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Date : 20070430

Dossier : T-931-03

Référence : 2007 CF 449

Ottawa (Ontario), le 30 avril 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE LEMIEUX

 

ENTRE :

Syndicat national de l’automobile, de l’aérospatiale, du transport et des autres travailleurs et travailleuses du CANADA (TCA-CANADA), SECTION LOCALE 2182 ET MARTIN GRÉGOIRE ET BRIAN MURPHY

demandeurs

-et-

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

Introduction

[1]               La question en litige dans la présente demande de contrôle judiciaire est celle de savoir si les primes de poste et de fin de semaine de 2 $ l’heure (les primes) payables en vertu d’une convention collective aux opérateurs radio qui travaillent à la Garde côtière canadienne (la Garde côtière) font partie du « traitement », tel que ce terme est défini au paragraphe 3(1) de la Loi sur la pension de la fonction publique, L.R.C. 1985, ch. P-36, et ses modifications (la Loi), et doivent à ce titre être incluses dans le calcul du traitement annuel moyen reçu par l’opérateur radio au cours des cinq meilleures années précédant la retraite, retenues aux fins de détermination du montant des prestations.

 

[2]               La définition de « traitement » dans la Loi a été modifiée par le législateur en 1975 en raison de l’arrêt de la Cour d’appel fédérale Gruber c. Canada (Conseil du Trésor), [1975] C.F. 578, qui n’a pas été porté en appel, et la définition est demeurée inchangée pour l’essentiel jusqu’à présent. Elle est ainsi rédigée :

TRAITEMENT signifie :

 

a) La rémunération de base versée pour l’accomplissement des fonctions normales d’un poste dans la fonction publique, y compris les allocations, les rémunérations spéciales ou pour temps supplémentaire ou autres indemnités et les gratifications qui sont réputées en faire partie en vertu d’un règlement pris en application de l’alinéa 42(1)e). [Non souligné dans l’original.]

 

SALARY means:

 

(a) as applied to the public service, the basic pay received by the person in respect of whom the expression is being applied for the performance of the regular duties of a position or office exclusive of any amount received as allowances, special remuneration, payment for overtime or other compensation or as a gratuity unless that amount is deemed to be or to have been included in that person’s basic pay pursuant to any regulation made under paragraph 42(1)(e).

[Emphasis mine]

 

[3]     L’alinéa 42(1)e) de la Loi autorise le gouverneur en conseil à prendre un règlement :

désignant, pour l’application de la définition de « traitement » au paragraphe 3(1), des allocations, une rémunération spéciale ou pour temps supplémentaire ou autres indemnités ou gratifications qui peuvent être incluses dans le taux de base du traitement d’une personne;

[Non souligné dans l’original.]

Deeming, for the purposes of the definition “salary” in subsection 3(1), an amount in respect of allowances, special remuneration, payment for overtime or other compensation or gratuity, to be or to have been included in the basic rate of pay of a person;

[Emphasis mine]

 

          Les parties s’accordent pour reconnaître qu’un tel règlement n’a pas été pris.

 

[4]     Conformément au guide sur l’administration des pensions de retraite (guide sur l’APR), un administrateur de régime de pension de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC) a décidé que ces prestations ne faisaient pas partie du « traitement », tel que défini dans la Loi.

 

[5]     L’administrateur de régime de pension a expliqué que les primes de poste et de fin de semaine n’étaient pas considérées comme un traitement de base parce que ce genre de primes n’étaient pas versées pour l’accomplissement des fonctions normales d’opérateur radio, mais plutôt pour les heures pendant lesquelles la tâche était exécutée. Il a déclaré que la convention collective indiquait clairement que ce genre de primes étaient payables seulement pour les heures de travail comprises entre 16 h et 8 h. Il a ajouté que la prime était versée parce que l’opérateur radio devait travailler la nuit et non parce qu’il ou elle accomplissait des fonctions différentes. L’administrateur de régime de pension a répondu à la question de M. Grégoire, à savoir pourquoi les indemnités de formation en milieu de travail ouvraient droit à une pension. L’administrateur a déclaré que ce travail était effectué selon les fonctions normales du poste (voir pièce A-4).

 

[6]     Les parties reconnaissent que cette décision est une décision continue au sens de l’arrêt Krause c. Canada (C.A.), [1999] 2 C.F. 476.

 

[7]     Les demandeurs sollicitent un jugement déclaratoire infirmant cette décision, lequel jugement prendrait effet dès son prononcé. 

 

[8]      Les demandeurs sont la section locale 2182 des TCA Canada (Section locale 2182 des TCA), l’unité de négociation du groupe des opérateurs radio au service de la Garde côtière; Martin Grégoire est le président de la Section locale 2182 et Brian Murphy en est membre.

 

[9]     La Section locale 2182 des TCA, au nom des opérateurs radio, et le Conseil du Trésor, au nom de l’employeur, ont conclu le 9 juin 2005 une convention collective qui expire le 30 avril 2007 (la convention collective). C’est la deuxième convention collective que les parties négocient, la première ayant expiré le 30 avril 2004. En fait, le groupe des opérateurs radio a un agent négociateur accrédité depuis 1984. Les deux parties conviennent toutefois que les questions relevant de la Loi ne peuvent pas faire l’objet de la négociation collective. (Voir alinéa 57(2)b) et Annexe II de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, laquelle a été abrogée et remplacée par la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, article 113).

 

[10]     Les primes de poste et de fin de semaine sont prévues à l’article 23 de la convention collective, ainsi rédigé :    

23.01 L’officier qui travaille pendant des postes alternatifs ou irréguliers touche une prime de poste de deux (2 $) dollars l’heure pour toutes les heures, y compris les heures supplémentaires, pendant la période comprise entre 16 h et 8 h (heure locale).

 

23.02              

a)  L’officier reçoit une prime supplémentaire de deux (2 $) dollars l’heure pour les heures de travail effectuées le samedi et/ou le dimanche, tel qu’il est stipulé à l’alinéa b) ci-après.  

 

b)  La prime de fin de semaine est versée pour toutes les heures de travail, y compris les heures supplémentaires, effectuées le samedi et/ou le dimanche.

 

c)  La prime de fin de semaine ne s’applique pas aux officiers occasionnels ou temporaires engagés pour moins de trois (3) mois, tels que définis dans la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique.

 

[11]     L’article 21 de la convention collective traite des heures de travail et des heures supplémentaires. Une distinction est faite entre les officiers préposés à l’exploitation et les officiers autres que ceux préposés à l’exploitation dans l’article de définition de la convention collective :

(i) « officier préposé à l’exploitation » désigne un officier pour qui les heures de travail sont prévues à l’horaire par roulement ou de façon irrégulière;

 

(ii) « officier autre que ceux de l’exploitation » désigne un officier pour qui les heures de travail ne sont pas prévues à l’horaire par roulement ou de façon irrégulière.

   

 

[12]     Les autres définitions suivantes figurant dans la convention collective méritent d’être reproduites ici :

(i)  « Indemnité » désigne la rémunération à verser pour l’exécution de fonctions spéciales ou supplémentaires;

 

(ii)  « Rémunération » désigne le traitement et les indemnités;

 

(iii)  « Heures supplémentaires » au paragraphe 21.08 désigne, dans le cas d’un officier à plein temps, le travail autorisé effectué en sus de ses heures de travail d’horaire normales. [Non souligné dans l’original.]   

 

     

[13]     Au départ, la présente instance était une action que les demandeurs ont introduite lorsqu’ils ont déposé une déclaration introductive d’instance le 6 juin 2003 pour demander le jugement déclaratoire susmentionné. Sa majesté la Reine a déposé une défense le 21 juillet 2003, à laquelle les demandeurs ont répondu le 6 août 2003.

 

[14]      L’affaire a été instruite comme une action avec le dépôt d’affidavits de documents, les interrogatoires préalables, la tenue d’une conférence préparatoire et la fixation d’une date d’audition de l’action.

 

[15]      Deux conférences préparatoires ont été tenues au cours desquelles on a discuté de l’impact de deux récents arrêts de la Cour d’appel fédérale touchant la question de savoir si l’instance aurait dû être introduite par voie de demande de contrôle judiciaire. Ces deux arrêts de la Cour d’appel fédérale sont Tremblay c. Canada, [2004] CAF 172, et Grenier c. Canada, [2005] CAF 348.

 

[16]      Après examen, l’avocat de la couronne a dit qu’il était d’avis que ces deux affaires s’appliquaient directement aux circonstances de l’espèce et que la présente affaire pouvait seulement se poursuivre par voie de contrôle judiciaire. Il a demandé la radiation de l’action, mais a proposé à titre subsidiaire un redressement qui a été accepté.   

 

[17]      La Cour n’était pas prête à radier l’action et, avec le consentement des parties, elle a ordonné que la présente action soit convertie en une demande de contrôle judiciaire suivant la décision Khaper c. Canada, (1999) 182 F.T.R. 78 (C.F. 1re inst.). Elle a en outre ordonné, se fondant sur le paragraphe 18.4(2) de la Loi sur les Cours fédérales (la Loi sur les Cours), que cette demande de contrôle judiciaire soit instruite comme s’il s’agissait d’une action, c’est-à-dire que les étapes de la procédure qui ont été franchies par les parties seraient reconnues et que les éléments de preuve seraient constitués des aveux faits dans les actes de procédure, des aveux obtenus à la suite d’une demande de reconnaissance et du témoignage oral des témoins. Le demandeur a produit un témoin, Martin Grégoire. L’unique témoin du défendeur était Joan Arnold.

 

[18]     Au début de l’audience, la Cour a ordonné que le nom du défendeur, Sa Majesté la Reine, soit changé pour celui de Procureur général du Canada.

 

Les faits  

[19]      Les faits essentiels en cause ne sont pas contestés.

 

[20]      Comme je l’ai déjà souligné, les opérateurs radio de la section locale 2182 parties à la présente instance travaillent à la Garde côtière dans le cadre de son programme de Services de communications et trafic maritimes (SCTM). La Garde côtière est une section du ministère des Pêches et Océans (MPO). Les attributions du ministre des Pêches et des Océans, en sa qualité de ministre responsable des services de garde côtière, comprennent les services de communication et de trafic maritimes conformément au sous-alinéa 41(1)a)(ii) de la Loi sur les océans.

 

[21]      Les membres de l’unité de négociation sont des officiers SCTM de l’un des vingt-deux centres SCTM au Canada situés dans les cinq régions de la Garde côtière du Canada et dans les eaux territoriales du Canada.

 

[22]     Les programmes spécifiques dont la Garde côtière est responsable sont :

• Les services de communications et de trafic maritimes;

• Les systèmes de navigation maritime;

• Le déglaçage;

• Le sauvetage, la sécurité et l’intervention environnementale;

• Les services d’exploitation et les services techniques;

• La gestion de la flotte.

 

[23]     Le mandat des SCTM est d’assurer :

•La sécurité des personnes en mer;

•La protection de l’environnement par la gestion du trafic;

•L’efficacité du mouvement des navires; 

•La prestation de renseignements connexes.

 

[24]      Les cinq principales fonctions de service accomplies par les officiers SCTM sont :

(1)   Détresse - Sécurité - Communications et coordination en vue de détecter les situations de détresse, d’intervenir en temps opportun et d’assurer les missions de sauvetage dans les eaux canadiennes;

 

(2)   Régulation du trafic maritime, ce qui comprend l’échange de renseignements entre les navires et les centres SCTM à terre afin que tous les navires présents dans une voie navigable donnée soient au courant du trafic maritime, des mouvements importants et des dangers immédiats pour la navigation. La régulation du trafic maritime comprend également l’identification et la surveillance des navires, la planification stratégique des mouvements des navires, ainsi que les renseignements sur la navigation et l’aide à la navigation;

 

(3)   Services de contrôle des navires pour empêcher la pénétration en eaux canadiennes des navires présentant un danger, en vérifiant s’ils présentent des défectuosités et des lacunes et s’ils sont conformes aux lois et règlements applicables au Canada afin de réduire les risques de pollution. Les officiers SCTM examinent également les demandes d’autorisation des navires pour vérifier leur conformité et surveillent le mouvement de chaque navire en eaux canadiennes;

 

(4)   Gestion d’un système d’information intégré engageant l’exécution d’activités tels :

 

•La collecte de renseignements de sources diverses;

 

•Le contrôle des renseignements afin d’en assurer l’exactitude/le caractère exhaustif;

 

•L’analyse des renseignements pour déterminer la conformité;

 

•La diffusion de renseignements, la coordination et la vérification de la mise en œuvre des mesures réglementaires visant les navires qui présentent des défectuosités ou lacunes;

 

•La réception d’avis sur la position des navires et des préavis d’arrivée à destination;

 

(5)  Services de correspondance publique fournissant des services de communication standards aux navires en mer qui permettent d’assurer la liaison tant à l’échelle nationale qu’internationale. Ce service fournit aux navires et aux installations à terre les moyens de communiquer à l’échelle nationale et internationale à des fins commerciales et privées en veillant à recouvrer les coûts, et à cette fin :

 

établir des liaisons téléphoniques dans les deux sens, à savoir entre les navires et la terre sur les bandes VHF, MF et HF et par radiotélégramme;   

 

transmettre les messages relatifs aux affaires des navires, aux besoins en matière d’équipement, aux instructions de chargement et de déchargement et aux heures estimées d’arrivée, aux demandes de quarantaine, les messages demandant qu’un médecin soit sur les lieux à l’arrivée d’un navire, de même que les messages privés destinés aux passagers et à l’équipage.    

 

 

[25]     Les officiers SCTM servent cinq principales catégories de clients :

Les transporteurs commerciaux, dont les transporteurs étrangers et les bateaux de l’État;

 

•Les bateaux de pêche commerciale;

 

•Les plaisanciers;

 

•Le grand public;

 

•Les autres ministères et organismes gouvernementaux y compris les provinces.

 

 

[26]    Le programme SCTM doit être opérationnel vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept pendant toute l’année. Les services des employés préposés à l’exploitation dans les centres SCTM sont essentiels à tout moment; ces employés préposés à l’exploitation occupent des postes désignés, c’est-à-dire que les services qu’ils offrent ne peuvent pas être interrompus par une grève. Environ 90 % des membres de la Section locale 2182 des TCA sont des officiers préposés à l’exploitation.

 

[27]      La plupart des officiers préposés à l’exploitation ont des postes de douze heures, normalement de 7 h 30 à 19 h 30 (poste de jour) ou de 19 h 30 à 7 h 30 (poste de nuit). Ils travaillent habituellement quatre postes d’affilée et se reposent les quatre jours qui suivent. Tous les employés préposés à l’exploitation travaillent par équipes rotatives. Quatre centres fonctionnent par postes de huit heures.

 

[28]      Les employés préposés à l’exploitation doivent travailler le samedi et le dimanche parce que les services de sécurité qu’ils fournissent doivent être opérationnels vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept. 

 

L’historique législatif de la définition de traitement

 

[29]     L’historique législatif de la définition de « traitement » dans la Loi est le suivant :

 

[30]     Aux fins de pension, « traitement » était d’abord défini dans la Loi de la pension du service civil de 1924 à l’alinéa 2k) comme suit :

« Traitement » d’un contributeur signifie le traitement régulier versé à l’égard de son service, ainsi que la valeur des allocations de subsistance et de résidence, mais ne comprend pas une allocation ni un paiement pour surtemps ni d’autres allocations ou paiements supplémentaires, ni une gratification. [Non souligné dans l’original.]

 

 

[31]     Le libellé de la définition de « traitement » a été légèrement modifié dans la Loi sur la pension du service civil de 1944. L’alinéa 2l) était ainsi rédigé :

« Traitement » d’un contributeur signifie le traitement ou la rémunération régulière versée à l’égard de son service, ainsi que la valeur des allocations de subsistance et de résidence, mais ne comprend pas une allocation ni un paiement pour surtemps ni d’autres allocations ou paye supplémentaires, ni une gratification. [Non souligné dans l’original.]

 

 

[32]     En 1953, une importante simplification a été opérée dans la définition lorsque la loi était intitulée Loi sur la pension du service public. Le « traitement » est simplement défini à l’alinéa 2(l) comme suit :

« Traitement » signifie la rémunération reçue pour l’exercice des fonctions régulières d’un poste ou d’une charge; [Non souligné dans l’original.]

 

 

[33]     En 1960, la Loi a été modifiée par ajout d’un renvoi à la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes et à la Loi sur la pension de retraite de la Gendarmerie royale du Canada.

 

[34]     La définition de « traitement » a été modifiée au paragraphe 2(1) comme suit, et il importe de souligner que c’est cette définition que la Cour d’appel fédérale a pris en compte dans l’arrêt Gruber, précité :

« Traitement », relativement à la Fonction publique, désigne la rémunération reçue par la personne que vise l’expression pour l’exercice des fonctions régulières d’un poste ou d’une charge, et, relativement à la force régulière ou à la Gendarmerie, désigne la solde ou la solde et les allocations, selon le cas, applicables quant à cette personne, déterminées en vertu de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes ou de la Loi sur la pension de retraite de la Gendarmerie royale du Canada. [Non souligné dans l’original.]

 

[35]     Quelques mois après l’arrêt Grube, la définition de « traitement », applicable à la fonction publique, a été substantiellement reformulée en 1975. Elle est ainsi formulée à l’article 2.1 :

TRAITEMENT

 

a) La rémunération de base versée pour l’accomplissement des fonctions normales d’un poste dans la fonction publique, y compris les allocations, les rémunérations spéciales ou pour temps supplémentaire ou autres indemnités et les gratifications qui sont réputées en faire partie en vertu d’un règlement pris en application de l’alinéa 42(1)e).

[Non souligné dans l’original.]

SALARY

 

(a) as applied to the public service, the basic pay received by the person in respect of whom the expression is being applied for the performance of the regular duties of a position or office exclusive of any amount received as allowances, special remuneration, payment for overtime or other compensation or as a gratuity unless that amount is deemed to be or to have been included in that person’s basic pay pursuant to any regulation made under paragraph 42(1)(e).

[Emphasis mine]

    

[36]     La version de la définition de « traitement » de 1975 est actuellement en vigueur.

 

L’arrêt Gruber

[37]     Comme je l’ai souligné, la définition courante de « traitement » dans la Loi a été édictée par le législateur après que la Cour d’appel fédérale ait rendu l’arrêt Gruber, précité, le 4 juin 1975, par lequel elle a accueilli un appel interjeté contre la décision d’un juge de première instance (le juge Walsh), publiée à [1974] 2 C.F. 384, qui rejetait l’action que M. Gruber avait intentée contre le Conseil du Trésor.

 

[38]     Monsieur Gruber, fonctionnaire à la retraite qui avait occupé les fonctions d’ingénieur au sein du groupe du génie et de l’arpentage de la catégorie scientifique et professionnelle, demandait que deux montants qui lui avaient été versés aux termes de la convention collective conclue le 4 novembre 1969 fassent partie de son traitement à des fins de pension de retraite.

 

[39]     Le premier montant était de 3 231,08 $, décrit dans la convention collective comme une indemnité de règlement. Le deuxième montant était de 412,64 $, ce à quoi il avait eu droit d’après les dispositions de la convention collective parce qu’il était rémunéré selon une échelle de retenue (salaire bloqué), lorsque, le 1er juillet 1969, il avait été reclassé de la catégorie génie 6, où touchait le plus fort taux de rémunération applicable, à la catégorie génie 4, où le taux maximum de rémunération était inférieur d’environ 1 000 $ au taux de sa catégorie antérieure. Sur ces deux montants, on avait opéré des déductions au titre de l’impôt sur le revenu ainsi que d’autres déductions normalement applicables aux traitements, mais on n’avait par contre fait aucune déduction pour les cotisations au titre de la pension de retraite parce que le Conseil du Trésor n’avait pas cru bon de prendre en considération ces deux montants aux fins de la pension de retraite.

 

[40]     Il est utile de rappeler que dans sa définition de 1960 formulée dans la Loi sur la pension de la fonction publique relativement à la fonction publique, le terme traitement « désigne la rémunération reçue par la personne que vise l’expression pour l’exercice des fonctions régulières d’un poste ou d’une charge... »

 

[41]     Après avoir admis la preuve orale de deux témoins qui avaient participé à la négociation de la convention collective au cours de laquelle il avait été question des deux montants en litige, ainsi que la documentation relative à la question de savoir si les deux montants versés à M. Greber faisaient partie du traitement, et examiné le « guide des autorisations » de la défenderesse définissant ce qui constitue le « traitement » aux fins de contributions, entre autres les allocations et la rémunération supplémentaire qui font partie du traitement, les allocations et la rémunération supplémentaire qui ne font pas partie du traitement et ce qui constitue le « traitement » aux fins de prestations, le juge Walsh a formulé cette mise en garde au paragraphe 5 de ses motifs :

... Toutefois, il faudrait souligner que l’admission de ces témoignages et documents ne signifie pas que la Cour doive s’y tenir pour trancher le litige. L’interprétation qu’on doit donner de la Loi sur la pension de la Fonction publique ainsi que son application à la convention collective en question ne peuvent être établies de façon concluante par l’interprétation donnée par le conseil du Trésor dans son guide des autorisations, par les négociateurs qui ont pris part aux négociations aboutissant à la convention ni par les consultations données aux parties par leurs conseillers juridiques; elles doivent au contraire être appréciées par la Cour elle-même après avoir dûment soupesé toutes les preuves admissibles. [Non souligné dans l’original.]

 

 

 

[42]     Le juge Walsh a ensuite résumé le témoignage rendu par les négociateurs de la convention collective – M. Brooks au nom des employés et M. Reid au nom du Conseil du Trésor. Tous deux ont dit que la question de savoir si les indemnités de règlement ne devaient pas faire partie de la rémunération des employés aux fins de la pension de retraite n’était pas le point central des négociations, dont la majeure partie a porté sur la date d’entrée en vigueur de la conversion et sur le point de savoir si les employés pourraient bénéficier d’un paiement rétroactif important ou d’une indemnité. Brooks a témoigné que les représentants des employés prétendaient que leurs traitements devaient être ajustés à la hausse, mais que le Conseil du Trésor avait refusé de sorte que, pour les inciter à signer, on leur a versé plutôt une indemnité de règlement équivalente à ce qu’ils auraient gagné. D’après lui, il ne s’agissait pas d’une rémunération perçue à titre de compensation pour l’exercice de fonctions régulières mais plutôt d’une indemnité permettant aux deux parties de parvenir à un accord, mais il a admis que l’objet des négociations menées par l’Institut professionnel pour le compte des employés du groupe en question portait sur une rémunération rétroactive et que l’indemnité n’était payable que pour chaque période de paye où l’employé avait touché au moins dix jours de rémunération.

 

[43]     Le juge Walsh a également fait observer que si l’Institut professionnel avait été accrédité au début des négociations en 1967 plutôt que le 19 mars 1969, l’agent de négociation aurait négocié les rémunérations futures plutôt que les rémunérations rétroactives.

 

[44]     Dans son appréciation de la preuve, il a fait référence à un rapport, établi par M. Brooks et adressé aux membres de l’unité de négociation aux fins de ratification, qui indiquait que l’indemnité de règlement était un paiement forfaitaire qui ne modifierait pas les taux de rémunération des employés, n’augmenterait leur pension de retraite ni ne serait versée postérieurement au 30 juin 1969.

 

[45]     Il a en outre fait référence à la position du Conseil du Trésor de ne pas considérer les deux paiements à des fins de pension de retraite, exposée comme suit dans une lettre du chef de la politique de développement de la direction des services de rémunération datée du 16 janvier 1973 (pièce P-6) :

 

[TRADUCTION] Comme de nombreux paiements touchés par les contributeurs en vertu de la Loi sur la pension de la Fonction publique ne constituent certainement pas une rémunération pour l’exercice de fonctions régulières et continues, le Conseil du Trésor a établi des directives indiquant les catégories d’allocations et de rémunération supplémentaire qu’on peut considérer comme faisant partie du traitement à des fins de pension de retraite. Les versements qu’on peut assimiler à une rémunération au titre d’heures supplémentaires, de conditions de travail inhabituelles, de l’isolement, du temps de voyage, etc. ne sont pas considérés avoir un lien avec l’exercice de fonctions régulières et, en conformité de l’article 2(1) de la Loi sur la pension de la Fonction publique, ils sont exclus du traitement aux fins de pension de retraite et ni les cotisations ni les prestations ne sont fondées sur de telles sommes. [Non souligné dans l’original.]

 

 

[46]     De plus, il a déclaré que les « directives » dont il est fait mention dans la pièce P-6 sont celles qui sont énoncées dans le guide des autorisations (pièce P-8), un précurseur du guide sur l’APR, où il est indiqué au paragraphe 09.2.1 :

Par contre, le Conseil du Trésor est d’avis que les paiements autorisés en raison des conditions de vie et autres circonstances qui ne se rapportent pas aux fonctions ou obligations, par exemple les sommes globales autorisées à l’intention des employés placés dans des échelles ou barèmes de retenue, les sursalaires versés le long de la « Staging Route » du Nord-Ouest, les allocations relatives au transport, à l’isolement, au coût de la vie et aux conditions locales versées aux employés à taux régnant, - ne devraient pas entre considérés comme rémunération aux fins de la Loi sur la pension du service public. [Non souligné dans l’original.]

 

 

[47]     L’essentiel des motifs du juge Walsh porte sur la signification mot « rémunération » dans la définition du terme traitement. Il a fait remarquer au paragraphe 11 que l’avocat du Conseil du Trésor, « tout en admettant que le mot rémunération a un sens large et pourrait s’interpréter comme englobant toute source de rémunération touchée par un employé pour services rendus », a prétendu que les indemnités de règlement prévues dans la convention collective ne constituaient pas une rémunération au sens de la Loi sur la pension de la Fonction publique pour l’exercice des fonctions régulières.         

 

 

[48]     Le juge Walsh a exposé ses conclusions aux paragraphes 12, 13 et 14 de ses motifs :

12     On s’accorde pour dire qu’au cours de la période en cause le demandeur a exercé ses fonctions régulières et que, pendant chaque période de paye, il a touché « au moins dix jours de salaire » et le demandeur soutient que si la convention avait été signée plus tôt, les paiements n’auraient pas été effectués rétroactivement et indiscutablement, ils n’auraient pas été versés en tant que rémunération pour l’exercice des fonctions régulières de son poste.

 

13     Il ne fait aucun doute que dans une certaine acception du mot tout paiement versé à un employé ou, comme dans la présente affaire, à un groupe d’employés, sous forme de rémunération pour les fonctions qu’ils ont exercées ou qu’ils exerceront, constitue une forme d’encouragement afin de se conserver leurs services et leurs bons offices. D’un autre côté, tout paiement reçu par lui, quelle que soit son appellation, sera considéré par lui comme faisant partie de la rémunération qu’il touche pour ses fonctions. Appliquer cette dernière interprétation au mot « rémunération » tel qu’il est utilisé dans la définition du mot « traitement » dans la Loi sur la pension de la Fonction publique, aurait pour effet, aux fins de la pension de retraite, d’inclure les sommes touchées pour les heures supplémentaires, les frais de transport, les indemnités d’éloignement, les indemnités de vie chère, les indemnités pour études à temps partiel et autres allocations particulières analogues; à mon sens, cela n’est pas une interprétation correcte de la Loi, car le mot « rémunération » est limité à ce qui est reçu « pour l’exercice des fonctions régulières d’un poste ou d’une charge ». On doit lire la convention collective à la lumière de cette interprétation des dispositions de la Loi sur la pension de la Fonction publique et, indépendamment des témoignages de Brooks et Reid, de la correspondance entre les conseillers juridiques des parties, du rapport présenté par Brooks ayant trait aux négociations et du guide des autorisations de la défenderesse, je ne considère pas que la convention collective prise dans son ensemble permette l’interprétation que veut lui donner le demandeur [...]

 

14     Il me semble que la « rémunération » dont il est fait mention dans la définition du « traitement » dans la Loi sur la pension de la Fonction publique pour l’exercice des « fonctions régulières », doit se limiter à une rétribution normale pour une période de travail normale et exclure toute rétribution spéciale résultant de situations spéciales qui se sont produites dans le cours de l’emploi, même si cette rétribution peut provenir de l’accomplissement du travail. La convention collective soumise à la Cour en l’espèce est issue d’une première négociation entre l’Institut professionnel du service public du Canada, représentant le groupe du génie et de l’arpentage, et le Conseil du Trésor et, en plus d’établir des taux de rémunération fixes qui ont été précisés après la négociation dans l’appendice « A1 » elle réglait le problème du « salaire bloqué » de certains employés. Le problème s’est trouvé compliqué par le temps considérable qui s’est écoulé avant la conclusion de la convention et sa signature, ce qui a entraîné, en vertu de l’article 20.02, des paiements avec effet rétroactif pour deux années et, en vertu de l’article 20.08, des paiements avec effet partiellement rétroactif pour l’année commençant le 1er juillet 1969. En considérant la convention dans son ensemble, il appert que, tout en ayant pu constituer à la fois et au même moment des stimulants offerts par la défenderesse pour obtenir la signature de la convention et une rémunération supplémentaire touchée par le demandeur et les autres membres du groupe d’employés en raison de leurs services, qui pour la plupart avaient déjà été rendus, on pouvait, dans la convention, distinguer très nettement, séparer et détacher ces paiements spéciaux des taux de rémunération exposés à l’appendice « A1 ». Ils constituaient un paiement unique et ne représentaient pas, au regard de la rémunération ordinaire, un changement des taux exposés à l’annexe et, de ce fait, j’ai conclu qu’ils ne relevaient pas de la définition du mot « traitement » tel qu’il est utilisé dans la Loi sur la pension de la Fonction publique.  [Non souligné dans l’original.]

 

[49]      Comme je l’ai souligné, la Cour d’appel fédérale a infirmé la décision du juge Walsh. Le juge en chef Jacket a rédigé les motifs de la Cour auxquels les juges Pratte et Ryan ont souscrit. Le juge en chef a déclaré que l’unique question en litige dans cet appel était celle de savoir si certains montants reçus par l’appelant en vertu de la convention collective constituaient un « traitement » au sens où ce mot est défini au paragraphe 2(1) de la Loi sur la pension de la fonction publique. Il a déclaré au paragraphe 5 de ses motifs que le gouvernement soutient que ces deux paiements spéciaux en litige ne font pas partie de la « rémunération reçue » par l’appelant « pour l’exercice des fonctions régulières » du poste qu’il occupe au sein de la Fonction publique et, par conséquent, ne font pas partie de son « traitement » au sens de ce terme dans la Loi.

 

[50]     Je reproduis les paragraphes 6 et 7 des motifs qui constituent l’essence de la décision du juge en chef :

6     En stricte analyse, selon moi, une augmentation rétroactive du « traitement » au sein de la Fonction publique constitue une « indemnité ». Lorsque le fonctionnaire exécute les tâches requises par les fonctions de son poste, on lui paie un traitement (rémunération) qui lui revient de plein droit en contrepartie de ces services. Lorsque les taux de rémunération sont augmentés rétroactivement, il reçoit en fait un montant supplémentaire dûment autorisé ou une « indemnité » à l’égard de ces services. Même si une telle indemnité est autorisée ou convenue après coup, elle n’en constitue pas moins un paiement (rémunération) versé en contrepartie de ces services même si ces derniers ont déjà été rendus. Ces paiements sont pris sur les fonds affectés aux traitements versés par la Fonction publique et toute somme versée à l’employé à même les fonds publics ne peut se justifier que comme rémunération des services rendus par celui-ci au gouvernement. À mon avis, la situation ne change pas du seul fait que l’on désigne un paiement rétroactif d’un nom particulier, tel qu’« indemnité de règlement » ou « somme forfaitaire ». Nous devons tenir compte du fond, sans nous laisser leurrer par les mots utilisés, (comparer avec l’arrêt Curran c. M.R.N.) ni non plus, à mon avis, par le fait qu’une indemnité est qualifiée d’indemnité « de règlement ». À mon avis, toute concession aux souhaits ou aux demandes d’une partie n’est faite qu’en vue de parvenir à un « règlement ». De ce point de vue, je ne vois aucune différence entre les augmentations de traitement valables pour l’avenir et les augmentations rétroactives et, à mon avis, le fait de donner un nom fantaisiste à une augmentation rétroactive du traitement ne change pas la situation.

 

7     L’intimée se fonde sur l’énoncé de la définition du terme « traitement », notamment la référence à la rémunération pour l’exercice de « fonctions régulières » d’un poste. Aucun des faits en l’espèce ne permet, à mon avis, d’invoquer ces termes. À notre connaissance, l’appelant n’exerça que des « fonctions régulières » de son poste en contrepartie de quoi il reçut les montants en cause. [Non souligné dans l’original.]

 

La structure de la Loi

[51]     La Loi constitue la Caisse de retraite de la fonction publique (le Régime) dans laquelle sont versées les contributions de l’employeur, les contributions de l’employé et les revenus générés par les placements de ces contributions et sur laquelle les prestations déterminées sont payables. Le Régime est généralement défini comme un régime de pension à prestations déterminées.

 

[52]     Sauf quelques exceptions, toute personne employée dans la fonction publique du Canada est tenue de contribuer au Régime aux taux prévus au paragraphe 5(1.1) de la Loi. En général, encore une fois sauf quelques exceptions, ces taux sont les suivants :

a)  Quatre pour cent de la portion de son traitement qui ne dépasse pas le maximum des gains annuels ouvrant droit à pension, au sens du Régime de pensions du Canada. Ce maximum est actuellement de 42 000 $;

 

b) sept et demi pour cent de son traitement qui dépasse 42 000 $.           

 

[53]     La Loi a été récemment modifiée afin d’autoriser le Conseil du Trésor à fixer les taux de contribution d’un employé, plutôt que de les fixer dans la loi. Ces taux sont maintenant de 4,3 % du traitement qui ne dépasse pas 42 000 $ et de 7,3 % de la portion du traitement qui dépasse 42 000 $.

 

[54]     Le montant de la contribution du gouvernement du Canada n’est pas fixe. Toutefois, lors de chaque exercice, le président du Conseil du Trésor est tenu en vertu de l’article 44.2 de la Loi de déposer auprès de la caisse, pour chaque mois et dans les trente jours suivant le dernier jour du mois en cause le montant que le ministre détermine sur l’avis d’actuaires et qui, selon lui, est nécessaire pour couvrir le coût des prestations acquises pour ce mois relativement au service courant et qui deviendront payables par la caisse, de même que le montant que le président du Conseil du Trésor détermine en fonction de la somme globale versée à la caisse pendant le mois précédent sous forme de contributions à l’égard du service passé. Ce type de financement appelé « régime par répartition » ne permet pas les déficits.

 

[55]     La prestation déterminée payée à un fonctionnaire à la retraite est définie au paragraphe 11(1) de la Loi qui dispose que, lorsqu’il a cessé d’être employé dans la fonction publique, un contributeur ayant au minimum deux années de service ouvrant droit à pension a droit à une prestation égale à deux pour cent de la moyenne de son revenu des cinq meilleures années consécutives, le produit de cette opération étant multiplié par le nombre d’années de service ouvrant droit à pension, qui ne doit pas excéder pas trente-cinq ans pour ce contributeur.

 

Le guide sur l’APR

[56]     Les parties conviennent que le président du Conseil du Trésor a la responsabilité d’ensemble de la gestion de la capitalisation, du financement et de l’orientation stratégique du régime de pension de retraite de la fonction publique et est le ministre responsable aux termes de la Loi. Toutefois, en vertu de l’article 13 de la Loi sur le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux et d’un décret pris en vertu de cet article, l’administration quotidienne du Régime incombe à TPSGC.

 

[57]     Les parties conviennent également que le Guide sur l’administration des pensions de retraite (guide sur l’APR), produit par TPSGC, oriente les administrateurs de régime dans leur fonction. Elles conviennent que le guide sur l’APR n’a pas force obligatoire et a été uniquement élaboré à des fins administratives. Ce guide comporte une énumération des « allocations » qui ont été antérieurement réputées faire partie ou non du « traitement » pour l’application de la Loi.

 

[58]     Cette concession faite par les deux avocats, à savoir que le guide sur l’APR et  la politique du Conseil du Trésor n’ont pas force de loi est appropriée. Il est de droit constant que ces directives ou politiques n’ont pas force obligatoire, à moins qu’on n’y fasse référence dans une loi ou un règlement et en l’absence d’un pouvoir à cet effet prévu dans la loi (voir Capital Cities Communications Inc. c. Conseil de la Radio-Télévision canadienne, [1978] 2 R.C.S. 141, p. 169 et 170, ainsi que Superintendent of Brokers c. Pezim et al., [1994] 2 R.C.S. 557, p. 596).      

 

[59]     À cet égard, l’avocat des demandeurs a déclaré au paragraphe 50 de son mémoire :

[Traduction] Ni la Loi sur la pension de la fonction publique ni le Règlement sur la pension de la fonction publique ne contiennent de dispositions qui obligent à donner force de loi aux politiques du Conseil du Trésor ou au guide sur l’APR de TPSGC. De plus, le fait que les paragraphes 42(1) et 42.1(1) de la Loi prévoient la possibilité de préciser par règlement le sens de « traitement » au paragraphe 3(1) et qu’aucun règlement n’a été pris à cette fin empêche implicitement de donner force de loi aux « politiques » internes, larges ou restreintes, du Conseil du Trésor ou de TPSGC, y compris le guide sur l’APR.         

 

 

[60]     Soit dit en passant, je constate après avoir examiné tous les documents produits, la plupart de consentement, que le guide actuel sur l’APR contient plusieurs listes simples d’allocations, de rémunération supplémentaire et d’avantages accessoires ne faisant pas partie du traitement, listes constituées selon le principe voulant que : « [d]e façon générale, il s’agit de versements autorisés pour tenir compte des conditions de vie et autres circonstances non rattachées aux fonctions ou responsabilités », un énoncé de principe qui remonte aux années 1950, années où les premières listes ont été dressées avant d’être reprises sous différentes appellations, en l’occurrence le guide des autorisations. Le guide sur l’APR en cours contient également des listes d’allocations et de rémunération supplémentaire qui font partie du traitement selon le d’un principe suivant : « En général, il s’agit de paiements autorisés pour des tâches ou des responsabilités supplémentaires. ». On retrouve aussi à la section 2.7.1 du guide sur l’APR un énoncé de principes plus général qui remonte également à 1956.

 

[61]     Je ne pense pas que les listes soient très utiles en soi parce que pour expliquer pourquoi une allocation précise est considérée comme faisant partie ou non du traitement, il faut examiner les documents de base à l’origine de la décision. La Cour disposait de documents de base pertinents et du témoignage de Mme Arnold.

 

[62]     Les parties conviennent également que la section 2.7.1 du guide sur l’APR énonce ce qui suit à l’égard de la distinction entre les allocations ouvrant droit à pension et les autres gratifications qui n’ouvrent pas droit à pension. Les remarques formulées dans cette section comportent deux volets.

 

[63]     La première remarque est ainsi rédigée :

Dans plusieurs postes, les employés reçoivent des allocations, des avantages accessoires et/ou une rémunération supplémentaire qui peuvent, ou non, faire partie du traitement. Les normes spécifiées par le Conseil du Trésor indiquent que les allocations versées en considération de fonctions et obligations accrues, ou les allocations pour les repas et le logement et autres avantages accessoires d’ordre domestique sont considérées en tant que « traitement » aux fins de la Loi sur la pension de la fonction publique.

 

Par contre, les paiements autorisés en raison des conditions de vie et autres circonstances qui ne se rapportent pas aux fonctions ou obligations (p. ex. les paiements de somme forfaitaire autorisés à l’intention des employés placés dans des échelles de retenues, et aux allocations relatives à l’isolement ou à la vie chère, etc.) ne sont pas considérés en tant que « traitement » aux fins de la Loi sur la pension de la fonction publique.

 

[64]     Il importe de souligner que le libellé de cette remarque est en grande partie le même que celui qui a été mis en preuve devant le juge Walsh (voir paragraphes 45 et 46 des présents motifs).

 

[65]     Le deuxième remarque est la suivante :

 

Ce guide ne vise pas à annuler et remplacer toute directive antérieure expresse du Conseil du Trésor.

 

Les appendices V jusqu’à VIII comprennent une liste des allocations, des avantages accessoires et des paiements spéciaux pour lesquels une décision a été prise selon les normes. Les ajouts ou les suppressions futurs seront effectués lorsque nécessaire. 

 

[66]     La section 2.8.7 du guide sur l’APR est l’appendice VII qui énumère les allocations et surpaye qui ne font pas partie du traitement. La prime de travail par postes y est spécifiquement mentionnée. Pendant les débats, il a été souligné que les primes de fin de semaine ne figurent pas dans cet appendice. Cette non-mention a été qualifiée d’« omission » par Mme Joan Arnold qui se fondait d’autres documents dans lesquels le samedi et le dimanche sont considérés comme ne faisant pas partie du traitement.

 

La position des parties

a) Position des demandeurs

 

[67]     L’avocat des demandeurs a fait valoir plusieurs points. Il a d’abord soutenu dans son mémoire écrit que l’administrateur de régime de pension [traduction] « a appliqué machinalement les directives exposées dans son Guide sur l’administration des pensions de retraite (APR) et les politiques établies par le Conseil du Trésor pour déterminer qu’aucune prime de poste ou de fin de semaine ne correspondait à la définition de traitement. En agissant ainsi, et sans examiner les circonstances dans lesquelles de telles primes ont été payées, TPSGC a appliqué ses directives et les politiques du Conseil du Trésor comme si elles avaient force de loi, sans tenir compte du libellé du par. 3(1) de la LPFP ».

 

[68]     Deuxièmement, il a soutenu également que la Loi confère des avantages et qu’elle doit être interprétée de façon libérale et généreuse, tout doute découlant de l'ambiguïté des textes devant se résoudre en faveur des demandeurs. À son avis, [traduction] « étant donné les exigences de l’employeur et la nature des activités exercées par les employés touchés, le terme « traitement » dans ces circonstances particulières devrait être interprété de façon à inclure les primes de poste et de fin de semaine payées conformément à la convention collective en vigueur ».

 

[69]     Troisièmement, il a fait valoir que [traduction] « selon les principes d’interprétation législative établis et vu l’objet et l’esprit de la LPFP, ces primes de poste et de fin de semaine devraient être réputées incluses dans la « rémunération de base » puisqu’elles sont directement reliées à un aspect intégral des « fonctions normales » accomplies par ces personnes, c.-à-d. assurer la sécurité de la navigation à l’intérieur des eaux canadiennes en tout temps. Si une telle interprétation s’écartait du sens ordinaire du terme « rémunération de base », cet écart serait plausible étant donné le contexte factuel et il serait justifié pour satisfaire aux objets de la LPFP ».

 

[70]     Il a renvoyé à des décisions arbitrales du travail pour établir l’objet des primes de poste et de fin de semaine dans la présente affaire. La première de ces décisions est l’affaire Re: Associated Freezers of Canada Ltd. c. Teamsters Union (Local 419) [1979], 23 L.A.C. (2d) 40, dans laquelle on a soutenu que les primes de fin de semaine avaient été établies pour [traduction] « rémunérer un employé tenu de travailler régulièrement le samedi et le dimanche dans le cadre de sa semaine normale de travail [...] du fait qu’il doit travailler en dehors des heures normales (c.-à-d. le samedi et le dimanche) ».

 

[71]     La deuxième décision invoquée par l’avocat des demandeurs est l’affaire Re: Consumers Glass, Milton & U.S.W.A., Local 229G (2000) 59 C.L.A.S. 308, au soutien de la proposition selon laquelle la prime du dimanche n’est pas une prime d’heures supplémentaires et qu’elle a été établie pour rémunérer l’employé qui doit travailler en dehors des heures normales, le dimanche. À son avis, une prime de poste, telle la prime du dimanche, est établie pour rémunérer un employé qui travaille en dehors des heures normales. Il a soutenu qu’en l’espèce la totalité des employés préposés à l’exploitation, constituant environ 90 % de l’unité de négociation, sont tenus par l’employeur et la nature de leur emploi d’assurer un service 24 heures sur 24 / 365 jours par année aux navires circulant dans les eaux canadiennes. Contrairement à la majorité des autres lieux de travail, il n’y a pas de « temps d’arrêt ». Il ajoute que la rémunération reçue par les membres de l’unité de négociation sous forme de primes de poste et de fin de semaine est directement reliée à la nature des fonctions qu’ils exercent. Aussi estime-t-il que ces primes sont plus qu’une simple rémunération versée pour du « travail effectué en dehors des heures normales » et qu’elles font partie intégrante de la rémunération versée pour l’exercice de leurs fonctions régulières durant les heures normales de travail.  

 

b) Position du défendeur                                           

 

[72]    À l’appui de la position du procureur général du Canada, selon laquelle la décision contestée de ne pas reconnaître les primes de poste et de fin de semaine comme faisant partie du traitement ouvrant droit à pension était raisonnable ou correcte, l’avocat du défendeur a fait valoir les propositions suivantes.

 

[73]    Premièrement, pour déterminer si une rémunération ou un paiement particuliers font partie du traitement ouvrant droit à pension, conformément à la LPFP, le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada et TPSGC considèrent comme faisant partie de la rémunération de base versée pour l'exercice des fonctions régulières, et par conséquent comme faisant partie du « traitement », la rémunération qui est versée pour l’exercice des fonctions régulières durant les heures normales de travail. Les autres indemnités ne sont pas considérées comme faisant partie du « traitement », car elles ne sont pas versée relativement aux fonctions mais plutôt au titre d’autres conditions. Qu’un montant soit appelé « indemnité » ou pas n’est pas déterminant quant à sa caractérisation pour l’application de la Loi.

 

[74]      Il prétend, de façon constante, que le Conseil du Trésor et TPSGC ainsi que leurs prédécesseurs ont compris que la rémunération versée au titre de la « prime de poste » et la « prime de fin de semaine » ne fait pas partie intégrante de la rémunération de base et qu’elle ne constitue pas, par conséquent, un traitement ouvrant droit à pension aux termes de la LPFP. En outre, il affirme que ces primes sont considérées comme étant des primes payables pour les heures travaillées, plutôt que pour l’exercice de fonctions différentes.

 

[75]     Il souligne que le Conseil du Trésor et Travaux publics et leurs prédécesseurs ont créé, en application de la Loi, un corpus complexe de décisions administratives découlant de leurs réflexions sur l’essence de chaque question qui leur a été soumise relativement à la question de savoir si une forme particulière de rémunération ouvre droit à pension. Il renvoie ensuite aux paragraphes 18 et 19, déjà cités dans les présents motifs, afin d’illustrer la ligne de démarcation entre les indemnités ouvrant droit à pension et celles qui n’y ouvrent pas droit.

 

[76]    En ce qui concerne les principes d'interprétation législative applicables, il ne s’est pas dissocié des principes énoncés par l’avocat des demandeurs et exprimés par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Rizzo & Rizzo Shoes, précité. Il a souligné que la méthode privilégiée reconnaît le rôle important que le contexte doit inévitablement jouer dans l'interprétation du texte d'une loi par les tribunaux et que la loi doit être lue en fonction du problème qu’elle vise à régler. Il a également souligné qu’il faut interpréter les dispositions de la Loi conformément à son objet et que tant l'historique de la Loi que l'examen de ses dispositions dans leur ensemble sont pertinents s’agissant du sens à attribuer au « traitement » tel qu’il est défini dans la loi.

 

[77]    Il a soutenu que lorsqu’on lit les termes du paragraphe 3(1) dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, le traitement des demandeurs et des autres membres de la fonction publique fédérale ne comprend pas les primes de poste et de fin de semaine aux fins de la pension de retraite.

 

[78]     Il prétend que le paragraphe 3(1) de la Loi indique clairement et sans ambiguïté que c’est uniquement la rémunération versée pour l’accomplissement des « fonctions normales » d’un poste qui constitue le « traitement ». Il ajoute que la disposition indique clairement aussi que le « temps supplémentaire » ou « autres indemnités », notamment, ne font pas partie intégrante du traitement. Il déclare que les primes de poste et de fin de semaine sont des rémunérations versées pour pallier les inconvénients de cette forme particulière de travail par roulement et il fait valoir que les fonctions normales du poste ne changent pas du fait qu’elles sont exercées les fins de semaine ou en dehors de ce qui constitue les heures normales de travail de la majorité de la population active. Il estime que la rémunération ouvrant droit à pension vise « les fonctions » exercées et non « le moment » où elles le sont.

 

[79]     Il allègue que dans le but de rémunérer les employés qui exercent des fonctions régulières à d’autres moments de la semaine, les négociateurs, à la table de négociation collective, négocient des primes additionnelles en sus du traitement versé pour l’exercice des fonctions régulières durant la semaine de travail. Il déclare que ces primes sont supprimées lorsque l’employé reprend un horaire de travail établi dans le cadre d’une semaine « normale » de travail, et à cette condition. Il conclut sur ce point en disant que le législateur a clairement indiqué comment le traitement doit être calculé, qu’il a expressément prévu la prise en compte des fonctions régulières dans le calcul du traitement et délibérément exclu la prise en compte de ces exceptions que sont les allocations, les rémunérations spéciales ou pour temps supplémentaire ou autres indemnités et les gratifications, puis il termine en déclarant que [traduction] « les primes de fin de semaine et de poste font partie des exceptions visées par le législateur ».

 

[80]    Se fondant sur l’intention du législateur, il brosse à grands traits les modifications législatives apportées au régime de pension fédéral et il renvoie à la définition de « traitement » adoptée en 1975 à la suite de l’arrêt Gruber, précité. Concernant ce dernier, il fait valoir que la Cour d’appel fédérale a établi que certaines augmentations salariales rétroactives constituaient un « traitement » et que ces paiements pouvaient être inclus dans le calcul des cotisations et des droits à pension de M. Gruber. Il allègue que le législateur, en réponse à l’arrêt Gruber, a modifié la Loi  [traduction] « pour clarifier la définition de traitement » et il soutient que la version courante de la Loi a défini le traitement comme étant la « rémunération de base versée pour l'accomplissement des fonctions normales d'un poste », ajoutant que [traduction] « cette définition exclut les allocations, les rémunérations spéciales ou pour temps supplémentaire et les autres indemnités et les gratifications ». Il termine sur ce point en affirmant que [traduction] « même s’il était entendu au moment de l’introduction de la Loi en 1954 que la prime de poste, la prime de fin de semaine et autres rémunérations de ce genre ne devaient pas être considérées comme ouvrant droit à pension, le législateur a clarifié la définition de traitement après l’arrêt Gruber ». 

 

[81]     Il a cité la politique du Conseil du Trésor établie antérieurement à 1975 relativement aux conditions de vie ou autres circonstances ne se rapportant pas aux fonctions et obligations que le juge Walsh a invoquées. Il a volontiers concédé que le Conseil du Trésor et TPSGC ont continué de suivre cette politique après la modification de la définition de traitement de 1975, en faisant référence au guide sur l’APR comme outil de travail interne sans autorité sur le plan légal, qui renseigne les administrateurs du régime de pension fédéral sur la façon dont ils doivent administrer la Loi dans la fonction publique. Il a répété le principal fondamental qui établit la ligne de démarcation entre les prestations ouvrant droit à pension et celles n’y ouvrant pas droit, en relation avec la question de savoir si la rémunération est versée en contrepartie de l’exercice des « fonctions normales » d’un poste particulier de la fonction publique, laquelle inclut les paiements versés pour l’accomplissement des fonctions normales du poste, des fonctions et obligations additionnelles, les primes de rendement et les rétributions en raison d’une compétence ou qualification supplémentaire.

 

[82]      L’avocat du procureur général a conclu ses observations en faisant également référence aux décisions arbitrales.

 

[83]    Citant l’affaire Re: Allied Construction Counsel c. H.E.P.C. of Ontario, (1961), 12 L.A.C. 105, il affirme que la prime de poste est une prime payée non pas pour un travail accompli en sus des heures normales requises par contrat comme le sont les heures supplémentaires, mais pour devoir travailler pendant les heures normales où bon nombre d’autres travailleurs jouissent de leur temps libre et la majeure partie des travailleurs préfèrent agir autrement. En outre, il a fait référence également à des extraits identifiés précédemment dans l’affaire Associated Freezers of Canada, Ltd. et conclu qu’il est évident selon la convention collective que les primes de poste et de fin de semaine sont versées en sus de la rémunération de base reçue. Il déclare, en citant l’affaire Selkirk c. District General Hospital &  Selkirk Nurses, Local 16 (1998) 69 L.A.C. (4th) 320, que cela est conforme à la jurisprudence arbitrale selon laquelle la prime de poste est une prime payée en sus du traitement régulier et qu’elle ne fait pas partie, en tant que telle, de la rémunération de base reçue.

 

Les témoignages

[84]     Je résume ci-dessous les dépositions des deux seuls témoins que la Cour a entendus de vive voix, à savoir Martin Grégoire et Joan Arnold.

 

a)  Le témoignage de Martin Grégoire

 

[85]     Martin Grégoire, président de la Section locale 2182 des TCA, est un opérateur radio qui est, depuis 1995, officier SCTM. Il agit actuellement à titre de surveillant d’équipe, un poste classé RO-4, et supervise le travail de personnes de niveau RO-3, les opérateurs radio, mais il effectue le même travail que ces derniers lorsqu’il remplace un RO-3 durant les périodes de repas et de repos. Il a témoigné concernant les fonctions d’un RO-3, lesquelles ont déjà été présentées dans les présents motifs, à savoir maintenir une écoute permanente afin de déceler les situations de détresse; assurer de l’aide aux navigateurs, notamment en ce qui a trait aux petits navires et aux gros navires-citernes; assurer la régulation du trafic maritime pour prévenir les collisions et les dommages à l’environnement; contrôler les navires pour s’assurer qu’ils satisfont aux normes de construction maritime lorsqu’ils pénètrent dans les eaux canadiennes; et fournir des services de communication publics en assurant la liaison entre mer et terre.

 

[86]     Il a confirmé qu’il y avait 290 postes de catégorie RO-3 et 60 postes de catégorie RO-4 et que le nombre des postes variait en fonction de la charge de travail durant l’été et l’hiver, le jour et le soir. Essentiellement, les fonctions d’un radio opérateur consistent, les trois-quarts du temps, à s’asseoir devant une console, muni d’un casque d’écoute, et à communiquer principalement avec tous les types de navire à l’aide d’un microphone. Il a également confirmé que la plupart des centres sont en service par roulement de 12 heures de 7 h 30 à 19 h 30 et 19 h 30 à 7 h 30 sauf quelques exceptions. Il a également confirmé le rôle des SCTM en se reportant au rapport du Comité permanent des pêches et des océans du 5 février 2003, dans lequel les services SCTM de la Garde côtière canadienne sont passés en revue. Lors de l’interrogatoire principal, il a soutenu que 90 % du travail des opérateurs radio était le même sur des périodes de 24 heures et de sept jours, sauf deux variantes, précisant en contre-interrogatoire que cela ne modifiait pas l’idée-maîtresse de son témoignage principal, à savoir que les fonctions accomplies par les employés préposés à l’exploitation de catégorie RO-3 restent les mêmes durant la semaine, qu’il n’y a pas de variation entre celles qui sont accomplies le jour, la nuit ou les fins de semaine et que les descriptions de travail applicables à cette catégorie ne distinguent pas les fonctions qu’ils accomplissent à différents moments.

 

[87]     Faisant référence à l’article 21 de la convention collective, intitulé Durée du travail et heures supplémentaires, il a expliqué que les horaires de travail étaient établis pour les employés autres que ceux préposés à l’exploitation, tels les instructeurs du Collège de la Garde côtière et certains spécialistes travaillant 37,5 heures durant une semaine de cinq jours et 7,5 heures par jour et que comparer cet horaire de travail à ceux établis pour les opérateurs radio pourrait s’avérer une tâche complexe.

 

[88]     En ce qui concerne les employés préposés à l’exploitation, la Cour a été renvoyée à l’article 21.03 de la convention collective. M. Grégoire a reconnu que les heures de travail prévues à l'horaire par roulement ou de façon irrégulière pour les employés préposés à l’exploitations sont calculées de telle façon que les employés, au cours d'une période ne dépassant pas 126 jours, effectuent, en moyenne, 37,5 heures par semaine, des postes de 8 heures ou 12 heures par jour sous réserve d’une exception, un maximum de 6 postes consécutifs de 8 heures ou un maximum de 4 postes consécutifs de 12 heures avec des jours de repos consécutifs d'au moins 3 pour un horaire de postes de 8 heures et d'au moins 4 pour un horaire de postes de 12 heures.

 

[89]     M. Grégoire reconnaît que les dispositions de l’article 21 visaient à établir les heures normales de travail et les postes, lesquels servent de base à l’établissement de la rémunération des heures supplémentaires, les « heures supplémentaires » étant définies comme étant « le travail autorisé effectué en sus de ses heures de travail d'horaire normales ».  M. Grégoire a déclaré que les heures supplémentaires faisaient part de la vie normale des opérateurs radio qui peuvent gagner en une année entre 20 000 $ et 30 000 $ en heures supplémentaires du fait qu’ils travaillent dans un environnement d’exploitation comprenant un nombre fixe d’opérateurs radio pour chaque poste et que lorsque ces employés prennent des congés annuels, sont malades ou encore s’absentent du travail pour une raison quelconque, il faut prévoir des heures supplémentaires. Les heures supplémentaires doivent être effectuées par des personnes disponibles et compétentes et, à cette fin, on fait habituellement appel aux opérateurs radio qui sont en jours de repos.

 

[90]     M. Grégoire a également déclaré que les primes de poste et de fin de semaine étaient très régulières. À la page 64 de la transcription datée du 25 septembre 2006, il a affirmé que de telles primes faisaient partie de la vie de chaque employé préposé à l’exploitation et que, [traduction] « après un certain temps, cela fait partie de votre rémunération normale ». Il a également expliqué qu’il recevait deux talons de chèque de paye : un qu’il appelle son talon de chèque de paye normal, lequel comprend sa rémunération normale et des allocations de prime telles la prime au bilinguisme, la rémunération provisoire et l’indemnité de formation en milieu de travail, lesquelles sont considérées comme ouvrant droit à pension, contrairement à l’autre qu’il appelle son talon de chèque de paye pour heures supplémentaires qui reflète sa rémunération en heures supplémentaires et en primes de poste et de fin de semaine, laquelle n’est pas considérée comme ouvrant droit à pension par TPSGC.

 

[91]     À la page 66 de la même transcription, il a reconnu que son talon de chèque de paye normal indique sa rémunération de base.

 

[92]     Contre-interrogé au sujet de l’appendice A de la convention collective intitulé RO – Groupe : Radiotélégraphie – Taux de rémunération annuels et de l’appendice A-1 intitulé RO – Groupe  : Radiotélégraphie – Taux de rémunération hebdomadaires, journaliers et horaires, ainsi qu’au sujet de la façon de calculer ces durées mentionnées à l’article 2, Interprétation et définitions, de la convention collective, M. Grégoire a reconnu ce qui suit aux pages 77 à 80 de la transcription du 25 septembre 2006 :  (1) L’horaire hebdomadaire normal des opérateurs radio est de 37,5 heures par semaine en moyenne; (2) les taux de rémunération annuels indiqués à l’appendice A de la convention collective n’incluent pas la rémunération des heures supplémentaires et les paiements des primes et constituent le taux de rémunération de base annuel; (3) les dispositions de la convention collective à l’appendice A-1 offrent un moyen de déterminer ce que sont les taux de rémunération hebdomadaires, journaliers et horaires en tant que taux de rémunération de base étant donné que l’horaire de travail des opérateurs radio varie.

 

[93]     Il convient de souligner que le juge Walsh avait devant lui une convention collective semblablement structurée, laquelle l’a amené à conclure que l’appendice A de cette convention ne représentait que la rémunération régulière ou normale et que les autres indemnités en étaient séparées (voir son paragraphe 14). 

 

[94]    Lors du contre-interrogatoire également, M. Grégoire a confirmé que les fonctions accomplies par les opérateurs radio dans un centre SCTM étaient identiques la semaine, le jour ou la nuit, ou les fins de semaine et que le moment où les fonctions doivent être accomplies, que ce soit le jour ou la nuit, ne comptait pas parmi les facteurs s’appliquant aux fonctions normales du poste, qui sont mentionnés dans les descriptions de travail pertinentes.

 

b) Témoignage de Joan Marion Arnold  

 

[95]    Mme  Arnold, qui a obtenu son diplômé en droit de l’Université d’Ottawa et a été admise au Barreau, est le seul témoin du défendeur à avoir témoigné oralement. Entrée au service du Gouvernement du Canada en 1986 à la Division des pensions et des avantages sociaux du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, elle a été ensuite promue au poste d’agente supérieure des pensions, dans le cadre duquel elle a collaboré à l’élaboration de textes législatifs et a participé à la gestion des litiges en vue de coordonner la réponse de la Division des pensions et des avantages sociaux relativement dans divers dossiers litigieux. Elle est actuellement directrice, Développement de la législation sur les pensions, au Conseil du Trésor et, comme elle l’a dit, une partie importante de ses tâches consiste à [traduction] « essayer de déterminer comment fonctionne la loi sur une base quotidienne et comment les diverses dispositions interagissent les unes avec les autres ». La loi à laquelle elle faisait référence est la Loi sur la pension de la fonction publique. Elle a confirmé que l’administration courante de la Loi relève de TPSGC et que le rôle du Conseil du Trésor consiste à donner des instructions concernant l'application de la politique et à collaborer au travail d’administration courante lorsque survient un problème lié au fonctionnement du programme.

 

[96]     Dans son témoignage, elle devait examiner et commenter les documents admis en preuve, sur le consentement des deux parties, lesquels ont été reproduits dans neufs volumes de cahiers conjoints de jurisprudence, individuellement inscrits comme pièces R1 à R393.  Il faut dire que Mme  Arnold n’a pas commenté tous les documents inscrits comme pièces.    

 

[97]     Le premier des documents auxquels elle a fait référence remonte à 1948 et, essentiellement, tous les documents examinés par elle représentent une compilation de décisions administratives et des motifs les sous-tendant, d’où sont tirés les principes précisant où il faut tracer la ligne pour déterminer quand un paiement en particulier reçu d’un fonctionnaire fédéral est considéré comme faisant partie du traitement et, par conséquent, inclus dans le calcul des prestations ouvrant droit à pension de cette personne, et les considérations ou facteurs menant à la conclusion opposée.

 

[98]     En dernier ressort, comme il a été souligné, la compilation de telles décisions a mené à la production de listes dans les années 50 et 60, du guide des autorisations dans les années 70 invoqué dans l’arrêt Gruber, et du guide sur l’APR dans les années 80, avec ses divers appendices, à savoir :

• Appendice V – allocations et surpaye faisant partie du traitement – prévoyant qu’en général, il s’agit de paiements autorisés pour des tâches ou des responsabilités supplémentaires;

 

• Appendice VI – gratifications faisant partie du salaire – prévoyant que les allocations de repas et de logement et autres avantages accessoires d’ordre domestique doivent être considérés comme une rémunération;

 

• Appendice VII – allocations et surpaye qui ne font pas partie du traitement – prévoyant que de façon générale, il s’agit de versements autorisés pour tenir compte des conditions de vie et autres circonstances non rattachées aux fonctions ou obligations (onglet 83);

 

• Appendice VIII – gratifications ne faisant pas partie du salaire – prévoyant que les gratifications qui suivent ne font pas partie des taux de rémunération, par exemple, les allocations que constituent les uniformes, les chaussures, les vêtements de protection;

 

 

[99]     Aux paragraphes 18 et 19 de l'exposé des faits et du droit du procureur général, une ligne de démarcation a été tirée entre les indemnités qui sont traitées comme ouvrant à pension et celles qui sont traitées comme n’ouvrant pas droit à pension, en plus des indemnités expressément exclues en vertu de la Loi.  

 

[100]     Au paragraphe 18, l’avocat du procureur général a indiqué que les indemnités suivantes étaient traitées comme ouvrant droit à pension :

                   • rétribution payée pour l'exécution des fonctions normales d'un poste;

• rétribution payée en considération de fonctions et obligations accrues;

                   • primes de rendement liées aux fonctions normales du poste;

                   • rétribution payée en raison d’une compétence ou d’une qualification particulières.

 

[101]     Au paragraphe 19, il a indiqué que ces indemnités n’étaient pas traitées comme ouvrant droit à pension :

paiements autorisés en raison des conditions de vie et autres circonstances qui ne se rapportent pas aux fonctions et obligations (prime de poste encerclé de rouge, sommes globales traditionnelles); 

 

• montants payés en considération de la « manière » dont le travail a été effectué, du « moment » et de l’« endroit » où il a été effectué (indemnités de canotage, primes de poste et d’heures tardives, indemnité de compétitivité du marché de Toronto);

 

• incitatifs (par exemple les indemnités de recrutement ou les primes à la signature);

 

• paiements autorisés pour des raisons autres que l’exécution des fonctions normales du poste (par exemple, les indemnités de vie chère).

 

[102]     Dans ses conclusions finales, l’avocat du procureur général a reconnu que la « manière » dont le travail est effectué, comme dans le cas du paiement d’une prime de rendement aux cadres supérieurs, peut ouvrir droit à pension si elle concerne l’essence même des fonctions.

 

[103]     Je m’en remets de façon générale au sommaire du témoignage de Mme Arnold présenté par l’avocat du procureur général du Canada, car j’estime qu’il reflète fidèlement ses déclarations quant à la ligne de démarcation qu’elle a tirée entre les indemnités ouvrant droit à pension et celles n’y ouvrant pas droit. En appréciant cette preuve, j’ai pris en compte le contre-interrogatoire de M. Wadsworth.  

 

[104]     L’acceptation par la Cour de la ligne de démarcation tirée par l’avocat entre les indemnités ouvrant droit et celles n’ouvrant pas droit à pension ne diminue en rien sa tâche qui consiste à apprécier la cause des demandeurs à la lumière de la modification de la définition de « traitement » qui a suivi l’arrêt Gruber, eu égard aux circonstances factuelles entourant la nature du travail exécuté par les opérateurs radio dans le cadre d’une exploitation 24 heures sur 24, sept jours sur sept, tout au long de l’année. En outre, cette acceptation du sommaire du témoignage de Mme Arnold présenté par l’avocat du procureur général ne saurait constituer une conclusion de la part de la Cour quant à la question de savoir si l’indemnité ou le paiement au sujet desquels elle a témoigné étaient pertinemment classés comme faisant partie du « traitement » ou pas. L’unique paiement sur lequel la Cour doit se prononcer, ce sont les primes de poste et de fin de semaine reçues par les opérateurs radio; elle doit déterminer si l’affirmation selon laquelle ces dernières ne constituent pas un « traitement » est exacte. La déclaration sollicitée par les demandeurs se limite à cela. Je ne tire aucune conclusion à l’égard des autres paiements examinés en l’espèce. 

 

[105]     Il y a un autre facteur qui permet d’en venir à cette appréciation. Comme il a été précédemment indiqué, la définition de « traitement » a changé au cours des années et la valeur jurisprudentielle des décisions rendues dans un contexte légal différent en diminue le poids, et encore davantage, lorsqu’il est admis que la compilation du guide sur l’APR n’est pas contraignante et n’a pas force de loi.

Analyse

a) La norme de contrôle

[106]     Dans l’arrêt Gruber, précité, sans effectuer une analyse pragmatique et fonctionnelle, le juge en chef Jackett a appliqué le critère de la décision correcte pour déterminer si les deux montants en litige faisaient partie du traitement pour l’application de la Loi.

 

[107]     Effectuant l’analyse pragmatique et fonctionnelle demandée dans plusieurs décisions de la Cour suprême du Canada, j’arrive à la conclusion que la norme de contrôle appropriée en l'espèce est la même, à savoir la norme de la décision correcte. Le demandeur préconise cette norme de contrôle pour les raisons suivantes : il n’y a pas de clause privative dans la Loi, la question visée est une pure question de droit, la question juridique ne relève pas de l’expertise de TPSGC, qui est d’ordre administratif, et trancher la question ne nécessite aucun pouvoir discrétionnaire de la part de l’administrateur de régime de pension qui n’exerce aucune fonction politique ou juridictionnelle. Je suis d’accord avec l’avocat en ce qui a trait à l’analyse des demandeurs.

 

[108]     L’avocat du défendeur a prétendu que la norme de contrôle devait être celle de la décision raisonnable, vu la relative expertise de la division des Pensions de retraite à TPSGC et la nature de la question en cause, soit une question mixte de fait et de droit. À mon avis, le degré de retenue dont il y a lieu de faire preuve envers les administrateurs du régime de pension est faible. L’élément central de la décision consiste à interpréter le mot « traitement » correctement, après Gruber, la composante appréciation des faits de la question étant minime.

 

2. La méthode d'interprétation des textes législatifs

 

[109]     La Cour suprême du Canada a indiqué la méthode à suivre dans l’arrêt Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. [1998] 1 R.C.S. 27.

 

[110]     Dans cette affaire, il s'agissait de savoir si la cessation d'emploi causée par la faillite de l'employeur avait donné lieu à une réclamation prouvable en matière de faillite en vue d'obtenir une indemnité de cessation d'emploi et une indemnité de licenciement conformément aux dispositions de la Loi sur les normes d'emploi (LNE) de l’Ontario.

 

[111]     La Cour d’appel de l’Ontario, appliquant le principe du « sens ordinaire » en matière d'interprétation des lois, avait conclu que de tels paiements n’étaient payables en vertu de cette loi que lorsque l’employeur congédiait l’employé, estimant que lorsqu’une entreprise était acculée à la faillite par un créancier, on ne pouvait pas dire qu’il y avait eu cessation d’emploi par l’employeur. La Cour suprême du Canada a exprimé son désaccord; le juge Iacobucci a rédigé les motifs de la Cour. Il a déclaré ce qui suit aux paragraphes 20, 21, 22 et 23 : 

20     Une question d’interprétation législative est au centre du présent litige.  Selon les conclusions de la Cour d’appel, le sens ordinaire des mots utilisés dans les dispositions en cause paraît limiter l’obligation de verser une indemnité de licenciement et une indemnité de cessation d’emploi aux employeurs qui ont effectivement licencié leurs employés.  À première vue, la faillite ne semble pas cadrer très bien avec cette interprétation.  Toutefois, en toute déférence, je crois que cette analyse est incomplète.

 

21     Bien que l’interprétation législative ait fait couler beaucoup d’encre (voir par ex. Ruth Sullivan, Statutory Interpretation (1997); Ruth Sullivan, Driedger on the Construction of Statutes (3e éd. 1994) (ci‑après «Construction of Statutes»); Pierre‑André Côté, Interprétation des lois (2e éd. 1990)), Elmer Driedger dans son ouvrage intitulé Construction of Statutes (2e éd. 1983) résume le mieux la méthode que je privilégie.  Il reconnaît que l’interprétation législative ne peut pas être fondée sur le seul libellé du texte de loi.  À la p. 87, il dit :

 

[traduction] Aujourd’hui il n’y a qu’un seul principe ou solution: il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur.

                  

...

 

22     Je m’appuie également sur l’art. 10 de la Loi d’interprétation, L.R.O. 1980, ch. 219, qui prévoit que les lois « sont réputées apporter une solution de droit » et doivent « s’interpréter de la manière la plus équitable et la plus large qui soit pour garantir la réalisation de leur objet selon leurs sens, intention et esprit véritables ».

 

23     Bien que la Cour d’appel ait examiné le sens ordinaire des dispositions en question dans le présent pourvoi, en toute déférence, je crois que la cour n’a pas accordé suffisamment d’attention à l’économie de la LNE, à son objet ni à l’intention du législateur; le contexte des mots en cause n’a pas non plus été pris en compte adéquatement.  Je passe maintenant à l’analyse de ces questions. [Non souligné dans l’original.]

 

[112]     Au paragraphe 40 de ses motifs, il s’est dit d’avis que « l’examen des termes exprès des art. 40 et 40a de la LNE, replacés dans leur contexte global, permet largement de conclure que les mots « l’employeur licencie » doivent être interprétés de manière à inclure la cessation d’emploi résultant de la faillite de l’employeur.  Adoptant l’interprétation libérale et généreuse qui convient aux lois conférant des avantages, j’estime que ces mots peuvent raisonnablement recevoir cette interprétation. » Une disposition de la Loi modifiant la Loi sur les normes d’emploi (LMLNE) favorisait clairement cette interprétation. Au surplus, a dit le juge Iacobucci, « priver des employés du droit de réclamer une indemnité de licenciement et une indemnité de cessation d’emploi en application de la LNE lorsque la cessation d’emploi résulte de la faillite de leur employeur serait aller à l’encontre des fins visées par les dispositions relatives à l’indemnité de licenciement et à l’indemnité de cessation d’emploi et minerait l’objet de la LNE, à savoir protéger les intérêts du plus grand nombre d’employés possible ».

 

3. Conclusions  

 

[113]      Je suis parvenu à la conclusion que la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée avec dépens et, ce faisant, j’ai appliqué le principe énoncé dans l’arrêt Rizzo & Rizzo, précité, renforcé par le fait que la Loi confère des avantages, le préambule de la toute première loi fédérale portant sur la pension prévoyant ce qui suit : 

Considérant que dans le but de mieux assurer l’efficacité et l’économie dans le service civil du Canada, il est expédiant de pourvoir à la retraite, à des conditions équitables, des personnes y employées qui, par suite de leur âge ou de leurs infirmités, ne peuvent pas convenablement remplir les devoirs qui leur sont assignés [...].

 

en reconnaissant par ailleurs que ce sont les employés et l’employeur qui financent le programme.

 

[114]     Je dois mentionner que la Loi actuelle ne contient plus de préambule.

 

[115]     Les raisons sur lesquelles s’est fondé le décideur pour statuer que les primes en question n’ouvraient pas droit à pension sont claires : elles n’étaient pas considérées comme une rémunération de base parce qu’on jugeait qu’elles n’avaient pas été versées à l’opérateur radio pour l’accomplissement de ses fonctions normales, mais plutôt pour le moment auquel le travail a été effectué.

 

[116]     Je ne peux souscrire au premier argument de M. Wadsworth, selon lequel l’administrateur de régime de pension a suivi aveuglément le guide sur l’APR pour parvenir à cette décision qui a été déposée comme pièce « A-4 ».  Premièrement, le décideur ne fait pas mention du guide sur l’APR dans sa décision. Deuxièmement, à première vue, il a pris en considération les paiements de primes versés aux opérateurs radio en vertu de la convention collective et a conclu que de tels paiements n’ouvraient pas droit à pension au sens de la Loi, compte tenu du critère administratif bien ancré selon lequel le traitement ouvrant droit à pension doit se rapporter à l’accomplissement des fonctions normales et non au moment où ces fonctions sont exécutées. En d’autres mots, l’administrateur du régime de pension s’est penché sur la question.

 

[117]     J’accepte cette partie de l’argument de l’avocat des demandeurs dans laquelle il prétend que le critère utilisé en l’espèce par l’administrateur de régime de pension semble factice lorsqu’il établit une distinction, relativement à une exploitation 24 heures sur 24, sept jours sur sept où les opérateurs radio travaillent par roulement, entre l’accomplissement de leurs fonctions normales et le moment où ces fonctions sont exécutées.

 

[118]     Dans l’arrêt Gruber, précité, le juge en chef Jackett a précisé que les cours doivent tenir compte du fond, sans se laisser leurrer par l’utilisation d’un mot tel que « indemnité » [en l’espèce, « prime »].

 

[119]     C’est la raison pour laquelle le juge en chef a conclu qu’une augmentation rétroactive du traitement appelée « indemnité de règlement » et une « prime de poste encerclé de rouge » constituaient une rémunération pour l’accomplissement de fonctions normales, malgré l'argument avancé par le ministère public selon lequel ces deux paiements n’ouvraient pas droit à pension étant donné qu’ils ne se rapportaient pas à l’accomplissement des fonctions normales, en expliquant que M. Gruber « n’exerça que des " fonctions régulières " de son poste en contrepartie de quoi il reçut les montants en cause ».

 

[120]     La situation dans la présente affaire est semblable à celle exposée dans l'arrêt Gruber. Les opérateurs radio en cause n’ont accompli aucune autre fonction que leurs fonctions normales, que ce soit durant le jour ou la nuit, et les primes qui leur ont été versées conformément à la convention collective l’ont été pour l’accomplissement de ces fonctions.

 

[121]     Ceci étant dit, les demandeurs ne peuvent toujours pas s’affranchir de deux contraintes dans la définition « traitement » après Gruber, dont le but était d’une certaine façon, mais non complètement de rétablir le status quo ante relativement à ce qui ouvre ou n’ouvre pas droit à pension aux fins de calcul de la pension de retraite. Après Gruber, trois changements importants ont été apportés dans la définition de « traitement » pour l’application de la Loi.

 

[122]    Premièrement, le législateur a réduit la portée du mot « rémunération » dans la définition antérieure (« rémunération versée pour l’accomplissement des fonctions normales d’un poste  ») qui avait été sanctionnée par la Cour d’appel fédérale et l’a remplacée par les mots « rémunération de base » versée pour l’accomplissement des fonctions normales d’un poste » en s’assurant que la rémunération de base ne comprenaient pas « des allocations, une rémunération spéciale ou pour temps supplémentaire ou autres indemnités ou gratifications qui peuvent être incluses dans le taux de base du traitement d’une personne » en vertu d'un règlement [pris par le gouverneur en conseil] en application de l'alinéa 42(1)e) de la Loi [non souligné dans l’original]. La définition française de « traitement » après l’arrêt Gruber va dans le même sens. L’avocat des demandeurs a expressément admis dans sa plaidoirie que les primes en question étaient une « rémunération » pour services rendus.

 

[123]     Il faut se rappeler que la négociation collection a été reconnue dans la fonction publique fédérale en 1968, seulement quelques années avant l’arrêt Gruber, et qu’elle a porté sur des questions de paie, notamment les taux de rémunération normaux et d’autres formes de rémunération relativement à l’exécution des fonctions.

 

[124]     L’intention du législateur est très claire dans la période qui a suivi l’arrêt Gruber. La « rémunération de base » fait partie du traitement, sans plus. D’autres formes de rémunération peuvent être comprises dans la « rémunération de base » en application du règlement.

 

[125]     Les demandeurs ne peuvent pas classer les primes en cause qu’ils reçoivent dans le cadre de la définition de « traitement » révisée dans la Loi, car elles échouent sur deux points. Que les taux de rémunération soient annuels, hebdomadaires, journaliers ou horaires, elles ne font pas partie de la « rémunération de base » négociée dans la convention collective. Ce fait a été clairement admis par Martin Grégoire, et la convention collective entre les parties est structurée de façon à séparer la rémunération de base des autres sources de rémunération. Dans la période qui a suivi l’arrêt Gruber, ces primes ne pouvaient faire partie de la « rémunération de base » que si un règlement, établissant qu’elles en faisaient partie, était adopté. Or aucun règlement de ce genre n’a été pris.

 


DÉCISION

 

1.  La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens.

 

« François Lemieux »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Danielle Benoit

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                        T-931-03

 

INTITULÉ :                                       Syndicat national de l’automobile, de l’aérospatiale, du transport et des autres travailleurs et travailleuses du CANADA (TCA-CANADA), SECTION LOCALE 2182 ET MARTIN GRÉGOIRE ET BRIAN MURPHY c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L'AUDIENCE :               25-26 septembre 2006 et 12 octobre 2006

 

MOTIFS DE JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE LEMIEUX.

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 30 avril 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Barry Wadsworth                                 Pour les demandeurs

 

Christopher Leafloor

Anusha Aruliah

Gillian Patterson                                    Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

CAW – CANADA

Contentieux

Toronto (Ontario)                                 Pour les demandeurs

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada       Pour le défendeur

 

 

 

 

 

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