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 Date : 20070508

Dossier : IMM-3889-06

Référence : 2007 CF 497

Ottawa (Ontario), le 8 mai 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BEAUDRY

 

 

ENTRE :

GERMAN A. LONDONO ECHEVERRY

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), de décisions rendues par Mme Simone T. Smith, agente d’exécution pour l’Agence des services frontaliers du Canada, (l’agente d’exécution), les 6 et 12 juillet 2006, par lesquelles elle a rejeté les demandes du demandeur en vue de faire différer l’exécution de la mesure de renvoi prise contre lui.

 

 

QUESTION EN LITIGE

[2]               Les décisions rendues par l’agente d’exécution étaient-elles manifestement déraisonnables?

 

[3]               Pour les motifs qui suivent, je conclus que les décisions ne sont pas manifestement déraisonnables. La présente demande de contrôle judiciaire sera donc rejetée.

 

CONTEXTE

[4]               Le demandeur, citoyen de la Colombie, est né le 27 février 1960 dans la ville de Trojillo‑Valle. Il est arrivé au Canada pour la première fois le 15 juillet 1991 et y a présenté une demande d’asile. Cependant, en 1992, on a conclu que le demandeur était exclu de la définition de réfugié au sens de la Convention prévue à l’alinéa 1Fa), en raison de ses activités en tant qu’ancien membre d’une guérilla connue sous le nom de M-19. Le demandeur a par la suite été renvoyé du Canada en 1995.

 

[5]               Le 4 août 2000, le demandeur est revenu au Canada et le même jour a présenté une deuxième demande d’asile. Il est demeuré fidèle à ses récits au sujet de sa participation dans la M‑19 et on a encore une fois conclu qu’il était exclu de la définition prévue à l’alinéa 1Fa) de la Convention. Le demandeur s’est prévalu d’une série de recours disponibles en matière d’immigration en vue de demeurer au Canada. Il a notamment exercé les recours suivants :

§         En septembre 2002 : Le demandeur a présenté une demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR);

§         Le 10 avril 2003 : Première décision défavorable d’ERAR. Il y a eu sursis à la mesure de renvoi prise contre le demandeur en attendant l’issue de sa demande d’autorisation de contrôle judiciaire;

§         Le 18 septembre 2003 :  La demande de contrôle judiciaire de la première décision défavorable d’ERAR a été accueillie et l’ERAR a été renvoyé pour réexamen;

§         Le 11 janvier 2005 : Deuxième décision défavorable d’ERAR à l’égard de laquelle une demande d’autorisation de contrôle judiciaire a été déposée le 3 février 2005;

§         Le 27 mai 2005 : La demande de contrôle judiciaire de la deuxième décision défavorable d’ERAR a été rejetée;

§         Le 15 janvier 2006 : La demande de résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaire a été rejetée;

§         En avril 2006 : Présentation d’une nouvelle demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire;

§         Le 30 mai 2006 : La demande de contrôle judiciaire de la décision défavorable rendue le 15 janvier 2006 relativement à la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire a été rejetée;

§         Le 4 juillet 2006 : Entrevue de l’examen des risques avant renvoi et convocation aux fins de renvoi fixée au 18 juillet 2006. Le demandeur a indiqué qu’il aimerait acheter son propre billet et l’agente d’exécution lui a donné un avis de convocation, fixée au 12 juillet 2006, pour qu’il fournisse un billet aller simple vers la Colombie au plus tard en date du 31 juillet 2006. Le demandeur n’a pas fourni de billet et, à sa demande, on lui a donné une demande d’ERAR à remplir;

§         Le 5 juillet 2006 : Le demandeur a présenté une demande en vue de faire différer l’exécution de la mesure de renvoi, laquelle a été rejetée par l’agente d’exécution le 6 juillet 2006;

§         Le 11 juillet 2006 : Le demandeur a présenté une deuxième demande en vue de faire différer l’exécution de la mesure de renvoi, laquelle a été rejetée le 12 juillet 2006.

 

[6]               Le rejet de ces deux demandes présentées par le demandeur en vue de faire différer l’exécution de la mesure de renvoi prise contre lui constitue le fondement de la présente demande de contrôle judiciaire.

 

DÉCISIONS FAISANT L’OBJET DU CONTRÔLE

[7]               La première demande en vue de faire différer le renvoi, datée du 5 juillet 2006, a été rejetée, puisque le demandeur n’a pas fourni de preuve permettant d’établir qu’il serait directement exposé à un risque. En outre, l’agente d’exécution a rejeté cette demande malgré la demande de résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaire déposée par le demandeur en avril 2006, laquelle était toujours en instance et n’était donc pas imminente. Enfin, l’agente d’exécution avait l’obligation, en vertu de l’article 48 de la Loi, d’appliquer toute mesure de renvoi dès que les circonstances le permettaient.

 

[8]               La deuxième demande en vue de faire différer le renvoi, datée du 11 juillet 2006, a été rejetée d’une manière semblable, puisque la preuve fournie à l’appui de la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire concernant le cousin du demandeur n’étayait pas la conclusion selon laquelle le demandeur serait exposé à un risque direct. Ces renseignements remontaient au mois d’août 2005 et étaient antérieurs à la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. En outre, la demande en vue de faire différer le renvoi n’a pas été accueillie étant donné qu’il n’existait aucune preuve permettant d’établir un lien précis de dépendance entre le demandeur et ses fils. De plus, l’agente d’exécution a souligné que le sursis à un renvoi est censé être une mesure temporaire antérieure au renvoi et n’offre pas la possibilité d’obtenir le statut de résident permanent. Enfin, il existe une obligation imposée par la loi selon laquelle il faut, sauf avis contraire, exécuter sans délai les mesures de renvoi.

 

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES

[9]                 Le fondement juridique des décisions de l’agente d’exécution se trouve à l’article 48 de la Loi qui se lit comme suit :

Mesure de renvoi

 

48(1) La mesure de renvoi est exécutoire depuis sa prise d’effet dès lors qu’elle ne fait pas l’objet d’un sursis.

 

Conséquence

 

(2) L’étranger visé par la

mesure de renvoi exécutoire doit immédiatement quitter le territoire du Canada, la mesure devant être appliquée dès que les circonstances le permettent.

 

Enforceable removal order

 

48. (1) A removal order is enforceable if it has come into force and is not stayed.

 

 

Effect

 

(2) If a removal order is enforceable, the foreign national against whom it was made must leave Canada immediately and it must be enforced as soon as is reasonably practicable.

 

 

 

 

 

ANALYSE

Norme de contrôle

[10]           Dans la jurisprudence de la présente Cour, il est bien établi que les décisions résultant d’un pouvoir discrétionnaire d’agents d’exécution, telles que celles fondées sur le régime prévu par la Loi en ce qui a trait à l’application des mesures de renvoi, sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision manifestement déraisonnable (voir : Hailu c. Canada (Solliciteur général), [2005] A.C.F. no 268 (C.F.) (QL), au paragraphe 12 et J.B. c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2004] A.C.F. no 2094 (C.F.) (QL) au paragraphe 25). En d’autres mots, la présente Cour interviendra seulement si les décisions de l’agente d’exécution étaient manifestement déraisonnables au vu de l’ensemble de la preuve dont cette dernière disposait.

 

Préclusion découlant d’une question déjà tranchée

[11]           Le demandeur allègue que le juge Max M. Teitelbaum a entendu, le 17 juillet 2006, les arguments portant sur la requête en sursis et qu’il a accueilli cette dernière au motif qu’il était convaincu que le demandeur avait satisfait au critère à trois volets applicable aux demandes de sursis. Le demandeur allègue aussi qu’étant donné que le fondement qui permet d’établir l’existence d’une question sérieuse est le même, qu’il s’agisse d’une demande de sursis ou d’une demande d’autorisation de contrôle judiciaire de la décision, tel que l’avait établi le juge Teitelbaum, cette question est maintenant subordonnée au principe de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée, puisque les parties sont les mêmes, que la question a été décidée et que la décision est finale (Raman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1995] A.C.F. no 1125 (C.F. 1re inst.) (QL)).

 

[12]           À cet égard, les allégations du demandeur sont erronées. Il suffit de s’en rapporter à l’ordonnance du juge Teitelbaum qui énonce ce qui suit :

[traduction]

 

La Cour ordonne que la demande de sursis soit accueillie jusqu’à ce que la demande d’autorisation soit accueillie. Dans l’éventualité où cette dernière serait rejetée, le sursis deviendra nul.

 

 

[13]           De plus, comme le souligne avec raison le défendeur, accorder un sursis à l’exécution d’une mesure de renvoi ne veut pas automatiquement dire qu’une autorisation de contrôle judiciaire sera nécessairement accordée. Au contraire, la présente Cour a à maintes reprises rejeté des demandes d’autorisation en matière d’immigration, même si un sursis à l’exécution d’une mesure de renvoi avait été accordé.

 

[14]           Il est suffisant de citer les trois exemples fournis par le défendeur : Guerra‑Parrales c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 1345, [2001] A.C.F. no 1827 (QL) [motifs relatifs à l’ordonnance de sursis] et Guerra-Parrales c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (13 mars 2002), Ottawa, IMM-5489-01 (C.F.) [ordonnance rejetant la demande d’autorisation]; Martinez Correal et autres c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (29 juillet 2004), Ottawa, IMM-6609-04 (C.F.) [ordonnance accueillant la demande de sursis] et Martinez Correal et autres c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (29 octobre 2004), Ottawa, IMM-6609-04 (C.F.) [ordonnance rejetant la demande d’autorisation]; et Shanaj et Sageri c. Canada (Solliciteur général), (22 juillet 2004), Ottawa, IMM-6402-04 (C.F.) [ordonnance accueillant la demande de sursis] et Shanaj et Sageri c. Canada (Solliciteur général), (18 octobre 2004), Ottawa, IMM-6402-04 (C.F.) [ordonnance rejetant la demande d’autorisation].

 

[15]           Le contraire est également vrai, puisque le rejet subséquent des demandes d’autorisation avait trait à des décisions, prises indépendamment ou sans commentaire au sujet du bien-fondé de la délivrance antérieure de l’ordonnance de sursis à l’exécution de la mesure de renvoi, qui ne sont pas susceptibles de contrôle judiciaire. C’est pourquoi il est utile de rappeler que le juge Teitelbaum a cru bon d’ajouter la restriction suivante à son ordonnance : [traduction] « Dans l’éventualité où la demande d’autorisation serait rejetée, le sursis deviendra nul ».

 

[16]           Les conditions minimales pour déterminer s’il existe une question sérieuse en vue d’accorder un sursis sont donc moins élevées et complètement différentes de la norme de contrôle applicable à la décision d’accorder une autorisation en contrôle judiciaire. Selon les faits propres à la présente affaire, le critère applicable pour accorder une autorisation est fondé sur la norme de contrôle manifestement déraisonnable, et je ne suis vraiment pas convaincu que le demandeur a établi que les décisions de l’agente d’exécution, dans les deux cas, étaient manifestement déraisonnables.

 

[17]           Le demandeur cite aussi Wang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 148, [2001] A.C.F. no 295 (QL), aux paragraphes 45, 48 et 50, pour ce qui est de l’argument selon lequel les décisions de l’agente d’exécution sont manifestement déraisonnables, du fait qu’il existe une preuve convaincante établissant que le demandeur serait exposé à un risque s’il devait être renvoyé dans son pays.

 

[18]           Après une lecture attentive du dossier et des documents certifiés du demandeur, je suis convaincu qu’il n’était pas manifestement déraisonnable que l’agente d’exécution conclût à l’insuffisance d’éléments de preuve pour établir que le demandeur serait directement ou implicitement exposé à un risque en raison de la situation de son cousin. À mon avis, il n’était pas manifestement déraisonnable que l’agente d’exécution conclût qu’il n’existait pas plus qu’une simple probabilité que le demandeur soit destiné au même sort. Je conclus donc que ni le refus du 6 juillet ni celui du 11 juillet 2006 n’étaient manifestement déraisonnables.

 

[19]            Les parties n’ont proposé aucune question aux fins de certification et aucune question n’est soulevée en l’espèce.

 


 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n’y a aucune question aux fins de certification.

 

 

« Michel Beaudry »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Mario Lagacé, jurilinguiste

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                                            IMM-3889-06

 

INTITULÉ :                                                                           GERMAN A. LONDONO

                                                                                                ECHEVERRY

                                                                                                c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

                                                                                                                                               

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   LE 3 MAI 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                                                  LE JUGE BEAUDRY

 

DATE DES MOTIFS :                                                          LE 8 MAI 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Osborne Barnwell                                                                     POUR LE DEMANDEUR

                                                                                               

Leanne Briscoe                                                             POUR LE DÉFENDEUR

                                                                                               

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Osborne Barnwell                                                                     POUR LE DEMANDEUR

North York (Ontario)

 

John Sims, c.r.                                                                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

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