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Date : 20070515

Dossier : IMM-4162-06

Référence : 2007 CF 515

 

Ottawa (Ontario), le 15 mai 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MOSLEY

 

 

ENTRE :

WEIQUAN PAN

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur est un citoyen de la République populaire de Chine âgé de 42 ans et marié, qui a sollicité l’asile au Canada pour le motif qu’il craignait d’être persécuté en Chine en raison de sa foi chrétienne. Le 4 juillet 2006, la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a décidé qu’il n’est ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger.

 

[2]               La Commission a jugé que le demandeur n’était pas crédible et, selon la prépondérance de la preuve, qu’il n’était pas chrétien et n’avait pas professé le christianisme en Chine où il aurait, selon ses déclarations, fréquenté une maison‑église et aurait risqué d’être arrêté par le Bureau de la sécurité publique. Ces conclusions découlent de nombreuses réserves à l’égard du témoignage du demandeur, notamment de ses réponses aux questions visant à vérifier ses connaissances du christianisme, de l’improbabilité de sa conversion dans les circonstances telles qu’il les a relatées, et du fait que le commissaire a estimé que le demandeur avait mémorisé l’exposé des faits de son Formulaire de renseignements personnels et qu’il avait récité le tout lorsqu’on l’avait interrogé à l’audience.

 

[3]               Le demandeur a sollicité et a obtenu l’autorisation de demander le contrôle judiciaire en tant que plaideur sans avocat. La date de l’audience a été fixé au 16 février 2007. Le dossier dont disposait la Cour était complet et comprenait des éléments de preuve documentaire ainsi que des observations écrites. Le mardi 8 mai 2007, soit le jour précédant la date fixée pour l’audience, le greffe a été avisé que le demandeur souhaitait être représenté par un mandataire qui n’était pas avocat. Le greffe a reçu la directive d’aviser le demandeur que les Règles interdisent la représentation par un mandataire qui n’est pas avocat.  

 

[4]               Le mercredi 9 mai 2007, soit la date fixée pour l’audience, le demandeur ne s’est pas présenté à l’heure prévue. Environ quinze minutes plus tard, un avocat est arrivé; il a déclaré qu’on venait de retenir ses services et a demandé un ajournement. La demande a été rejetée. La Cour a demandé à l’avocat de représenter le demandeur sur la base du dossier présenté. En l’espèce, la Cour a également demandé à l’avocate du défendeur, en tant que fonctionnaire de la Cour, de faire ressortir toute erreur qu’elle aurait pu constater dans la décision visée.

 

[5]               La seule question litigieuse était de savoir si la Commission avait tirée une conclusion de fait erronée quant à la crédibilité du demandeur.

 

[6]               Il est bien établi que la norme de contrôle applicable dans ce contexte est la décision manifestement déraisonnable : Chowdhury c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 139, au paragraphe 12; Martinez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 403, au paragraphe 13. Pour contester les conclusions relatives à sa crédibilité, le demandeur doit prouver que la décision de la Commission est fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans que la Commission ait tenu compte des éléments de preuve : Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, alinéa 18.1(4)d).

 

[7]               La Cour suprême du Canada a statué que l’appréciation de la crédibilité est « essentiellement de nature factuelle » et que les tribunaux administratifs doivent bénéficier d’un degré de déférence élevé parce qu’ils ont l’avantage relatif d’entendre les témoignages de vive voix : voir Dr Q. c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226, au paragraphe 38. 

 

[8]               La Cour suprême a récemment affirmé « qu’il fallait respecter les perceptions du juge de première instance, sauf erreur manifeste et dominante » : R c. Gagnon, 2006 CSC 17, au paragraphe 20. Dans ce contexte, il était loisible à la Commission de douter de la franchise du demandeur et de trouver suspecte la façon dont il avait présenté son témoignage, et de conclure que l’exposé des faits de son Formulaire de renseignements personnels avait été « récité » ou mémorisé. 

 

[9]               Il était également raisonnable pour la Commission de juger invraisemblable que le demandeur ait ignoré que son compagnon de camionnage, ami depuis de nombreuses années, était chrétien, jusqu’au moment où ils avaient échappé de justesse à un accident, et que cet incident ait incité le demandeur à entrer en contact avec d’autres croyants. Dans le même ordre d’idées, la conclusion de la Commission selon laquelle les connaissances du demandeur sur le christianisme n’appuyaient pas sa prétention n’était pas manifestement déraisonnable. L’absence de preuve documentaire corroborante en provenance de Chine constituait un facteur pertinent bien que le commissaire ait eu raison de ne pas se fonder sur cela pour tirer sa conclusion défavorable quant à la crédibilité. Cependant, il était loisible à la Commission de ne pas accorder beaucoup d’importance à la preuve documentaire du baptême du demandeur et de sa fréquentation des églises chrétiennes au Canada.

 

[10]           La Commission a commis une erreur en concluant que la présumée conversion était invraisemblable en raison de l’âge du demandeur. L’histoire de la chrétienté abonde d’exemples de vocation tardive et il n’y a pas de raison de croire que cette situation est improbable aujourd’hui, même sur les terres stériles de la République populaire. Toutefois, bien qu’on puisse disséquer et analyser de façon microscopique certains aspects des motifs du commissaire, sa décision selon laquelle le demandeur n’est pas crédible n’a pas été rendue de façon arbitraire ou abusive ou sans tenir compte des éléments de la preuve. La décision n’est pas « […] à ce point viciée qu’aucun degré de déférence judiciaire ne peut justifier de la maintenir » : Barreau du Nouveau‑Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.C.S. 247, au paragraphe 52.

 

[11]           Par conséquent, la demande sera rejetée. Aucune question grave de portée générale n’a été proposée.


 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE que la demande soit rejetée. Aucune question n’est certifiée.

 

 

 

« Richard G. Mosley »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Annie Beaulieu

 


 

 

 

 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            IMM-4162-06

 

INTITULÉ :                                                                           WEIQUAN PAN

                                                                                                c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   LE 9 MAI 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                LE JUGE MOSLEY

 

DATE DES MOTIFS :                                                          LE 15 MAI 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Steven Kaminker

 

POUR LE DEMANDEUR

Catherine Vasilaros

 

                              POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

STEVEN KAMINKER

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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