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Date : 20070320

Dossier : T‑2197‑05

Référence : 2007 CF 299

Ottawa (Ontario), le 20 mars 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PHELAN

 

 

ENTRE :

ZAHRA MOHAMMADGHASEMI

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          VUE D’ENSEMBLE

[1]               Un juge de la citoyenneté a rejeté la demande de citoyenneté présentée par la demanderesse, estimant que celle‑ci n’avait pas satisfait aux conditions en matière de résidence et que, selon le critère formulé dans le jugement Koo (Re) (1re inst.), [1993] 1 C.F. 286, le Canada n’était pas le lieu où la demanderesse « vit régulièrement, normalement ou habituellement ». Il manquait à la demanderesse au moins 297 jours sur les 1 095 qu’il lui aurait normalement fallu passer au Canada pour pouvoir obtenir la citoyenneté.

 

II.         CONTEXTE

[2]               La demanderesse, accompagnée de son mari et de ses deux filles, et arrivée au Canada en provenance d’Iran et a été admise en tant que résidente permanente en mars 1999. Ses filles ont depuis obtenu la citoyenneté canadienne. Son mari, lui, a perdu son statut de résident permanent, mais il a été fait droit à l’appel qu’il a interjeté de cette décision et son statut est actuellement à l’étude.

 

[3]               Le mari de la demanderesse a possédé et exploité plusieurs restaurants au Canada, où il a en outre acheté plusieurs propriétés à des fins d’aménagement. La demanderesse prétend vivre à Toronto dans un condominium. La demanderesse et son mari se sont fréquemment rendus en Iran.

 

[4]               La demanderesse a déposé une demande de citoyenneté en avril 2003. Dans le cadre de l’enquête menée par les fonctionnaires de la citoyenneté, la demanderesse a eu à fournir une traduction des pages de son passeport. Après examen de ces pages traduites, le défendeur a demandé la tenue d’une audience en raison des divergences entre le nombre de jours de présence au Canada dont il était fait état dans la demande de citoyenneté et le nombre de jours passés hors du Canada selon le passeport.

 

[5]               Le juge de la citoyenneté a relevé que dans sa demande de citoyenneté, la demanderesse n’a fait état que de 172 jours passés hors du Canada, alors que son passeport démontre qu’elle a passé 662 autres jours hors du pays. On a relevé en outre dans le passeport la présence de tampons qui demeurent sans explication et qui sembleraient indiquer un nombre encore plus grand de jours passés hors du Canada. Une autre absence encore, qui elle non plus n’a pas été expliquée, a été relevée à l’occasion de la prorogation de son passeport lors d’un séjour à Téhéran.

 

[6]               Les autres preuves documentaires concernant sa résidence comprennent l’appel que son mari a interjeté avec succès à propos de son statut de résident, des quittances de loyer et des contrats de location concernant sa résidence au Canada, une convention d’achat portant sur deux propriétés au Canada, les cartes de citoyenneté canadienne de ses filles et le certificat de naissance de sa petite‑fille née au Canada.

 

[7]               Le juge de la citoyenneté a appliqué en l’occurrence le critère dégagé par le jugement Koo (Re), selon lequel il n’était pas nécessaire que la demanderesse se trouve physiquement présente pendant toute la période de 1 095 jours (trois années sur les quatre revendiquées au titre de la résidence au Canada) du moment qu’elle était à même de démontrer que le Canada est le lieu où elle « vit régulièrement, normalement ou habituellement » ou le pays où elle a « centralisé son mode d’existence ».

 

[8]               Le juge a constaté que la demanderesse s’était fréquemment absentée du Canada, qu’elle n’avait ici que peu de liens familiaux (une fille – l’autre étudiant au Royaume‑Uni) et qu’elle n’était pas vraiment parvenue à apprendre l’anglais. Le juge a également relevé que bien qu’elle ait été tenue de certifier que les renseignements qu’elle avait fournis dans sa demande étaient « exacts, justes et complets », on relevait des divergences considérables au niveau de ses absences. Le juge a par conséquent rejeté sa demande, se refusant en outre à formuler les recommandations relevant de son pouvoir discrétionnaire, aux termes des paragraphes 5(3) et (4) de la Loi sur la citoyenneté.

 

[9]               Non seulement la demanderesse a‑t‑elle contesté la décision rendue au regard des exigences de résidence, mais elle a en outre invoqué le déni de justice naturelle, le manque d’équité procédurale et la crainte. Ces motifs d’examen se fondaient sur l’existence, dans le dossier certifié du tribunal, d’une note du SSOBL figurant au dossier de son mari et selon laquelle son mari, notamment, mais aussi le reste de la famille n’auraient pas dit toute la vérité concernant leur résidence, et devraient par conséquent être interrogés de près. Or, ce document n’avait pas été communiqué à la demanderesse.

 

III.       ANALYSE

[10]           La norme de contrôle appliquée par la Cour a parfois oscillé entre le caractère raisonnable de la décision et son caractère correct. En l’espèce, la norme retenue ne fait aucune différence quant à l’issue de la cause.

 

[11]           Une certaine jurisprudence prévoit que le juge de la citoyenneté a, en ce qui concerne l’analyse de la « résidence », le choix entre plusieurs méthodes. Il est à la fois insatisfaisant et arbitraire d’aborder ainsi une question qui revêt une si grande importance tant pour la personne intéressée que pour l’ensemble de la population canadienne. La citoyenneté revêt en effet une importance essentielle sur le plan national, importance reconnue par la Charte. Il semble en effet anormal que cette question puisse être tranchée de manière aussi aléatoire selon l’approche qu’entend utiliser le juge de la citoyenneté. J’estime donc que c’est à bon droit que le juge de la citoyenneté s’est fondé sur le critère dégagé dans le jugement Koo (Re).

 

[12]           Il est particulièrement révélateur qu’il manque pour le moins à la demanderesse à peu près 30 pour cent des 1 095 jours qui lui étaient nécessaires, de nombreux éléments portant en outre à penser que l’écart est encore plus important.

 

[13]           Cet écart n’a d’ailleurs été découvert qu’après que la demanderesse eut à fournir une traduction des pages de son passeport. La preuve semble indiquer que, compte tenu de l’importance de l’écart relevé, les efforts de la demanderesse pour obtenir la citoyenneté ont manqué de franchise. On ne saurait reprocher au juge de ne pas avoir formulé la recommandation favorable relevant de son pouvoir discrétionnaire.

 

[14]           Toute personne doit indéniablement avoir l’occasion de répondre aux preuves invoquées contre elle, mais il faut tout de même un semblant de réalité à l’argument invoquant le défaut d’équité procédurale. Les notes du SSOBL visaient en premier lieu son mari, et soulevaient en deuxième lieu les questions qui ont été posées à la demanderesse. On ne relève en cela aucun manque à l’équité. La demanderesse a eu la possibilité de s’expliquer au sujet de sa « résidence », bien que dans sa demande elle ait fait de fausses déclarations.

 

[15]           L’allégation voulant que le juge de la citoyenneté ait fait preuve de partialité, ou que l’on puisse invoquer en l’espèce une crainte raisonnable de partialité, est dénuée de tout fondement. L’avocat de la demanderesse a eu raison de ne pas insister sur ce qui constitue, à l’encontre d’un décideur, une grave allégation.

 

[16]           La demande de contrôle judiciaire est en conséquence rejetée.

 

 

JUGEMENT

            LA COUR ORDONNE QUE la présente demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

 

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Alphonse Morissette, LL.L.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T‑2197‑05

 

INTITULÉ :                                       ZAHRA MOHAMMADGHASEMI

                                                            c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 7 MARS 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE PHELAN

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 20 MARS 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Wennie Lee

 

POUR LA DEMANDERESSE

Jamie Todd

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

LEE & COMPANY

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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