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Date : 20070420

Dossier : IMM-5238-06

Référence : 2007 CF 420

Ottawa (Ontario), le 20 avril 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE de MONTIGNY

 

ENTRE :

KASHIF MANSOOR

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire concernant une décision datée du 23 août 2006 par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a annulé la décision d’accueillir la demande d’asile de Kashif Mansoor.

 

LES FAITS

[2]               M. Mansoor est arrivé au Canada le 15 novembre 2001 et a demandé l’asile peu après. Il a été conclu qu’il craignait avec raison d’être persécuté au Pakistan par la Ligue musulmane du Pakistan (la LMP) ainsi que par la police et le gouvernement militaire. Sa demande a été acceptée en janvier 2003, mais la décision de la Commission est en fait datée du 10 avril 2003.

 

[3]               Selon le formulaire de renseignements personnels (FRP) de M. Mansoor, son père était membre du Parti populaire du Pakistan (PPP), et il avait aidé ce dernier lors de la campagne électorale de 1997. En 1998, M. Mansoor s’est joint au PPP, a recruté d’autres jeunes et a pris une part active aux assemblées du parti.

 

[4]               Ses problèmes ont débuté en avril 1999, quand il a été battu par des hommes de main de la LMP à sa sortie d’une assemblée du PPP. Ensuite, en avril 2000, l’assemblée du PPP à laquelle il participait a été l’objet d’une descente de police; il a été battu par des agents de police et gardé en détention pendant un jour.

 

[5]               L’épouse de M. Mansoor est décédée en décembre 2000. En février 2001, la meilleure amie de son épouse, Shazia, lui a proposé de l’épouser. Cette dernière prenait soin des enfants de M. Mansoor depuis le décès de son épouse. Il a néanmoins refusé la proposition, parce qu’il éprouvait encore un sentiment de culpabilité et que le père de Shazia était un brigadier de l’armée à la retraite et partisan de la LMP.

 

[6]               En mars 2001, M. Mansoor a été intercepté par un brigadier du nom de Hayat et deux militants de la LMP, qui lui ont dit de cesser de voir Shazia et de renoncer au PPP. Ces hommes l’ont également battu. Peu de temps après, il a été intercepté de nouveau par le brigadier Hayat, en compagnie du président local de la LMP et de quelques hommes de main. Il a été battu une fois de plus, et on l’a menacé de lui casser les jambes s’il continuait d’œuvrer pour le PPP. Comme il continuait de voir Shazia, le père de cette dernière l’a battue et a également menacé M. Mansoor.

 

[7]               Le 14 août 2001, M. Mansoor a pris part à un rassemblement du Muhib-e-Watan, un organisme de service social auquel il s’était joint en 1997. Après avoir été arrêté par la police, M. Mansoor a déclaré avoir été battu au poste de police, en présence du père de Shazia. Il s’est enfui à Guranwala le 2 novembre 2002, après que sa mère lui eut dit que deux militaires s’étaient présentés chez lui en compagnie d’agents de la police et avaient posé des questions sur son compte. Il s’est plus tard enfui à Lahore et, ensuite, au Canada.

 

[8]               Dans une décision datée du 10 avril 2003, il a été décidé que M. Mansoor était un réfugié au sens de la Convention. Il a été jugé digne de foi, et ses allégations ont été considérées comme plausibles dans le contexte du conflit qui avait cours au Pakistan.

 

[9]               Le 23 septembre 2003, la ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (la ministre) a présenté une demande d’annulation de la décision par laquelle la demande d’asile de M. Mansoor avait été accueillie.

 

LA DÉCISION CONTESTÉE

[10]           La ministre a fondé sa demande d’annulation de la décision liée à la demande d’asile de M. Mansoor sur de nouveaux éléments de preuve dénotant que M. Mansoor était arrivé aux États‑Unis le 18 juillet 2000, muni de papiers de marin. Cela contredisait ce qu’il alléguait, à savoir qu’il avait été persécuté au Pakistan à un certain nombre de reprises après le 18 juillet 2000.

 

[11]           La principale question soumise à la Commission était de savoir si la recevabilité de la décision originale rendue en faveur de M. Mansoor résultait, directement ou indirectement, de présentations erronées sur un fait important quant à un objet pertinent, ou de réticence sur ce fait, et, dans l’affirmative, si les éléments de preuve non contredits qui subsistaient étayaient la décision favorable initiale du 10 avril 2003.

 

[12]           Dans son FRP, M. Mansoor a écrit qu’il a quitté le Pakistan en novembre 2001. Selon des documents de l’Immigration and Naturalization Service des États‑Unis (INS), une personne, ayant le même nom et les mêmes empreintes digitales que M. Mansoor, est arrivée aux États‑Unis le 18 juillet 2000 en tant que passager clandestin.

 

[13]           À l’audience, M. Mansoor a reconnu être entré aux États‑Unis le 18 juillet 2000, mais il a prétendu être retourné au Pakistan en décembre 2000 à cause du décès de son épouse. La Commission a axé presque entièrement son analyse sur le fait de savoir si M. Mansoor était effectivement retourné au Pakistan en décembre 2000.

 

[14]           La Commission a demandé le passeport de M. Mansoor comme preuve qu’il se trouvait au Pakistan entre les mois de décembre 2000 et 2001. Il n’a pas pu produire le passeport le premier jour de l’audience, et il a dit qu’il pensait que ce document se trouvait chez lui, au Pakistan. Il a plus tard déclaré qu’il savait qu’il avait besoin du passeport, mais qu’il pensait que c’était un crime que d’envoyer un passeport par la poste. La Commission a néanmoins accordé un ajournement, et le passeport a finalement été produit.

 

[15]           Le passeport comporte un timbre d’entrée de l’aéroport d’Islamabad, daté du 7 décembre 2000. Il a été envoyé à l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC) afin qu’elle procède à une analyse de contrefaçon. L’analyste a conclu que le passeport portant le numéro KB613228 avait été altéré et que le chiffre 6 était au départ un 8. Le passeport KB813228 avait été volé à Faisalabad en mai 2003. L’analyste a également conclu que la carte d’identité de M. Mansoor avait été altérée, et la Commission a signalé que l’on associe habituellement ces altérations à de faux documents. M. Mansoor a déclaré qu’il se pouvait bien que l’on ait altéré le passeport, car il avait payé des frais supplémentaires pour obtenir rapidement le passeport et retourner voir son épouse au Pakistan.

 

[16]           La Commission a décidé de n’accorder aucune valeur probante au passeport à cause des hésitations de M. Mansoor à propos de l’endroit où se trouvait le document et de la raison pour laquelle il ne l’avait pas produit, et aussi parce qu’un passeport vierge volé en 2003 n’aurait pas pu servir à voyager en décembre 2000.

 

[17]           La Commission a également tiré une conclusion défavorable du fait que M. Mansoor avait plusieurs explications différentes sur son statut – ou son absence de statut – aux États‑Unis. Il a déclaré avoir présenté une demande d’asile aux États‑Unis. Selon des renseignements obtenus de l’INS, pendant que l’on conduisait M. Mansoor en vue de son renvoi au Pakistan, le 26 août 2000, il s’était échappé du véhicule de transport. S’appuyant sur le fait que M. Mansoor fuyait les autorités américaines, la Commission a conclu que, en réalité, ce dernier n’avait pas demandé l’asile aux États‑Unis. Elle a signalé aussi que M. Mansoor n’avait pas informé les autorités américaines qu’il avait déménagé du Texas à New York et que cela ne cadrait pas avec le comportement d’une personne craignant pour sa sécurité.

 

[18]           M. Mansoor a appelé deux témoins à l’audience pour déclarer qu’ils l’avaient vu au Pakistan en décembre 2000. Dans les deux cas, les renseignements donnés par les témoins sur le moment où ils avaient rencontré M. Mansoor ne correspondaient pas aux renseignements que ce dernier avait donnés.

 

[19]           Se fondant sur la preuve du passeport altéré et volé ainsi que sur la déposition peu fiable des témoins, la Commission a conclu, suivant la prépondérance des probabilités, que M. Mansoor n’était pas retourné au Pakistan en décembre 2000.

 

[20]           S’appuyant sur cette conclusion, la Commission a déclaré que les faits mettant en cause Shazia et le harcèlement du brigadier Hayat n’auraient pas pu avoir lieu, car M. Mansoor se trouvait aux États‑Unis à l’époque des faits allégués. Elle a conclu aussi que, si l’on faisait abstraction des fausses déclarations ou des faits omis, il n’y avait pas assez de preuves pour confirmer la décision originale du tribunal.

 

LA QUESTION EN LITIGE

[21]           La seule question à trancher consiste à savoir si la Commission a commis une erreur au moment d’appliquer le critère relatif à l’annulation du statut de réfugié.

 

LA LÉGISLATION APPLICABLE

[22]           L’article 109 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la « LIPR »), est libellé ainsi :

109. (1) La Section de la protection des réfugiés peut, sur demande du ministre, annuler la décision ayant accueilli la demande d’asile résultant, directement ou indirectement, de présentations erronées sur un fait important quant à un objet pertinent, ou de réticence sur ce fait.

 

(2) Elle peut rejeter la demande si elle estime qu’il reste suffisamment d’éléments de preuve, parmi ceux pris en compte lors de la décision initiale, pour justifier l’asile.

 

 

(3) La décision portant annulation est assimilée au rejet de la demande d’asile, la décision initiale étant dès lors nulle.

 

109. (1) The Refugee Protection Division may, on application by the Minister, vacate a decision to allow a claim for refugee protection, if it finds that the decision was obtained as a result of directly or indirectly misrepresenting or withholding material facts relating to a relevant matter.

 

(2) The Refugee Protection Division may reject the application if it is satisfied that other sufficient evidence was considered at the time of the first determination to justify refugee protection.

 

(3) If the application is allowed, the claim of the person is deemed to be rejected and the decision that led to the conferral of refugee protection is nullified.

 

ANALYSE

[23]           Les parties ne contestent pas la façon appropriée de traiter une demande d’annulation d’une décision accordant l’asile. Le tribunal doit d’abord conclure que la recevabilité de la décision en question résulte, directement ou indirectement, de présentations erronées sur un fait important quant à un objet pertinent, ou de réticence sur ce fait. Étant arrivé à cette conclusion, le tribunal peut néanmoins rejeter la demande s’il subsiste suffisamment d’éléments de preuve pris en considération lors de l’examen de la demande d’asile pour justifier l’asile : voir, par exemple, Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Pearce, 2006 CF 492; Naqvi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1605.

 

[24]           En l’espèce, la Commission a formulé correctement le critère à appliquer et elle a conclu que, au vu de la preuve soumise, M. Mansoor avait, délibérément ou indirectement, présenté erronément ou omis d’importants faits pertinents à propos de sa demande d’asile. En fait, M. Mansoor ne conteste pas qu’il a fait des présentations erronées sur des faits importants quant à des objets pertinents. Quoi qu’il en soit, il s’agit là d’une conclusion qui attire le plus haut degré de retenue, car elle est fondée sur une appréciation de la crédibilité de M. Mansoor ainsi que sur l’évaluation des éléments de preuve des deux parties.

 

[25]           Dans la décision Sethi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1178, ma collègue, la juge Danièle Tremblay-Lamer, a eu recours à une analyse pragmatique et fonctionnelle pour déterminer la norme de contrôle qui s’applique aux décisions rendues en vertu de l’article 109 de la LIPR. Elle a conclu que, en ce qui concerne le premier volet du critère exposé au paragraphe 109(1), les décisions de la Commission doivent être contrôlées en fonction de la norme de la décision manifestement déraisonnable : voir aussi Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Wahab, 2006 CF 1554.

 

[26]           Sans admettre qu’il n’est jamais vraiment retourné au Pakistan, M. Mansoor a axé son argumentation sur le second volet du critère. La Commission, soutient-il, n’a pas analysé comme il faut le reste des éléments de preuve non contredits, et il prétend qu’il y avait encore suffisamment d’éléments de preuve importants pour étayer la décision originale du tribunal.

 

[27]           Ce second volet du critère n’appelle pas la même norme de contrôle. Je suis d’accord avec ma collègue, dans la décision Sethi, précitée, que cette tâche n’implique pas le même genre d’exercice. Pour déterminer s’il subsiste assez d’éléments de preuve pour étayer la conclusion initiale de la Commission, il n’est pas tant question d’évaluer la crédibilité du demandeur que de tirer des conclusions à propos du fait de savoir si l’on peut considérer que les présentations erronées vicient les éléments de preuve qui subsistent. Comme l’a déclaré la juge Tremblay‑Lamer :

[18] La décision accessoire que doit rendre la SPR au regard de la question de savoir s’« il reste suffisamment d’éléments de preuve, parmi ceux pris en compte lors de la décision initiale, pour justifier l’asile » (paragraphe 109(2) de la Loi) est d’un autre ordre à mon avis : elle n’est pas fondée, même en partie, sur l’appréciation que la SPR a faite du témoignage et de la crédibilité du réfugié au moment de la demande d’annulation. En fait, l’analyse exigée par le paragraphe 109(2) suppose que l’on détermine si des éléments de preuve invoqués au soutien de la décision favorable initiale ne sont pas « viciés » par les présentations erronées sur un fait important qui ont été découvertes depuis (voir Babar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2003] A.C.F. no 301 (1re inst.) (QL); Duraisamy c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 1915 (1re inst.) (QL)).

 

[19] Comme je l’ai souligné précédemment, la position de la SPR lui confère une expertise pour tirer des conclusions concernant la vraisemblance du récit, fait par une personne, de la persécution qu’elle aurait subie (Aguebor, précité) et, du même coup, pour déterminer si des présentations erronées sur un fait pertinent ont été faites en se fondant directement sur la preuve documentaire et les témoignages. Cependant, pour accomplir la tâche qui lui incombe aux termes du paragraphe 109(2), la SPR doit examiner la preuve présentée lors de l’audience initiale sur le statut de réfugié. Comme il a été constaté que de fausses présentations sur un fait important avaient été faites en l’espèce, cette analyse ne dépend aucunement de l’évaluation actuelle du réfugié que la SPR a faite lors de l’audience.

 

[20] Autrement dit, la SPR n’est pas dans une position privilégiée par rapport à la Cour pour entreprendre cet exercice et pour décider s’il reste suffisamment d’éléments de preuve pour étayer la décision initiale de reconnaître le statut de réfugié. Aussi, c’est la norme de la décision raisonnable simpliciter qui devrait, à mon avis, s’appliquer aux décisions rendues en application du paragraphe 109(2).

 

 

[28]           En l’espèce, la Commission n’a fait aucune analyse précise en vertu du paragraphe 109(2). Après avoir examiné les éléments de preuve entourant les circonstances du séjour de M. Mansoor aux États‑Unis, la Commission a simplement conclu que ce dernier avait menti et n’était jamais retourné au Pakistan en décembre 2000. Elle a ensuite déclaré, dans la conclusion de ses motifs :

Le tribunal conclut que l’intimé a délibérément ou indirectement fait des présentations erronées sur un fait important quant à un objet pertinent, ou une réticence sur ce fait relativement à sa demande d’asile. Une fois que le tribunal met de côté les présentations erronées sur un fait important quant à un objet pertinent, ou une réticence sur ce fait, la preuve est insuffisante pour appuyer la décision rendue par le tribunal original le 24 janvier 2003.

 

 

[29]           Est-ce que cela peut être considéré comme suffisant, pour l’analyse qu’exige le paragraphe 109(2)? Je ne le crois pas. Cela aurait pu l’être si les seuls éléments de preuve restants avaient été les conditions générales régnant dans le pays, comme cela avait été le cas dans Arumugam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1449 et Coomaraswamy c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 153. Dans le cas présent, il subsistait encore des éléments importants qui pouvaient justifier la décision du tribunal initial – le fait que M. Mansoor adhérait au PPP, qu’il avait été agressé et menacé par des membres du parti rival, la LMP, en avril 1999, et qu’il avait été arrêté, gardé en détention et battu. Il est loin d’être certain – et si oui, pourquoi – que ces éléments de preuve doivent être considérés comme peu fiables à cause des présentations erronées de M. Mansoor sur son séjour aux États‑Unis.

 

[30]           La ministre a tenté de faire valoir que le délai de trois mois qui s’était écoulé avant que M. Mansoor ne quitte son pays, le fait qu’il n’avait pas demandé asile aux États‑Unis malgré un séjour de 16 mois, de même que sa tentative pour échapper aux agents d’immigration étaient tous des facteurs pertinents qui minaient sa crédibilité générale. D’après la ministre, ce comportement dénote une absence de crainte subjective, un élément fondamental et déterminant d’une demande d’asile et « un objet pertinent » aux termes du paragraphe 109(2) de la LIPR.

 

[31]           Le problème que pose cet argument est qu’il est purement conjectural. Les motifs de la Commission n’indiquent pas de façon précise pourquoi elle a jugé que les éléments de preuve restants n’étaient pas suffisants pour étayer la décision initiale. Si la Commission était d’avis que les éléments de preuve restants n’étaient pas viciés, elle aurait dû expliquer pourquoi les allégations relatives aux actes de persécution commis avant juillet 2000 ne laissaient plus penser que M. Mansoor avait besoin de protection. Sans cette explication, il n’est pas évident en soi que les présentations erronées de M. Mansoor sur son séjour aux États‑Unis impliquent forcément que son récit tout entier est un tissu de mensonges.

 

[32]           Il ne suffit pas de dire tout simplement qu’il ne reste aucune preuve pour étayer la décision que le tribunal initial a prise alors qu’il subsiste des allégations, jugées dignes de foi à la première audience, qui ne constituent pas des présentations erronées. À mon avis, la Commission n’a pas appliqué le critère qu’elle a exposé au début de son analyse, et elle aurait dû examiner si d’autres éléments de preuve non viciés, pris en considération au moment de la première décision, justifieraient l’octroi de l’asile à M. Mansoor. Cette conclusion constitue donc une erreur susceptible de contrôle, car elle « n’est étayée par aucun motif capable de résister à un examen assez poussé » (Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748, au paragraphe 56).

 

[33]           Pour ces motifs, je suis donc d’avis d’accueillir la présente demande de contrôle judiciaire et de renvoyer l’affaire à la Commission afin qu’un tribunal différemment constitué rende une nouvelle décision.

 

[34]           L’avocat de M. Mansoor a présenté la question suivante pour certification : dans le contexte du paragraphe 109(2), lorsque le membre de la Commission a conclu à des présentations erronées et que la crédibilité est mise en question, mais qu’« il reste suffisamment d’éléments de preuve », le membre de la Commission est‑il tenu d’évaluer ces éléments?

 

[35]           Je conviens avec le défendeur qu’il ne s’agit pas d’une question de portée générale qui transcende les intérêts des parties immédiates. Tout d’abord, je ne crois pas que l’interprétation des paragraphes 109(1) et (2) suscite quelque ambiguïté. Le critère en deux volets que la Commission a appliqué est systématiquement suivi par la présente Cour, et le défendeur ne conteste pas que c’est ainsi qu’il faut procéder. La ministre est plutôt d’avis que la Commission a effectivement appliqué le critère et qu’elle est arrivée à juste titre à la conclusion selon laquelle, après avoir fait abstraction des éléments de preuve que les présentations erronées viciaient, il ne restait pas suffisamment d’éléments de preuve pour qu’il soit justifié d’accorder l’asile à M. Mansoor. L’issue de la présente affaire dépend donc de l’application de ce qui constitue clairement le droit aux faits particuliers de l’espèce. Dans ce contexte, cela ne justifie pas la certification d’une question.


 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE que la présente demande de contrôle judiciaire soit accueillie. Aucune question ne sera certifiée.

 

 

« Yves de Montigny »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Michèle Ledecq, B. trad.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                               IMM-5238-06

 

INTITULÉ :                                             KASHIF MANSOOR 

                                                                  c.

                                                                  LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                       MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                     LE 27 MARS 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                    LE JUGE DE MONTIGNY

 

DATE DES MOTIFS :                            LE 20 AVRIL 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Dan M. Bohbot

POUR LE DEMANDEUR

 

 

Gretchen Timmins

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Dan M. Bohbot

Avocat

4979-A, rue Côte-Sainte-Catherine

Montréal (Québec)  H3W 1M5

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

  POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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