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Date : 20070504

Dossier : T-557-04

Référence : 2007 CF 491

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 4 mai 2007

En présence de madame la protonotaire Milczynski

 

 

ENTRE :

LOVAT INC. et

 GURIS INSASAT VE MUHENDISLIK, A.S.

demanderesses

 

et

 

 

BLUE ANCHOR LINE,

KUEHNE & NAGEL INTERNATIONAL LTD.,

faisant affaires sous le nom « Blue Anchor Line »

 les propriétaires et toutes les autres personnes ayant un droit dans

 le navire nolisé « ATLANTIC ACTION » et le navire nolisé « TYRUSLAND »

et NORDANA LINE A.S.

défenderesses

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

Question et sommaire

  • [1] La Cour est saisie d’une action en dommages-intérêts relative à une marchandise envoyée d’Etobicoke, Canada, par la demanderesse Lovat Inc. (« Lovat ») à la demanderesse, Guris Insasat Ve Muhendislik, A.S. (« Guris ») à Ankara, en Turquie, pour qui les services des défenderesses ont été rendus.Les demanderesses affirment que la marchandise, un roulement principal, a été endommagée en route. Elles prétendent particulièrement que le dommage a eu lieu pendant la partie de l’expédition outremer.

 

  • [2] À cet égard, toute conclusion sur le lieu et la manière dont le dommage a été fait a un effet sur la responsabilité entre les défenderesses et, possiblement, sur la limitation de la responsabilité et le montant des dommages-intérêts. Ces questions, cependant, doivent rester théoriques puisque, pour les motifs qui suivent, l’action est rejetée.La responsabilité des transporteurs selon leurs connaissements respectifs, prenait fin à la décharge du roulement principal dans le port d’Istanbul.À cet égard, les défenderesses ont établi qu’à sa décharge à Istanbul, le roulement principal était dans le même bon état apparent que lors de son envoi des locaux de la demanderesse Lovat et de son chargement pour son expédition outremer.Les demanderesses n’ont pas réussi à prouver, selon la prépondérance des probabilités, que les dommages à la marchandise ont été causés alors qu’elle était sous la responsabilité des défenderesses ou entre leurs mains.

 

Faits

  • [3] La marchandise dans cette affaire est un roulement principal qui est une pièce à installer sur un tunnelier. Le roulement a été fabriqué aux États-Unis par Rotek Incorporated et a été envoyé à Lovat au Canada en août 1996, où il a été entreposé dans l’entrepôt de Lovat. Quelque sept années plus tard, le 7 juillet 2003, le roulement a été acheté par Guris.

 

  • [4] Au moment de la commande de Guris, Lovat a fait inspecter le roulement. Un peu de rouille a été trouvée sur le roulement. Lovat a indiqué que cette rouille était de nature superficielle et vraisemblablement causée par l’humidité dans l’entrepôt où le roulement a été entreposé.Le roulement a été nettoyé avec un tampon abrasif « scotch-brite » et un peu d’huile légère.

 

  • [5] Lovat a préparé le roulement pour l’expédition. Après que la rouille ait été enlevée, le roulement a été graissé, pulvérisé avec un protecteur antirouille et enveloppé avec une couche d’enveloppe d’humidité en papier et une autre couche de film plastique.Le roulement a été alors attaché sur une palette en bois et fixé avec un cerclage métallique.Selon le témoignage de Lovat, cette préparation et cet emballage seraient adéquats pour que le roulement soit expédié et qu’il résiste aux éléments, y compris la pluie et même des vents de force d’ouragan.

 

  • [6] Pour expédier le roulement à Guris, à Ankara, en Turquie, Lovat a conclu un contrat d’expédition avec la défenderesse, Blue Anchor Line, par l’entremise de l’agent de Blue Anchor, Kuehne, et de Kuehne and Nagel International Ltd. (ensemble « Kuehne & Nagel »).Blue Anchor Line a émis le connaissement no 6120-4046-309.21 à Toronto.Le connaissement précise qu’il vise le transport du roulement de Toronto à Istanbul.Les modalités précises de ce connaissement indiquaient que le contrat visait le transport terrestre de Toronto à Baltimore et le transport maritime jusqu’à Istanbul.Le transport prévu par ce contrat se terminait à Istanbul.

 

  • [7] Kuehne & Nagel ont fait appel aux services de la défenderesse et de tiers, Nordana Line AS (« Nordana »), pour effectuer la phase outremer de l’expédition de Baltimore, au Maryland, à Istanbul, en Turquie. Nordana a émis le connaissement numéro NODAS320BAPIR001 concernant la phase d’outremer du transport.Ce transport comprenait l’expédition sur le navire « Atlantic Action » de Baltimore au Pirée, en Grèce, et du Pirée à Istanbul, en Turquie sur le navire « Tyrusland ».

 

  • [8] Alors que la destination finale du roulement était les locaux de Guris à Ankara, en Turquie, des ententes devaient être faites pour le transport du roulement principal au départ d’Istanbul. Selon les documents déposés, et en raison de la preuve présentée pendant l’audience, je constate que ces ententes ont été faites par Kuehne & Nagel en tant qu’agent de Lovat. Ces ententes ne faisaient pas partie du contrat de transport comme le prouvent les connaissements.Au nom de Lovat, Kuehne & Nagel a donné pour instruction à une société de Kuehne & Nagel à Istanbul (K&N Turkey) de faire appel aux services d’un camionneur turc pour déplacer le roulement du hangar de douane d’Istanbul à Ankara. Le fait qu’il y ait une certaine documentation sous forme de facture suffit pour établir un contrat d’expédition [traduction] « porte à porte », comme cela est indiqué par les demanderesses.D’autres documents déposés par Kuehne & Nagel démontrent clairement que les différents services fournis ne sont pas censés être un service de porte à porte, mais présentent en détail chaque service : le transport tout inclus (terrestre et maritime) d’Etobicoke à Istanbul, de la manière présentée dans les connaissements, de même que le transport en Turquie sont présentés séparément, tout comme le dédouanement et les frais qui génèrent des profits pour Kuehne & Nagel en tant qu’agent.

 

  • [9] Quoi qu’il en soit, le roulement a été ramassé le 8 septembre 2003 dans les locaux de Lovat et transporté d’Etobicoke à Baltimore par une entreprise de camionnage retenue par Blue Anchor Line, Trendway Transportation Services Inc. Il est arrivé au CNX Marine Terminal à Baltimore le 11 septembre 2003.

 

  • [10] Le roulement est resté à Baltimore du 11 septembre 2003 au 23 septembre 2003. Pendant ce temps, il a été entreposé dans un hangar à l’un des quais du terminal (Quai 10 sud-est).

 

  • [11] Toujours pendant ce temps, Baltimore a été touché par un ouragan : l’ouragan Isabel. La tempête a frappé les 18 et 19 septembre 2003 et a causé d’importantes inondations aux CNX Marine Terminal.Une grande partie du terminal a été inondée et les éléments de preuve indiquent clairement que les inondations étaient graves et qu’une bonne partie du fret avait été endommagée.

 

  • [12] Le roulement principal, cependant, semble avoir échappé aux ravages de l’ouragan.

 

  • [13] Avant le chargement de toute cargaison à bord de l’« Atlantic Action », une enquête a été organisée par Nordana en vue d’une évaluation de sa marchandise par son enquêteur pour savoir si des dommages avaient été causés aux marchandises destinées à être chargées sur ses navires. Nordana n’allait pas charger la marchandise qui, à son avis, nécessitait des mesures correctives pour éviter davantage de dommages.J’accepte la preuve de Nordana à cet égard, selon laquelle elle n’avait pas l’intention de charger de marchandise qui avait été exposée à l’eau.Il était dans l’intérêt de Nordana de rechercher d’éventuels dommages causés par l’ouragan et, en fait, Nordana a refusé de charger des marchandises qui avaient été mouillées – soit elles ont été retournées aux expéditeurs, soit Nordana a reçu des instructions précises pour expédier les marchandises dans cette condition.

 

  • [14] Le capitaine Heiner Popp a effectué l’enquête les 19 et 20 septembre 2003 et a rendu compte par écrit, le 23, que le roulement principal, entreposé au Quai 10SE était en [traduction] « bon état » et n’avait pas été touché par l’inondation et n’avait pas subi de dommages par l’eau. Les demanderesses ont accepté cette évaluation et sont en accord avec celle-ci.

 

  • [15] Le roulement principal a été chargé à bord du navire « Atlantic Action » à Baltimore le 23 septembre 2003.

 

  • [16] Le voyage de Baltimore au Pirée s’est bien déroulé. Les rapports indiquent que les mers et la météo étaient typiques et non excessives pour la saison.

 

  • [17] Le roulement principal a été débarqué de l’Atlantic Action au Pirée, en Grèce, le 15 octobre 2003. La décharge a été faite sans que des remarques négatives soient présentées sur sa condition ou lors des manipulations subséquentes par les débardeurs du Pirée.

 

  • [18] Le roulement principal a alors été entreposé au terminal du Pirée, en attente du chargement vers Istanbul.

Le 6 novembre 2003, le roulement principal a été chargé à bord du navire « Tyrusland » au Pirée. Le connaissement de Tyrusland ne comporte aucune remarque négative quant à l’état du roulement.

 

  • [19] Le roulement principal a été débarqué du Tyrusland à Istanbul, en Turquie, le 12 novembre 2003. Les documents signés au moment de la décharge et la preuve des témoins présents et à bord du Tyrusland au moment de la décharge indiquent clairement que, à ce moment, le roulement principal était dans sa condition originale comme il avait été expédié, emballé de plastique et sur une palette.

 

  • [20] Le roulement a été inspecté visuellement par Veli Kosali, le directeur de l’administration portuaire de Soyak au port d’Istanbul et Serdar Bilgili, le responsable des opérations portuaires, chargé de toutes les questions opérationnelles, y compris l’arrivée des navires, le dédouanement des navires, la planification de la mise à quai appropriée et le déchargement de cargaison.

 

  • [21] M. Kosali était à bord du Tyrusland lorsqu’il s’est amarré à Istanbul. Sa preuve était qu’il a examiné le plan d’entreposage et a vu l’emplacement du roulement principal.Il se souvenait avoir vu le roulement principal et qu’il n’y avait pas de dommages visibles.Plus important, il se souvenait avoir vu qu’il était emballé et attaché à une palette.

 

  • [22] M. Bilgili était à bord du Tyrusland pour assister au déchargement de la cargaison et pour inspecter les dommages à la marchandise avant que la cargaison soit déchargée à Istanbul. Il se souvenait également que le roulement principal était à bord, à son emplacement d’entreposage, intact, emballé et sur une palette.

 

  • [23] La preuve de M. Kosali précisait également que le roulement est resté dans un entrepôt sécurisé après le déchargement du Tyrusland, jusqu’à ce qu’il soit ramassé par le camionneur. M. Bilgili a également indiqué que le roulement principal a été déchargé du Tyrusland et transporté à l’entrepôt pour y être conservé.Il en a pris note et a indiqué que les agents de l’entrepôt vérifiaient tous les éléments de cargaison qui sont reçus pour détecter des signes ou des preuves de dommages.Aucun rapport et aucune note de dommages d’aucune sorte n’ont été faits – le roulement a été livré intact et en bon état.

 

  • [24] M. Bilgili a également examiné le rapport de livraison du terminal pour le roulement principal. Il a été délivré et rempli lorsque le roulement principal a été ramassé par le camionneur.Le rapport de livraison a été signé par les agents du terminal, les agents de douane et les représentants du destinataire.Le rapport de livraison ne contient pas de remarques ou d’énoncés pour signaler que le roulement principal démontrait des signes ou des dommages au moment de la livraison.

 

  • [25] Le roulement principal a été entreposé dans l’entrepôt du terminal au port d’Istanbul jusqu’à son ramassage, le 18 novembre 2003, par le camionneur intérieur en vue de son transport à sa destination finale.

 

  • [26] Rien ne prouve que la condition apparente du roulement ait été différente au déchargement qu’à sa réception par Kuehne & Nagel à Etobicoke. Il n’y a pas d’éléments de preuve qui contredisent le fait qu’à tout moment pendant le transport de Baltimore à Istanbul, le roulement a été correctement manutentionné, rangé et transporté.Il n’y a pas non plus de preuve que quelque chose s’est produit pendant la partie outremer du transport, soit sur l’Atlantic Action, soit sur le Tyrusland, qui aurait pu causer des dommages après le chargement à bord de l’un ou l’autre navire.

 

  • [27] Le roulement principal est arrivé à l’entrepôt de Guris à Ankara, en Turquie, le 20 novembre 2003. Le technicien de Lovat, Heinz Brockamp, était présent au moment de la livraison à Ankara pour aider à l’installation du roulement sur le tunnelier. Son témoignage et celui de Lovat sont que le roulement est arrivé en très mauvais état.Son rapport, préparé le 20 novembre, indique que le roulement est arrivé par camion en n’ayant presque plus aucun matériau d’emballage ou d’expédition.Il n’y avait pas de palette.Le roulement principal était très rouillé et humide, et il avait des trous de boulons pleins d’eau.Son rapport précisait également qu’un rebord d’étanchéité unique avait été partiellement arraché de sa rainure.Le rapport indique le 20 novembre que les travaux de réparation nécessaires ne se limitaient pas à réparer les dommages dus à la rouille, mais comprenaient aussi des travaux de soudure et l’installation du dernier rebord d’étanchéité double sur la plaque d’enveloppe et la bague d’étanchéité.

 

  • [28] Le roulement principal a également été nettoyé et 17 rouleaux ont été remplacés. Cela a coûté en tout 1 161,60 $ US pour les pièces, plus 560,83 $ US pour le transport. Le roulement a été mis en œuvre et a fonctionné environ deux ans, creusant 4 176 mètres de tunnel en tout.

 

  • [29] Selon la preuve de Lovat, on estimait que la durée de vie du roulement principal était de 5 000 mètres. Il n’y avait, cependant, aucune preuve concernant la nature de l’utilisation réelle du roulement principal ou les facteurs qui affecteraient sa durée de vie, y compris les conditions réelles de charge subies par le roulement principal, les conditions du sol, à savoir s’il creusait un tunnel dans le sable ou la roche, la vitesse et les angles de coupe, l’entretien (comme la fréquence de lubrification) ou l’entreposage du roulement principal par Guris.Il n’y a aucune preuve permettant de conclure que la durée de vie du roulement principal a été réduite par quelque chose qui s’est produit lors de son expédition d’Etobicoke.

 

Discussion

  • [30] Il incombe à la demanderesse de prouver que la perte ou le dommage a eu lieu entre les mains du transporteur. Pour ce faire, on établit habituellement l’état dans lequel les marchandises étaient lorsque le transporteur les a reçues et leur état lors du déchargement.Comme cela est présenté dans Wirth Ltd. c. Belcan, N.V., [1996] A.C.F. no 603, le premier principe de la preuve en matière d’avaries, est que le transporteur est responsable à première vue de la perte ou de l’endommagement de la cargaison qu’il a reçu en bon état et qui est en mauvais état ou incomplète à l’arrivée.Il revient alors au transporteur d’établir que les dommages sont attribuables à un péril à l’égard duquel il n’est pas responsable.Lorsque la cargaison est reçue et livrée par le transporteur dans le même bon état apparent, il incombe à la demanderesse de démontrer que le dommage est survenu alors que la cargaison était sous les soins et la garde du transporteur.

 

  • [31] Comme cela a été noté, en l’espèce, il y a eu une inspection des marchandises après l’ouragan à Baltimore. L’inspecteur a indiqué que le roulement n’avait pas été submergé et qu’il était en bon état. Les biens ont été reçus en bon état au Pirée au déchargement de l’Atlantic Action.Ils ont été inspectés à bord du Tyrusland en vue du déchargement à Istanbul – inspectés chaque fois spécifiquement à la recherche de dommages.Les biens ont chaque fois été jugés en bon état.

 

  • [32] Il y avait beaucoup de conjectures quant au moment auquel l’exposition aurait pu avoir lieu pour causer la rouille du roulement principal. La défenderesse accepte le rapport d’enquête de Popp et affirme que le dommage n’a pas été causé par l’ouragan, mais qu’il a dû être causé en mer.La difficulté est qu’il n’y a pas eu de preuve relative à la manière dont il a pu être causé et qu’il n’y a aucune preuve relative au dommage réel par la rouille au roulement principal visé par cette action.Il y a eu une inspection visuelle, une preuve anecdotique et beaucoup de spéculation ou de déclarations non étayées.Cependant, il n’y avait pas d’analyse du roulement principal ou de la nature et de la portée du dommage réel causé par la rouille.

 

  • [33] Comme cela est indiqué dans Francosteel Corp. et al c. Fednav Ltd. et al (1990), 37 FTR 184 (T.D.) :

[traduction]

Pour convaincre le tribunal que les dégâts ont été causés au moment où les articles étaient sous la garde du transporteur, le demandeur doit établir, par prépondérance de preuve, que la cause immédiate de la rouille était soit la précipitation, soit la condensation qui s’est formée dans la cale du navire. La preuve devant moi quant à la cause immédiate du dommage causé par la rouille est insuffisante pour établir, selon la prépondérance, qu’elle s’est produite pendant que la marchandise était sous la garde du défendeur [...] il est tout aussi concevable que la rouille ait été causée par l’humidité pénétrant dans les rouleaux avant leur chargement et qu’elle s’est développée pendant les opérations de déchargement ou éventuellement en mer, en raison de circonstances indépendantes de la volonté du défendeur, qui ont commencé à causer de la rouille lorsqu’on les a laissés dans les entrepôts entre un et deux mois après leur déchargement.

 

  • [34] Au mieux, dans le cas présent, il y a eu des échantillons d’eau non concluants et des tests au nitrate d’argent, mais aucune analyse des dommages réels de la rouille pour aider à déterminer ce qui aurait pu causer la rouille et le moment auquel la rouille aurait été causée. La preuve était même insuffisante en ce qui concerne la composition du roulement qui aiderait à déterminer le moment auquel le dommage causé par la rouille aurait pu être causé et la manière dont il aurait pu l’être.

 

  • [35] Le témoignage de Christopher N. Mapp a été particulièrement utile à cet égard. M. Mapp est ingénieur métallurgiste et a témoigné au sujet des métaux et de la rouille.Pour déterminer le degré et la gravité de la rouille, il est nécessaire de déterminer s’il s’agit de rouille atmosphérique ou superficielle, qui peut être superficielle, ou si la corrosion ou les piqûres sont uniformes.Parfois, la rouille peut sembler pire qu’elle ne l’est réellement.

 

  • [36] Pour prendre une décision concernant les dommages causés par la rouille, il faut tenir compte d’un certain nombre de facteurs, notamment :

    • - la composition du métal;

    • - le type d’humidité auquel le métal a été exposé (s’il s’agissait d’humidité atmosphérique, d’eau douce ou d’eau salée ou de mer);

    • - de la durée de l’exposition.

  • [37] En ce qui concerne le premier facteur, si le roulement principal était en acier faiblement allié, selon les conditions, il pourrait rouiller très rapidement. Si le roulement principal était en acier fortement allié, la rouille pourrait prendre plus de temps – encore une fois en fonction des conditions d’exposition à l’humidité.Il n’y a, cependant, pas d’élément de preuve sur la composition du roulement principal.

 

  • [38] En ce qui concerne la détermination de la nature du dommage par la rouille, une inspection visuelle, en particulier une inspection simplement réalisée par le visionnement de photographies, est insuffisante. M. Mapp a témoigné que, pour réaliser une évaluation exacte, un test spécialisé est requis, y compris des radiographies, des analyses chimiques quantitatives et des examens microscopiques.Cela n’a pas été fait dans le cas du roulement principal.J’accepte le témoignage de M. Mapp selon lequel le test effectué, un test au nitrate d’argent, était inadéquat pour déterminer si le métal avait été affecté par l’eau de mer.

 

  • [39] La preuve confirme que le roulement principal est arrivé à Istanbul dans son état tel qu’expédié : emballé et attaché à une palette. Cependant, le roulement est arrivé aux locaux de Guris, à Ankara sans emballage et endommagé. Aucun élément de preuve n’indique ce qui est arrivé aux deux couches d’emballage et à la palette à laquelle le roulement principal a été attaché.Il n’y a pas non plus suffisamment de preuve de la nature spécifique du dommage – qu’il y ait eu de la rouille uniforme ou de surface, ou des piqûres profondes.

 

  • [40] Les défenderesses Kuehne & Nagel admettent que le roulement principal a subi une certaine rouille superficielle, mais nient que cette rouille ait empêché l’utilisation de l’équipement aux fins prévues. Je suis d’accord. La rouille superficielle du roulement a été nettoyée à Ankara, en Turquie, de la même manière qu’elle avait été nettoyée par Lovat avant l’expédition du roulement principal et pour la préparer.En ce qui a trait à toute rouille plus grave ou à d’autres dommages, il n’y a pas suffisamment de preuve du degré, de la nature et de la portée du dommage subi pour nécessiter le remplacement des 17 rouleaux ou de preuve suffisante qui, selon la prépondérance des probabilités, permettraient de tirer la conclusion que de tels dommages sont dus à la rouille résultant de l’exposition entre les mains des transporteurs aux termes de leurs connaissements respectifs.Quelle que soit la preuve de l’étendue du dommage, elle indique généralement des dommages causés par la rouille, mais cela ne permet en aucun cas de déterminer s’il s’agit de rouille grave comme des piqûres ou d’une rouille de surface uniforme, ou le moment auquel les dommages ont été causés, ou la manière dont ils l’ont été.Il n’y a pas de réponse concluante en ce qui concerne la rouille, et tous les éléments de preuve relatifs à l’étendue du dommage présentent également des dommages autres que ceux causés par la rouille ou s’y ajoutant.Le propre technicien de Lovat mentionne des dommages matériels du roulement principal, comme le rebord d’étanchéité unique ayant été partiellement arraché de sa rainure.

 

  • [41] Il n’y a donc aucune preuve autre que le dommage a été le plus vraisemblablement causé après la livraison de l’entrepôt au port d’Istanbul – et, à cet égard, aucune des défenderesses nommées n’est responsable de la partie Istanbul-Ankara de l’expédition du roulement principal selon les termes de leurs connaissements respectifs.

 

  • [42] J’estime que la demanderesse ne s’est pas acquittée de son fardeau de prouver que le roulement principal a été endommagé alors qu’il était sous les soins et la garde des défenderesses conformément aux modalités des connaissements. Selon les modalités des connaissements, il est clair que la responsabilité des transporteurs, Kuehne & Nagel et Nordana, a pris fin lorsque le roulement principal a été déchargé à Istanbul.Tel qu’indiqué dans Voest-Alpine Canada Corp. v. Pan Ocean Shipping Co., (1993), 79 B.C.L.R. (2d) 379, la Cour ne peut que présumer que c’est le dernier transporteur, le camionneur, qui a transporté le roulement d’Istanbul à Ankara qui pourrait être responsable.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

JUGEMENT

 

La Cour statue que :

 

  1. L’action est rejetée.

  2. Si les parties ne peuvent s’entendre sur les dépens, elles peuvent déposer des observations écrites ne dépassant pas trois pages, dans les vingt jours suivant la date du présent jugement.

 

« Martha Milczynski » 

Protonotaire

 


COUR FÉDÉRALE

 

NOM DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :  T-557-04

 

INTITULÉ :  LOVAT INC. ET AL C. BLUE ANCHOR LINE ET AL

 

LIEU DE L’AUDIENCE :  TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :  LES 27, 28 ET 29 JUIN 2006

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :  LA PROTHONOTAIRE MILCZYNSKI

 

DATE DES MOTIFS :  LE 4 MAI 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me John Carter  POUR LES DEMANDERESSES

 

Me Gavin Magrath  POUR LES DÉFENDEURESSES

 

Me Victor Demarco  POUR LE TIERS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Strathy & Associates LLP  POUR LES DEMANDERESSES

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Paterson, MacDougall LLP  POUR LES DÉFENDEURESSES

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Brissett Bishop LLP  POUR LE TIERS

Avocats

Toronto (Ontario)

 

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