’expliquer brièvement certaines des expressions employées ci‑après, afin de faciliter la bonne compréhension des faits. Le d4T, également appelé stavudine ou Zerit, est l’un de plusieurs médicaments couramment utilisés en même temps que d’autres médicaments dans le traitement du VIH. La mention « bid », dans une ordonnance, signifie que le médicament doit être administré deux fois par jour, la mention « qid » signifie qu’il doit être administré quatre fois par jour, et la mention « po » signifie qu’il doit être administré oralement. La charge virale est une mesure de la concentration de virus dans le sang et elle est donc également une mesure de la quantité de virus qui est présente dans les tissus de l’organisme. La numération des CD4 est une mesure de la quantité de lymphocytes circulant dans le sang et les tissus de l’organisme.

 

La preuve

[11]      En juin 1996, on a constaté que le demandeur était infecté par le VIH et qu’il avait réagi positivement à un test de dépistage de l’hépatite C. Les tests antérieurs de dépistage du VIH, en 1994 et 1995, avaient donné un résultat négatif. Le demandeur fut dirigé vers le Dr Montaner, qui l’a examiné en octobre et novembre 1996.

 

[12]      Après un examen physique et des analyses de laboratoire, le Dr Montaner a communiqué les résultats de sa consultation au Dr Dick, le médecin de l’établissement de Matsqui, le 15 novembre 1996.

 

[13]      Dans son rapport, le Dr Montaner écrivait que numération des CD4 du demandeur était modérément faible, soit 340, et que sa charge virale était élevée, soit 89 000 copies du virus par millilitre de sang. Le Dr Montaner faisait observer que cette analyse révélait une immunodéficience modérément avancée et que le demandeur devrait bénéficier d’une thérapie antirétrovirale. Le Dr Montaner donnait le détail de deux genres possibles de pharmacothérapie. Après examen des deux thérapies possibles, il écrivait : [traduction] « Si vous êtes d’accord, je recommanderais qu’on lui administre 40 mg de d4T po bid, plus 150 mg de 3TC po bid, plus 800 mg d’indinavir po tid .»

 

[14]      La mention insérée le 18 novembre 2006 par le Dr Dick dans les instructions et les notes d’évolution du médecin du demandeur (les notes d’évolution) précise que le Dr Montaner « a recommandé une trithérapie » et quelque chose pour la douleur généralisée. Puis il est écrit ce qui suit :

« Rx Frost 642 … douleur

d4T 40 mg po qid

3TC 150 mg po bid

?indinavir (vérifier auprès du Dr Montaner) »

 

Une autre mention insérée le même jour nous apprend que quelqu’un s’est enquis auprès du Dr Montaner à propos de l’indinavir.

 

[15]      Selon les notes d’évolution, le demandeur a commencé de prendre du d4T, en même temps que les deux autres médicaments antirétroviraux, le 18 novembre 2006. La posologie administrée au demandeur dans le cas du d4T était de 40 mg quatre fois par jour. D’après la mention insérée le 18 décembre 1996 dans les notes d’évolution, le Dr Dick avait discuté du recours à la morphine pour combattre la douleur et mentionnait que le Dr Montaner n’avait fait aucune recommandation à ce chapitre. Le Dr Dick a dit au demandeur que la morphine ne serait pas utilisée à ce stade.

 

[16]      Le 3 janvier 1997, le demandeur s’était plaint au personnel infirmier de ne pas bénéficier de la trithérapie.

 

[17]      Le 16 janvier 1997, un responsable des services d’assistance, à la Société des personnes atteintes du sida en Colombie‑Britannique, avait écrit au Dr Dick à la suite d’un appel téléphonique reçu du demandeur « plusieurs semaines » auparavant, où le demandeur avait sollicité une aide pour les difficultés que lui causait son traitement médical, et en particulier pour les douleurs qu’il ressentait. L’auteur de la lettre écrivait que le demandeur l’avait informé qu’il souffrait d’une douleur chronique aux jambes, aux genoux et au dos, à cause de diverses blessures et fractures subies au fil des ans. Le demandeur avait aussi fait état d’une augmentation de la douleur, qu’il attribuait à la progression du VIH, et il disait que la douleur était insupportable.

 

[18]      Le 17 janvier 1997, le demandeur informait l’USS qu’il avait cessé de prendre ses médicaments antirétroviraux. Le personnel lui a dit que ce n’était pas la chose à faire. D’après une mention insérée plus tard le même jour dans les notes d’évolution, le demandeur avait retourné tous ses médicaments à l’USS. Selon les notes d’évolution, il a informé le personnel de l’USS, le 12 février 1997, qu’il avait recommencé de prendre ses médicaments. La mention insérée le même jour dans les notes d’évolution précise que le d4T devrait être administré deux fois par jour et non quatre fois par jour.

 

[19]      Le demandeur a vu de nouveau le Dr Montaner le 11 septembre 1997. Le même jour, le Dr Montaner écrivait ce qui suit au Dr Dick :

[traduction]

… Il [le demandeur] me dit qu’il a pu tolérer les médicaments sans difficulté et, dans les semaines qui ont suivi le début du traitement, sa charge virale avait diminué pour se situer à 560 copies du virus par millilitre. Ma secrétaire a communiqué avec le laboratoire de l’hôpital Saint‑Paul, et il nous a été impossible de trouver une preuve objective de ce résultat. Je vous serais très reconnaissant de bien vouloir éclaircir cet aspect pour moi.

 

Nous avons constaté, au laboratoire de l’hôpital Saint‑Paul, une charge virale plasmatique remontant à janvier 1997, qui atteignait 57 000 copies du virus par millilitre. Cela est plutôt inquiétant, parce que cela voudrait dire que, pendant qu’il suivait son traitement, sa charge virale était extrêmement élevée, et il aurait donc développé une résistance. Encore une fois, quand on lui a demandé précisément s’il suivait ou non le traitement à ces dates, il n’a pu donner une réponse parfaitement claire. Il a l’impression qu’il a suivi le traitement jusqu’à il y a environ trois ou quatre mois. Je vous serais très reconnaissant si vous pouviez me communiquer l’information objective sur l’historique de la thérapie antirétrovirale employée par M. Hickey. Pareillement, je vous saurais gré de bien vouloir me fournir les détails concernant la posologie et l’observance posologique.

 

M. Hickey a dit aussi qu’il prenait le d4T à raison de 40 mg quatre fois par jour, ce qui serait deux fois la dose recommandée. Si tel est le cas, il n’est pas surprenant qu’il se plaigne d’avoir mal aux jambes et d’avoir des douleurs lancinantes, compatibles avec une neuropathie périphérique persistante, qui souvent résulte d’une complication de la thérapie au d4T. Cela est plus susceptible de se produire si des doses supérieures de d4T ont été administrées. Il me dit que les symptômes sont présents depuis bien au‑delà de six mois et qu’ils ont débuté progressivement depuis qu’il a commencé le traitement.

 

[20]      Le Dr Montaner se disait inquiet d’apprendre du demandeur qu’il n’avait pas pris le médicament antirétroviral, l’indinavir, à exactement huit heures d’intervalle, selon ses recommandations. Il examinait aussi d’autres possibilités de traitement, soulignant qu’il importait de savoir si le demandeur était devenu plus résistant aux médicaments, et il voulait en savoir davantage sur les médicaments particuliers que le demandeur avait pris, ainsi que sur la période au cours de laquelle il les avait pris. Quant aux autres possibilités de traitement, il faisait observer que l’un des médicaments pouvait entraîner une aggravation de la neuropathie périphérique. Il recommandait pour cette raison la consultation d’un neurologue avant de prescrire un autre traitement.

 

[21]      Le Dr Dick a répondu à la demande de renseignements le 17 septembre 1997. Il disait que le demandeur s’était plaint de douleurs aux jambes avant la prise de toute thérapie antirétrovirale et qu’il voulait un narcotique pour atténuer la douleur. Le Dr Dick écrivait que le demandeur avait commencé la thérapie antirétrovirale le 18 novembre 1996; cependant, le d4T avait commencé d’être administré à raison de 40 mg quatre fois par jour, jusqu’à ce que l’erreur fût découverte en janvier, et c’est alors que la posologie avait été ramenée à 40 mg deux fois par jour. Le 17 janvier 1997, le demandeur lui avait dit qu’il avait cessé de prendre les médicaments antirétroviraux, et le Dr Dick l’avait mis en garde contre la possibilité qu’il développe une résistance aux médicaments. Le 12 février 1997, le demandeur lui avait dit qu’il avait recommencé de prendre ses médicaments antirétroviraux. Le Dr Dick joignait aussi à sa réponse le résumé suivant des résultats d’analyses de laboratoire : la numération des CD4 était de 460 en juin 1996, de 340 en octobre 1996, de 700 en janvier 1997, de 750 en mars 1997 et de 740 en juin 1997; la charge virale était de 570 en janvier 1997, de 880 en mars 1997 et de 57 000 en juin 1997.

 

[22]      La Couronne a assigné le Dr Keyes comme témoin expert. Avec le consentement du demandeur, il a été reconnu comme spécialiste de la neurologie et de la neurophysiologie, d’autant que ces disciplines intéressent le traitement des patients atteints du VIH et du sida, et le Dr Keyes devait donner son avis sur la cause, les symptômes et le traitement de la neuropathie périphérique en général, ainsi que sur le cas précis du demandeur.

 

[23]      Le Dr Keyes avait examiné la première fois le demandeur en octobre 1997, à la requête des Drs Montaner et Dick. Selon le Dr Keyes, lors de cette consultation, le demandeur s’était plaint de douleurs aux membres inférieurs, de changements sensoriels et de sensations de froid aux deux jambes, depuis les orteils jusqu’aux genoux, d’une faiblesse générale des deux jambes, d’une perte générale de masse musculaire associée à une importante perte de poids, et enfin d’un engourdissement et d’une sensation de froid intense aux doigts des deux mains. Le demandeur lui avait dit que les symptômes observables aux jambes avaient débuté pendant qu’il prenait la trithérapie antirétrovirale comprenant le 3TC, l’indinavir et un troisième antirétroviral. Il ne pouvait pas se souvenir du nom du troisième médicament. Le demandeur lui avait signalé aussi qu’il avait pris les médicaments antirétroviraux durant six mois, mais qu’il avait cessé de les prendre plusieurs mois avant de se présenter au Dr Keyes.

 

[24]      Après un examen physique et neurologique du demandeur, le Dr Keyes avait exprimé l’avis à ce moment‑là que le demandeur était atteint d’une très légère à légère neuropathie sensorielle périphérique s’étendant aux membres inférieurs seulement, avec atteinte plus marquée du membre inférieur gauche. Il soupçonnait une irritation des racines nerveuses, dans la région lombaire, d’être à l’origine en particulier des symptômes dans le membre inférieur gauche.

 

[25]      Le Dr Keyes est arrivé à la conclusion que la cause de la neuropathie sensorielle périphérique était tout probablement rattachée au VIH et que les médicaments antirétroviraux étaient une cause moins probable étant donné que le demandeur avait cessé de prendre ces médicaments plusieurs mois avant la consultation du 1er octobre 1997. Le Dr Keyes croyait aussi que les symptômes observables aux membres inférieurs du demandeur étaient également liés aux douleurs qu’il ressentait dans la région lombaire. Il avait donc recommandé au demandeur de se soumettre à une tomodensitométrie qui permettrait de déceler ou non un dysfonctionnement des racines nerveuses de la région lombaire. Il avait aussi recommandé au demandeur de se soumettre à un test de conduction nerveuse et à une électromyographie, qui permettraient d’évaluer le genre et l’étendue de la neuropathie périphérique.

 

[26]      Le Dr Keyes avait dit au demandeur que le meilleur moyen de traiter sa neuropathie périphérique était de reprendre sa médication antirétrovirale pour supprimer le VIH, ce qui aurait pour effet d’améliorer les fonctions de son système immunitaire et produirait probablement une amélioration graduelle de la neuropathie périphérique. Le demandeur avait dit au Dr Keyes qu’il n’était pas disposé à prendre des médicaments antirétroviraux.

 

[27]      Le 12 janvier 1998, après qu’une quantité importante de médicaments antirétroviraux fut trouvée au cours d’une perquisition dans la cellule du demandeur, ce dernier avoua au personnel de l’USS qu’il n’avait pas pris ses médicaments antirétroviraux depuis janvier 1997.

 

[28]      Le demandeur avait revu le Dr Keyes le 9 mars 1998, pour une nouvelle évaluation neurologique, et pour le test de conduction nerveuse et l’électromyographie qu’il avait recommandés. Ce jour‑là, le demandeur avait dit que ses symptômes, en particulier ceux des membres inférieurs, s’étaient tous aggravés depuis la première consultation. Il ressentait à la jambe gauche une douleur grandissante, qui le brûlait, qui était lancinante et qui le faisait souffrir. Il avait les mêmes symptômes à la jambe droite, mais moins aigus. Il se plaignait aussi de douleurs cervicales et dorsales.

 

[29]      Se fondant sur son examen neurologique, le Dr Keyes avait conclu que l’état neurologique du demandeur était resté inchangé et n’était pas pire que ce qu’il était lors de l’examen d’octobre 1997. Plus exactement, il y avait des signes d’une neuropathie périphérique persistante modérée, mais non évolutive.

 

[30]      Se fondant sur le test de conduction nerveuse et sur l’électromyographie, le Dr Keyes était d’avis qu’il n’y avait, chez le demandeur, aucune preuve d’atteinte neurophysiologique importante des nerfs sensitifs ou des nerfs moteurs des membres supérieurs, qui pouvait expliquer les symptômes de ses membres supérieurs. S’agissant des membres inférieurs, le Dr Keyes avait relevé que le test de conduction nerveuse montrait un résultat très légèrement anormal, ce qui s’accordait avec une neuropathie sensorielle périphérique légère et une neuropathie motrice très légère de ces membres. Le Dr Keyes avait réaffirmé son opinion antérieure selon laquelle une irritation ou compression des racines nerveuses de la région lombaire restait une explication possible des symptômes présentés par les membres inférieurs du demandeur. Il avait recommandé de nouveau au demandeur de se soumettre à une tomodensitométrie qui permettrait d’explorer cette possibilité.

 

[31]      Une tomodensitométrie effectuée en juillet 1999 avait par la suite révélé une protrusion discale dans la région lombaire et, à un niveau inférieur, un bombement du disque et un épaississement des ligaments. Le Dr Keyes en avait déduit que la différence entre les symptômes de la jambe gauche et ceux de la jambe droite, la jambe gauche étant plus symptomatique, s’expliquait en partie par les anomalies discales. L’effet combiné des deux anomalies expliquait aussi la douleur dans la région lombaire.

 

[32]      Le Dr Keyes a expliqué qu’il est très difficile de distinguer, cliniquement, entre une neuropathie périphérique induite par un médicament du type d4T et une neuropathie périphérique liée au VIH/sida, parce qu’elles présentent souvent les mêmes symptômes. Les deux types de neuropathies sont principalement de nature sensorielle, accompagnées de douleurs, d’engourdissements et de picotements aux orteils et aux pieds. La neuropathie liée au VIH fait un peu plus souvent intervenir les nerfs moteurs. La neuropathie induite par des médicaments s’accompagne un peu plus souvent de douleurs que ce n’est le cas pour la neuropathie liée au VIH.

 

[33]      Sur le plan curatif, le Dr Keyes a expliqué que la neuropathie liée au VIH ne peut pas être guérie, pas plus que l’infection elle‑même par le VIH. L’amélioration maximale peut être obtenue par traitement du VIH et neutralisation du VIH dans les nerfs périphériques touchés par le virus. En cas de succès, le patient peut observer une nette amélioration des symptômes et, dans certains cas, une résorption des symptômes. Cependant, cela ne veut pas dire que la neuropathie périphérique a disparu. Cela veut simplement dire qu’elle est tenue « à distance », comme la maladie sous‑jacente.

 

[34]      En revanche, pour une neuropathie périphérique induite par des médicaments, dès que cesse la prise du médicament, la majorité des patients connaît une résorption des symptômes et une guérison.

 

[35]      Selon le Dr Keyes, c’est là l’une des façons dont les deux genres de neuropathie périphérique peuvent être distingués. Dans les cas où le patient est atteint du VIH et prend un médicament du type d4T, et que l’on ne sait pas si c’est le VIH ou le médicament, ou les deux, qui est à l’origine de la neuropathie périphérique, alors le traitement qui s’impose consiste à cesser la prise du médicament et à traiter le VIH avec plusieurs antirétroviraux pour neutraliser le VIH et maximiser la guérison potentielle de la neuropathie périphérique due au VIH.

 

[36]      En général, chez les individus où il y a combinaison possible d’une neuropathie périphérique induite par des médicaments et d’une autre qui est liée au VIH, on observera une amélioration en quelques semaines ou quelques mois après la cessation du médicament du type d4T.  Si le VIH demeure persistant et n’est pas traité, ou s’il ne présente aucune réaction pour une diversité de raisons, alors les symptômes cliniques résiduels sont probablement liés au VIH.

 

[37]      Cela s’explique par le fait que le VIH et les médicaments du type d4T influent différemment sur les cellules des fibres nerveuses périphériques. Les médicaments du type d4T causent une dysfonction mitochondriale. Les mitochondries permettent à une cellule d’absorber et de traiter les éléments nutritifs dont elle a besoin pour survivre. Le VIH entraîne une intoxication directe, et une perturbation, de la structure cellulaire individuelle qui permet aux influx nerveux de parcourir l’organisme, par exemple de la moelle épinière à la jambe, et jusqu’au pied. La cessation d’un médicament du type d4T permet aux mitochondries des cellules de se régénérer, et le fonctionnement des cellules reviendra à la normale. Le temps qu’il faut pour que cela se produise est variable, en général six mois ou davantage après la cessation du médicament, mais l’effet du médicament sur les nerfs périphériques ne joue plus et a disparu. Le signe d’une neuropathie induite par un médicament du type d4T est, dans la majorité des cas, l’amélioration et la résolution de la maladie après la cessation du médicament.

 

[38]      Pour la neuropathie liée au VIH, le traitement du VIH permet à la structure cellulaire, non aux mitochondries, de se régénérer. En général, le processus de régénération, pour la neuropathie induite par le VIH, est beaucoup plus long que pour la neuropathie induite par un médicament, le délai minimal de régénération allant de 12 à 24 mois.

 

[39]      Par conséquent, pour les individus atteints d’une neuropathie liée à la fois au VIH et à des médicaments, l’amélioration se déroule en deux phases. À la cessation du médicament du type d4T, on constate une amélioration sur une période de trois à six mois, mais les symptômes ne disparaissent pas. Quant aux individus qui sont également traités pour le VIH sous‑jacent, on observe une autre amélioration au cours des six à dix‑huit mois qui suivent.

 

[40]      Cela s’explique par le fait que la régénération des mitochondries est plus rapide que la régénération de la structure cellulaire, c’est‑à‑dire que la reconstruction de l’anatomie du nerf périphérique est un processus plus lent.

 

[41]      Quant à savoir si la vitesse de guérison serait modifiée par le fait que la dose de d4T administrée est de deux fois la dose maximale recommandée, le Dr Keyes a fait les observations suivantes. D’abord, même chez les individus qui ont reçu la bonne dose de d4T, le taux approximatif d’apparition de la neuropathie périphérique est de 25 p. 100. Deuxièmement, la vitesse de guérison de la neuropathie induite par le d4T dépend de plusieurs facteurs, par exemple la sensibilité propre du patient et l’effet d’autres médicaments.

 

[42]      En général, l’apparition d’une neuropathie induite par un médicament de type d4T est d’autant plus probable que la dose de ce médicament est élevée. En outre, plus le médicament est administré sur une longue période, plus la maladie risque d’apparaître.

 

[43]      Bien que l’on ait observé une fréquence accrue de la neuropathie périphérique associée à une augmentation de la dose de d4T, l’issue de la maladie sur une longue période ne semble pas changer, dans la mesure où l’on peut affirmer cela compte tenu du petit nombre d’individus à qui ont été administrées des doses plus fortes.

 

[44]      Quant à la probabilité d’apparition d’une neuropathie périphérique liée au VIH/sida, le Dr Keyes a relevé que la fréquence d’une neuropathie induite par le VIH se situe entre 5 et 10 p. 100 de tous les individus présentant une faible charge virale et une numération élevée des CD4. Cependant, plus le VIH reste non traité, ou traité insuffisamment, pendant une longue période, plus la fréquence de complications neurologiques est élevée. La fréquence moyenne de la neuropathie périphérique chez les patients atteints du VIH est de 30 à 35 p. 100 et, avec le recours aux tests de conduction nerveuse, la fréquence se situe entre 40 et 50 p. 100.

 

[45]      Selon le Dr Keyes, étant donné la période au cours de laquelle le demandeur a pris le d4T, la neuropathie périphérique observée en octobre 1997 était plus probablement liée au VIH qu’au d4T.

 

[46]      Également, il est d’autant plus probable d’observer une amélioration de la neuropathie induite par le médicament que le patient ne prend plus le d4T depuis une longue période. Puisque le demandeur n’avait pas pris le d4T durant environ huit ou neuf mois avant d’être examiné en octobre 1997, tout effet possible du d4T aurait été pour ainsi dire nul, et la persistance et la présence de la neuropathie à cette époque étaient alors liées au VIH, qui n’avait pas été traité au cours de cette même période.

 

[47]      Le Dr Keyes a admis que l’information qu’il avait reçue en octobre 1997, et qui précisait la date à laquelle le VIH avait été diagnostiqué chez le demandeur et la durée pendant laquelle le demandeur avait pris les médicaments antirétroviraux, n’était pas fiable. Avec l’information exacte concernant la date du diagnostic et le temps pendant lequel le demandeur avait pris les médicaments, le Dr Keyes demeurait persuadé que le VIH était la cause première de la neuropathie périphérique observée en octobre 1997 et qu’il est certainement la cause des symptômes encore observables aujourd’hui.

 

[48]      Le demandeur a appelé le Dr Peter Ford comme témoin expert. Il a été reconnu comme témoin expert, c’est‑à‑dire comme médecin justifiant d’une spécialisation particulière dans le VIH/sida et dans son traitement. Il a produit le témoignage suivant.

 

[49]      C’est en août 2000 qu’il a vu le demandeur pour la première fois et qu’il l’a examiné. À l’époque, il a étudié le dossier du demandeur et il s’est aperçu qu’une dose erronée de d4T avait été administrée au demandeur. Le demandeur se plaignait d’une sensation de brûlure aux pieds et aux jambes, qui avait débuté environ deux semaines après le début de la prise des médicaments antirétroviraux. Le demandeur lui a dit que, après que fut découverte l’erreur de posologie, il avait continué de prendre le d4T, mais d’après la posologie recommandée. Il lui a signalé aussi qu’il n’avait cessé de prendre le médicament que lorsqu’un organisme d’aide aux malades du sida de Vancouver lui eut dit que ses symptômes étaient probablement une complication causée par les médicaments qu’il prenait. D’après le dossier, le Dr Ford a remarqué que, à plusieurs reprises, le demandeur s’était plaint de douleurs aux jambes. La nature des douleurs n’avait jamais été précisée, mais il semblait que les plaintes du demandeur avaient débuté peu après qu’il eut commencé de prendre le d4T. Un examen physique n’avait été fait qu’en septembre 1997, et c’est alors qu’on diagnostiqua chez lui une neuropathie périphérique.

 

[50]      Quand le Dr Ford a examiné le demandeur en août 2000, la neuropathie était encore manifestement présente, et très douloureuse. En outre, elle ne se limitait pas aux jambes et aux pieds, mais s’étendait aussi aux mains. Il y avait des signes de perte sensorielle et de dysesthésie aux jambes et aux mains. Le Dr Ford n’a pu dire si la neuropathie s’était aggravée depuis qu’elle était apparue en 1996, mais, selon lui, il n’y avait certainement pas eu d’amélioration.

 

[51]      Le Dr Ford a témoigné que les trois médicaments prescrits à l’origine au demandeur pour l’infection au VIH étaient à l’époque la médication usuelle de départ pour le VIH. Cependant, la dose de d4T administrée au demandeur, d’après son dossier, représentait deux fois la dose maximale recommandée de 40 mg deux fois par jour. Le Dr Ford était persuadé que le demandeur avait absorbé la mauvaise dose de d4T durant près de deux mois.

 

[52]      Quant à savoir ce qui avait causé la neuropathie périphérique du demandeur, le Dr Ford a dit que le VIH est apte en soi à produire une neuropathie périphérique, laquelle est en fait l’une des complications neurologiques les plus courantes de la maladie. Cependant, dans le cas du demandeur, la neuropathie périphérique n’est sans doute pas attribuable au seul VIH, parce que la neuropathie périphérique induite par le VIH se manifeste en général lentement et ne touche en général que les jambes, pour ne s’étendre aux mains que plus tard. Selon le Dr Ford, lorsqu’un patient présente les symptômes d’une neuropathie périphérique aux jambes et aux mains, on pense à une intoxication médicamenteuse. Le Dr Ford a fait observer que le demandeur présentait des symptômes aux mains, aux pieds et aux jambes lorsqu’il fut examiné par le Dr Keyes.

 

[53]      Selon le Dr Ford, il est fort probable que la dose erronée de d4T soit à l’origine de la neuropathie périphérique du demandeur. Il a fondé cette opinion sur deux facteurs principaux, la description donnée par le demandeur de la douleur qu’il ressentait, et la concomitance de l’apparition des symptômes et du début de la prise du d4T.

 

[54]      Dans les écrits spécialisés, il est mentionné que la neuropathie périphérique est un effet secondaire connu du d4T lorsqu’il est absorbé à raison de 40 mg deux fois par jour. Également, plus la dose administrée est élevée, plus l’apparition de la neuropathie est rapide.

 

[55]      S’agissant du moment auquel est apparue la neuropathie périphérique du demandeur, le Dr Ford a témoigné que l’on savait en 1996 qu’une neuropathie périphérique préexistante, qui peut se manifester en marge d’une infection par le VIH, pouvait être aggravée par le d4T. Pour cette raison, il était peu probable que le d4T eût été prescrit s’il y avait eu une neuropathie périphérique préexistante. Au reste, s’il avait été prescrit, il l’aurait été selon une posologie bien inférieure. Qui plus est, le Dr Montaner n’avait pas fait état d’une neuropathie périphérique lorsqu’il avait vu la première fois le demandeur avant que le d4T ne lui soit administré. On peut en déduire que, avant de prendre le d4T, le demandeur ne présentait pas les symptômes d’une neuropathie périphérique.

 

[56]      Puisque la douleur dont s’était plaint le demandeur à la fin de 1996 ressemblait à la douleur qu’il ressentait en septembre 1997 lorsqu’on a diagnostiqué chez lui une neuropathie périphérique, le Dr Ford a conclu que les symptômes présentés par le demandeur à la fin de 1996 étaient attribuables à une neuropathie.

 

[57]      Le Dr Ford a fait observer que, même si les affirmations du demandeur concernant la première apparition des symptômes varient, il semblerait qu’il a commencé de ressentir des symptômes douloureux trois jours à deux semaines après avoir débuté la prise du d4T. Cette apparition rapide de la douleur s’accorde avec une neuropathie induite par le médicament, et non avec une neuropathie induite par le VIH. La neuropathie périphérique induite par le VIH peut être douloureuse, mais elle ne débute pas en général avec des douleurs aiguës et elle se manifeste en général sur une période de plusieurs mois, sinon de plusieurs années. Cependant, la concomitance des plaintes et du surdosage donne fortement à penser que c’est le d4T qui en est à l’origine.

 

[58]      Le Dr Ford a fondé son opinion, selon laquelle la neuropathie périphérique était le résultat d’un surdosage de médicaments, sur les essais cliniques du d4T, essais au cours desquels il fut constaté que, à raison d’une dose de 40 mg deux fois par jour, les probabilités d’apparition d’une neuropathie au cours des six premiers mois de la thérapie étaient d’environ 23 p. 100. Cependant, les probabilités d’apparition d’une neuropathie étaient nettement inférieures, c’est‑à‑dire d’environ 15 p. 100, lorsque la dose était de 30 mg par jour. En outre, l’apparition de la neuropathie était d’autant plus rapide que la dose du médicament était élevée.

 

[59]      Le Dr Ford a aussi fait observer que la procédure correcte à suivre quand une erreur de posologie est constatée consiste à rectifier la posologie en l’absence de symptômes attestant la présence d’une neuropathie périphérique. S’il y a des symptômes, il faut stopper la médication. L’administration du d4T pourra reprendre si les symptômes disparaissent ou s’ils s’améliorent, mais à une dose inférieure, ne dépassant pas en général 30 mg deux fois par jour. Si la prise du d4T n’est pas stoppée dès l’apparition de la neuropathie et que la dose n’est pas réduite, la neuropathie périphérique persistera et, tout probablement, progressera.

 

[60]      Quant à savoir si une neuropathie périphérique induite par le médicament est réversible, le Dr Ford est d’avis que, si la neuropathie est décelée rapidement et si la prise du médicament est arrêtée, il y aura, semble‑t‑il, amélioration. Cependant, il est généralement admis que, si la prise du médicament n’est pas arrêtée, et si elle se poursuit à mesure que les symptômes s’aggravent, la neuropathie périphérique risque de persister, sans présenter une nette amélioration. Selon les écrits spécialisés, une fois qu’est établie une intoxication grave au d4T, avec lésions nerveuses, toute amélioration est hypothétique.

 

[61]      Le Dr Ford est en désaccord avec le Dr Keyes sur la question du rôle des mitochondries. Selon le Dr Ford, la neuropathie du demandeur est une conséquence d’une intoxication directe des nerfs.

 

[62]      Finalement, le Dr Ford reconnaît que la seule manière de diagnostiquer sans risque une neuropathie périphérique induite par un médicament est le cas où la neuropathie périphérique se résorbe après la cessation du médicament. Si les symptômes persistent après la cessation du médicament, alors il faut chercher d’autres causes.

 

[63]      Le demandeur a témoigné que, avant de prendre les médicaments antirétroviraux, il ressentait des douleurs au milieu et au bas du dos ainsi qu’au genou gauche. Il dit que, après avoir commencé la prise des médicaments antirétroviraux en novembre 1996, il s’est mis à sentir un engourdissement aux orteils et dans le haut du cou‑de‑pied, ainsi qu’une sensation de brûlure à la plante des pieds. Parfois, il éprouvait aussi un engourdissement aux doigts. Il a remarqué la première fois les nouveaux symptômes quelques jours après avoir commencé de prendre les médicaments antirétroviraux.

 

[64]      Il dit que, environ une semaine après avoir commencé la thérapie antirétrovirale, il est allé à l’unité des soins de santé pour se plaindre de sa douleur aux pieds. Le Dr Dick avait dit au demandeur qu’il n’y avait rien d’anormal et il n’avait rien fait pour atténuer la douleur.

 

[65]      Le demandeur dit que la situation s’était aggravée au point qu’il avait fini par téléphoner à la Société de la Colombie‑Britannique d’aide aux personnes atteintes du sida. Apprenant la quantité de d4T que le demandeur absorbait, le représentant à qui il parlait lui avait dit de cesser immédiatement la prise de ce médicament parce que la dose qu’il prenait était trop élevée. Le demandeur a témoigné qu’il avait alors cessé de prendre les médicaments antirétroviraux.

 

[66]      Le demandeur a témoigné qu’il pensait avoir pris les médicaments antirétroviraux durant environ trois ou quatre mois, alors que d’autres disent qu’il ne les a pris que durant six à dix semaines. Il reconnaît n’avoir pris les médicaments antirétroviraux que deux fois pendant une période quelconque. La première fois, c’était lorsqu’on lui avait prescrit au départ les médicaments et, la deuxième fois, c’était lorsqu’il était à l’établissement de Millhaven.

 

[67]      Il a témoigné aussi que, au cours des dix dernières années, il a de nombreuses fois pris durant un certain temps ses médicaments antirétroviraux, pour cesser ensuite durant quelque temps. La raison de cela, c’est que les médicaments antirétroviraux le rendent terriblement malade et qu’on ne lui a donné aucun médicament pour venir à bout de cet effet secondaire.

 

[68]      La Couronne a aussi appelé à témoigner M. Maurice Giroux, un infirmier diplômé travaillant pour le Service correctionnel du Canada à titre de chef des services de santé de l’établissement de Warkworth. Il est chargé de coordonner tous les aspects des soins de santé administrés à la population carcérale.

 

[69]      Il a témoigné que le poste de médecin de l’établissement est généralement un poste contractuel. Comme ces médecins sont généralement des médecins de famille, les détenus sont souvent aiguillés vers des spécialistes de l’extérieur. Ces spécialistes communiquent alors leurs conclusions au médecin de l’établissement, qui décide du traitement à prescrire.

 

[70]      Quant aux contrôles existant dans le système pour garantir que les prescriptions sont adéquatement consignées, M. Giroux a témoigné que les dossiers des détenus sont vérifiés et les directives du médecin passées en revue. En général, ce sont les pharmaciens des établissements qui décèlent les problèmes, par exemple des médicaments incompatibles ou une posologie erronée. Dans ces cas, on communique avec le médecin de l’établissement avant d’exécuter l’ordonnance.

 

[71]      M. Giroux a souligné que c’est depuis quelques années seulement que le SCC a sa propre pharmacie et des pharmaciens à demeure. Avant cela, du moins dans la région de l’Ontario, le SCC recrutait ses pharmaciens en passant des contrats avec eux.

 

[72]      Finalement, s’agissant de la mention du 18 novembre 1996 insérée dans les notes d’évolution, à savoir RX, dr5 40 mg po qid, M. Giroux a témoigné que cette mention avait dû être insérée par le médecin de l’établissement.

 

Analyse

 

[73]      1. Selon la prépondérance de la preuve, l’apparition d’une neuropathie périphérique chez le demandeur avait‑t‑elle pour origine le surdosage de d4T?

 

[74]      Au cours de son argumentation orale, le demandeur a reformulé la question ainsi : la dose erronée du d4T était‑elle à l’origine de l’apparition, ou avait‑elle contribué à l’apparition, de la neuropathie périphérique?

 

[75]      Le demandeur signale les preuves suivantes à l’appui de son affirmation selon laquelle la neuropathie périphérique était le résultat d’une intoxication aux médicaments.

 

-         Les notes des médecins ne disent nulle part que le demandeur, avant de commencer à prendre le d4T, se plaignait de douleurs compatibles avec une neuropathie périphérique.

 

-         C’est peu après le début du traitement au d4T que le demandeur a commencé de se plaindre de douleurs propres à la neuropathie périphérique.

 

-         La diminution de la charge virale du demandeur, combinée à l’accroissement de la numération des CD4, donne à penser qu’il a pris le d4T jusqu’au 3 janvier 1997 au moins.

 

-         Selon les notes d’évolution, le demandeur s’est remis au d4T le 12 février 1997.

 

-         Selon la réponse du défendeur aux interrogatoires écrits, des antirétroviraux ont été administrés au demandeur jusqu’à l’automne de 1997, mais, comme il est établi que le demandeur stockait les médicaments sans les prendre, il a pu y avoir des périodes de non‑observance de la posologie.

 

-         D’après le Dr Ford, la neuropathie périphérique a été causée par une intoxication médicamenteuse.

 

[76]      Le demandeur invoque aussi une lettre d’octobre 1999 adressée par le Dr Montaner au médecin de l’établissement de Kent. Dans un post‑scriptum, le Dr Montaner écrivait, en réponse à une question du demandeur concernant les conséquences possibles d’une double dose de d4T, que le d4T [traduction] « produit une neuropathie périphérique en fonction de la dose absorbée, et il est donc tout à fait concevable que la prise de d4T selon une dose qui est le double de celle recommandée puisse être à l’origine de sa neuropathie périphérique, ou à tout le moins ait pu y contribuer, si effectivement il prenait une dose plus élevée que celle recommandée ».

 

[77]      Selon le demandeur, l’avis du Dr Keyes selon lequel la neuropathie était le résultat du VIH devrait être considéré à la lumière des précisions suivantes du Dr Keyes : le rapport qu’il avait rédigé après avoir examiné la première fois le demandeur était fondé sur une information incomplète, et l’information sur laquelle il s’était fondé, et d’après laquelle le demandeur n’avait pas pris de d4T après le 3 janvier 1997, était erronée.

 

[78]      Le demandeur fait aussi observer qu’il n’existe aucune preuve scientifique objective permettant de dire qu’un patient guérirait d’une neuropathie périphérique résultant d’un traitement au d4T administré au‑delà de la posologie recommandée, puis, après un intervalle de un mois, administré de nouveau à la posologie maximale recommandée.

 

[79]      Pour les motifs qui suivent, je suis d’avis que le demandeur n’a pas établi, selon la prépondérance de la preuve, un lien de causalité entre le surdosage du d4T et la neuropathie périphérique.

 

[80]      S’agissant de la période au cours de laquelle le d4T a été administré au demandeur selon un dosage erroné, je constate qu’il a pris le dosage erroné entre le 18 novembre 1996 et le 3 janvier 1997, et au plus tard le 17 janvier 1997. Je crois pouvoir tirer cette conclusion du témoignage produit par le demandeur au procès, et des déclarations, évoquées plus haut dans les présents motifs, qu’il a faites à diverses époques aux médecins et à d’autres. Je suis également d’avis qu’aucune preuve ne permet d’affirmer que le demandeur a absorbé le d4T à la dose recommandée entre le milieu de février 1997 et octobre 1997. L’avocat du demandeur fait valoir que le demandeur a recommencé de prendre le d4T en février. Il fonde cette affirmation sur la mention insérée dans les notes d’évolution, où l’on peut lire que la dose exacte de d4T fut administrée au demandeur en février, et sur le fait que ses charges virales n’ont diminué qu’en mars 1997. D’abord, même si les notes d’évolution montrent que le d4T lui a été administré, le demandeur lui‑même a dit qu’il ne prenait pas le médicament à l’époque. Cet aspect a d’ailleurs été expressément abordé dans le rapport d’expert du Dr Keyes, à la page 30. Il y écrit ce qui suit :

[traduction] … Il est clair que le patient ne prenait pas ses médicaments antirétroviraux après janvier 1997, puisque ses charges virales ont commencé à grimper encore une fois en mars 1997 et sont demeurées élevées jusques et y compris aux époques des évaluations neurologiques cliniques d’octobre 1997 et mars 1998.

 

 

[81]      Il n’est pas contesté entre les parties que les médicaments du type d4T et le VIH peuvent être la cause de la neuropathie périphérique. Il n’est pas contesté non plus que la neuropathie périphérique induite par les médicaments dépend de la dose administrée.

 

[82]      Le Dr Ford fonde son opinion sur le rapport de simultanéité entre l’apparition des symptômes, la prise du d4T et la nature des symptômes. Le Dr Keyes n’est pas en désaccord avec le Dr Ford sur ces deux points, mais il fait observer que, bien que l’apparition de la neuropathie induite par le VIH soit généralement plus lente, elle peut dans certains cas être plus rapide, et les mêmes symptômes peuvent se manifester.

 

[83]      Je trouve convaincant le témoignage du Dr Keyes concernant le fondement d’après lequel la neuropathie périphérique induite par les médicaments et la neuropathie liée au VIH peuvent être différenciées. Il peut y avoir similitude dans l’apparition des deux types de neuropathie, ainsi que dans les symptômes qui les accompagnent, mais les lésions entraînées par chaque type, et les vitesses de guérison, diffèrent. Les lésions causées par les médicaments du type d4T sont des lésions affectant les mitochondries. Ces lésions seront réparées au cours d’une période relativement brève après la cessation de la médication. En revanche, le VIH cause des lésions à la structure cellulaire elle‑même. La neutralisation du virus permet aux cellules de réparer les lésions, mais c’est un processus beaucoup plus long.

 

[84]      La neuropathie liée aux médicaments dépend de la dose administrée, mais il n’est pas établi que les lésions causées aux mitochondries seront plus durables ou ne pourront pas être réparées. Puisqu’il semble n’y avoir eu aucune évolution notable de la neuropathie du demandeur après qu’il eut cessé la médication en janvier 1997, j’arrive à la conclusion que la neuropathie périphérique du demandeur était probablement liée au VIH et qu’elle continue de l’être.

 

[85]      Le demandeur a aussi fait valoir que, puisque ses charges virales ont augmenté et que la numération de ses CD4 a diminué après qu’il eut cessé de prendre le d4T, il aurait dû y avoir progression de la neuropathie si cette neuropathie était liée au VIH. Or, il n’y a eu aucun changement notable. Le postulat sous‑jacent de l’argument est que, dans ces circonstances, la neuropathie s’aggraverait, mais on n’a pas démontré à la Cour en quoi une neuropathie liée au VIH s’aggrave à mesure qu’augmentent les charges virales, et il n’existe pas non plus aucune preuve portant sur le temps qu’il faudrait pour qu’une telle aggravation se manifeste.

 

[86]      2. Vu le jugement Oswald, le demandeur est‑il empêché de poursuivre le Service correctionnel du Canada?

 

[87]      Dans l’affaire Oswald, où un détenu demandait réparation à la Couronne, une faute professionnelle avait été imputée à un chirurgien dentiste qui avait accompli une chirurgie sur un détenu incarcéré dans un établissement correctionnel relevant du SCC. La Cour avait jugé que la Couronne ne pouvait pas être tenue pour responsable du préjudice causé par la faute d’un dentiste indépendant lié au SCC par un contrat de louage de services.

 

[88]      Le demandeur ne conteste pas que c’est l’état du droit aujourd’hui, mais il soutient que le jugement Oswald ne peut s’appliquer ici parce que les faits étaient différents. En résumé, le demandeur dit que, en l’espèce, le SCC a eu raison de soumettre son cas au Dr Montaner et que la recommandation du Dr Montaner concernant le d4T était exacte, mais que le Dr Dick a commis une erreur de transcription en consignant incorrectement la posologie. Le demandeur est d’avis que, en application de l’article 86 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20, des contrôles auraient dû être en place pour empêcher une telle erreur. En conséquence de l’erreur de transcription, le SCC a administré au demandeur une dose erronée de d4T et a donc commis un acte dommageable. Par conséquent, il ne s’agit pas ici de la faute d’un professionnel de la santé commise dans l’accomplissement d’un acte médical, mais plutôt d’une erreur de transcription.

 

[89]      Cet argument s’appuie sur l’interprétation du demandeur pour qui la mention du 18 novembre 1996 insérée dans les notes d’évolution était une erreur de transcription. À mon avis, la preuve ne confirme pas cette prétention. Il ressort clairement de la lettre du 15 novembre 1996 du Dr Montaner qu’il soumettait à l’examen du Dr Dick une recommandation concernant un traitement possible. Il ressort tout aussi clairement de la mention du 18 novembre 1996 insérée dans les notes d’évolution que le Dr Dick considérait comme une recommandation la teneur de la lettre du Dr Montaner. Qui plus est, la mention précise que le Dr Dick était le médecin prescripteur. Je déduis de cette preuve que, bien que le Dr Montaner ait fait certaines recommandations, la décision relative au traitement qui serait administré au demandeur relevait du Dr Dick, et c’est lui qui l’a prise en sa qualité de médecin.

 

[90]      Puisque la preuve établit clairement aussi que le Dr Dick était un entrepreneur indépendant, la présente affaire ne saurait se distinguer des circonstances du jugement Oswald. Par conséquent, je suis d’avis qu’aucune action n’est recevable contre la Couronne pour la faute de son entrepreneur indépendant, le Dr Dick.

 

[91]      3. Le Service correctionnel du Canada est‑il astreint à une norme de diligence plus élevée envers les détenus dont il a la charge, à cause de l’autorité absolue qu’il exerce sur eux?

 

[92]      Dans son argumentation ultime, l’avocat du demandeur a invoqué un argument inédit selon lequel, en application de l’article 86 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, le SCC a l’obligation légale de fournir des soins de santé aux détenus d’une manière conforme aux normes communautaires reconnues. Puisque le SCC a une relation fiduciaire avec les détenus et qu’il est astreint à une obligation fiduciaire envers eux, il en résulte que le SCC est astreint à une norme de diligence plus élevée. De façon générale, tout médecin est dans une relation fiduciaire avec ses patients. Puisque le choix d’un médecin relève entièrement du pouvoir du SCC, il y a « fusion » entre les actes du médecin et ceux du SCC. L’avocat du demandeur a formulé ainsi la question à examiner : « Lorsqu’un médecin, même exerçant sa charge en vertu d’un contrat de louage de services, a une obligation envers un patient, sans égard au contrat, et qu’il appartient au SCC de fournir des soins de santé, en résulte‑t‑il une fusion des obligations? »

 

[93]      Dans des conclusions écrites ultérieures, l’avocat du demandeur a réitéré la position qu’il avait exposée lors de la conférence de gestion de l’instance, c’est‑à‑dire qu’il n’alléguait pas en tant que chef distinct de dommages‑intérêts un manquement à l’obligation fiduciaire, mais priait plutôt la Cour de dire que le SCC était astreint à un niveau de diligence plus élevé dans l’évaluation de l’obligation de diligence, et d’accorder des dommages‑intérêts accrus par rapport à ceux qu’elle aurait peut‑être accordés autrement, et cela en raison de la vulnérabilité relative du détenu. En d’autres termes, le demandeur dit qu’il y a « renforcement de la norme de diligence ».

 

[94]      Le demandeur dit en réalité que le SCC devrait être tenu pour responsable des délits dont il a connaissance ou dont il aurait dû avoir connaissance. C’est là un argument intéressant, mais la preuve produite ne suffit pas ici à soutenir un tel argument.

 

[95]      M. Giroux a témoigné à propos des contrôles qui sont en place pour éviter les médications incompatibles ou l’administration d’une dose erronée du médicament prescrit, mais son témoignage portait intégralement sur les pratiques d’aujourd’hui. Il n’a été apporté aucune preuve à propos des aspects suivants : à savoir si à l’époque pertinente il y avait, au sein du personnel, des pharmaciens qui auraient pu déceler l’erreur; les dispositifs en vigueur à l’époque permettant d’éviter les erreurs de transcription; le niveau de connaissance du personnel médical ou le niveau escompté de connaissance du personnel médical, eu égard à ce que l’on savait des médicaments de type d4T.

 

[96]      Comme j’ai choisi de statuer sur l’issue de cette action en me fondant sur les deux premières questions, il ne m’est pas nécessaire d’examiner l’argument de la Couronne fondée sur la Limitations Act de la Colombie‑Britannique. Il n’est pas non plus nécessaire, selon moi, eu égard aux circonstances de cette affaire, de considérer la question des dommages‑intérêts.

 

[97]      Au cours du procès, l’avocat du demandeur a invoqué un nouvel argument qui n’avait pas été communiqué à l’avocat de la partie adverse lors de la conférence de gestion de l’instance où l’affaire fut examinée. Pour donner au demandeur la possibilité d’invoquer tous ses arguments, j’ai donné aux parties l’occasion de déposer des conclusions écrites après la fin du procès.

 

[98]      Le nouvel argument soulevé par le demandeur porte sur l’article 74 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. L’article 74 est ainsi rédigé :

 

Le Service doit permettre aux détenus de participer à ses décisions concernant tout ou partie de la population carcérale, sauf pour les questions de sécurité.

 

 

The Service shall provide inmates with the opportunity to contribute to decisions of the Service affecting the inmate population as a whole, or affecting a group within the inmate population, except decisions relating to security matters.

 

 

[99]      Selon l’avocat du demandeur, le législateur dit expressément, par cette disposition, que le SCC doit donner aux détenus la possibilité de participer aux décisions du SCC intéressant la population carcérale, autres que les décisions portant sur la sécurité. Il n’est pas contesté que le recrutement de médecins sur une base contractuelle n’est pas une question de sécurité. En conséquence, l’avocat du demandeur dit que les détenus doivent être consultés sur les questions qui intéressent le recrutement de médecins par contrat. S’il n’y a pas consultation, alors la conséquence est que, pour autant que soit concernée la relation entre le détenu et le SCC, le Dr Dick doit être considéré comme un préposé, un mandataire ou un employé du SCC.

 

[100]    L’avocat du demandeur dit que l’on peut « parer » aux difficiles questions portant sur la définition du contenu de l’obligation de consulter, en posant pour principe que tous les contrats comportent des avantages et des obligations. Si l’obligation ne nuit pas à la population carcérale, alors le contrat peut être par ailleurs pleinement exécuté.

 

[101]    L’avocat du demandeur soutient aussi que l’obligation que le SCC voudrait attacher à ce contrat est que la population carcérale ne peut pas poursuivre le SCC parce que le SCC s’est préservé de tout acte dommageable en s’assurant que les professionnels recrutés contractuellement ne sont pas des préposés, des mandataires ou des employés. Selon l’avocat, la validité du contrat peut être confirmée par décision de la Cour selon laquelle les dispositions de l’article 74 sont respectées si l’obligation « ne va pas à l’encontre de l’intérêt des détenus ».

 

[102]    J’accepte l’argument de l’avocat de la défenderesse selon lequel le demandeur, en marge d’une action en dommages‑intérêts, conteste le droit du SCC de conclure des ententes avec des médecins sans d’abord engager des consultations. J’ai donné au demandeur l’occasion d’invoquer un argument qui n’avait pas été divulgué lors de la conférence de gestion de l’instance, mais tout argument doit néanmoins découler des actes de procédure. L’argument invoqué ne découle pas de l’allégation de faute, ni d’un quelconque acte de procédure déposé par le demandeur.

 

[103]    Je souscris aussi à l’argument de la Couronne selon lequel une contestation de cette nature devrait être formulée par procédure de contrôle judiciaire. Par conséquent, l’argument ne sera pas étudié davantage.

 

[104]    Finalement, la Couronne a demandé les dépens. La Couronne aurait droit aux dépens puisqu’elle obtient gain de cause, mais, vu les circonstances particulières de cette affaire et dans l’exercice de mon pouvoir discrétionnaire, j’ai décidé de ne pas adjuger de dépens.


 

 

JUGEMENT

 

 

LA COUR STATUE que l’action est rejetée, sans dépens.

 

 

« Dolores M. Hansen »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Michèle Ledecq, B. trad.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                      T‑291‑03

 

 

INTITULÉ :                                                    Brian Donald Hickey

                                                                         c.

                                                                         Sa Majesté la Reine

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                              BELLEVILLE (ONTARIO)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                            LES 24, 25 ET 26 AVRIL 2006

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :               LA JUGE HANSEN

 

 

DATE DES MOTIFS :                                   LE 5 MARS 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

John L. Hill

 

 

POUR LE DEMANDEUR

Kathryn Hucal

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John L. Hill

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

Ministère de la Justice

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

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