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Date : 20070426

Dossier : T-1711-06

Référence : 2007 CF 444

Ottawa (Ontario), le 26 avril 2007

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE MACTAVISH

 

 

ENTRE :

ABBOTT LABORATORIES et

LABORATOIRES ABBOTT LIMITÉE

demanderesses

 

et

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et

LE MINISTRE DE LA SANTÉ

défendeurs

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Par la présente demande, Abbott Laboratories et Laboratoires Abbott Limitée (appelées collectivement ci‑après Abbott) cherchent à obtenir le contrôle judiciaire de la décision par laquelle le ministre de la Santé a refusé d’ajouter le brevet canadien no 2,250,736 (le brevet 736) au registre des brevets.

 

[2]               Selon Abbott, le ministre a commis les erreurs suivantes pour refuser d’inscrire au registre le brevet 736 : il s’est fondé sur des facteurs non pertinents, a tiré des présomptions de fait incorrectes quant au fonctionnement du système d’approbation des aliments et drogues et a interprété erronément le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS 93/133 (le Règlement AC).

 

[3]               Pour les motifs qui suivent, je ne suis pas convaincue que le ministre a commis les erreurs alléguées par Abbott. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

Contexte

[4]               Le 12 janvier 1990, Abbott a déposé une présentation de drogue nouvelle (PDN) pour le BIAXIN®, antibiotique utilisé pour traiter les infections légères ou modérées causées par des souches de micro‑organismes désignés et dont le principal ingrédient actif est la clarithromycine.

 

[5]               Un avis de conformité (AC) a été délivré à Abbott le 8 mai 1996. Il identifie comme produit le « BIAXIN® » et comme ingrédient médicinal la « clarithromycine » (comprimés enrobés de 250 mg).

 

[6]               Abbott a ensuite déposé un certain nombre de suppléments à la PDN (SPDN) pour commercialiser, sous la marque nominative BIAXIN®, de nouvelles formes posologiques et concentrations de la clarithromycine, notamment le BIAXIN® 125 mg/5 mL, le BIAXIN® BID 500 mg et le BIAXIN® XL500 mg, et a obtenu les AC additionnels nécessaires.

 

[7]               Chacun de ces AC subséquents continue à désigner le produit sous le nom de « BIAXIN® » et à identifier l’ingrédient médicinal simplement comme étant la « clarithromycine ».

 

[8]               Le 25 avril 2006, Abbott a demandé l’inscription du brevet 736 au registre des brevets à l’égard de sept SPDN ayant trait à de nouvelles formes posologiques et concentrations de la clarithromycine vendues sous la marque nominative BIAXIN®.

 

[9]               Le brevet 736 revendique des composés produits lors la synthèse de la clarithromycine lorsque certains solvants sont utilisés. Ces composés ont des structures chimiques différentes de celle de la clarithromycine. L’un d’eux est une oxime d’érythromycine (l’oxime).

 

[10]           Selon Abbott, l’oxime est un « médicament », en ce sens qu’il s’agit d’un ingrédient pharmaceutique actif produit lors du processus de synthèse de la clarithromycine, contenu dans le BIAXIN®.

 

[11]           Ainsi, Abbott affirme que comme des AC ont été délivrés pour le BIAXIN®, drogue contenant le médicament oxime, et que le brevet 736 contient une revendication visant ce médicament, le brevet 736 devrait être inscrit au registre des brevets en liaison avec le BIAXIN®.

 

Décision provisoire du ministre

[12]           Par une lettre datée du 2 mai 2006, le ministre a provisoirement refusé d’inscrire le brevet 736 au registre des brevets. La partie pertinente de la lettre est rédigée comme suit :

[traduction] Le brevet 736 ne contient pas de revendication pour le médicament clarithromycine ou son utilisation. Il contient plutôt des revendications à l’égard de composés intermédiaires ou dérivés qui ne sont pas le médicament clarithromycine. Par conséquent, en vertu du pouvoir conféré au ministre de la Santé par le paragraphe 3(1) du Règlement, le brevet 736 ne sera pas ajouté au registre des brevets, sous réserve de toutes observations écrites.

 

 

 

Observations supplémentaires d’Abbott

[13]           Le 21 juillet 2006, des représentants d’Abbott ont rencontré le directeur associé du Bureau des médicaments brevetés et de la liaison pour discuter de la présente affaire et, dans une lettre datée du 4 août 2006, Abbott a fourni des observations écrites supplémentaires.

 

[14]           Ces observations comprenaient un résumé de l’opinion de M. Jerry Atwood, professeur de chimie possédant une expérience en chimie organique et pharmaceutique. Il affirme que la synthèse de la clarithromycine conduit inévitablement à la production de clarithromycine et de l’oxime.

 

[15]           M. Atwood est également d’avis que les étapes suivies pour purifier la clarithromycine n’enlèvent pas la totalité de l’oxime et qu’une certaine quantité d’oxime se trouve donc inévitablement dans le produit final.

 

[16]           Enfin, M. Atwood est d’avis que l’oxime a une valeur thérapeutique et qu’il s’agit donc d’un « médicament ».

 

Décision finale du ministre

[17]           Par une lettre envoyée à Abbott, en date du 25 août 2006, le ministre a répondu aux observations écrites d’Abbott. Il a maintenu que le brevet 736 ne pouvait être inscrit au registre des brevets.

 

[18]           À cet égard, le ministre a déclaré que le brevet 736 ne contenait pas de revendication pour la clarithromycine ou l’utilisation de celle‑ci comme l’exige l’alinéa 4(2)b) du Règlement AC.

 

[19]           Plus précisément, le ministre n’a pas été d’accord avec l’affirmation d’Abbott selon laquelle la « revendication pour le médicament en soi » vise soit un ingrédient actif unique soit une combinaison de substances et pourrait inclure un produit non identifié ou approuvé par l’AC.

 

[20]           À cet égard, le ministre a distingué les arrêts Hoffmann-La Roche Ltd. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien‑être social) (1995), 67 C.P.R. (3d) 25 (C.A.F.), et Eli Lilly Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2003 CAF 24, [2003] 3 C.F. 140, 237 F.T.R. 160, invoqués par Abbott. Il a fait remarquer que, dans ces affaires, le médicament revendiqué correspondait au médicament contenu dans la drogue, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

 

[21]           De plus, le ministre a estimé que le seul médicament approuvé pour utilisation dans les AC délivrés à Abbott à l’égard des produits BIAXIN® était la clarithromycine, et non ses dérivés, produits inutiles ou impuretés qui ne sont pas le médicament en soi.

 

[22]           Le ministre a fait remarquer que le médicament clarithromycine contenu dans le produit BIAXIN® ne correspondait pas au médicament revendiqué dans le brevet 736 et n’était pas non plus l’équivalent pharmaceutique du médicament revendiqué dans ce brevet. Cela signifie qu’un fabricant de produits génériques ayant une drogue contenant les composés revendiqués dans le brevet 736 ne pourrait pas utiliser le BIAXIN® comme produit de référence.

 

[23]           Finalement, le ministre a conclu que le dérivé oxime n’était pas « le médicament » et que seule la clarithromycine avait été approuvée pour utilisation par les AC délivrés à l’égard du BIAXIN®.

 

[24]           Le ministre a conclu en disant que si Abbott choisissait de présenter une demande d’AC pour le brevet 736, il pourrait être ajouté au registre des brevets à ce moment‑là, sous réserve des dispositions du Règlement AC.

 

[25]           Par conséquent, le ministre a refusé d’inscrire le brevet 736 au registre des brevets. Abbott cherche à obtenir le contrôle judiciaire de cette décision.

 

Régime législatif

[26]           Pour replacer les arguments d’Abbott dans leur contexte, il faut premièrement comprendre le régime législatif qui régit l’inscription des brevets au registre.

 

[27]           Au Canada, la vente de produits pharmaceutiques est réglementée par le Règlement sur les aliments et drogues, C.R.C. ch. 870.

 

[28]           Une société innovatrice (ou première personne) ne peut fabriquer et vendre une nouvelle drogue sans l’approbation réglementaire du ministre de la Santé. Si, au terme du processus d’examen prévu au Règlement, le ministre est convaincu de l’innocuité et de l’efficacité de la drogue et s’il estime que celle‑ci est par ailleurs conforme au Règlement sur les aliments et drogues, il délivre un AC à la première personne.

 

[29]           Le Règlement AC visé par la présente instance est celui qui était en vigueur avant les modifications d’octobre 2006 (DORS/2006-242).

 

[30]           L’article 4 du Règlement AC permet à la première personne de déposer des listes de brevets devant le ministre. En vertu du Règlement AC, le propriétaire d’un brevet peut soumettre une liste de brevets à l’égard de toute drogue contenant un « médicament » pour laquelle un AC a été délivré ou est sollicité.

 

[31]           L’article 2 du Règlement AC définit comme suit un « médicament » :

Substance destinée à servir ou pouvant servir au diagnostic, au traitement, à l’atténuation ou à la prévention d’une maladie, d’un désordre, d’un état physique anormal, ou de leurs symptômes.

 

 

 

[32]           L’inscription du brevet permet à la première personne de recourir au Règlement AC pour protéger le produit de la société innovatrice contre la concurrence des fabricants de médicaments génériques.

 

[33]           Le paragraphe 3(1) du Règlement AC confère au ministre de la Santé le pouvoir de décider quels brevets sont ajoutés au registre des brevets. Le ministre a le devoir impératif de maintenir le registre et a a priori l’obligation d’inclure au registre les listes de brevets soumises par les détenteurs de brevets. Il peut toutefois refuser d’ajouter au registre un brevet inadmissible à l’inscription.

 

[34]           Le paragraphe 3(3) du Règlement AC est également pertinent : « Aucun renseignement soumis aux termes de l’article 4 n’est consigné au registre avant la délivrance de l’avis de conformité à l’égard duquel il a été soumis ».

 

[35]           Les critères devant être utilisés pour décider si un brevet devrait être inscrit au registre des brevets sont énumérés à l’article 4 du Règlement AC. Le critère en litige en l’espèce est celui de l’alinéa 4(2)b) : pour être admissible à l’inscription au registre des brevets, le brevet doit contenir une revendication pour le médicament ou pour l’utilisation du médicament à l’égard duquel l’AC en particulier a été délivré.

 

Questions

[36]           La question au cœur de la présente demande est de savoir si le brevet 736 satisfait aux exigences de l’alinéa 4(2)b) du Règlement AC, et donc si le ministre a correctement interprété cette disposition législative.

 

[37]           Abbott affirme aussi que le ministre a commis une erreur en se fondant sur des facteurs non pertinents et erronés pour refuser d’inscrire le brevet 736, à savoir la croyance qu’Abbott essayait de « renouveler à perpétuité » ses autres brevets relatifs au BIAXIN® en sollicitant l’inscription au registre du brevet 736.

 

Norme de contrôle

[38]           Il semble bien établi en droit que la norme de contrôle à l’égard d’une telle décision est celle de la décision correcte (voir les arrêts Eli Lilly Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), précité, et AstraZeneca Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2006 CSC 49, [2006] 2 R.C.S. 560, au paragraphe 25.

 

Analyse

[39]           Le nœud de la présente affaire consiste à déterminer dans quelle mesure le « médicament » mentionné dans les AC délivrés en liaison avec le BIAXIN® doit correspondre à l’innovation revendiquée dans le brevet dont on sollicite l’inscription, à savoir le brevet 736.

 

[40]           Abbott affirme avoir des AC pour le BIAXIN® et que le BIAXIN® contient l’oxime. Comme l’atteste M. Atwood dans son affidavit déposé à l’appui de la présente demande, l’oxime a une valeur thérapeutique et est donc un « médicament » au sens du Règlement AC. Étant donné que le brevet 736 a trait à l’oxime, Abbott prétend avoir le droit d’inscrire le brevet 736 au registre en liaison avec le BIAXIN®.

 

[41]           Selon Abbott, il est fondamentalement incorrect d’affirmer que Santé Canada a approuvé, en délivrant les AC pour le BIAXIN®, l’utilisation d’un quelconque médicament en particulier. À cet égard, Abbott prétend que la définition du terme « médicament » dans le Règlement AC ne renvoie pas à des ingrédients [traduction]« approuvés par le biais de la délivrance » d’un AC.

 

[42]           Abbott prétend que le processus d’approbation des nouvelles drogues au Canada couvre plutôt la drogue en tant que tout dans sa forme posologique finale telle qu’elle est utilisée ou vendue, laquelle drogue peut contenir plus qu’une seule substance pouvant traiter une maladie.

 

[43]           À cet égard, Abbott s’appuie sur le témoignage de M. Albert Liston, ancien sous‑ministre adjoint de la Direction générale de la protection de la santé de Santé Canada. M. Liston possède un doctorat en stéréochimie et a passé une bonne partie de sa carrière à Santé Canada dans des postes de responsabilité croissante liés à l’approbation des drogues.

 

[44]           Selon M. Liston, avant de délivrer l’AC pour le BIAXIN®, Santé Canada a probablement évalué le BIAXIN® comme un tout afin de s’assurer de l’innocuité et de l’efficacité de la drogue. Bien qu’il reconnaisse que l’examen de l’ingrédient médicinal actif de la drogue et de ses propriétés constitue la partie la plus importante de l’évaluation, M. Liston dit néanmoins que l’évaluation de Santé Canada ne s’est probablement pas limitée à l’ingrédient médicinal principal de la drogue, à savoir la clarithromycine.

 

[45]           Autrement dit, le processus d’approbation a, selon M. Liston, probablement couvert la totalité du processus de fabrication qui résulte de l’incorporation de l’ingrédient pharmaceutique actif et de tout autre composé entrant dans la composition du produit pharmaceutique.

 

[46]           Je n’accepte pas les arguments d’Abbott.

 

[47]           L’examen du régime législatif indique que les AC sont délivrés à l’égard de drogues qui contiennent des médicaments expressément déclarés.

 

[48]           Cela est confirmé par le libellé du paragraphe 4(1) du Règlement AC, qui prévoit :

4. (1) La personne qui dépose ou a déposé une demande d’avis de conformité pour une drogue contenant un médicament ou qui a obtenu un tel avis peut soumettre au ministre une liste de brevets à l’égard de la drogue, accompagnée de l’attestation visée au paragraphe (7). [Non souligné dans l’original.]

 

 

[49]           De plus, l’alinéa 4(2)b) du Règlement AC indique très clairement que pour être admissible à l’inscription au registre, le brevet en question doit contenir une revendication pour le « médicament », ou l’utilisation du médicament, à l’égard duquel l’AC a été délivré.

 

[50]           Le paragraphe 5(1) du Règlement AC prévoit que les fabricants de médicaments génériques doivent faire des allégations à l’égard de médicaments précis. Cela ne serait pas possible, et il en résulterait une grande confusion, si les « médicaments » en question n’étaient pas expressément identifiés dans la PDN et les AC ultérieurement délivrés.

 

[51]            Comme le juge Hughes l’a fait remarquer dans Hughes and Woodley on Patents (2e édition) 1 LexisNexis Canada Inc. 215, au paragraphe 23 :

[traduction] Un brevet est inscrit sur une liste à l’égard d’une drogue en particulier, et non d’une demande en particulier. Pour qu’un brevet soit inscrit, il doit revendiquer une drogue contenant le même ingrédient actif – la formulation ou la structure cristalline peut être différente – que le médicament à l’égard duquel l’avis de conformité a été délivré. Le brevet doit se rapporter au même ingrédient actif que celui auquel se rapporte l’avis de conformité ….

 

 

 

[52]           Ce point en particulier a été précisé dans un litige antérieur entre les présentes parties où était en cause le BIAXIN®. Dans Abbott Laboratories c. Canada (Ministre de la Santé), 2006 CF120, [2006] 4 C.F. 41, inf. pour d’autres motifs dans 2007 CAF 73, le juge Harrington a affirmé :

Quoi qu’il en soit, peut être inscrit au registre le brevet qui revendique une drogue contenant le même médicament que celui pour lequel l’avis de conformité a été délivré, même si ce médicament se présente sous une forme ou une structure cristalline différente. [paragraphe 40, non souligné dans l’original.]

 

 

 

[53]           Enfin, dans Ferring Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2007 CF 300, le juge Hughes a déclaré :

Les critères régissant l’inscription d’un brevet sur la liste de brevets sont exposés à l’article 4 du Règlement. Il y a un certain nombre de critères, dont le plus important, pour le présent examen, est que le brevet visé par l’avis de conformité comporte une revendication à l’égard du médicament en soi ou à l’égard de l’utilisation du médicament, selon l’alinéa 4(2)b) du Règlement dans la version antérieure au 5 octobre 2006 ... [paragraphe 24, non souligné dans l’original.]

 

 

 

[54]           Dans la présente affaire, les AC délivrés en liaison avec le BIAXIN® indiquent de prime abord clairement que le seul ingrédient médicinal couvert par les AC est la clarithromycine. Il est clair que des AC peuvent être délivrés à l’égard de drogues contenant plus qu’un seul ingrédient médicinal, mais aucun autre ingrédient médicinal n’est identifié dans les AC délivrés en liaison avec le BIAXIN®.

 

[55]           Je n’accepte pas non plus la prétention d’Abbott selon laquelle le fait que le ministre de la Santé a délivré des AC pour le BIAXIN® signifie qu’il a nécessairement examiné et évalué l’innocuité et l’efficacité de l’oxime en tant qu’ingrédient médicinal actif entrant dans la composition de cette drogue.

 

[56]           À cet égard, je note que bien qu’elle fasse valoir que le ministre de la Santé a probablement procédé à un examen attentif de l’innocuité et de l’efficacité de l’oxime en tant qu’ingrédient actif du BIAXIN® dans le contexte de sa PDN pour cette drogue, Abbott a choisi de ne pas inclure de copie de sa PDN dans ses documents de demande.  On n’a ainsi aucune façon de savoir si Abbott a déjà identifié l’oxime comme étant un ingrédient médicinal actif dans sa PDN ou si le ministre de la Santé l’a déjà évaluée à ce titre.

 

[57]           Nous savons toutefois que le seul ingrédient médicinal actif identifié par le ministre dans les AC délivrés à Abbott pour ses produits BIAXIN® est la clarithromycine.

 

[58]           De plus, nulle part dans les documents dont je suis saisie, sauf dans l’affidavit de M. Atwood, l’oxime n’est identifiée en tant que médicament. À cet égard, après examen de la monographie de produit d’Abbott pour le BIAXIN®, je note que le seul ingrédient médicinal identifié ou discuté dans ce document est la clarithromycine. De même, Abbott reconnaît elle‑même que l’oxime n’est pas mentionnée dans les pharmacopées européenne et américaine.

 

[59]           Dans ces circonstances, je suis disposée à tirer une inférence négative à l’encontre d’Abbott et à rejeter sa prétention selon laquelle la PDN qu’elle a fournie au ministre identifiait l’oxime en tant que médicament dans la composition du BIAXIN®.

 

[60]           Cela n’est pas surprenant. Même si j’accepte que le témoignage de M. Atwood selon lequel l’oxime a une certaine valeur thérapeutique, le fait est que l’oxime n’était pas expressément incluse dans la formulation pharmaceutique du BIAXIN® pour sa valeur thérapeutique.

[60]

[61]           Comme l’a expliqué M. Atwood, l’oxime est un produit inutile de l’un des processus de fabrication utilisés pour synthétiser la clarithromycine. Elle ne paraît pas être un produit inutile désirable, puisque M. Atwood a lui‑même déclaré que le fabricant essaierait d’enlever le plus d’oxime possible de la formulation. M. Atwood a ensuite ajouté que l’élimination complète de l’oxime du produit final à base de clarithromycine ne serait pas possible, et qu’une certaine quantité d’oxime se retrouverait inévitablement dans le produit final.

 

[62]           De plus, il est clair que l’oxime n’est pas toujours créée lors de la synthèse de la clarithromycine et que sa création dépend du choix de solvant utilisé lors du processus de synthèse. Selon M. Atwood, c’est uniquement lorsqu’on utilise l’acétate d’isopropyle comme solvant que l’oxime est produite. L’acétate d’isopropyle n’est toutefois qu’un des nombreux solvants chimiques pouvant être utilisés pour synthétiser la clarithromycine. De même, l’oximation n’est qu’une des méthodes auxquelles on peut recourir pour synthétiser la clarithromycine.

 

[63]           Vu ce qui précède, il n’est guère surprenant que l’oxime n’ait pas été identifiée en tant qu’ingrédient médicinal entrant dans la composition du BIAXIN®.

 

[64]           En conséquence, je n’accepte pas la prétention d’Abbott selon laquelle l’oxime avait été antérieurement approuvée pour utilisation comme médicament par les AC délivrés en liaison avec le BIAXIN®  ni qu’elle ait jamais été considérée comme telle par Santé Canada.

 

[65]           Enfin, je ne suis pas convaincue que l’arrêt Apotex c. Canada (2000), 181 D.L.R. (4th) 404, (C.A.F.), indique qu’Abbott a le droit de faire ajouter le brevet 736 au registre des brevets, puisqu’il vise un intermédiaire ayant une valeur thérapeutique, donc un « médicament ».

 

[66]           Premièrement, il appert du témoignage de M. Atwood que l’oxime n’est pas un véritable intermédiaire, en ce sens qu’elle n’est pas une substance de transition, mais plutôt le produit inutile de l’une des méthodes de synthèse pouvant être suivies pour la fabrication de la clarithromycine.

 

[67]           Élément plus important, l’examen de l’arrêt Apotex révèle que si la Cour d’appel fédérale a affirmé qu’« [i]l est certes possible de soutenir qu’un intermédiaire qui a une valeur thérapeutique pourrait être un médicament », elle a préalablement pris soin de préciser qu’« [a]ux fins de cet appel, il suffit qu’il n’existe aucune conclusion définitive selon laquelle les intermédiaires ne peuvent jamais être conformes aux exigences de l’alinéa 4(2)b) ». Ainsi, l’arrêt Apotex ne tranche la question ni de l’un ni de l’autre côté.

 

[68]            De plus, plus récemment, dans Merck Frosst Canada & Co. c. Canada (Ministre de la Santé) (2000), 7 C.P.R. (4th) 522 (C.F. 1re inst.), conf. par 2001 CAF 136, la Cour d’appel fédérale a statué que le ministre ne commettait pas d’erreur en refusant d’inscrire des brevets au registre des brevets lorsque ces brevets avaient trait à des métabolites d’un médicament identifié dans un AC et ne revendiquaient pas le médicament en soi.

 

[69]           C’est dans ce contexte que la Cour d’appel fédérale a fait remarquer que passer outre au libellé de l’AC en traitant la drogue comme contenant le médicament expressément identifié dans l’AC et ses métabolites « pourrait porter atteinte à l’aptitude du ministre à s’acquitter des importantes responsabilités que lui confie la loi de s’assurer de l’efficacité et de l’innocuité des drogues nouvelles ». [paragraphe 9]

 

[70]           Bien qu’il ne s’agisse pas en l’espèce d’un métabolite du « médicament », mais plutôt d’un produit obtenu à partir d’une des méthodes de synthèse pouvant être utilisées pour fabriquer la clarithromycine, on peut néanmoins faire les mêmes observations concernant l’oxime.

 

Les facteurs non pertinents ou erronés sur lesquels s’est appuyé le ministre

[71]           Enfin, Abbott affirme que le ministre a commis une erreur en se fondant sur des facteurs non pertinents relativement au brevet 736, à savoir la présomption erronée qu’Abbott cherchait, en sollicitant l’inscription du brevet 736 au registre, à renouveler à perpétuité ses autres brevets relatifs au BIAXIN®.

 

[72]           Je conviens avec Abbott qu’il ne s’agit pas, en l’espèce, d’une tentative de renouvellement à perpétuité de sa part étant donné que le brevet 736 expirera avant l’expiration des autres brevets relatifs au BIAXIN®, mais je n’accepte pas sa prétention selon laquelle la décision de refuser l’inscription du brevet 736 devrait être annulée au motif que le ministre a pris en considération des questions non pertinentes pour arriver à cette conclusion.

 

[73]           Que le ministre ait pensé qu’il s’agissait d’une tentative de renouvellement à perpétuité ou non, le fait est que son interprétation de l’alinéa 4(2)b) du Règlement AC était correcte. Le brevet 736 n’était pas admissible à l’inscription et aucune autre décision n’était possible en l’espèce.

 

Conclusion

[74]           Pour ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

Dépens

[75]           Les deux parties ont convenu que les dépens de la présente demande devraient suivre l’issue de la cause et c’est ce que j’ordonne.

 

 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens.

 

« Anne Mactavish »

Juge

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-1711-06

 

INTITULÉ :                                       ABBOTT LABORATORIES et

                                                            LABORATOIRES ABBOTT LIMITÉE c.

                                                            LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                            et LE MINISTRE DE LA SANTÉ

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 5 mars 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              la juge Mactavish

 

DATE DES MOTIFS ET

DU JUGEMENT :                             le 26 avril 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Caroline Zayid

Andrew J. Reddon                                                                   POUR LES DEMANDERESSES

 

Eric Peterson

Natalie Henein                                                                          POUR LES DÉFENDEURS

                                                                                               

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

McCARTHY TÉTRAULT s.r.l.

Toronto (Ontario)                                                                     POUR LES DEMANDERESSES

 

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous‑procureur général du Canada                                           POUR LES DÉFENDEURS

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