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Date : 20070328

Dossier : IMM-4723-06

Référence : 2007 CF 332

Ottawa (Ontario), le 28 mars 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BEAUDRY

 

 

ENTRE :

BAGAMBAKE EUGENE MUNDERERE

JUDITH RANGO

CYNTHIA MUNDERERE MUREKATETE

EUNICE MUNDERERE INGABIRE

SARAH MUNDERERE MUGENI

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), à l’égard de la décision du 26 juillet 2006 par laquelle Michel Venne, de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (le tribunal), a conclu que les demandeurs, même s’ils étaient des réfugiés au sens de la Convention et des personnes à protéger relativement à la République démocratique du Congo (RDC) ne l’étaient pas quant à leur autre pays de nationalité, le Rwanda. Bien que la décision contestée et la plupart de la preuve documentaire soient en français, les arguments des parties sont en anglais. Par conséquent, les motifs seront donnés en anglais.

 

LES POINTS LITIGIEUX

[2]               Les parties conviennent que les points litigieux sont les suivants :

a)       Le tribunal a-t-il tiré une conclusion de fait manifestement déraisonnable, sans égard à la preuve, lorsqu’il a conclu que l’attaque à la grenade contre le demandeur masculin était un acte de violence fortuit, non intentionnel?

b)      Le tribunal a-t-il commis une erreur en ne tenant pas compte de la preuve documentaire lorsqu’il a conclu qu’il n’y avait pas de preuve objective justifiant la crainte du demandeur d’être retourné en RDC par le président rwandais?

c)      Le tribunal a-t-il commis une erreur en refusant de considérer les effets cumulatifs des incidents qui se sont produits à la fois en RDC et au Rwanda, lorsqu’il a examiné la demande d’asile des demandeurs relativement au Rwanda?

 

[3]               Pour les motifs énoncés ci-dessous, la réponse à chacune de ces questions est affirmative. La demande sera donc accueillie.

 

LE CONTEXTE

[4]               Citoyens à la fois de la RDC et du Rwanda, les demandeurs ont demandé l’asile au Canada en novembre 2005 au motif qu’ils étaient persécutés en RDC et au Rwanda du fait de leur appartenance au groupe ethnique des Tutsis congolais (les Banyamulenges). Les demandeurs sont le demandeur principal et sa conjointe ainsi que leurs trois enfants qui sont tous nés au Rwanda. Depuis son arrivée au Canada, la famille a accueilli la naissance d’un autre enfant qui n’est pas visé par la présente demande.

 

[5]               Le demandeur principal a travaillé comme commerçant toute sa vie en RDC, notamment à Goma, de 1990 à 1996; à Kinshasa, de 1996 à juillet 1998; et plus tard au Rwanda, à Kigali, de 1998 à 2000 et de 2000 à 2005 à Goma, RDC, ainsi que dans la ville rwandaise voisine de Gisenyi, où la famille avait trouvé refuge. Sa conjointe était employée comme caissière à Telecel‑Congo de janvier 1995 à janvier 2005, à Goma, RDC.

 

[6]               Le couple a vécu la plus grande partie de sa vie en RDC, un pays pour lequel le tribunal a estimé que les demandeurs avaient prouvé qu’ils pouvaient raisonnablement être persécutés s’ils devaient y retourner. Toutefois, relativement au Rwanda, le tribunal a conclu que le demandeur principal n’avait pas réussi à prouver que lui et les demandeurs à sa charge étaient des réfugiés au sens de la Convention et des personnes à protéger.

 

[7]               Le demandeur masculin a allégué une crainte raisonnable de persécution parce que, étant donné que lui et sa famille étaient des Tutsis congolais, le président du Rwanda les retournerait en RDC afin de réaliser ses ambitions politiques, c’est-à-dire s’emparer du Nord-Kivu, en RDC. De plus, le demandeur principal a allégué qu’il craignait d’être persécuté parce que l’insécurité régnait dans tout le Rwanda et parce qu’il avait été victime d’une attaque violente par des agresseurs inconnus qui avaient lancé une grenade en sa direction, devant sa maison, en septembre 2004.

 

[8]               En plus de son témoignage, le demandeur a présenté plusieurs documents sur la situation qui sévit dans la région frontalière du Congo et du Rwanda, y compris un article de 33 pages publié en 2005 par Amnistie internationale et intitulé République Démocratique du Congo, Nord-Kivu  : les civils paient le prix des rivalités politiques et militaires.

 

[9]               Le demandeur principal a également fait valoir que les effets cumulatifs de la persécution et des difficultés subies tant en RDC qu’au Rwanda devraient être pris en considération comme ce fut le cas dans la décision Mete c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] A.C.F. n1050 (C.F.) (QL).

 

[10]           Toutefois, le tribunal a rejeté leur demande. C’est cette décision défavorable qui fait actuellement l’objet d’un contrôle judiciaire.

 

LA DÉCISION CONTESTÉE

[11]            Le tribunal a essentiellement jugé que les demandeurs étaient bien des réfugiés au sens de la Convention et des personnes à protéger quant à la RDC, mais qu’ils ne l’étaient pas relativement au Rwanda. Le tribunal a estimé que l’insécurité qui existe au Rwanda est un phénomène général auquel fait face la population entière à la suite du génocide de 1994 perpétré par les forces armées hutues qui se sont enfuies en RDC. Malgré l’insécurité qui régnait au Rwanda après le génocide, le pays est actuellement dirigé par un président tutsi démocratiquement élu qui détient un mandat de sept ans. Le demandeur est aussi tutsi comme le président. Toutefois, il n’était pas une personnalité politique qui aurait été ciblée ou déportée en RDC. Il n’avait pas non plus été témoin du génocide.

 

[12]           En outre, le tribunal n’était pas convaincu que le demandeur était ciblé par les assaillants dans l’incident de la grenade de septembre 2004. En fait, selon son témoignage, le demandeur n’avait pas été en mesure d’identifier les agresseurs, ce qui aurait pu permettre à la police de les arrêter. Plus important encore, le tribunal a constaté que le demandeur et sa conjointe ont continué de vivre et de travailler au même endroit, à Gisenyi, au Rwanda, pendant bien au-delà d’un an, jusqu’à leur départ pour le Canada en novembre 2005. Les demandeurs ont quitté le Rwanda légalement. Il s’agissait d’un incident isolé où le demandeur masculin se trouvait au mauvais endroit au mauvais moment. Le tribunal a également maintenu que les circonstances de l’affaire Mete, susmentionnée, ne s’appliquent pas, vu que cette affaire comportait des événements cumulatifs qui s’étaient produits dans un seul pays, la Turquie, alors que dans la présente affaire les demandeurs ont demandé que le tribunal examine conjointement des événements cumulatifs survenus à la fois en RDC et au Rwanda. Par conséquent, les demandes ont été rejetées.

 

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES

[13]           Les articles 96 et 97 de la Loi énoncent les critères de la détermination du statut de réfugié et de personne à protéger. En voici le libellé :

Définition de « réfugié »

 96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

 

Personne à protéger

 97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée  :

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

 

 

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

 

 

Personne à protéger

(2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

 

Convention refugee

 96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

Person in need of protection

 97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

 

 

 

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

 

 

Person in need of protection

(2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection.

 

 

ANALYSE

a)         Le tribunal a-t-il tiré une conclusion de fait manifestement déraisonnable, sans égard à la preuve, lorsqu’il a établi que l’attaque à la grenade contre le demandeur masculin était un acte de violence fortuit, non intentionnel?

 

Norme de contrôle

 

[14]           La norme de contrôle applicable aux décisions factuelles prises en vertu des articles 96 et 97 de la Loi est bien admise comme étant celle de la décision manifestement déraisonnable [voir Umba c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 25, [2004] A.C.F. n17 (C.F.) (QL), au paragraphe 31)]. C’est bien le cas dans la présente affaire où l’on se demande si le tribunal a commis une erreur dans son évaluation de l’attaque à la grenade contre le demandeur masculin.

 

[15]           Le tribunal n’a pas mis en doute la crédibilité du récit du demandeur, à savoir qu’il a été victime d’une attaque à la grenade contre sa voiture, devant sa maison, le soir du 9 septembre 2004. Le tribunal a fait remarquer ce qui suit :

De tout ceci, compte tenu du fait qu’il y a une instabilité à Gisenyi en raison de la proximité de la frontière avec la ville de Goma dans la province du nord Kivu en RDC où des groupes armés de différentes ethnies s’affrontent avec l’aide de l’Ouganda, du Rwanda et de la RDC, le tribunal estime que le demandeur a été victime d’un acte isolé et que ni le demandeur ni sa famille n’étaient particulièrement visés. Le tribunal estime que le demandeur se trouvait au mauvais endroit au mauvais moment, d’autant plus qu’il ne fait pas de politique, n’est pas soupçonné d’avoir commis quelque exaction que ce soit à l’encontre de quiconque et n’est pas témoin auprès des tribunaux Gagaca qui jugent les génocidaires, ce qui aurait pu expliquer l’attaque dont il a fait l’objet en septembre 2004.

 

De tout ceci, le tribunal estime que le demandeur a fait l’objet d’un acte gratuit de la part d’un ou des individus qui ne le visaient pas en particulier.

 

[16]           Le demandeur a fait valoir qu’il n’y a aucune preuve que cette attaque avait pour motif son appartenance au groupe ethnique des Tutsis congolais. Par conséquent, cet incident en soi ne suffirait pas à renverser la décision du tribunal. Néanmoins, le demandeur est d’avis que si le tribunal avait tenu compte de l’effet cumulatif des allégations de persécution en RDC, l’impact de l’attaque à la grenade inexpliquée à Gisenyi sur cette évaluation aurait été grandement différent selon que l’on considère cette attaque comme un acte de violence gratuit plutôt que comme une attaque dont le mobile n’est pas prouvé. Le demandeur a fait remarquer aux paragraphes 113 et 114 de son exposé :

[traduction]

[…] Dans le premier cas, il y a une conclusion définitive selon laquelle il n’y a pas de lien entre l’attaque et l’un des motifs prévus dans la Convention, alors que dans le deuxième, la question du lien est simplement ambiguë.

 

[…] La décision manifestement déraisonnable selon laquelle l’attaque était un acte gratuit fait obstacle à toute évaluation adéquate des effets cumulatifs de la persécution des demandeurs.

 

 

[17]           Le défendeur ne répond pas directement à cet argument, mais fait remarquer que le tribunal avait un motif valable pour conclure que le demandeur se trouvait au mauvais endroit au mauvais moment et qu’il a été victime d’un acte isolé et gratuit qui n’était aucunement dirigé contre lui ou sa famille. Le défendeur fait remarquer au paragraphe 21 de son exposé des arguments que cette conclusion était tirée des éléments suivants :

[traduction]

·        le témoignage du demandeur selon lequel il ne connaissait pas les personnes qui avaient lancé la grenade en septembre 2004; il est allé voir la police qui n’a pas pu l’aider parce qu’il ne pouvait pas identifier ses agresseurs;

 

·        le demandeur et sa conjointe ont continué de vivre et de travailler au même endroit, à Gisenyi, jusqu’à leur départ en janvier 2005, période pendant laquelle ils ont préparé leur départ;

 

·        la famille n’a fait l’objet d’aucune menace et d’aucun harcèlement pendant toute cette période;

 

·        tous les membres de la famille avaient des passeports et des visas américains depuis décembre 2004 et janvier 2005, respectivement; ils ont quitté le Rwanda en novembre 2005;

 

·        le tribunal a pris en compte l’explication, donnée par le demandeur, selon laquelle il a attendu que sa fille Cynthia ait terminé son année scolaire et qu’il était en détresse, mais il a examiné cette explication en tenant compte du fait que le demandeur et sa conjointe ont continué de travailler et de vivre chez eux et, qu’au cours des 14 mois suivants ils n’ont fait l’objet d’aucune menace et d’aucun harcèlement [Dossier du demandeur, page 9];

 

·        il règne une certaine instabilité à Gisenyi, qui est située près de la frontière avec Goma, dans le Nord-Kivu, où des groupes armés d’origines ethniques diverses s’affrontent avec l’aide de l’Ouganda, du Rwanda et de la RDC.

 

 

 

[18]           Enfin, le défendeur soutient que le tribunal a tiré une conclusion raisonnable de la preuve mentionnée ci-dessus. À cet égard, le défendeur se fonde sur la décision du juge Frederick Gibson dans l’affaire Burgess c. Canada (Procureur général), [2005] A.C.F. n2152 (C.F) (QL), au paragraphe 20, où il cite le juge MacGuigan dans l’arrêt Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) c. Satiacum (1989), 99 N.R. 171 (C.A.F.), qui a traité de la différence entre une déduction justifiée et une simple hypothèse. Le passage se lit ainsi :

20     Encore une fois, dans l’arrêt Satiacum précité, le juge MacGuigan écrivait aux paragraphes [34] et [35] :

 

La différence entre une déduction justifiée et une simple hypothèse est reconnue depuis longtemps en common law. Lord Macmillan fait la distinction suivante dans l’arrêt Jones v. Great Western Railway Co. ... :

 

[traduction]

Il est souvent très difficile de faire la distinction entre une hypothèse et une déduction. Une hypothèse peut être plausible mais elle n’a aucune valeur en droit puisqu’il s’agit d’une simple supposition. Par contre, une déduction au sens juridique est une déduction tirée de la preuve et, si elle est justifiée, elle pourra avoir une valeur probante. J’estime que le lien établi entre un fait et une cause relève toujours de la déduction.

 

Dans R. v. Fuller..., 1 N.R. 112, le juge Hall a conclu, au nom de la Cour d’appel du Manitoba, que [traduction] « le tribunal des faits ne peut faire appel à des conclusions toutes théoriques et conjecturales ». La Cour suprême a ensuite confirmé ces motifs à l’unanimité : […]... . [renvois omis]

 

Au vu des circonstances de la présente affaire, et me fondant sur les arguments de l’avocat du défendeur, je suis d’avis que les conclusions de l’arbitre sur la nature des « nécessités du service » ici en cause avaient valeur de déduction déraisonnable et non d’hypothèse.

 

[19]           Ayant lu la transcription de l’audience ainsi que le document de 33 pages d’Amnistie internationale qui a été présenté devant le tribunal – bien que je note que le demandeur n’a déposé que des extraits de ce document et que le tribunal s’est occupé d’obtenir et d’examiner l’ensemble du document –, je suis parvenu à la conclusion qu’il s’agissait d’une simple hypothèse pour le tribunal de qualifier l’attaque à la grenade d’acte gratuit survenu au mauvais moment. Je suis particulièrement préoccupé du fait que le tribunal reconnaît l’existence d’une certaine instabilité à Gisenyi, qui est littéralement la continuité rwandaise de la ville congolaise de Goma dans le Nord-Kivu, où des groupes armés d’origines ethniques diverses s’affrontent avec l’aide de l’Ouganda, du Rwanda et de la RDC. À cet égard, l’article mentionne qu’il y a de la violence systématique entre les Hutus congolais et les Tutsis congolais, ainsi que d’autres groupes ethniques de la région. L’article présente également un récit peu rassurant des attaques ciblées contre les civils, notamment les marchands (commerçants), c’est-à-dire des gens qui exercent la même profession que le demandeur principal.

 

[20]           Bien que l’on ignore l’identité des agresseurs ou leurs motifs, le tribunal a commis une erreur en qualifiant cet événement d’acte de violence gratuit pour lequel le demandeur s’est simplement trouvé au mauvais endroit au mauvais moment. Il y avait d’autres déductions raisonnables qui auraient pu être tirées de la preuve documentaire dont le tribunal n’a évidemment pas tenu compte. Pour cette raison, la Cour juge que la décision du tribunal sur cette question est manifestement déraisonnable.

 

b)         Le tribunal a-t-il commis une erreur en ne tenant pas compte de la preuve documentaire lorsqu’il a conclu qu’il n’y avait pas de preuve objective justifiant la crainte du demandeur d’être retourné en RDC par le président rwandais?

 

[21]           Le tribunal a noté ce qui suit aux pages 4 et 5 de sa décision :

Le demandeur craint de retourner au Rwanda parce que, selon lui, le président Paul Kagame va les retourner éventuellement en RDC, qu’il y a une insécurité générale qui règne dans le pays, qu’il a été l’objet d’une attaque à la grenade et enfin, parce que le Rwanda n’accepte pas les citoyens qui ont demandé l’asile à l’extérieur.

 

Sur le premier point, à savoir le fait que le président Paul Kagame du Rwanda pourrait retourner les Tutsis congolais en RDC, le tribunal estime qu’il s’agit là d’une pure hypothèse non supportée par la preuve documentaire de laquelle le tribunal ne peut tirer aucune conclusion, car cette affirmation ne repose sur aucun fait pertinent ou preuve documentaire.

 

[22]           Toutefois, les demandeurs soutiennent que le rapport de 2005 d’Amnistie internationale fournit la preuve de leur crainte que le président Kagame pourrait retourner les Tutsis congolais dans le Nord-Kivu. Bien que le demandeur n’entre pas dans les détails et se contente de simplement déposer l’article, je ne peux, à la légère, faire abstraction de ses craintes après avoir lu attentivement le rapport d’Amnistie internationale qui, à mon avis, était pertinent quant à la conclusion que le tribunal allait tirer.

 

[23]           Bien que l’article soit consacré entièrement aux tensions ethniques dans le Nord-Kivu et, donc pas aux événements qui ont lieu à la frontière rwandaise, il documente clairement l’implication du président Kagame dans le conflit qui a lieu dans cette région. L’article mentionne notamment ce qui suit :

Les opérations militaires et les attaques contre les civils s’inscrivent dans le cadre d’une exacerbation des antagonismes politiques et militaires entre Kinshasa et le RCD-Goma depuis les événements de Bukavu en juin 2004. À la fin de novembre, à la suite d’une attaque à la roquette qui aurait été menée sur son territoire par des membres des FDLR basés dans le Nord-Kivu(32), le Rwanda a dénoncé l’échec des efforts du gouvernement de la RDC et de la MONUC pour désarmer les FDLR. Le président rwandais, Paul Kagamé, a affirmé que les troupes gouvernementales rwandaises étaient peut‑être déjà en RDC pour mener des « frappes chirurgicales » contre les FDLR. Une unité de l’armée rwandaise dont on ignore l’importance aurait pénétré au Nord-Kivu à la fin de novembre, apparemment pour attaquer les positions des FDLR; elle aurait en même temps renforcé les unités du RCD-Goma (ANC) et les aurait ravitaillées. D’après certaines informations, au moins 13 civils ont trouvé la mort et des maisons ont été pillées et incendiées dans 21 villages par des soldats rwandais. Le gouvernement rwandais a démenti cette incursion, mais des éléments de preuve fournis par la MONUC et le Groupe d’experts des Nations unies ainsi que les récits de témoins confirment qu’elle a bien eu lieu.

 

[…]

 

À la fin du mois de mai, d’autres affrontements plus sérieux ont éclaté à Bukavu lorsque le colonel Mutebutsi et des combattants du RCD-Goma (ANC) qui lui étaient fidèles ont pris les armes contre le général Mbuza Mabe. Les troupes de Mutebutsi ont été rapidement rejointes par une colonne de dissidents du RCD-Goma (ANC) du Nord-Kivu, dirigée par le général Laurent Nkunda, lequel avait été suspendu de ses fonctions par le gouvernement de transition pour avoir refusé un poste de commandement supérieur des FARDC(9). Nkunda a affirmé que son soutien à Mutebutsi avait pour but d’empêcher le « génocide » des Tutsis congolais (les Banyamulenges) minoritaires au Sud-Kivu. Toutefois, les combattants de Mutebutsi et de Nkunda se sont livrés à des homicides, des viols et des pillages dans la ville(10). Selon le Groupe d’experts des Nations unies chargé de veiller au respect de l’embargo sur les armes à destination de la RDC – et d’enquêter sur les violations de cet embargo –, ils ont reçu le soutien du gouvernement rwandais(11). Les dissidents semblaient également bénéficier du soutien, au moins tacite, des responsables du RCD-Goma du Nord-Kivu, et notamment du commandant militaire de la région, le général Obed Rwibasira, ainsi que du soutien du gouverneur du Nord-Kivu et membre du RCD-Goma, Eugène Serufuli. Ces deux hommes n’ont rien fait pour stopper la marche en direction du sud vers Bukavu de Laurent Nkunda et de ses troupes. Selon certaines sources, Eugène Serufuli est même allé jusqu’à leur fournir des camions, entre autre matériel(12).

 

Les forces de Nkunda se sont retirées de Bukavu le 10 juin 2004 et sont reparties en direction du Nord-Kivu où la plupart ont rejoint leurs unités sans faire l’objet de sanctions. Les troupes de Mutebutsi se sont repliées au sud de Bukavu puis au Rwanda. Les deux forces ont commis des exactions pendant leur repli. L’autorité militaire du gouvernement de transition et des FARDC, cette fois sans composante militaire appartenant au RCD-Goma, a été établie dans tout le Sud-Kivu, tandis que le RCD-Goma ne contrôlait plus que le Nord-Kivu.

 

L’enquête diligentée ultérieurement par la MONUC n’a trouvé aucun élément de nature à corroborer les allégations de massacres de Banyamulenges, bien qu’elle ait relevé que les troupes de Mbuza Mabe avaient commis des atteintes aux droits humains. La commission d’enquête estimait à plus d’une centaine le nombre des victimes civiles et militaires à Bukavu, la majorité des homicides étant imputables aux troupes de Mutebutsi et de Nkunda(13). Toutefois, les autorités congolaises et rwandaises n’ont pris aucune mesure pour traduire en justice les responsables présumés, dont les deux commandants militaires dissidents, ni pour les obliger à rendre compte de leurs actes. Le colonel Mutebutsi et le restant de ses troupes sont restés au Rwanda où le gouvernement leur a accordé le statut de réfugiés le 18 août 2005(14). Quelques jours plus tard, le gouvernement de la RDC a annoncé qu’il avait l’intention de demander l’extradition de Jules Mutebutsi du Rwanda(15). On ignore officiellement où se trouve Laurent Nkunda, bien que, selon des sources locales, il se trouve toujours au Nord-Kivu où il peut se déplacer, voire se rendre au Rwanda, sans que les autorités n’interviennent pour l’en empêcher.

 

[. . .]

 

Les accusations de génocide des Tutsis congolais formulées par les dissidents ont considérablement exacerbé les tensions ethniques et renforcé les craintes des populations banyarwandas du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. La situation a été aggravée par des atteintes aux droits humains commises par des soldats progouvernementaux à l’encontre de civils banyarwandas durant les affrontements de Bukavu et lors de la poursuite des forces de Mutebutsi et de Nkunda au nord et au sud de la ville. Les combats de Bukavu auraient entraîné le déplacement massif de Tutsis, dont plusieurs milliers auraient trouvé refuge au Rwanda et au Burundi. Certains sont rentrés en RDC par la suite, mais la majorité sont toujours réfugiés dans les pays voisins.

 

[. . .]

 

Les Tutsis, en particulier, ont conservé des liens de parenté, de clientélisme et d’affaires avec les Tutsis du Rwanda et s’identifient étroitement au gouvernement du Front patriotique rwandais (FPR) dominé par les Tutsis.

 

[. . .]

 

B. Les communautés banyarwandas du Nord-Kivu

 

[…] Cet afflux de population a eu un effet profondément déstabilisateur sur la région : une bonne partie des Hundes ont été déplacés et presque tous les Tutsis ont été contraints de fuir au Rwanda pour échapper aux violences exercées par certains des réfugiés hutus rwandais ainsi que par des Hutus congolais. De nombreux Tutsis ont ensuite été encouragés à rentrer en RDC quand le RCD-Goma contrôlait les deux Kivus.

 

[24]           De plus, l’article expose la stratégie du régime actuellement au pouvoir au Rwanda, selon laquelle les Tutsis congolais qui avaient fui vers le Rwanda sont renvoyés massivement dans le Nord-Kivu afin de changer le résultat des élections et de concrétiser l’emprise rwandaise dans cette région. À cet égard, le document d’Amnistie internationale analyse l’influence du président Kagame et de son allié dans la région, le gouverneur Serufuli, qui travaillent pour ramener le Nord-Kivu sous contrôle rwandais. Voici quelques passages du compte rendu détaillé du rôle joué par le président Kagame ainsi que du sort précaire des Tutsis congolais – groupe ethnique auquel appartiennent les demandeurs – qui vivent maintenant au Rwanda :

Le rôle controversé du gouverneur Serufuli

 

Nommé gouverneur de la province du Nord-Kivu par le Rwanda en 2000, Serufuli a joué un rôle central dans l’émergence d’une organisation politico-militaire qui se présente elle-même comme une ONG pour le développement et s’intitule Tous pour la paix et le développement (TPD). Cette organisation semble avoir de puissants soutiens au sein des élites banyarwandas du Congo et tutsis du Rwanda. Constituée à l’origine pour faciliter le rapatriement des réfugiés hutus vers le Rwanda, l’organisation TPD semble également avoir joué un rôle actif dans le rapatriement clandestin au Nord-Kivu de Tutsis congolais qui s’étaient réfugiés au Rwanda. Elle aurait en outre armé une milice majoritairement hutu au Nord-Kivu, les Forces de défense locales (FDL) et, plus récemment, distribué des armes aux civils banyarwandas de cette province.

 

B. Attiser les peurs ethniques

 

[. . .]

 

Les chefs de ces communautés ravivent des peurs anciennes quant à la création d’une nation autonome banyarwanda dans le Nord-Kivu, voire l’annexion pure et simple de la province par le Rwanda, ou la création d’un « empire » tutsi-hema s’étendant des Kivus à l’Ituri.

 

[. . .]

 

Dans cette optique, ils soupçonnent la communauté banyarwanda d’héberger de nombreux « intrus » arrivés du Rwanda depuis 1960. Ils craignent également que les résultats des élections ne soient faussés par le vote de Rwandais qui auront traversé la frontière, notoirement perméable, pour s’inscrire illégalement sur les listes électorales.

 

[. . .]

 

L’arrivée de milliers de Banyarwandas réfugiés au Rwanda qui, selon les prévisions, devraient retourner au Nord-Kivu, risque de poser de sérieux problèmes de sécurité au cours du processus d’inscription.

 

[25]           Je suis d’avis que si le tribunal avait pris en compte cette preuve documentaire pertinente, il n’aurait pas pu arriver à la conclusion à laquelle il est arrivé. Compte tenu de la preuve, il ne s’agit pas d’une simple hypothèse ni d’une conjecture gratuite lorsque des Tutsis congolais, comme le sont le demandeur et les membres de sa famille, craignent d’être renvoyés en masse avec leurs camarades réfugiés, Tutsis congolais, en RDC et dans le Nord-Kivu dans le cadre de la stratégie politico-militaire du président Kagame ayant pour objet de contrôler cette région du pays, qui, comme le décrit amplement l’article d’Amnistie internationale, est reconnue pour ses richesses économiques en minerais et autres ressources naturelles. Selon la preuve recueillie par Amnistie internationale, il est fondé de craindre que le président Kagame retournerait les milliers de Tutsis congolais dans le Nord-Kivu pour influence le résultat des élections et affermir l’emprise du Rwanda dans cette partie de la RDC. Il était donc manifestement déraisonnable pour le tribunal de rejeter cette crainte bien fondée en la considérant comme une pure hypothèse.

 

c)         Le tribunal a-t-il commis une erreur en refusant de considérer les effets cumulatifs des incidents qui se sont produits à la fois en RDC et au Rwanda, lorsqu’il a examiné la demande d’asile des demandeurs relativement au Rwanda?

 

[26]           Les demandeurs soutiennent que le tribunal aurait dû tenir compte de l’effet cumulatif des incidents survenus en RDC, lorsqu’il a examiné leur demande de statut de réfugié relativement à leur deuxième pays de nationalité, le Rwanda.

 

[27]           Je suis d’accord avec le défendeur et les nombreux précédents dans ce domaine qui étayent la proposition selon laquelle le tribunal devrait tenir compte des effets cumulatifs des incidents de harcèlement et de discrimination qui, au cours d’une certaine période, peuvent équivaloir à de la persécution pour l’application des articles 96 et 97 de la Loi quant aux actes qui ont été commis dans chacun des pays de nationalité pour lesquels la demande est examinée (voir Bandula c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1062, [2003] A.C.F. n1341 (C.F.) (QL), au paragraphe 9; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Kaaib, 2006 CF 870, [2006] A.C.F.  n1106 (C.F.) (QL), au paragraphe 17; Canada (Procureur général du Canada) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, au paragraphe 6; Bobrik c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1994] A.C.F.  no  1364 (C.F. 1re inst.) (QL), au paragraphe 22).

 

[28]           En fait, les principes énoncés dans la jurisprudence sont aussi ceux qui sous-tendent le droit des réfugiés tant au plan national qu’international. Au Canada, l’article 96 et les sous-alinéas 97(1)b)(i) et (ii) de la Loi enchâssent ce principe de nationalité multiple et reconnaissent la nécessité de prendre en considération la crainte qui pourrait empêcher un demandeur d’asile de se prévaloir de la protection de l’État dans chacun des pays dont il a la nationalité.

 

[29]           De manière analogue, au plan international, le paragraphe 53 du Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (le Guide) prévoit ce qui suit :

En outre, un demandeur du statut de réfugié peut avoir fait l’objet de mesures diverses qui en elles‑mêmes ne sont pas des persécutions (par exemple, différentes mesures de discrimination), auxquelles viennent s’ajouter dans certains cas d’autres circonstances adverses (par exemple, une atmosphère générale d’insécurité dans le pays d’origine). En pareil cas, les divers éléments de la situation, pris conjointement, peuvent provoquer chez le demandeur un état d’esprit qui permet raisonnablement de dire qu’il craint d’être persécuté pour des « motifs cumulés ». Il va sans dire qu’il n’est pas possible d’énoncer une règle générale quant aux « motifs cumulés » pouvant fonder une demande de reconnaissance du statut de réfugié. Toutes les circonstances du cas considéré doivent nécessairement entrer en ligne de compte, y compris son contexte géographique, historique et ethnologique.

 

[30]           Je suis particulièrement reconnaissant au défendeur d’avoir attiré mon attention sur les passages de l’ouvrage précurseur de Grahl-Madsen, The Status of Refugees in International Law, tome 1, 1966, concernant la nationalité (pages 257 et 258), ainsi que son explication du concept de « crainte fondée » (pages 173‑176). Je me rends compte également que le tribunal s’est penché sur les allégations d’une crainte fondée du demandeur relativement à la RDC et au Rwanda, les deux pays dont il a la nationalité.

 

[31]           Bien que le tribunal ne soit pas habituellement tenu de combiner les effets cumulatifs de la crainte de persécution découlant d’incidents survenus dans deux pays distincts, les circonstances exceptionnelles de la présente affaire réunissent les trois conditions pouvant justifier une telle évaluation combinée, comme le prévoit le droit des réfugiés international au paragraphe 53 du Guide.

 

[32]           Premièrement, le contexte géographique présente des similarités dans les deux pays. En fait, Goma, où les demandeurs ont vécu et travaillé la plus grande partie de leur vie, se trouve juste de l’autre côté de Gisenyi, au Rwanda, où les demandeurs ont trouvé refuge. La persécution subie à Goma est bien documentée et le tribunal a réglé cette affaire.

 

[33]           Deuxièmement, le conflit dans la région éprouvée du Nord-Kivu est historiquement lié au territoire voisin du Rwanda où de nombreux Tutsis congolais ont fui après les massacres des Tutsis congolais en RDC. Troisièmement, la crainte d’être persécuté et l’effet cumulatif des événements qui se sont produits des deux côtés de cette frontière agitée ne peuvent pas être séparés du contexte ethnologique qui a soulevé la RDC contre les Banyamulenges et les FDLR :

Forces démocratiques de libération du Rwanda. Groupe dissident basé dans l’est de la RDC et opposé au gouvernement rwandais. Les FDLR sont en partie constituées de membres de l’Interahamwe (« Ceux qui combattent ensemble ») et des ex-Forces armées rwandaises (ex-FAR) qui ont perpétré le génocide de 1994 au Rwanda.

 

Les Bandawanges, composés de Hutus rwandais et de Tutsis rwandais qui sont arrivés en RDC après le génocide de 1994, ont des racines ancestrales profondes au Rwanda. Pour leur part, la minorité des Banyamulenges, dont font partie les demandeurs, sont nés en RDC de parents tutsis rwandais qui se sont établis en RDC à la suite de l’insécurité qui a régné à l’époque de l’indépendance entre 1959 et 1963. Les Bandawanges représentent le groupe ethnique majoritaire dans certaines parties du Nord-Kivu.

 

[34]           C’est à la lumière de cette convergence triangulaire exceptionnelle de circonstances – géographiques, historiques et ethnologiques que la Cour est d’avis que le tribunal aurait dû prendre en considération l’effet cumulatif des années de persécution qui ont suivi les Banyamulenges – dont font partie les demandeurs – de Goma à Gisenyi et de nouveau à Goma, pour donner lieu à une crainte fondée d’être persécutés, même si au plan politique les événements chevauchent les frontières de deux pays distincts.

 

[35]           Dans la présente espèce, on a omis d’analyser les effets cumulatifs que la persécution et les difficultés subies en RDC ont produits sur la crainte du demandeur d’être persécuté au Rwanda.

 

[36]           Les parties ont déposé des prétentions pour faire certifier un projet de question. La Cour accepte de certifier la question suivante : 

[traduction]

Compte tenu du paragraphe 53 du Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, et en particulier de la dernière phrase de ce paragraphe, « Toutes les circonstances du cas considéré doivent nécessairement entrer en ligne de compte, y compris son contexte géographique, historique et ethnologique. », est-ce une erreur de droit de limiter l’analyse des motifs cumulatifs aux événements qui se sont produits dans un pays de nationalité ou de résidence habituelle lorsque le demandeur allègue une persécution fondée sur le même motif énoncé dans la Convention dans les deux pays (ou plus) et lorsque la crainte subjective du demandeur est liée à des événements qui se sont produits dans plus d’un pays?

 

 

 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie.
  2. L’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour un nouvel examen.
  3. La question suivante est certifiée :

Compte tenu du paragraphe 53 du Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, et en particulier de la dernière phrase de ce paragraphe, « Toutes les circonstances du cas considéré doivent nécessairement entrer en ligne de compte, y compris son contexte géographique, historique et ethnologique. », est-ce une erreur de droit de limiter l’analyse des motifs cumulatifs aux événements qui se sont produits dans un pays de nationalité ou de résidence habituelle lorsque le demandeur allègue une persécution fondée sur le même motif énoncé dans la Convention dans les deux pays (ou plus) et lorsque la crainte subjective du demandeur est liée à des événements qui se sont produits dans plus d’un pays?

 

 

 

« Michel Beaudry »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Lynne Davidson-Fournier, traductrice-conseil

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4723-06

 

INTITULÉ :                                       BAGAMBAKE EUGENE MUNDERERE

JUDITH RANGO

CYNTHIA MUNDERERE MUREKATETE

EUNICE MUNDERERE INGABIRE c.                

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

                                                           

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 21 MARS 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE BEAUDRY

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 28 MARS 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Jared Will                                                                                 POUR LES DEMANDEURS

                                                                                               

 

Louise-Marie Courtemanche, c.r.                                              POUR LE DÉFENDEUR

                                                                                               

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Jared Will                                                                                 POUR LES DEMANDEURS

Montréal (Québec)

 

John Sims, c.r.                                                                         POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

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