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Date : 20070613

Dossier : IMM-2323-07

Référence : 2007 CF 627

[TRADUCTION OFFICIELLE]

Ottawa, Ontario, le 13 juin 2007

En présence de monsieur le juge Shore

 

ENTRE :

RASANATH ESCALONA PEREZ

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

INTRODUCTION

[1]               Un agent chargé du renvoi ne peut reporter un renvoi pour n’importe quelle procédure en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR), dont il n’est pas le décideur mandaté. L’agent chargé du renvoi n’a pas compétence pour faire une nouvelle évaluation de réfugiés ou un examen des risques avant renvoi (ERAR), ou pour rendre une décision pour motifs d’ordre humanitaire, et il ne peut pas trancher des contrôles judiciaires ou des appels de procédures précédentes ou autres. Il a uniquement le pouvoir discrétionnaire de reporter un renvoi pour des raisons associées aux difficultés de réservations de voyages internationaux. La Cour, dans Wang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 148, [2001] A.C.F. no 295 (QL), a expliqué à quel point ce pouvoir discrétionnaire est très limité :

[45]      En l’instance, la mesure dont on demande de différer l’exécution est une mesure que le ministre a l’obligation d’exécuter selon la Loi. La décision de différer l’exécution doit donc comporter une justification pour ne pas se conformer à une obligation positive imposée par la Loi. Cette justification doit se trouver dans la Loi, ou dans une autre obligation juridique que le ministre doit respecter et qui est suffisamment importante pour l’autoriser à ne pas respecter l’article 48 de la Loi [...]

 

[…]

 

[48]      [...] Dans son sens le plus large, le pouvoir discrétionnaire de différer ne devrait en toute logique être exercé que dans des circonstances où la procédure à laquelle on défère peut avoir comme résultat que la mesure de renvoi devienne nulle ou de nul effet. Le report dont le seul objectif est de retarder l’échéance ne respecte pas les impératifs de la Loi. Un exemple de politique qui respecte le pouvoir discrétionnaire de différer tout en limitant son application aux cas qui respectent l’économie de la Loi est de réserver l’exercice de ce pouvoir aux affaires où il y a des demandes ou procédures pendantes et où le défaut de différer ferait que la vie du demandeur serait menacée, ou qu’il serait exposé à des sanctions excessives ou à un traitement inhumain, alors qu’un report pourrait faire que la mesure devienne de nul effet.

 

 

[2]               L’intérêt public doit être pris en compte et apprécié par rapport à l’intérêt des plaideurs privés. (Manitoba (Procureur général) c. Metropolitan Stores (MTS) Ltd., [1987] 1 R.C.S. 110.)

 

[3]               Dans la décision de la Cour d’appel fédérale dans Selliah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 261, [2004] A.C.F. no 1200 (C.A.F.) (QL), le juge John Maxwell Evans a conclu que, puisque les appelants ont reçu un certain nombre de décisions administratives, qui ont été confirmées par la Cour fédérale, l’équilibre des inconvénients ne milite pas en faveur d’un nouveau report de l’accomplissement par le ministre ou les appelants de leur obligation, en tant que personnes visées par une mesure de renvoi exécutoire, de quitter le Canada immédiatement. Le juge Evans a déclaré ce qui suit :

[21]      L’avocate des appelants dit que, puisque les appelants n’ont aucun casier judiciaire, qu’ils ne sont pas une menace pour la sécurité et qu’ils sont financièrement établis et socialement intégrés au Canada, l’équilibre des inconvénients milite en faveur du maintien du statu quo jusqu’à l’issue de leur appel.

[22]      Je ne partage pas ce point de vue. Ils ont reçu trois décisions administratives défavorables, qui ont toutes été confirmées par la Cour fédérale. Il y a bientôt quatre ans qu’ils sont arrivés ici. À mon avis, l’équilibre des inconvénients ne milite pas en faveur d’un nouveau report de l’accomplissement de leur obligation, en tant que personnes visées par une mesure de renvoi exécutoire, de quitter le Canada immédiatement, ni en faveur d’un nouveau report de l’accomplissement de l’obligation du ministre de les renvoyer dès que les circonstances le permettront : voir le paragraphe 48(2) de la LIPR. Il ne s’agit pas simplement d’une question de commodité administrative, il s’agit plutôt de l’intégrité et de l’équité du système canadien de contrôle de l’immigration, ainsi que de la confiance du public dans ce système.

 

[4]               Le demandeur est un non-citoyen qui a fait l’objet de deux décisions administratives pour évaluer le risque. Une décision défavorable a été rendue à l’égard de sa demande de statut de réfugié et de son ERAR. Sa demande de contrôle judiciaire présentée à notre Cour au sujet de son ERAR défavorable a été rejetée. Le demandeur n’a pas démontré que la prépondérance des inconvénients favorisait la non-application de la loi ou l’emportait sur l’intérêt public. (Dasilao c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1168, [2004] A.C.F. no 1410 (QL).)

 

PROCÉDURE JUDICIAIRE

[5]               Le demandeur demande un sursis de l’exécution de la mesure de renvoi prise contre lui, qui doit être exécutée le mercredi 13 juin 2007 à 14 h 20, jusqu’à ce que sa demande d’autorisation et demande de contrôle judiciaire puisse être entendue et, si elle est accueillie, jusqu’à ce qu’un nouvel examen de la demande de report soit terminé.

 

 

 

FAITS

[6]               Le demandeur, qui a maintenant 24 ans, est arrivé au Canada le 15 avril 1990 à l’âge de sept ans, en tant que visiteur au moyen d’un visa valide jusqu’au 14 octobre 1990.

 

[7]               Le 21 mai 2002, le demandeur a présenté une demande d’asile. Un rapport, en vertu de l’article 27, a été rempli, et une mesure d’interdiction de séjour conditionnelle a été prise contre le demandeur.

 

[8]               Le 21 octobre 2002, la demande d’asile du demandeur a été réputée abandonnée. Le demandeur avait reçu l’ordre de se présenter à une entrevue de renvoi le 8 janvier 2003, ce qu'il n’a pas fait.

 

[9]               Le 9 février 2003, le demandeur a été arrêté en vertu d’un mandat de l’immigration. Le demandeur a présenté une preuve selon laquelle sa demande d’asile avait été réputée abandonnée par erreur et que son audience était prévue le 18 février 2003.

 

[10]           Le 3 septembre 2003, le demandeur a été accusé de voies de fait.

                                                                                                                       

[11]           Le 15 janvier 2004, le demandeur a obtenu une libération conditionnelle pour l’accusation de voies de fait et s’est vu imposer une probation d’un an.

 

[12]           Le 22 juin 2004, la demande d’asile du demandeur a été rejetée.

 

[13]           Le 8 juillet 2004, le demandeur a présenté une demande d’autorisation et une demande de contrôle judiciaire pour contester la décision défavorable concernant sa demande d’asile. Le 28 octobre 2004, la demande d’autorisation a été refusée.

 

[14]           Le 27 mars 2005, le demandeur a été arrêté par les autorités de l’immigration et libéré en vertu d’un cautionnement en espèces de 3 000 $ et de conditions. À l’époque, on avait noté que le demandeur avait déclaré qu’il était marié, qu’il vivait avec ses parents et que sa son épouse alléguée vivait à une autre adresse avec ses parents à elle. On a également remarqué que le demandeur avait été accusé de voies de fait contre son épouse alléguée et qu’il avait été acquitté de cette accusation précise.

 

[15]           Le 14 avril 2005, le demandeur a présenté une demande d’ERAR.

 

[16]           Le 18 juin 2005, le demandeur a été arrêté pour avoir omis de respecter les conditions de son ordonnance de la Cour ainsi que celle des agents de l’immigration. On a ordonné que la détention du demandeur se poursuive.

 

[17]           Le 21 juillet 2005, l’ERAR du demandeur a été estimé défavorable.

 

[18]           Le 5 août 2005, le demandeur a été libéré en vertu de conditions rigoureuses, y compris l’obligation de se présenter au Centre d’exécution de la loi du Toronto métropolitain chaque mois et d’observer toutes les dispositions relatives à son envoi.

 

[19]           En avril 2005, le demandeur a présenté une demande d’établissement pour motifs d’ordre humanitaire, pour laquelle son épouse était sa répondante; toutefois, la demande a été retournée pour frais insuffisants.

 

[20]           Le demandeur devait être renvoyé du Canada le 28 novembre 2005. Il a présenté une demande d’autorisation et demande de contrôle judiciaire et une requête en sursis au renvoi. Un sursis a été accordé et le renvoi a été annulé. La demande autorisation a été refusée le 15 novembre 2006.

 

[21]           En octobre 2005, le demandeur a présenté de nouveau sa demande pour motifs humanitaires, pour laquelle son épouse était sa répondante, accompagnée des frais suffisants.

 

QUESTION

[22]           Le demandeur n’a pas respecté le critère à trois volets permettant de justifier l’obtention d’un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi, étant donné qu’il n’y a pas de question importante à juger, qu’il y a absence de preuve d’un préjudice irréparable et que la prépondérance des inconvénients favorise le ministre.

 

DISCUSSION

Question préliminaire : modification de l’intitulé

[23]           La présente requête et la demande sous-jacente concernent une décision de l’Agence des services frontaliers du Canada, qui relève du portefeuille du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile et non du ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration. Le défendeur demande que la Cour ordonne que l’intitulé soit modifié pour radier le « ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration » comme partie défenderesse et d’y substituer le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile. (Décret précisant les responsabilités respectives du ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration et de la ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile en vertu de la Loi, TR/2005-120, P.C. 2005-2042.)

 

Critère relatif au sursis

[24]           Le critère pour accorder le sursis est bien établi. Le demandeur doit établir :

1.         qu’il y a une question sérieuse à trancher;

2.         que l’auteur de la requête subirait un préjudice irréparable si l’injonction n’était pas accordée;

3.         que la balance des inconvénients favorise le demandeur.

(Toth c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (C.A.F.), [1988] A.C.F. no 587 (QL); RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311 (QL).)

 

[25]           Les exigences du critère en trois volets sont conjonctives. Le demandeur doit respecter les trois parties du critère avant que la Cour puisse accorder un sursis de la procédure. (Toth, précité; Marenco c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (1994) 86 F.T.R. 299, [1994] A.C.F. no 1690 (QL).)

 

[26]           Comme l’octroi de la requête du demandeur lui accorderait effectivement le recours qu’il demande dans sa demande sous-jacente d’autorisation et demande de contrôle judiciaire, notre Cour doit examiner le bien-fondé de la demande. Cela a été confirmé dans la décision Wang, précitée, au paragraphe 11, où le juge Denis Pelletier a conclu que le seuil pour la partie relative à la question grave du critère à trois volets dans des requêtes comme celle en l’espèce n’est pas futile et vexatoire, mais qu’il y a « vraisemblance que la demande sous-jacente soit accueillie ». (On renvoie également à la décision RJR-MacDonald, précitée.)

 

[27]           L’octroi d’un sursis est un recours extraordinaire dans le cadre duquel les demandeurs doivent faire la preuve de « circonstances spéciales et impérieuses » qui donneraient ouverture à « une intervention judiciaire exceptionnelle ». (Tavaga c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), (1991) 15 Imm. L.R. (2d) 82 (C.F. 1re inst.), [1991] A.C.F. no 614 (QL); Machado c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1989), 9 Imm. L.R. (2d) 90, [1989] A.C.F. no 724 (QL); Ikeji c. Canada, 2001 CFPI 573, [2001] A.C.F. no 885 (QL), au paragraphe 8.)

 

QUESTION GRAVE

            Aucune erreur susceptible de contrôle dans la décision de l’agent

[28]           Le demandeur n’a soulevé aucun problème précis quant à la décision de l’agent. En fait, le demandeur ne connaissait pas les raisons pour lesquelles l’agence a refusé le report. Le demandeur fait plutôt valoir qu’il y a une question grave simplement parce que sa demande de report a été refusée. (Dossier de requête du demandeur; mémoire des faits et du droit du demandeur, page 206, paragraphe 11.)

 

[29]           Comme l’agent n’a pas d’obligation législative ou autre de reporter le renvoi du demandeur et puisque son pouvoir discrétionnaire est très limité, le simple fait que la demande de report du demandeur a été refusée ne constitue pas une question grave.

 

[30]           L’article 48 de la LIPR exige qu’une mesure de renvoi soit « appliquée dès que les circonstances le permettent ».

 

[31]           La LIPR ne comporte aucune disposition sur le réexamen des décisions visant l’exécution d’une mesure de renvoi valide. Lorsqu’il n’y a pas d’exigence législative pour une réévaluation, l’omission par un agent chargé du renvoi de procéder à la réévaluation ne constitue pas un motif de contrôle judiciaire. Les agents chargés du renvoi ne font que préciser le moment et l’endroit où la mesure d’expulsion sera exécutée et n’ont aucun pouvoir discrétionnaire quant au renvoi. En tant que représentant du ministre, l’agent chargé du renvoi est tenu par la loi de prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que le renvoi a lieu dès que les circonstances le permettent en vertu de l’article 48 de la LIPR. (Brar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1997] A.C.F. no 1527 (C.F. 1re inst.) (QL); Williams c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 853, [2002] A.C.F. no 1133 (QL).)

 

[32]           Les agents chargés du renvoi ont le pouvoir de reporter l’exécution d’une mesure de renvoi uniquement dans des circonstances très limitées, comme celles qui surviennent tout juste avant la date du renvoi. Puisque la LIPR prévoit un examen des risques avant renvoi, les facteurs dont peuvent tenir compte les agents chargés du renvoi sont liés à la capacité physique du demandeur à respecter la mesure de renvoi – par exemple, la capacité à voyager. En l’espèce, l’agent avait tout à fait le pouvoir discrétionnaire de conclure que la situation du demandeur ne justifiait pas un report du renvoi. (Pavalaki c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] A.C.F. no 338 (QL); Wiltshire c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 571, au paragraphe 6; Simoes c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 936 (C.F. 1re inst.) (QL); Wang, précité, aux paragraphes 31, 32, 45; Prasad c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 614, [2003] A.C.F. no 805 (QL), au paragraphe 32; Padda c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1081, [2003] A.C.F. no 1353 (QL), aux paragraphes 8 et 9.)

 

[33]           Au moment d’examiner la question de savoir si les demandeurs ont soulevé une question grave, il est important de garder à l’esprit que selon la jurisprudence de notre Cour, le pouvoir discrétionnaire d’un agent chargé du renvoi de reporter le renvoi d’une personne est très limité. (Benitez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 1307, [2001] A.C.F. no 1802, au paragraphe 16; Wang, précité, aux paragraphes 43 à 45; Mariona c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 1521 (QL); Harry c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 1727 (QL); Horvath c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 1760 (QL); Davis c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 1628 (QL).)

 

[34]           Un agent chargé du renvoi ne peut reporter une procédure prévue par la LIPR dont il n’est pas le décideur mandaté. L’agent chargé du renvoi n’a pas compétence pour faire une évaluation renouvelée de réfugiés, un ERAR, pour rendre une décision en fonction de motifs d’ordre humanitaire et il ne peut pas entendre les contrôles judiciaires ou les appels de procédures précédentes ou autres. L’agent chargé du renvoi a uniquement le pouvoir discrétionnaire de reporter un renvoi pour des raisons associées aux difficultés de réserver des voyages internationaux. La Cour dans la décision Wang, précitée, a expliqué à quel point ce pouvoir discrétionnaire est très limité :

[45]      En l’instance, la mesure dont on demande de différer l’exécution est une mesure que le ministre a l’obligation d’exécuter selon la Loi. La décision de différer l’exécution doit donc comporter une justification pour ne pas se conformer à une obligation positive imposée par la Loi. Cette justification doit se trouver dans la Loi, ou dans une autre obligation juridique que le ministre doit respecter et qui est suffisamment importante pour l’autoriser à ne pas respecter l’article 48 de la Loi [...]

 

[…]

 

[48]      [...] Dans son sens le plus large, le pouvoir discrétionnaire de différer ne devrait en toute logique être exercé que dans des circonstances où la procédure à laquelle on défère peut avoir comme résultat que la mesure de renvoi devienne nulle ou de nul effet. Le report dont le seul objectif est de retarder l’échéance ne respecte pas les impératifs de la Loi. Un exemple de politique qui respecte le pouvoir discrétionnaire de différer tout en limitant son application aux cas qui respectent l’économie de la Loi est de réserver l’exercice de ce pouvoir aux affaires où il y a des demandes ou procédures pendantes et où le défaut de différer ferait que la vie du demandeur serait menacée, ou qu’il serait exposé à des sanctions excessives ou à un traitement inhumain, alors qu’un report pourrait faire que la mesure ne devienne de nul effet.

 

 

[35]           La décision dans Wang a été invoquée et suivie dans un certain nombre de décisions, notamment Peterson c. Canada (Minister of Public Safety and Emergency Preparedness), (26 avril 2006) document numéro IMM-2039-06; Kaur c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 741, [2001] A.C.F. no 1082 (QL), au paragraphe 13; Sklarzyk c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 336, [2001] A.C.F. no 579 (QL), au paragraphe 11; Sklarzyk c. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), [2001] O.J. No. 1842 (Cour supérieure de justice de l’Ontario); Chandrasekaran c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 757, [2001] A.C.F. no 1101 (QL), au paragraphe 6; Benitez, précité.

 

 

[36]           En l’absence d’une obligation légale de reporter le renvoi, la demande du demandeur ne soulève pas de question grave. (Wang, précité; Simoes, précité.)

 

Parrainage d’un époux

[37]           L’agent a fait remarquer que le parrainage d’un époux a été mentionné uniquement en avril 2007 parce qu’un paiement insuffisant avait été présenté en même temps que la demande initiale. (Affidavit Heinze 1, pièce « A », notes au dossier.)

 

[38]           Une importante jurisprudence de notre Cour et une jurisprudence contraignante de la Cour d’appel fédérale indiquent qu’une demande en instance n’est pas en soi une raison pour reporter un renvoi. (Kim c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 321, [2003] A.C.F. no 453 (QL); Akyol c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 931, [2003] A.C.F. no 1182 (QL), au paragraphe 11; Ryan cv. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 1413, [2001] A.C.F. no 1939 (QL), au paragraphe 8; Selliah, précité; El Ouardi c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 42, [2005] A.C.F. no 189 (QL); Sivagnanansuntharam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 70, [2004] A.C.F. no 325 (QL); Tesoro c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CAF 148, [2005] A.C.F. no 698 (QL); Owusu c. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), (28 août 1995) document numéro IMM-2247-97, aux paragraphes 5 et 6).

 

[39]           L’agent n’est pas tenu de reporter le renvoi jusqu’à ce que les demandes du demandeur soient entendues. La LIPR indique précisément les situations dans lesquelles le renvoi doit faire l’objet d’un sursis, et le législateur n’a pas inclus dans cette catégorie les demandes en instance fondées sur les motifs d’ordre humanitaire. (Simoes, précité; Smith c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 388, [2001] A.C.F. no 632 (QL); Buchting c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 953, [2003] A.C.F. no 1216 (QL); Holubova c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 527, [2004] A.C.F. no 655 (QL); Wang, précité.)

 

[40]           Il est bien établi qu’un agent chargé du renvoi n’a pas à agir comme tribunal de dernière minute qui se penche sur les motifs d’ordre humanitaire. Comme la Cour l’a conclu dans la décision Davis, précitée :

[4]        [...] J’adopte les motifs que Monsieur le juge Nadon a prononcés dans la décision Simoes c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 936, que je ne reproduirai pas ici. Je ferai toutefois les remarques suivantes. La Loi sur l’immigration et la jurisprudence de cette cour ont établi une série de points de repère permettant d’apprécier et de soupeser les différents intérêts. À la fin de ce processus, il y a la procédure de renvoi elle-même. À mon avis, en prévoyant que la mesure de renvoi est exécutée dès que les circonstances le permettent, le législateur ne voulait pas nécessairement que l’agent chargé du renvoi soit tenu de prendre en considération tous les facteurs qui doivent être invoqués et examinés dans le cadre des mesures préalables au renvoi. (Non souligné dans l’original.)

 

 

[41]           La cour a également déclaré dans Cupkova c. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), (28 août 2003) document numéro IMM-6555-03, sous la plume de la juge Judith A. Snider :

[traduction]

En outre, l’examen d’une demande fondée sur les motifs d’ordre humanitaire ne relève pas du mandat législatif de l’agent chargé du renvoi.

 

 

PRÉJUDICE IRRÉPARABLE

 

            Aucune preuve claire ou évidente

 

[42]           Le demandeur n’a fourni aucune preuve claire ou évidente selon laquelle il subirait un préjudice irréparable s’il était renvoyé au Venezuela.

 

[43]           Une décision défavorable concernant sa demande d’asile a été rendue contre le demandeur en 2004, tout comme un ERAR défavorable en 2005. (Affidavit Heinze, pièce « A », notes au dossier.)

[44]           Notre Cour a conclu qu’un préjudice irréparable est un critère exigeant qui sous-entend un risque grave de quelque chose qui met en cause la vie ou la sécurité d’un requérant. La demanderesse en l’espèce n’a pas démontré que quelque chose met en cause sa vie ou sa sécurité. (Duve c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1996] A.C.F. no 387 (1re inst.) (QL), au paragraphe 22; Mikhailov c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 642 (QL), aux paragraphes 12 et 13; Frankowski c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 935, au paragraphe 7; Csanyi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 758, au paragraphe 4.)

 

[45]           Un sursis d’exécution ou de l’injonction interlocutoire se décide avant la détermination des questions au moment du contrôle judiciaire, les éléments de preuve à l’appui du préjudice irréparable doivent être clairs et évidents; la Cour doit être convaincue que le préjudice irréparable surviendra si la réparation demandée n’est pas accordée. En l’espèce, il n’existe pas de tels éléments de preuve clairs et évidents indiquant que le simple fait que le demandeur sera expulsé causera un préjudice irréparable à une partie. (John c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] A.C.F. no 915 (QL); Wade c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1995] A.C.F. no 579 (QL), aux paragraphes 3 et 4.)

 

[46]           Dans la décision Selliah, précitée, la Cour d’appel fédérale a confirmé le principe suivant :

[13]      Le renvoi de personnes qui sont demeurées au Canada sans statut bouleversera toujours le mode de vie qu’elles se sont donné ici […] Néanmoins, les difficultés qu’entraîne généralement un renvoi ne peuvent à mon avis constituer un préjudice irréparable au regard du critère exposé dans l’arrêt Toth, car autrement il faudrait accorder un sursis d’exécution dans la plupart des cas dès lors qu’il y aura une question sérieuse à trancher : Melo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2000), 188 F.T.R. 29.

 

(On renvoie également à Atwal c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 427, [2004] A.C.F. no 2118 (QL), aux paragraphes 16 et 17; Sklarzyk, précité; Ram c. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), (13 juin 1996), document numéro IMM-1939-96; Simoes, précité; Frank c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 1574 (QL); Kerrutt c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 53 F.T.R. 93, [1992] A.C.F. no 237 (QL); Mallia c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 369 (QL).)

 

[47]           Comme l’a déclaré le juge Pelletier dans Melo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 403 (QL) :

[21]      [...] Mais pour que l’expression « préjudice irréparable » conserve un peu de sens, elle doit correspondre à un préjudice au-delà de ce qui est inhérent à la notion même d’expulsion. Être expulsé veut dire perdre son emploi, être séparé des gens et des endroits connus. L’expulsion s’accompagne de séparations forcées et de cœurs brisés. [...] (Non souligné dans l’original.)

 

PRÉPONDÉRANCE DES INCONVÉNIENTS

 

[48]           Le demandeur n’a pas respecté le troisième aspect du critère en trois volets, dans la mesure où la prépondérance des inconvénients favorise le ministre et non le demandeur.

 

[49]           L’inconvénient que peut subir le demandeur en raison de son renvoi du Canada ne l’emporte pas sur l’intérêt public dans l’exécution des mesures de renvoi dès que les circonstances le permettent en vertu de l’article 48 de la LIPR.

 

 

[50]           L’intérêt public doit être pris en compte et apprécié par rapport à l’intérêt des plaideurs privés. (Manitoba (Procureur général) c. Metropolitan Stores (MTS) Ltd., [1987] 1 R.C.S. 110.)

 

[51]           Le demandeur demande une réparation équitable extraordinaire. Il est bien établi en droit que l’intérêt public doit être pris en considération au moment de l’évaluation de ce dernier critère. Pour démontrer que la prépondérance des inconvénients favorise le demandeur, ce dernier doit démontrer qu’il n’est pas dans l’intérêt public et qu’il soit renvoyé à la date prévue. (RJR‑MacDonald, précité; Blum c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (1994) 90 F.T.R. 54, [1994] A.C.F. no 1990 (QL), par le juge Rouleau.)

 

[52]           Dans la décision de la Cour d’appel fédérale dans Selliah, précité, le juge Evans a conclu que, puisque les appelants ont reçu un certain nombre de décisions administratives, qui ont été confirmées par la Cour fédérale, à son avis, la prépondérance des inconvénients ne militait pas en faveur d’un nouveau report de l’accomplissement par le ministre ou les appelants de leur obligation, en tant que personnes visées par une mesure de renvoi exécutoire, de quitter le Canada immédiatement. Le juge Evans a déclaré ce qui suit :

[21]      L’avocate des appelants dit que, puisque les appelants n’ont aucun casier judiciaire, qu’ils ne sont pas une menace pour la sécurité et qu’ils sont financièrement établis et socialement intégrés au Canada, l’équilibre des inconvénients milite en faveur du maintien du statu quo jusqu’à l’issue de leur appel.

[22]      Je ne partage pas ce point de vue. Ils ont reçu trois décisions administratives défavorables, qui ont toutes été confirmées par la Cour fédérale. Il y a bientôt quatre ans qu’ils sont arrivés ici. À mon avis, l’équilibre des inconvénients ne milite pas en faveur d’un nouveau report de l’accomplissement de leur obligation, en tant que personnes visées par une mesure de renvoi exécutoire, de quitter le Canada immédiatement, ni en faveur d’un nouveau report de l’accomplissement de l’obligation du ministre de les renvoyer dès que les circonstances le permettront : voir le paragraphe 48(2) de la LIPR. Il ne s’agit pas simplement d’une question de commodité administrative, il s’agit plutôt de l’intégrité et de l’équité du système canadien de contrôle de l’immigration, ainsi que de la confiance du public dans ce système.

 

[53]           Le demandeur est un non-citoyen qui a fait l’objet de deux décisions administratives pour évaluer le risque. Une décision défavorable a été rendue à l’égard de sa demande d’asile et de son ERAR. Sa demande de contrôle judiciaire présentée à notre Cour au sujet de son ERAR défavorable a été rejetée. Le demandeur n’a pas démontré que la prépondérance des inconvénients favorisait la non-application de la loi ou l’emportait sur l’intérêt public. (Dasilao, précité.)

 

[54]           Le 27 mars 2005, le demandeur a été arrêté par les autorités de l’immigration et libéré en vertu d’un cautionnement en espèces de 3 000 $ et de conditions. Le 18 juin 2005, le demandeur a été arrêté pour avoir omis de respecter les conditions de l’ordonnance de la Cour ainsi que celle des agents de l’immigration. On a ordonné que la détention du demandeur se poursuive. Le 5 août 2005, le demandeur a été libéré en vertu de conditions rigoureuses, y compris l’obligation de se présenter au Centre d’exécution de la loi du Toronto métropolitain chaque mois et d’observer toutes les dispositions relatives à son envoi. Le 21 février 2007, le demandeur a été arrêté et aucune offre de libération n’a été faite étant donné ses antécédents de non-respect des conditions qui lui sont imposées. Le demandeur demeure en détention.

 

[55]           Il a fait preuve d’un mépris constant à l’égard des lois du Canada. Il a continuellement fait fi des conditions de l’immigration et de la Cour. Il a omis à répétition de se présenter comme le lui avait ordonné Citoyenneté et Immigration Canada. Dans ces circonstances, la prépondérance des inconvénients favorise le défendeur.

 

 

CONCLUSION

[56]           Selon ce qui précède, la présente requête en sursis au renvoi est rejetée.


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que la requête en sursis au renvoi soit rejetée.

 

 

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2323-07

 

INTITULÉ :                                       RASANATH ESCALONA PEREZ

                                                            c. LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

                                                            ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE

PAR TÉLÉCONFÉRENCE :            Le 12 juin 2007

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 13 juin 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Michael Romoff

 

POUR LE DEMANDEUR

Me Asha Gafar

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

MAKEPEACE ROMOFF

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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