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Date: 20070514

Dossier : IMM-3796-06

Référence : 2007 CF 512

Ottawa (Ontario), 14 mai 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O’KEEFE

 

 

ENTRE :

CAVELL ALICIA HENRY et

KHALID OLIVER TARRICK HENRY

 

Demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

Défendeur

 

MOTIFS DE JUGEMENT ET JUGEMENT

 

LE JUGE O’KEEFE

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR), L.C. 2001, ch. 27, qui vise la décision que la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a rendue le 16 juin 2006 selon laquelle les demandeurs n’ont ni qualité de réfugié ni qualité de personne à protéger.

 

[2]               Les demandeurs demandent que la décision soit cassée et que l’affaire soit renvoyée devant un tribunal différemment constitué de la Commission pour qu’il statue à nouveau sur l’affaire.

 

Contexte

 

[3]               Les demandeurs, Cavell Alicia Henry (la demanderesse), et son fils, Khalid Oliver Tarrick Henry, sont citoyens de la Grenade. La demanderesse a prétendu craindre la persécution en raison de son appartenance à deux groupes sociaux, à savoir les gens menacés par des criminels impliqués dans un crime et les femmes maltraitées par leur conjoint de fait. Elle a en outre soutenu avoir qualité de personne à protéger. La demande d’asile de son fils reposait sur la sienne. Les circonstances qui ont poussé la demanderesse à demander l’asile sont énoncées dans l’exposé circonstancié de son Formulaire de renseignements personnels (FRP) et son affidavit.

 

[4]               La demanderesse a vécu en union de fait avec Oliver Williams de 1997 à avril 2005. Le fils du couple est né en janvier 2000. En septembre 2002, Williams a été abordé sous la menace d’une arme à feu et forcé de conduire un groupe d’hommes. L’un de ces hommes était Sheldon Bain, un criminel notoire à la Grenade. Williams a entendu les hommes parler d’un meurtre, et ces derniers l’ont avisé que sa famille serait tuée s’il signalait le crime. En dépit de la menace, Williams a signalé le meurtre à la police, et Bain et trois autres hommes ont été capturés. Williams a en outre témoigné contre Bain au procès. Durant ce procès, la demanderesse et son fils ont reçu des menaces de la part des hommes et des membres de leur famille.

 

[5]               Bain s’est échappé de prison en avril 2004 et Williams a été placé en garde préventive. La demanderesse et son fils sont partis sous escorte policière pour aller vivre chez la mère de la demanderesse, qui était policière. La police a informé la demanderesse qu’elle et son fils n’étaient pas en sécurité à la Grenade parce que nombreuses étaient les personnes qui souhaitaient leur faire des représailles. La police les a aidés à quitter la Grenade et leur a fourni des documents officiels confirmant leur situation.

 

[6]               La demanderesse et son fils sont arrivés au Canada le 25 août 2004 en compagnie de Williams. La famille a demandé l’asile le 10 septembre 2004. Pendant qu’il était au Canada, Williams a appris que les trois autres hommes arrêtés en même temps que Bain s’étaient aussi échappés de prison. Williams et la demanderesse ont mis un terme à leur relation après plusieurs incidents de violence familiale. Williams a été reconnu coupable d’avoir commis des voies de fait et d’avoir proféré des menaces de mort contre la demanderesse le 14 septembre 2005. Williams a aussi été déclaré coupable d’avoir violé l’interdiction de communication dont était assortie son ordonnance de mise en liberté.

 

[7]               Les demandes d’asile de la demanderesse et de son fils ont été dissociées de celle de Williams le 20 janvier 2006. Elles ont été entendues le 15 juin 2006 et ont été rejetées dans une décision datée du 16 juin 2006. Il s’agit en l’espèce du contrôle judiciaire de la décision de la Commission.

 

Motifs de la Commission

 

[8]               La Commission a déterminé que la demanderesse et son fils n’avaient ni qualité de réfugié au sens de la Convention ni qualité de personne à protéger, car leurs demandes d’asile ne s’appuyaient sur aucun fondement objectif. Elle a mentionné qu’elle avait pris en considération les directives du président concernant la persécution fondée sur le sexe.

 

[9]               La demanderesse a fourni à la Commission une lettre de la police grenadienne qui confirmait son récit des faits. Cette lettre était la preuve que les autorités leur avaient offert plus d’aide que celle habituellement disponible à la Grenade. La Commission a conclu que la protection qui leur était offerte n’était pas parfaite, mais qu’elle était adéquate. Par ailleurs, la demanderesse s’était séparée de Williams, et c’était ce dernier qui était visé par les menaces de Bain. D’après la Commission, on saurait, à la Grenade, que la demanderesse n’a plus aucun lien avec Williams, et les agents de persécution n’auraient donc plus aucun intérêt à lui faire du mal.

 

[10]           La Commission a pris connaissance de la preuve documentaire sur la situation des femmes victimes de violence à la Grenade et a reconnu que leur situation est encore fragile. Il y a, à la Grenade, des lois qui autorisent la prise d’ordonnances de protection, d’occupation et de location. La violence contre les femmes est un problème à la Grenade, mais le gouvernement s’est attaqué au problème, et la situation s’est améliorée. La Commission a constaté que la mère de la demanderesse est policière et qu’elle pouvait prendre des arrangements pour protéger la demanderesse.

 

[11]           La Commission a établi que la définition de réfugié au sens de la Convention et les motifs définissant le besoin de protection sont de nature prospective. Elle a conclu que la demanderesse pourrait au besoin obtenir des services de protection à la Grenade. Elle a établi que les États sont présumés capables de protéger leurs citoyens, et tout demandeur d’asile doit d’abord s’adresser à son pays pour obtenir la protection disponible (voir Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689; (1993) 103 D.L.R. (4th) 1). Il n’existait rien de plus qu’une simple possibilité que la demanderesse et son fils se fassent persécuter s’ils retournaient à la Grenade, et ces derniers n’avaient en outre pas qualité de personne à protéger.

 

Questions à trancher

 

[12]           La demanderesse a soumis à l’examen de la Cour les questions suivantes :

            1.         La Commission a‑t‑elle commis une erreur en concluant que la protection de l’État, à la Grenade, était adéquate et que les demandeurs n’y étaient plus exposés à un risque?

            2.         La Commission a‑t‑elle commis une erreur en omettant de tenir dûment compte de la preuve concernant la protection de l’État et la violence familiale?

 

[13]           Je reformulerais ainsi les questions soumises par les demandeurs :

            La Commission a‑t‑elle commis une erreur en concluant que les demandeurs jouissaient de la protection de l’État?

 

Arguments des demandeurs

 

[14]           La demanderesse a fait valoir que, même si la Commission n’est pas tenue de mentionner chaque élément de preuve dont elle dispose, elle doit tenir compte de la preuve à l’appui de la thèse du demandeur d’asile (voir Cepeda-Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), 157 F.T.R. 35; 83 A.C.W.S. (3d) 264 (C.F. 1re inst.)). Elle a en outre avancé que plus importante est la preuve, plus probable est l’éventualité que la Commission ait commis une erreur en omettant d’en tenir compte. La demanderesse a soutenu que la Commission ne devrait pas mentionner de façon sélective les éléments de preuve qui étayent sa conclusion, sans mentionner les éléments de preuve qui contredisent celle‑ci (voir Polgari c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2001), 15 Imm. L.R. (3d) 263; 2001 CFPI 626).

 

[15]           La demanderesse a soutenu que, lorsque des éléments de preuve ayant trait à une question centrale sont produits, l’obligation incombant à la Commission d’exposer les raisons pour lesquelles elle ne leur accorde que peu de poids augmente. Elle fait valoir qu’il ne suffit pas de déclarer de façon générale qu’elle a tenu compte de toute la preuve, surtout si la preuve omise contredit la conclusion de la Commission (voir Castillo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2004), 128 A.C.W.S. (3d) 782; 2004 CF 56). La demanderesse a soutenu que l’élément de preuve le plus important, dans son cas, était la lettre de la police grenadienne. La Commission a reconnu l’authenticité du document, mais a conclu que la protection de l’État était adéquate. La demanderesse a fait valoir que la conclusion de la Commission ne tenait pas compte de la preuve.

 

[16]           La demanderesse a prétendu que le fait qu’elle et son fils ont reçu une protection plus grande que celle habituellement offerte n’était pas pertinent. Elle a fait valoir que la lettre prouvait que l’État était incapable de lui offrir une protection adéquate. Elle a soutenu que la conclusion de la Commission selon laquelle les demandeurs n’étaient pas exposés à un risque continu était abusive, étant donné que la police, elle‑même, estimait qu’ils couraient encore un risque.

 

[17]           La demandeure a déclaré, dans son témoignage, que les agents de persécution ne sont pas rationnels et ne feraient aucun cas du fait qu’elle n’est plus en relation avec Williams. Elle a prétendu que la conclusion selon laquelle les criminels ne représentaient plus une menace du fait qu’elle s’est séparée de Williams est manifestement déraisonnable. Elle a signalé que Bain, ses acolytes et sa famille sont d’avis qu’elle est personnellement responsable de la condamnation de Bain et ont proféré des menaces à son endroit.

 

[18]           La demanderesse a fait valoir que la Commission a pris en considération la preuve sur la situation de la femme à la Grenade de façon sélective. La preuve documentaire indiquait que l’application des lois contre la violence familiale connaissait de sérieux ratés. La demanderesse a soutenu que la Commission aurait dû apprécier la capacité réelle de l’État à protéger ses citoyens. Elle a avancé que la Commission n’a pas tenu compte du fait qu’en dépit des efforts déployés pour corriger la situation, la protection offerte est inadéquate. Elle a soutenu que la Commission a commis une erreur en s’appuyant de façon sélective sur certains passages de la preuve et en faisant fi d’autres passages dans le même document.

 

Arguments du défendeur

 

[19]           Le défendeur a soutenu que la conclusion de la Commission quant à la protection de l’État était raisonnable. Il a signalé que les États sont présumés capables de protéger leurs citoyens à moins qu’il soit prouvé qu’il y a effondrement complet de l’État (voir Ward, précité). Il a fait observer que, même si la preuve produite devant la Commission indiquait que la police avait aidé la demanderesse à fuir la Grenade, la lettre ne réfutait pas la présomption de la protection de l’État.

 

[20]           Le défendeur a fait valoir qu’il incombait à la demanderesse de montrer que la Grenade n’a pas la capacité ou la volonté de protéger ses citoyens. Il a signalé que plus les institutions d’un pays sont démocratiques, plus le demandeur d’asile devra avoir cherché à épuiser tous les recours qui s’offrent à lui (voir Ward, précité). Il a soutenu que l’omission de fournir des services policiers efficaces en un lieu donné n’emporte pas forcément absence de protection de l’État, à défaut de preuve de la politique étatique plus large de ne pas fournir une protection à un groupe précis. Puisque la demanderesse n’a pas cherché à obtenir d’autre aide que celle de la police locale, le défendeur soutient que la conclusion de la Commission est par conséquent raisonnable (voir Orban c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2004), 130 A.C.W.S. (3d) 1190; 2004 CF 559).

 

[21]           Le défendeur a soutenu que la Commission a pris en considération toute la preuve lorsqu’elle est arrivée à sa conclusion sur la protection de l’État. La Commission a constaté que la preuve indiquait que le gouvernement de la Grenade a pris des mesures pour lutter contre la violence familiale et résoudre les questions liées à la sécurité de la personne. Le défendeur a fait valoir que la norme, pour ce qui est de la protection de l’État, est le caractère adéquat, et non la perfection (voir Zalzali c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1991] 3 C.F. 605; 14 Imm. L. R. (2d) 81 (C.A.F.)). Il a soutenu que la Commission n’était nullement tenue de mentionner tous les éléments de preuve dont elle dispose, pourvu qu’elle en ait tenu compte (voir Chowdhury c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2003), 122 A.C.W.S. (3d) 344; 2003 CFPI 407).

 

[22]           La Commission a conclu que les menaces de Bain visaient Williams, et non la demanderesse et son fils. La police a offert à Williams une protection complète pendant que la demanderesse et son fils sont allés vivre chez un membre de la famille. En outre, le risque que la demanderesse courait était réduit puisqu’elle s’était séparée de Williams. Le défendeur a fait valoir que, comme la Grenade est une petite île, tout le monde saurait que la demanderesse ne vit plus avec Williams. Il a soutenu que la simple possibilité d’un risque ne constitue pas en soi une raison objective de craindre la persécution, le risque de torture ou le risque de traitement ou peine cruel et inusité.

 

Réponse des demandeurs

 

[23]           La demanderesse a soutenu que la conclusion de la Commission quant à la protection de l’État ne reposait pas sur l’omission de fournir une protection au niveau local. Elle a signalé que c’est le défendeur qui a amené cet argument et que la conclusion était manifestement déraisonnable. Elle a fait valoir que la Commission n’a pas déclaré qu’elle aurait dû tenter d’obtenir l’aide au‑delà de celle de la police locale. Elle a signalé que le défendeur avançait des arguments qui ne reposaient pas sur la décision de la Commission. Quoi qu’il en soit, comme la lettre venait du quartier général de la police et qu’elle était signée par le commissaire de police, on peut difficilement comprendre comment la demanderesse aurait pu s’adresser en plus haut lieu.

 

[24]           La demanderesse a reconnu que la norme applicable à la protection de l’État est le caractère adéquat. Elle a toutefois soutenu que la Commission a commis une erreur en omettant de tenir compte du fait que la police a elle-même admis être incapable de protéger la demanderesse. Cette dernière a signalé que la lettre de la police était postérieure à sa séparation avec Williams, ce qui prouve de façon convaincante qu’elle était toujours exposée à un risque. Elle a fait observer que la Commission n’a pas examiné la demande d’asile de son fils de façon indépendante.

 

Analyse et décision

 

Norme de contrôle

[25]           Les conclusions de fait sous‑jacentes sont examinées en fonction du critère de la décision manifestement déraisonnable, mais les conclusions de la Commission touchant le caractère adéquat de la protection de l’État constituent une question mixte de droit et de fait à examiner selon la norme de la décision raisonnable (voir M.P.C.R. c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2005), 139 A.C.W.S. (3d) 1068; 2005 CF 772).

 

[26]           Question à trancher

            La Commission a‑t‑elle commis une erreur en concluant que les demandeurs jouissaient de la protection de l’État?

            La conclusion de la Commission quant à la protection de l’État présente deux aspects. D’abord, il y a la question de savoir si l’État offre une protection adéquate contre le meurtrier condamné et ses acolytes. Ensuite, il y a la question de savoir si l’État offre une protection adéquate contre la violence anticipée de l’ex‑conjoint de fait de la demanderesse.

 

[27]           Je traiterai d’abord du caractère adéquat de la protection de l’État contre Bain, le meurtrier condamné. L’ex‑conjoint de fait de la demanderesse, Oliver Williams, a été forcé de conduire Bain et d’autres personnes quelque part et les a entendu parler du meurtre d’une femme. Il a été avisé de ne pas mettre la police au courant sinon sa famille serait assassinée. Williams a néanmoins signalé l’affaire à la police, et Bain et trois de ses acolytes ont été arrêtés. Williams a témoigné contre Bain, qui a été reconnu coupable de meurtre. Durant le procès, les amis et la famille de Bain ont proféré des menaces contre la demanderesse et son fils. Celle‑ci recevait des appels de menace à la maison.

 

[28]           Le 9 avril 2004, Bain s’est échappé de prison, et Williams a été placé en détention préventive. La demanderesse et son fils, sous escorte de la police, sont allés vivre chez la mère de la demanderesse, qui était policière. La police a conseillé à la demanderesse et à son fils de quitter la Grenade parce qu’ils n’y étaient pas en sécurité. Les trois autres hommes arrêtés en même temps Bain ont fini par s’échapper eux aussi.

 

[29]           En mai 2006, la police grenadienne a fourni la lettre suivante à la demanderesse :

[traduction]

MADAME,

MONSIEUR,

 

La présente atteste que Mme Cavell HENRY et son fils Khalid HENRY ont été placés en garde préventive par la force policière royale de la Grenade (RGPF). Une équipe d’agents a été désignée pour leur rendre visite périodiquement et s’assurer de leur bien-être.

 

M. Oliver WILLIAMS, ancien conjoint de fait de Mme Henry et père de leur fils Khalid, était témoin de l’État dans un procès pour meurtre concernant Sheldon BAIN alias « Dutch ». Ce dernier (Sheldon) a été reconnu coupable et attendait le prononcé de sa sentence. Le 9 avril 2004, il s’est évadé de la prison de Sa Majesté, Richmond Hill, à St. George’s, et a disparu de la circulation. Il était considéré comme armé et dangereux.

 

Lorsqu’elle était en garde préventive, Mme HENRY aurait reçu de nombreuses menaces de mort de la part de Sheldon BAIN (Dutch). Elle a donc cessé son emploi et retiré son fils de l’école. C’est à ce point que la police a informé Mme Henry et sa famille que, pour leur bien‑être, ils devraient quitter la Grenade.

 

Nous estimons, maintenant qu’ils sont au Canada, que c’est l’endroit le plus sûr pour Mme Henry et son fils Khalid HENRY et qu’ils y recevront une protection adéquate.

 

Nous croyons qu’ils devraient être autorisés à rester au Canada.

 

Nous vous sommes reconnaissants de toute aide offerte à Mme Henry et à sa famille à cet égard.

 

« Raymond CHARLES »

Commissaire de police (Ag.)

 

La Commission a reçu cette lettre et en a reconnu l’authenticité.

 

[30]           La Commission a entendu le témoignage de la demanderesse et déclaré que la preuve montrait que les autorités grenadiennes avaient fourni à la demanderesse et à sa famille une aide plus grande que celle que peuvent recevoir habituellement les citoyens de la Grenade.

 

[31]           La Commission a en outre constaté que la demanderesse s’était séparée de Williams et qu’elle devrait donc ne plus être visée par les menaces de Bain, car ce dernier aurait vent de la séparation. Elle n’a toutefois pas tenu compte du danger pour l’enfant.

 

[32]           La police, dans sa lettre arborant une date postérieure à la séparation, déclare que la demanderesse et son fils sont dans un lieu plus sûr, au Canada, où [traduction] « ils recevront une protection adéquate ». Cette déclaration dénote que la protection, à la Grenade, est inadéquate.

 

[33]           La Commission a fait mention de la lettre, mais a omis d’expliquer pourquoi cette dernière ne permettait pas de conclure que la demanderesse et son fils ne jouissaient pas d’une protection adéquate de l’État à la Grenade. Cette lettre est l’élément de preuve le plus à jour sur la situation de la protection de l’État. Comme la lettre a trait à une question centrale de l’affaire, la Commission était tenue d’expliquer pourquoi elle ne s’y était pas fiée ou pourquoi elle l’avait rejetée à titre de preuve concernant la protection de l’État. À mon avis, la question était de savoir si la demanderesse et son fils disposaient d’une protection adéquate de l’État, et non de savoir si la demanderesse a reçu de l’État une protection plus soutenue que celle généralement offerte aux citoyens de la Grenade.

 

[34]           Les motifs de la Commission ne renferment aucune analyse des déclarations de la police concernant la protection de l’État. À mon avis, cet élément de preuve aurait dû être soupesé en fonction des autres éléments de preuve sur la protection de l’État. En omettant de le faire, la Commission a commis une erreur susceptible de révision.

 

[35]           Vu ma conclusion, je n’aborderai pas l’autre aspect de la protection de l’État.

 

[36]           La demande de contrôle judiciaire est donc accueillie, et l’affaire est renvoyée à la Commission pour y être examinée de nouveau par un tribunal différemment constitué.

 

[37]           Ni l’une ni l’autre partie n’a souhaité soumettre à mon examen une question grave de portée générale pour qu’elle soit certifiée.


 

JUGEMENT

 

[38]           LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie et que l’affaire soit renvoyée à la Commission pour y être examinée de nouveau par un tribunal différemment constitué.

 

 

« John A. O’Keefe »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Guillaume Chénard, Trad. a.


 

ANNEXE

 

Dispositions législatives pertinentes

 

La présente section fait état des dispositions législatives pertinentes.

 

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 :

 

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques:

 

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

 

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

 

97.(1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant:

 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

 

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

 

(2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

 

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

 

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

 

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

97.(1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

 

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

 

(2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection.

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑3796‑06

 

INTITULÉ :                                                   CAVELL ALICIA HENRY et

                                                                        KHALID OLIVER TARRICK HENRY

 

                                                                        et

 

                                                                        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                                        ET DE L’IMMIGRATION

                                                                       

LIEU DE L’AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 1er MAI 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          JUGE O’KEEFE

 

DATE DU JUGEMENT :                             LE 14 MAI 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

C. Julian Jubenville

 

                  POUR LES DEMANDEURS

Bernard Assan

 

                  POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

C. Julian Jubenville

Toronto (Ontario)

 

                  POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

 

                  POUR LE DÉFENDEUR

 

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