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Date : 20070405

Dossier : T‑1188‑06

Référence : 2007 CF 370

Ottawa (Ontario), le 5 avril 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PHELAN

 

ENTRE :

BRIAN AIRTH et al.

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

défendeur

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

(CONFIDENTIALITÉ)

 

[1]               Les demandeurs font appel de la décision par laquelle le protonotaire Lafrenière a rejeté leur demande de traitement confidentiel : a) des affidavits déjà établis et qui seront établis pour le compte du défendeur; b) des contre-interrogatoires relatifs aux affidavits; c) des affidavits qui seront établis par le compte des demandeurs; d) des dossiers de tribunal; e) des dossiers des demandeurs et du défendeur; et f) des observations écrites des parties sur les exposés des faits et du droit.

 

[2]               Les demandeurs soutiennent que la décision attaquée a pour objet une question ayant une influence déterminante sur l'issue de l'affaire et que le protonotaire a commis en la rendant des erreurs de fait et de droit.

 

[3]               Il n'est pas contesté que le critère juridique applicable au présent type d'appel est que le juge peut exercer son pouvoir discrétionnaire de novo si la question soulevée dans la requête a une influence déterminante sur l'issue du principal ou si l'ordonnance attaquée est entachée d'erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire aurait exercé son pouvoir discrétionnaire en se fondant sur un mauvais principe ou une mauvaise appréciation des faits.

 

Une influence déterminante sur l'issue du principal

[4]               Il ne fait aucun doute que le défendeur a l'intention de divulguer une quantité considérable de renseignements fiscaux, divulgation qu'il déclare nécessaire pour étayer sa défense et conforme au régime de confidentialité de la Loi de l'impôt sur le revenu.

 

[5]               Il est difficile de voir en quoi les déclarations T‑1 des personnes concernées sont pertinentes à l'égard des questions en litige dans la présente espèce, encore qu'on puisse admettre la pertinence éventuelle de certains des renseignements contenus dans ces déclarations fiscales ou extraits d'elles. Le défendeur a déclaré qu'il n'a pas besoin des formulaires T‑1 et que ceux‑ci pourraient être retirés de la version publique des documents au motif de leur non-pertinence. Il serait superflu d'exiger une requête distincte pour l'examen de cette question étant donné la position du défendeur, même si le protonotaire n'a pas à proprement parler statué sur ladite question.

 

[6]               Nous tenons à rappeler aux parties que les procédures judiciaires ne doivent pas être utilisées comme un instrument pour embarrasser l'adversaire ou les adversaires. Cela peut être une conséquence, mais non un but. Les parties devraient établir leurs actes de procédure ultérieurs en tenant compte de cet avertissement. 

 

[7]               On ne peut dire que la décision qui fait l’objet de l’appel concerne des questions ayant une influence déterminante sur l'issue du principal, étant donné qu'elle ne tranche ni préjuge en aucune manière le point de savoir si les demandes de renseignements (les DR) sont utilisées pour alimenter une enquête sur les appelants (les demandeurs) dont l'objet premier ne serait pas lié à l'application ou à l'exécution de la Loi de l'impôt sur le revenu.

 

[8]               Les renseignements communiqués dans les actes de procédure à ce jour ne sont pas les mêmes que ceux que le défendeur recherche. Le fait de ne pas obtenir d'ordonnance de confidentialité n'influe pas défavorablement sur les chances de succès des demandeurs à l'égard du principal. Il a été conclu à plusieurs reprises que les ordonnances de confidentialité n'ont pas d'influence déterminante sur l'issue du principal : Bristol-Myers Squibb Co. c. Apotex Inc., 2002 CFPI 278, conf. par 2003 CAF 59.

 

Un critère juridique erroné

[9]               Les demandeurs soutiennent que le savant protonotaire a commis une erreur au motif qu'il a appliqué le critère juridique formulé dans R. c. Mentuck, [2001] 3 R.C.S. 442, plutôt que celui de l'arrêt Sierra Club du Canada c. Canada (Ministre des Finances), [2002] 2 R.C.S. 522.

 

[10]           Vu l'ensemble de sa décision, je ne puis conclure que le protonotaire ait mal appliqué le droit. Il avait le critère Sierra à l'esprit lorsqu'il a examiné les faits de la présente espèce.

 

[11]           Même dans l'hypothèse où les demandeurs auraient raison de dire que le protonotaire a confondu les deux arrêts, je serais arrivé à la même conclusion que lui. Il ne faut pas oublier que l'arrêt Sierra portait sur la divulgation de renseignements relevant de relations contractuelles et non d'une loi.

 

[12]           Le régime de confidentialité de la Loi de l'impôt sur le revenu ne s'applique pas aux « procédures judiciaires ayant trait à l'application ou à l'exécution de la présente loi » [alinéa 242(3)b)]. La juge Sharlow, dans l'arrêt Harris c. Canada, [2001] 2 C.T.C. 148 (CAF), a explicitement traité un cas d'application irrégulière de la Loi de l'impôt sur le revenu et a conclu que l'espèce avait trait à l'application ou à l'exécution de cette loi. L'expression « ayant trait à » doit s'entendre au sens large.

 

[13]           La contestation des DR par les demandeurs s'inscrit dans une mise en question plus large touchant l'utilisation légitime de la Loi de l'impôt sur le revenu et son application. Les demandeurs invoquent dans leur requête les dispositions de cette loi et non quelque droit autonome à la confidentialité.

 

[14]           La revendication de confidentialité des demandeurs se fonde sur la Loi de l'impôt sur le revenu, et les dérogations prévues à ses dispositions relatives à la confidentialité s'appliquent à la présente espèce. Le protonotaire n'a pas commis d'erreur manifeste de droit ou de principe.

 

Une mauvaise appréciation des faits

[15]           Les demandeurs attaquent la constatation selon laquelle ils [traduction] « n'ont pas produit de preuve par affidavit à l'appui de leur requête ». Or cette constatation a tout au plus valeur de remarque incidente.

 

[16]           Les demandeurs se sont appuyés sur les affidavits qu'ils avaient déposés antérieurement, bien qu'ils ne fassent pas partie de leur dossier de requête. Il n'appartient pas à la Cour de deviner quels affidavits ou quelles parties d'affidavits étayent une requête. Chose plus importante, la preuve invoquée à cet égard semble consister en affirmations selon lesquelles les fonctionnaires auraient manqué à leur obligation de confidentialité en s'entretenant avec l'auteur d'un livre sur les Hell's Angels. Or, les objections des demandeurs à la divulgation du contenu d'affidavits ne peuvent se baser sur une obligation de confidentialité dont l'alinéa 241(3)b) a pour effet de dispenser l'administration fiscale.

 

[17]           Les demandeurs n'ont pas produit d'éléments de preuve convaincants à l'appui de leur requête. Toutefois, le caractère public des renseignements contenus dans les affidavits ne donne pas l’autorisation d'en divulguer plus que la part pertinente à l'égard de l'instance.

 

Conclusion

[18]           Les demandeurs sollicitaient une ordonnance applicable à l'ensemble des pièces, mémoires et éléments de preuve à venir. C'est là une requête de portée bien vaste, et prématurée pour ce qui concerne les documents devant être déposés ultérieurement. Il vaut mieux examiner les revendications de confidentialité au cas par cas en tenant compte des dérogations que prévoit la Loi de l'impôt sur le revenu à son régime de confidentialité, de la pertinence des renseignements visés et d'autres questions afférentes aux actes de procédure.

 

[19]           Comme les dépens font l'objet d'une décision distincte qui ne semble pas prendre en considération le fait que c'est la Cour qui a soulevé la question des requêtes en confidentialité, les demandeurs ne sont pas tenus de payer sans délai les dépens auxquels ils ont été condamnés.

 

[20]           Le présent appel sera rejeté avec dépens, à payer au moment du règlement des questions relatives aux frais judiciaires.


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.                  L'appel est rejeté.

 

2.                  Les pièces actuellement sous scellés peuvent être divulguées, exception faite des déclarations T‑1. Le défendeur a sept jours pour déposer des pièces modifiées en application de cette exception.

 

3.                  Les dépens sont adjugés au défendeur et sont à payer au moment du règlement des questions relatives aux frais judiciaires.

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    T‑1188‑06

 

INTITULÉ :                                                   BRIAN AIRTH et al.

 

                                                                        et

 

                                               LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                             TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L'AUDIENCE :                           LE 29 MARS 2007

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

(CONFIDENTIALITÉ) :                               LE JUGE PHELAN

 

DATE DES MOTIFS :                                                         LE 5 AVRIL 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Martin Peters

 

POUR LES DEMANDEURS

Donnaree Nygard

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Arvay Finlay

Avocats

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

J. Martin Peters

Avocat

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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