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Date : 20070528

Dossier : IMM-7724-05

Référence :  2007 CF 552

 

Ottawa (Ontario), le 28 mai 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE KELEN

 

ENTRE :

YOLANDO HURTADO
MARIA JUVY HURTADO
CARLO HURTADO
VENSON HURTADO

 

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA 

CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La présente demande de contrôle judiciaire a d’abord été entendue par la Cour le 29 novembre 2006 et ajournée pour les motifs énoncés dans mon ordonnance en date du 12 décembre 2006 : Hurtado c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1477. Le contexte de la demande est indiqué dans mes motifs d’ordonnance aux paragraphes 2 à 5 suivants de l’affaire Hurtado, précitée :

[2]        Le demandeur Yolando Hurtado a parrainé la demande de résidence permanente de sa femme et de ses enfants. Un agent des visas a tout d’abord rejeté la demande, le 30 avril 2003, en vertu de l’alinéa 117(9)d) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés. Dans sa lettre de refus, l’agent des visas a fait remarquer ce qui suit :

 

[traduction] Vous avez épousé votre répondant le 21 mai 1990 et votre fils Carlo est né le 22 mai 1991. Votre répondant a présenté une demande de résidence permanente, résidence qui lui fut accordée le 23 novembre 1992. Sa fiche relative au droit d’établissement indique « célibataire » comme état matrimonial, et il a déclaré ne pas avoir d’enfants à charge l’accompagnant. D’après ces renseignements, je conclu que vous n’avez pas fait l’objet d’un contrôle à l’égard de la demande de résidence permanente de votre répondant. De ce fait, je conclus, en vertu de l’alinéa 117(9)d) du Règlement, qu’aucun de vous n’est, à l’égard de votre répondant, membre de la catégorie du regroupement familial.

 

 [Non souligné dans l’original.]

 

[3]        M. Hurtado a interjeté appel de ce premier refus devant la Section d’appel. L’avocate du ministre a écrit à la Section d’appel le 31 juillet 2003 afin de lui recommander d’accueillir l’appel parce qu’il y avait des motifs d’ordre humanitaire justifiant la prise de mesures spéciales. La Section d’appel a rejeté la recommandation au motif qu’elle n’avait pas compétence pour accueillir l’appel parce que l’article 65 de la Loi ne lui permet de prendre en considération les motifs d’ordre humanitaire que si elle a déterminé que l’étranger fait bien partie de la catégorie du regroupement familial.

 

 [4]       Le 22 octobre 2003, les demandeurs ont retiré leur appel et ont demandé un réexamen pour des motifs d’ordre humanitaire. Le 18 mars 2005, la demande a été rejetée une deuxième fois. L’agent des visas a cité l’alinéa 117(9)d) et le paragraphe 117(10) du Règlement et il a dit ce qui suit : 

 

[traduction] Nous n’avons aucun document indiquant que vous avez fait l’objet d’un contrôle à l’égard de la demande de résidence permanente de votre répondant. Vous avez été invité à nous donner plus de détails dans une lettre en date du 21 septembre 2003. Cependant, vous n’avez pu donner de réponse satisfaisante pour dissiper nos réserves. D’après les renseignements qui me sont présentés, j’en conclus que vous n’avez pas fait l’objet d’un contrôle à l’égard de la demande de résidence permanente de votre répondant. De ce fait, conformément à l’alinéa 117(9)d) du Règlement, vous n’êtes pas membre de la catégorie du regroupement familial de votre répondant.

 

 [Non souligné dans l’original.]

 

Quant aux motifs d’ordre humanitaire, voici ce que l’agent des visas a dit :

 

[traduction] Je ne trouve aucun motif d’ordre humanitaire dans votre dossier.

 

[5]        M. Hurtado a interjeté appel du deuxième refus devant la Section d’appel. Cette dernière a rejeté l’appel en concluant qu’elle était liée par l’alinéa 117(9)d) et par la décision de la Cour fédérale dans l’affaire De Guzman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] 2 R.C.F. 162. La Section d’appel a conclu que le recours à exercer consistait à demander le contrôle judiciaire de la décision défavorable rendue par l’agent des visas : 

 

Dans Huang [2005 CF 1302], la Cour fédérale a pris en compte une deuxième demande refusée en vertu de l’alinéa 117(9)d). La Cour fédérale y a noté que le ministre avait un important pouvoir discrétionnaire lui permettant de régler les conflits à l’égard de la LIPR et du Règlement en vertu de l’article 25 de la LIPR. Il n’en tient donc qu’au Parlement de préciser à quel moment les motifs d’ordre humanitaire peuvent être pris en considération, et c’est ce qui a été fait dans l’article 65 de la LIPR. La solution appropriée à l’égard des motifs d’ordre humanitaire dont décide le ministre consiste à demander à la Cour fédérale un contrôle judiciaire de la décision. Dans une telle demande, la conclusion laconique de l’agent des visas selon laquelle il n’existait pas de motifs d’ordre humanitaire pourrait être contestée à la lumière de la recommandation du conseil du ministre de permettre l’appel sur des motifs d’ordre humanitaire. L’appel est rejeté.

 

 [Non souligné dans l’original.]

 

[2]               Comme je le dis au paragraphe 18 de mes motifs dans l’affaire Hurtado, précitée, il est devenu évident à l’audition de la présente demande de contrôle judiciaire le 29 novembre 2006 que la décision devant faire l’objet d’un contrôle était celle du gestionnaire de programme à qui l’appréciation des motifs d’ordre humanitaire a été déférée :

[18]      À l’audience, la Cour et les parties ont clairement constaté que, pour arriver à un règlement juste et équitable de l’affaire, les parties doivent traiter du refus de lever, pour des motifs d’ordre humanitaire, les critères applicables aux termes de l’alinéa 117(9)d) du Règlement. À l’audience, il est devenu évident que la lettre par laquelle l’agent des visas a dit simplement : 

 

[traduction] Je ne trouve aucun motif d’ordre humanitaire dans votre dossier,

 

n’était pas en fait la décision elle-même. L’agent des visas n’avait pas compétence pour rendre la décision véritable concernant les motifs d’ordre humanitaire aux termes de l’article 25. Les notes du STIDI montrent que la décision concernant les motifs d’ordre humanitaire a été renvoyée au « gestionnaire de programme » pour que celui-ci rende une décision, ce qui a été fait le 19 janvier 2005. Cette décision n’a jamais été mentionnée par les parties ou par la Section d’appel. Le contrôle judiciaire devrait porter sur cette dernière décision. Les parties devraient traiter de cette décision en soumettant des observations et des éléments de preuve additionnels au besoin. Par conséquent, la Cour a décidé, et les parties ont convenu, que la présente demande sera ajournée et la Cour demande aux parties de soumettre des observations et des éléments additionnels au sujet de la décision concernant les motifs d’ordre humanitaire. La Cour reprendra ensuite l’audience sur la demande de contrôle judiciaire.

 

[3]               Conformément à mon ordonnance du 12 décembre 2006, les parties ont déposé des  observations supplémentaires. Par la suite, l’audition de la présente demande a repris par vidéoconférence le 23 mai 2007.

 

Recommandation à l’origine des motifs d’ordre humanitaire

[4]               Dans une lettre en date du 31 juillet 2003, l’agent d’immigration a d’abord, dans ce dossier, recommandé que l’appel devant la Section d’appel de l’immigration soit accueilli sur le fondement de motifs d’ordre humanitaire. L’agent d’immigration a écrit ce qui suit :

[traduction] Après un examen approfondi du dossier d’immigration et des documents déposés par le demandeur, bien que l’avocat du ministre soit d’avis que le rejet de la demande de Maria Juvy Hurtado et de ses enfants à charge est valide en droit, il recommande à la Section d’appel de l’immigration d’accueillir l’appel en equity en faisant valoir [qu’il] existe des motifs d’ordre humanitaires justifiant l’octroi d’une mesure spéciale.

 

Notamment, l’appelant a précisé que la seule raison pour laquelle il n’a pas déclaré sa femme et son enfant au moment du processus d’immigration est qu’il devait cacher son mariage à ses parents puisqu’ils ne l’auraient jamais approuvé. De plus, l’appelant a un emploi rémunéré, n’a aucune dette, n’a jamais eu recours à l’aide sociale et n’a jamais eu de démêlés avec la justice. Il y a aussi des difficultés indues causées à l’appelant et à femme et ses enfants en raison de la séparation. […]

 

[Non souligné dans l’original.]

 

Question en litige

[5]               Une seule question est soulevée dans la présente demande : le gestionnaire de programme a-t-il commis une erreur en concluant qu’il n’y avait pas suffisamment de motifs d’ordre humanitaire  pour justifier une dispense de l’exigence de divulguer l’existence des membres de la famille suivant l’alinéa 117(9)d) du Règlement.

Législation pertinente

[6]               La législation pertinente pour la présente demande est la suivante : 

1.                  Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi);

2.                  Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement).

Norme de contrôle

[7]               Je souscris à l’analyse faite aux paragraphes 57 à 62 de l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, où la Cour suprême du Canada a, au paragraphe 62, jugé que la norme de contrôle appropriée était celle de la décision raisonnable :

[…] Je conclus qu’on devrait faire preuve d’une retenue considérable envers les décisions d’agents d’immigration exerçant les pouvoirs conférés par la loi, compte tenu de la nature factuelle de l’analyse, de son rôle d’exception au sein du régime législatif, du fait que le décideur est le ministre, et de la large discrétion accordée par le libellé de la loi.  Toutefois, l’absence de clause privative, la possibilité expressément prévue d’un contrôle judiciaire par la Cour fédérale, Section de première instance, et la Cour d’appel fédérale dans certaines circonstances, ainsi que la nature individuelle plutôt que polycentrique de la décision, tendent aussi à indiquer que la norme applicable ne devrait pas en être une d’aussi grande retenue que celle du caractère «manifestement déraisonnable».  Je conclus, après avoir évalué tous ces facteurs, que la norme de contrôle appropriée est celle de la décision raisonnable simpliciter.

 

[Non souligné dans l’original.]

[8]               Une décision est déraisonnable seulement si aucun mode d’analyse, dans les motifs avancés, ne pouvait raisonnablement amener le tribunal, au vu de la preuve, à conclure comme il l’a fait. Cela signifie qu’une décision peut satisfaire à la norme si elle est fondée sur une explication défendable, même si elle n’est pas convaincante aux yeux de la cour de révision : Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.C.S. 247.

La décision faisant l’objet du présent contrôle

[9]               Les motifs du gestionnaire de programme sont énoncés à la fin des notes au STIDI inscrites le 19 janvier 2005 :

[traduction] Je ne trouve aucun motif d’ordre humanitaire dans ce dossier. Pour arriver à cette décision, je suis conscient de :

 

1)   La référence déterminante dans l’historique de ce dossier par le bureau des appels « […] Cette affaire ne relève pas des NSO, toutefois, il existe des motifs d’ordre humanitaire suffisants qui pourraient justifier l’octroi d’une mesure spéciale. »

 

Je ne sais pas quels étaient les motifs d’ordre humanitaire.  

 

2)      Le fait qu’aucun engagement n’ait été pris pour approuver les visas de l’espèce. 

 

3)      Le nouveau Règlement entré en vigueur en juillet 2004 pour l’article 117 vise à garantir, dans certains cas, que les membres de la famille qui n’ont pas fait l’objet d’un contrôle dans le cadre de la demande du parrain ne sont pas exclus de la catégorie du regroupement familial.

 

Je ne crois pas que ce nouveau Règlement couvre les faits de l’espèce. La femme et l’enfant du parrain n’ont pas fait l’objet d’un contrôle parce qu’ils n’ont jamais été déclarés par le parrain, et non parce qu’ils n’y étaient pas obligés à des fins administratives ou politiques. De plus, le demandeur, maintenant parrain, ne pouvait recevoir de conseils en ce qui concerne les conséquences de ne pas soumettre ses personnes à charge à un contrôle parce qu’il n’a jamais déclaré avoir des personnes à charge. Il ne les a pas déclarées dans son formulaire de demande, ni au moment de l’établissement. Il était, au moment de l’établissement, sous le régime du Règlement J88, âgé de 27 ans et aurait dû être conscient de la différence entre la vérité et le mensonge.

 

Non seulement le parrain n’a pas déclaré ses personnes à charge à deux reprises alors qu’il était dans l’obligation de le faire, mais le demandeur a continué de tenter d’induire le ministère en erreur dans le dossier même après avoir déposé sa demande. Il a indiqué qu’il était marié et a fourni un certificat de mariage indiquant la date du mariage comme étant le 23 décembre 1995. Nous avons confirmé ce mariage auprès du bureau national des statistiques qui nous a donné un certificat de mariage antérieur entre les deux parties indiquant le 21 mai 1990 comme étant la date du mariage. La date antérieure signifiait que le parrain était marié au moment où il a obtenu l’admission au Canada à titre de personne n’ayant jamais été mariée et son visa ainsi que sa fiche d’établissement indiquent qu’il est célibataire. La date ultérieure du mariage tombe après son établissement. La présentation du dernier certificat de mariage constitue, à mon avis, une nouvelle tentative de fausse déclaration sur un fait important. Il est demeuré dans notre dossier jusqu’au moment où nous avons découvert le premier certificat de mariage en avril 2003.

 

Bien que le parrain se soit marié en 1990, ait eu un enfant en 1991 et  ait obtenu le droit d’établissement en 1992, il n’a exercé aucune mesure pour réunir sa famille avant 1999 – 7 ans plus tard. De son propre aveu, il n’a pas déclaré son mariage ni son enfant « en raison de la crainte que notre autorisation de venir au Canada soit retardée ou refusée [»].

 

Le demandeur n’a pas déclaré les faits véritables du mariage.

 

Compte tenu de tout ce qui précède, je ne crois que qu’il existe des motifs d’ordre humanitaire suffisants pour contester la législation en matière d’immigration selon laquelle les demandeurs ne sont pas des membres de la catégorie du regroupement familial. 

 

Dispositions législatives pertinentes

[10]           J’ai examiné les dispositions législatives pertinentes et le traitement judiciaire de ces dispositions aux paragraphes 9 à 13 de mes motifs dans l’affaire Hurtado, précitée :

[9]        Le paragraphe 13(1) de la Loi confère un droit restreint de parrainer les membres de la famille : 

 

 

Droit au parrainage : individus

 

13. (1) Tout citoyen canadien et tout résident permanent peuvent, sous réserve des règlements, parrainer l’étranger de la catégorie « regroupement familial ».

 

                                    ***

 

Right to sponsor family member

 

13. (1) A Canadian citizen or permanent resident may, subject to the regulations, sponsor a foreign national who is a member of the family class.

 

 

 

[10]      L’alinéa 117(9)d) du Règlement prévoit que l’étranger n’est pas considéré comme appartenant à la catégorie du regroupement familial si, à l’époque où le répondant a présenté une demande de résidence permanente, il était un membre de la famille du répondant n’accompagnant pas ce dernier et n’a pas fait l’objet d’un contrôle :

 

117. […]

Restrictions

 (9) Ne sont pas considérées comme appartenant à la catégorie du regroupement familial du fait de leur relation avec le répondant les personnes suivantes: […]

 

d) sous réserve du paragraphe (10), dans le cas où le répondant est devenu résident permanent à la suite d’une demande à cet effet, l’étranger qui, à l’époque où cette demande a été faite, était un membre de la famille du répondant n’accompagnant pas ce dernier et n’a pas fait l’objet d’un contrôle.

 

***

 

117. […]

Excluded relationships

 (9) A foreign national shall not be considered a member of the family class by virtue of their relationship to a sponsor if  […]

 

 (d) subject to subsection (10), the sponsor previously made an application for permanent residence and became a permanent resident and, at the time of that application, the foreign national was a non-accompanying family member of the sponsor and was not examined.

 

 

Ainsi que j’ai indiqué au paragraphe 35 de la décision [De Guzman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] 2 F.C.R. 162], l’alinéa 117(9)d) a pour objet de prévenir la dissimulation frauduleuse de circonstances importantes dans le cadre du processus de demande de résidence permanente : 

 

[L’]alinéa 117(9)d) du Règlement a pour objet la bonne administration de la législation canadienne en matière d’immigration. Il est raisonnable que la législation en matière d’immigration exige qu’un demandeur de résidence permanente divulgue, dans sa demande, l’existence de tous les membres de sa famille. Autrement, la demande de résidence permanente ne pourrait pas être évaluée correctement aux fins de la législation en matière d’immigration. Par conséquent, l’alinéa 117(9)d) du Règlement existe à des fins pertinentes, à savoir aux fins de prévenir la dissimulation frauduleuse de circonstances importantes qui peuvent empêcher le demandeur d’être admis au Canada.

 

Motifs d’ordre humanitaire

 

[11]     Toutefois, l’exclusion prévue à l’alinéa 117(9)d) doit être interprétée avec l’article 25 de la Loi. Ainsi que je l’ai dit au paragraphe 21 de la décision De Guzman, précitée :

 

¶21 le paragraphe 25(1) de la LIPE prévoit que le ministre peut lever tout ou partie des critères applicables s’il estime que des circonstances d’ordre humanitaire, compte tenu de l’intérêt supérieur des enfants, le justifient. Par conséquent, les deux fils de la demanderesse peuvent présenter une demande en vue d’être exemptés de l’application de l’alinéa  117(9)d), demande qui  peut être appuyée par la demanderesse. Le législateur prévoit à l’article 25 une compétence en equity en vertu de laquelle les circonstances d’ordre humanitaire et l’intérieur supérieur de l’enfant doivent être appréciés. 

 

[12]     La Cour d’appel fédérale a confirmé cet avis dans l’arrêt   De Guzman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2006] 3 R.C.F. 655, aux paragraphes 49, 51 et 98.

 

[13]     Le paragraphe 25(1) de la Loi prévoit que le ministre peut lever les critères applicables s’il estime que des circonstances d’ordre humanitaire, compte tenu de l’intérêt supérieur des enfants, le justifient. Le paragraphe 25(1) prévoit ce qui suit :

 

Séjour pour motif d’ordre humanitaire

 

25. (1) Le ministre doit, sur demande d’un étranger interdit de territoire ou qui ne se conforme pas à la présente loi, et peut, de sa propre initiative, étudier le cas de cet étranger et peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s’il estime que des circonstances d’ordre humanitaire relatives à l’étranger — compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché — ou l’intérêt public le justifient.

 

***

 

Humanitarian and compassionate considerations

 

25. (1) The Minister shall, upon request of a foreign national who is inadmissible or who does not meet the requirements of this Act, and may, on the Minister’s own initiative, examine the circumstances concerning the foreign national and may grant the foreign national permanent resident status or an exemption from any applicable criteria or obligation of this Act if the Minister is of the opinion that it is justified by humanitarian and compassionate considerations relating to them, taking into account the best interests of a child directly affected, or by public policy considerations.

 

 

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

 

Analyse

 

[11]           Une interprétation généreuse des motifs du gestionnaire de programme justifiant le rejet de la demande d’ordre humanitaire ne fournit aucune preuve qu’il a examiné avec soin les facteurs donnant lieu à cette demande. Bien que le gestionnaire de programme ait exposé en détails les motifs pour lesquels les demandeurs n’étaient pas des membres de la catégorie du regroupement familial, il n’y a même pas un bref examen des facteurs appuyant la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. La réunification de la famille des demandeurs ou l’intérêt supérieur des enfants à charge n’ont aucunement été pris en considération. Au contraire, le gestionnaire de programme ne fait que réciter les faits à l’origine de l’exclusion présumée des demandeurs de la catégorie du regroupement familial en application de l’alinéa 117(9)d) du Règlement.

[12]           Le défendeur prétend que le gestionnaire de programme n’était pas obligé de procéder à une appréciation de l’intérêt supérieur des enfants compte tenu que les observations des demandeurs « ne font qu’effleurer la question des enfants et ne comportent véritablement aucun élément de preuve ni observation concernant l’intérêt supérieur de ces enfants ». Le défendeur soutient qu’il était impossible de savoir si les demandeurs et le parrain se fondaient précisément sur l’intérêt supérieur des enfants dans le cadre de leur demande basée sur des motifs humanitaires. 

[13]           Toutefois, un examen du dossier de la demande révèle que les demandeurs ont à plusieurs reprises invoqué des facteurs positifs d’ordre humanitaire. Dans une lettre à la Commission, le demandeur principal a précisé qu’il souhaitait être réuni avec sa famille :

[traduction] […] puisque j’attends avec impatience leur arrivée, je suis sur le point d’acheter d’une maison qui sera à proximité de l’école de mes enfants. L’endroit où j’habite présentement à Mississauga a toutes les commodités qui seront pratiques pour ma famille : école, église, épicerie. J’en appelle à la Commission pour me permettre de poursuivre mon séjour au Canada de façon permanente.

 

À la question de savoir quelles seraient les difficultés auxquelles sa famille ferait face s’il devait quitter le Canada, le demandeur principal a répondu qu’il n’y aurait pas d’avenir pour sa famille et ses enfants, que cela limiterait les possibilités d’emploi et qu’aucune aide ne serait offerte parce que toute la famille se trouve au Canada. Il a aussi précisé que ses parents âgés comptaient sur lui pour assurer leur subsistance.

[14]           L’omission du gestionnaire de programme d’examiner les facteurs d’ordre humanitaire invoqués dans la demande fait en sorte que sa décision ne peut résister à un contrôle judiciaire. L’absence de prise en compte des facteurs pertinents et de la preuve est fatale. La juge Mactavish s’est exprimée comme suit dans Adu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 565 :

À mon avis, ces « motifs » n'en sont pas du tout. Il s'agit plutôt essentiellement d'un résumé des faits et de l'énoncé d'une conclusion, sans aucune analyse étayant celle-ci. L'agente a simplement examiné les facteurs favorables pour lesquels la demande pourrait être accueillie, concluant que, à son avis, ces facteurs n'étaient pas suffisants pour justifier l'octroi d'une dispense. Elle n'a cependant pas expliqué pour quelles raisons. Or, cela n'est pas suffisant puisque les demandeurs se trouvent ainsi dans une position peu enviable où ils ignorent pourquoi leur demande a été rejetée.

 

[Non souligné dans l’original.]

Dans la présente affaire, le gestionnaire de programme a omis de faire une évaluation même sommaire des facteurs d’ordre humanitaire. Si le comportement du demandeur constituait un facteur négatif important à considérer dans l’évaluation, il n’élimine pas la nécessité de considérer la preuve des motifs d’ordre humanitaire. En fait, si la fausse indication donnée par le demandeur  constituait le seul facteur à considérer, le ministre n’aurait plus aucun pouvoir discrétionnaire en vertu de l’article 25 de la Loi. Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision du gestionnaire de programme est annulée et renvoyée pour réexamen par un gestionnaire de programme différent.

Question certifiée

[15]           Les parties et la Cour ont convenu que la présente demande ne soulève aucune question grave de portée générale devant être certifiée.

 

 

 

 

 

 

 

 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.                  que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie; et

2.                  que la décision en matière de motifs humanitaires du gestionnaire de programme soit annulée et renvoyée pour réexamen par un gestionnaire de programme différent.

 

 

« Michael A. Kelen »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Mylène Borduas


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-7724-05

 

INTITULÉ :                                       YOLANDO HURTADO ET AL. c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Ottawa, en vidéoconférence avec Toronto

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 23 MAI 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE KELEN

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 28 MAI 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Mme Krassina Kostadinov

 

POUR LES DEMANDEURS

M. John Provart

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Waldman and Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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