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Date : 20070607

Dossier : T-809-07

Référence : 2007 CF 613

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Calgary (Alberta), le 7 juin 2007

En présence de monsieur le juge Blanchard

 

ENTRE :

FRIEDA MARTSELOS

 

                                                                                                                                           demanderesse

 

- et -

 

 

 

 

LA NATION DE SALT RIVER NO 195, également appelée LA BANDE INDIENNE DE SALT RIVER NO 759,

LE CONSEIL DE LA PREMIÈRE NATION DE SALT RIVER et LES CONSEILLERS CHRIS BIRD,

TONI HERON, SONNY MCDONALD et MIKE BEAVER

 

                                                                                                                                      défendeurs

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

                                        

 

[1]               Au moyen de cette requête, la demanderesse sollicite la réparation ci-après énoncée :

1.         Une ordonnance d’injonction interlocutoire interdisant la tenue d’un scrutin complémentaire au poste de chef de la Nation de Salt River no 195 (NSR) jusqu’à ce qu’une décision soit rendue concernant la demande de contrôle judiciaire de Mme Martselos de la Résolution du conseil de la Nation de Salt River no 195 visant à démettre Mme Martselos de ses fonctions de chef,

 

2.                  ainsi qu’une ordonnance nommant un juge chargé de la gestion de l’instance qui s’occupera de toutes les questions qui se présenteront avant le procès ou l’audience de cette requête.

     

Exposé des faits

[2]               La demanderesse a été dûment élue chef de la Nation de Salt River no 195 lors d’un scrutin complémentaire tenu le 30 avril 2007, conformément au Règlement sur les élections coutumières de la NSR (le « Règlement »). Les résultats du scrutin n’ont pas été contestés.

 

[3]               Le 7 mai 2007, quatre conseillers de la NSR ont adopté une résolution du conseil de bande visant à destituer la demanderesse de ses fonctions de chef de la NSR (la « résolution »). Dans cette résolution, on accuse essentiellement la demanderesse d’avoir adopté une conduite contraire aux coutumes, à la constitution et à l’administration ordonnée de la NSR. On y énumérait 21 incidents différents impliquant la demanderesse que le conseil considérait comme des motifs de destitution de ses fonctions en vertu des dispositions de l’article 19.1 du Règlement.

 

[4]               Le 16 mai 2007, la demanderesse a déposé une demande de contrôle judiciaire dans laquelle elle contestait la légalité de la résolution et demandait notamment une ordonnance d’annulation de la résolution et la déclaration qu’elle était la chef de la NSR. La demande reposait sur les motifs suivants :

1.         La demanderesse a été déclarée élue chef de la NSR

le 30 avril 2007 et, en vertu du paragraphe 3.4 du

Règlement sur les élections coutumières de la NSR, elle a immédiatement assumé ses fonctions de chef.

 

2.                  Les défendeurs ont manqué à leur obligation d’équité procédurale due à la demanderesse en ne l’informant pas de l’assemblée devant avoir lieu le 7 mai 2007, au cours de laquelle la résolution du conseil de bande [RCB] qui a été adoptée allait entraîner sa destitution de ses fonctions de chef, et en ne lui donnant pas l’occasion de se défendre.

 

3.                  Quoi qu’il en soit, l’assemblée n’avait pas été dûment convoquée notamment pour les motifs suivants : la demanderesse et les autres membres du conseil n’avaient pas été informés de la tenue de l’assemblée; la demanderesse et tous les membres du conseil n’avaient pas renoncé au droit de recevoir un avis de convocation à l’assemblée; la demanderesse n’avait pas dressé l’ordre du jour de l’assemblée, ordre du jour qu’elle doit établir et remettre à chaque membre du conseil avant chaque assemblée.

 

4.                  En vertu du Règlement de la NSR sur les élections coutumières, les défendeurs n’avaient pas la compétence pour destituer la demanderesse de ses fonctions pour les motifs décrits dans la résolution du conseil de bande.

 

5.                  Les motifs invoqués dans cette résolution sont nettement inexacts et faux.

 

6.                  Les autres motifs soulevés par le conseil que la Cour acceptera.

 

 

      

[5]               Dans cette requête, la demanderesse souhaite obtenir une mesure injonctive en attendant l’issue finale de la demande de contrôle judiciaire ci-dessus. Au soutien de sa requête, la demanderesse a déposé une preuve par affidavit alléguant que les affirmations contenues dans la résolution sont fausses et inexactes.

 

[6]               En réponse à la requête, les défendeurs ont déposé un total de 15 affidavits, lesquels fournissent un fondement probatoire pour étayer les motifs de destitution énumérés dans la résolution.

 

[7]               La preuve au dossier concernant les problèmes d’équité procédurale soulevés par la demanderesse dans sa demande de contrôle judiciaire sous-jacente sont contradictoires, particulièrement en ce qui concerne l’avis de résolution portant sur sa destitution de ses fonctions.

 

[8]               Afin d’avoir gain de cause dans sa requête, la demanderesse doit établir que sa contestation de la résolution en vue de la destituer de ses fonctions soulève une question sérieuse, que la prépondérance des inconvénients favorise l’ajournement du scrutin complémentaire et qu’un préjudice irréparable serait subi si le scrutin complémentaire était tenu avant le règlement de la question de la légalité de la résolution la démettant de la charge à laquelle elle avait été élue.

 

Question sérieuse

[9]               Au cours de l’audience, l’avocat des défendeurs a admis l’existence d’une question sérieuse à trancher en l’espèce. Je suis d’accord. La demande sous-jacente soulève au moins une question sérieuse à trancher. Vu le critère peu strict auquel il est nécessaire de satisfaire pour établir l’existence d’une question sérieuse dans une demande de mesure injonctive, aux fins de la présente requête, je pense que la destitution de la demanderesse de ses fonctions de chef « pour des motifs erronés ou en l’absence de confirmation satisfaisante des motifs » constitue une question pertinente qui est soulevée dans le cadre de la requête.

 

Prépondérance des inconvénients

[10]           En appréciant la prépondérance des inconvénients, la Cour doit tenir compte de l’intérêt public qui, en l’espèce, doit être évalué compte tenu des besoins et de l’intérêt supérieur de la NSR.

 

[11]           La prépondérance des inconvénients consiste à « déterminer laquelle des deux parties subira le plus grand préjudice selon que l’on accorde ou refuse une injonction interlocutoire en attendant une décision sur le fond ». (Manitoba (Procureur général) c. Metropolitan Stores Ltd., [1987] 1 R.C.S. 110 (QL), au paragraphe 35.

 

[12]           Au sein de la NSR, la situation des dirigeants élus qui sont chargés de gouverner la communauté soulève une incertitude considérable. Cette situation ne doit pas être exacerbée.

 

[13]           En accordant l’ordonnance provisoire interdisant la tenue d’un scrutin tant que les questions soulevées dans le contrôle judiciaire sous-jacent n’auront pas été réglées, je suspendrais temporairement un scrutin dont la tenue aurait par ailleurs été validement ordonnée. En accordant l’ordonnance provisoire, je préserverais le statu quo jusqu’au règlement des questions soulevées à l’égard de la validité de la résolution visant la destitution de la demanderesse de ses fonctions. Même si cette solution est loin d’être idéale, le maintien du statu quo permettrait de trancher la question de la légalité de la résolution; on pourrait éventuellement procéder à un scrutin au besoin. De plus, le ou la chef et les membres du conseil par intérim pourraient continuer à gouverner la NSR. Aucun élément de preuve ne vient démontrer le contraire.

 

[14]           Je rejette la prétention à l’effet que le fait d’accorder la mesure de redressement demandée perturberait la communauté. À mon avis, la situation serait beaucoup plus incertaine et porterait davantage préjudice aux membres de la NSR si un scrutin complémentaire était tenu et si la demanderesse obtenait finalement gain de cause. La communauté aurait alors à faire face à la possibilité que des personnes dûment élues aient à quitter leur poste. Dans les circonstances particulières de la présente affaire, le dernier scrutin en vue d’élire un ou une chef a eu lieu il y a à peine un mois et les résultats du scrutin n’ont pas été contestés. Je suis d’avis qu’il y va de l’intérêt public et de l’intérêt de la NSR de préserver le statu quo et d’empêcher la tenue d’un scrutin complémentaire tant que les questions soulevées dans la demande sous-jacente n’auront pas été résolues. La prépondérance des inconvénients favorise donc cette solution.

 

Préjudice irréparable

[15]           La nomination au poste de chef d’une Première Nation constitue un grand honneur et aucune somme d’argent ne peut compenser la destitution des fonctions de ce poste. Le poste de chef est une charge politique, pourvu au moyen d’élections valides, comportant des responsabilités afférentes. Sans injonction, en vertu de ses règlements qui interdisent la participation de la demanderesse, la NSR devra organiser un scrutin complémentaire pour élire un nouveau chef. Dans un tel cas, je suis convaincu que la demanderesse subirait un préjudice irréparable si l’injonction interlocutoire n’était pas accordée.

 

[16]           Pour les motifs susmentionnés, la requête sera accueillie.


                                                                       ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

 

1.         Une injonction interlocutoire interdisant à la NSR de tenir un scrutin complémentaire en vue d’élire un chef jusqu’à ce que la Cour se penche sur la demande de contrôle judiciaire sous-jacente.

 

2.         La demanderesse aura droit à ses dépens dans la présente requête.

 

 

 

 

 

« Edmond P. Blanchard »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-809-07

 

INTITULÉ :                                       FROEDA MARTSELOS c. LA NATION DE SALT RIVER N° 195, également appelée LA BANDE INDIENNE DE SALT RIVER N° 759, LE CONSEIL DE LA PREMIÈRE NATION DE SALT RIVER et LES CONSEILLERS CHRIS BIRD, TONI HERON, SONNY MCDONALD et MIKE BEAVER

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Calgary (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               7 juin 2007

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE BLANCHARD

 

DATE DES MOTIFS :                      7 juin 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Walter J. Pavlic, c.r.

K. Colleen Verville

 

                     POUR LA DEMANDERESSE

 

 

M. Christopher Harvey

 

                       POUR LES DÉFENDEURS

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Parlee McLaws LLP

Edmonton (Alberta)

 

                     POUR LA DEMANDERESSE

MacKenzie Fujisawa SRL

Vancouver (Colombie-Britannique)

                         POUR LES DÉFENDEURS

 

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