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Date : 20070411

Dossier : T-533-06

Référence : 2007 CF 373

Ottawa (Ontario), le 11 avril 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MAURICE E. LAGACÉ

 

ENTRE :

PAUL HAMIDU

demandeur

et

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire d’une décision rendue le 21 février 2006 par la Commission nationale des libérations conditionnelles (la CNLC), dans laquelle celle-ci a refusé d’examiner sa demande de libération conditionnelle à l’intérieur du Canada en raison de la mesure de renvoi en suspens prise contre lui.

 

Faits

 

[2]               Le demandeur est un détenu qui purge à l’établissement fédéral de Bath en Ontario une peine de cinq ans et cinq mois pour vol qualifié et pour séquestration. Il est devenu admissible à une libération conditionnelle le 22 février 2006.

[3]               Ce jour-là, le demandeur a comparu devant la CNLC relativement à sa demande de libération conditionnelle totale à l’intérieur du Canada. Avant l’audition, il a informé la CNLC qu’il souhaitait bénéficier d’une libération conditionnelle totale normale dans une collectivité au Canada en vue d’y vivre avec sa femme et ses enfants.

 

[4]               En raison de la mesure de renvoi en suspens prise contre le demandeur, la CNLC a conclu qu’elle n’avait pas la compétence pour entendre la demande de libération conditionnelle totale à l’intérieur du Canada, et qu’elle ne pouvait statuer que sur une libération conditionnelle totale aux fins d’expulsion.

 

[5]               À la suite de cette décision de la CNLC, l’avocat du demandeur a posé une question à la Commission :« … est-ce une politique ou une disposition législative qui constitue le fondement de la décision de la Commission ? » Voici la réponse : « C’est la loi […] la loi a changé lors de la modification de la loi sur l’immigration il y a quelques années et nous ne pouvons plus libérer un détenu qui est visé par une mesure de renvoi. » Ainsi, les motifs énoncés par la Commission sont clairs : la décision n’aurait pas été dictée par une politique de la Commission, mais plutôt par l’interprétation des dispositions de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (la Loi) telle que modifiée par la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés le 1er novembre 2001.

 

 

[6]               De plus, le demandeur a été informé de son droit d’interjeter appel avant que la Commission ne rende sa décision. En conséquence, il a demandé que l’examen relatif à sa libération conditionnelle totale soit reporté de deux mois, soit jusqu’au 16 avril 2006.

 

[7]               À la suite de cette décision, John B. Wilson, gestionnaire régional pour le programme de mise en liberté sous condition de la CNLC en Ontario, a avisé par courriel l’avocat du demandeur que la seule conclusion acceptable que pouvait tirer la CNLC était soit d’accorder ou de refuser une libération conditionnelle totale aux fins d’expulsion, et il a expliqué pourquoi il en était ainsi. Les renseignements fournis par un employé de la CNLC ne sont pas pertinents en l’espèce étant donné que M. Wilson n’est pas membre de la Commission et que la Cour ne peut déduire d’une telle explication que la Commission s’était fondée sur une de ses politiques plutôt que sur l’interprétation de la Loi.

 

[8]               Le 22 mars 2006, le demandeur a déposé la présente demande de contrôle judiciaire et il a demandé un autre report en ce qui concerne son examen relatif à la libération conditionnelle totale jusqu’en octobre 2006.

 

 

Décision contestée

 

[9]               La CNLC a souligné que le demandeur était visé par une mesure de renvoi et a donc conclu, dans les termes précités, qu’elle avait seulement la compétence pour tenir une audience relative une libération conditionnelle totale aux fins d’expulsion et non pour entendre la demande de libération conditionnelle totale à l’intérieur du Canada.

 

Question

 

[10]           Le défendeur convie la Cour fédérale à refuser d’entendre la requête en contrôle judiciaire du demandeur étant donné que celui-ci n’a pas épuisé tous les mécanismes d’appel prescrits par la Loi.

 

[11]           La question préliminaire est donc de savoir si le demandeur doit épuiser tous les recours internes avant que la Cour fédérale soit saisie de l’affaire, c’est-à-dire, en l’espèce, un appel à la Section d’appel de la CNLC. Dans l’affirmative, une analyse des questions de fond ne sera pas nécessaire.

 

[12]           Le demandeur soutient que les recours internes ne sont pas appropriés lorsque la politique de l’organisme de contrôle interne est au cœur du litige. À l’appui de sa prétention, il cite la décision Marachelian c. Canada (Procureur général) (P.I.), [2001] 1 C.F. 17.

 

[13]           Dans cette affaire, il a été jugé que le demandeur n’avait pas à épuiser tous ses recours internes avant de saisir la Cour fédérale de sa demande. Le détenu purge une peine d’emprisonnement pour le meurtre d’un gardien de sécurité perpétré lors d'une attaque contre l'ambassade turque à Ottawa. Le directeur de l’établissement a refusé la requête en reclassification du niveau de sécurité présentée par le demandeur. La preuve montre que le service correctionnel s'était fait dicter la classification du niveau de sécurité du détenu par un autre organisme. Selon la Cour, un grief mettant en cause une telle question ne peut pas être tranché de façon crédible par le Service correctionnel, car c'est le Service correctionnel lui-même qui est concerné.

 

[14]           Le défendeur a raison de prétendre que la décision Marachelian ne s’applique pas en l’espèce puisqu’elle traite du refus, dicté à un directeur d’établissement par un autre organisme, de reclassifier et de transférer un détenu, alors que dans le présent cas, on a affaire à une décision de la CNLC, qui a toute l’autorité nécessaire pour interpréter la Loi et qui peut ainsi juger de l’étendue de sa compétence.

 

[15]           Aux termes de l’article 147 de la Loi, on peut interjeter appel d’une décision de la CNLC à la Section d’appel aux motifs que la CNLC a commis une erreur de droit ou a omis d’exercer sa compétence, et c’est exactement ce qu’on reproche à cette dernière. Il n’y a aucune preuve à l’appui de la prétention selon laquelle la décision contestée a été dictée par une politique de la Commission plutôt que par son interprétation de la Loi.

 

[16]           Étant donné qu’il n’y a aucune preuve qui laisse croire que la Section d’appel parviendrait à la même décision que la Commission, la présente affaire est certes un cas où toutes les voies d’appel devraient être épuisées avant de présenter une demande à la Cour fédérale. Bien qu’il ait été informé de son droit d’interjeter appel de la décision de la CNLC, le demandeur a préféré saisir la présente Cour pour obtenir réparation.

 

[17]           Le demandeur n’a pas convaincu la Cour d’écarter plusieurs motifs valables, établis également dans la décision Marachelian, selon lesquels il aurait dû épuiser tous les recours internes avant de s’adresser à la présente Cour pour obtenir réparation. Dans la présente affaire, contrairement à la décision Marachelian dans laquelle le Service correctionnel lui-même était concerné, la décision a été rendue par la CNLC et semble découler de l’interprétation qu’elle a faite de l’article 128 de la Loi plutôt que d’une politique interne. La loi est très claire lorsqu’elle prescrit qu’en cas d’erreur de droit ou de défaut d’exercice de compétence, l’autorité compétente est la Section d’appel.

 

[18]           Le demandeur n’a fourni aucun motif pour admettre une exception au principe selon lequel le demandeur doit épuiser tous les recours internes avant de s’adresser à la présente Cour pour obtenir réparation. Par conséquent, il serait prématuré à ce stade-ci que la Cour examine les questions de fond.

 

 

 


 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE que, pour ces motifs, la demande soit rejetée.

 

 

« Maurice E. Lagacé »

Juge suppléant

 

Traduction certifiée conforme

 

Caroline Tardif, LL.B, trad.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRIT AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                              T-533-06

 

INTITULÉ :                                             PAUL HAMIDU c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                       OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                     LE 10 AVRIL 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                  LE JUGE MAURICE E. LAGACÉ

 

DATE DES MOTIFS :                            LE 11 AVRIL 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Brian A. Callender

 

POUR LE DEMANDEUR

Richard Casanova

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Brian Callender

Kingston (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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