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Date : 20070626

Dossier : IMM-3420-06

Référence : 2007 CF 680

Ottawa (Ontario), le 26 juin 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BARNES

 

ENTRE :

ZHI HANG SU

HUI XIANG ZHOU

demandeurs

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée par Zhi Hang Su et Hui Xiang Zhou d’une décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté leur demande d’asile.

 

Le contexte

[2]               Les demandeurs sont arrivés au Canada au début de 2005. Ils ont demandé l’asile au motif qu’ils auraient été membres du mouvement chinois Falun Gong. Ils ont aussi affirmé qu’ils étaient des citoyens de la Chine continentale, et qu’ils s’étaient enfuis de ce pays à l’aide de faux passeports et avec l’assistance de ce qu’il est convenu d’appeler un « snakehead ». À leur arrivée au Canada, ils ont soutenu avoir perdu leurs billets d’avion et leurs cartes d’embarquement et redonné au snakehead leurs cartes d’identité de résidant et leurs faux passeports. Hormis le hukou (un certificat de résidence chinois) sur lequel ils se fondent, ils n’ont fait aucun effort pour obtenir d’autres pièces d’identité telles que des certificats de naissance ou de mariage.

 

La décision de la Commission

[3]               La Commission a rejeté la demande des demandeurs au motif qu’ils avaient omis d’établir leur identité, comme le prescrit par l’article 7 des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2002‑228.

 

[4]               La Commission avait de nombreux doutes concernant la crédibilité des demandeurs, ce qui l’a menée à conclure qu’ils n’étaient probablement pas ceux qu’ils affirmaient être.

 

[5]               Entre autres choses, la Commission n’a pas cru le témoignage des demandeurs, selon lequel ils n’avaient pas été conseillés au sujet de leurs fausses identités et n’avaient aucun renseignement relatif aux pseudonymes sous lesquels ils voyageaient et à leurs documents de voyage. Ce témoignage a été jugé invraisemblable étant donné que les demandeurs avaient fréquemment été en possession des documents de voyage et qu’ils auraient dû s’attendre à devoir répondre à des questions concernant leur identité en cours de route vers le Canada.

 

[6]               La Commission a aussi relevé de nombreux problèmes concernant le hukou des demandeurs et les témoignages qui s’y rapportent, notamment la date d’enregistrement qui était improbable du fait qu’elle était la même pour tous les membres déclarés de la famille, l’existence de hukous différents pour toutes les branches de la famille bien que tous les membres demeuraient à la même adresse, l’inexactitude des professions indiquées malgré la mise à jour qui aurait été faite du document en 1999 et l’absence de renseignements prouvant que la demanderesse avait changé de résidence à la suite du mariage. La Commission a ensuite émis de sérieuses réserves concernant le témoignage des demandeurs relativement à la validité du hukou et l’omission d’obtenir d’autres pièces d’identité en provenance de la Chine. La Commission a alors tiré la conclusion suivante quant à la question de l’identité :

Étant donné l’effet cumulatif des conclusions sur l’absence d’acceptabilité ou de fiabilité du hukou et faute d’autres pièces d’identité ainsi que d’une explication raisonnable, le tribunal estime que les demandeurs d’asile n’ont pas produit de pièces d’identité pertinentes et suffisantes pour établir leurs identités en tant que ressortissants de la Chine ou qu’ils résidaient en Chine à l’époque pertinente.

 

 

[7]               Étant donné qu’elle avait conclu que les demandeurs ne s’étaient pas acquittés du fardeau d’établir leur identité, la Commission a conclu qu’elle n’avait pas à examiner leur demande d’asile sur le fond.   

 

Les questions en litige

[8]               a)         Quelle est la norme de contrôle applicable aux questions soulevées par les demandeurs?

            b)         La Commission a-t-elle commis une erreur dans l’appréciation de la preuve concernant l’identité des demandeurs?

 

Analyse

[9]               Tous les arguments des demandeurs concernent l’interprétation et l’appréciation de la preuve effectuées par la Commission et les conclusions relatives à la crédibilité qu’elle a tirées de cette preuve. Les demandeurs reconnaissent qu’il s’agit de questions de fait auxquelles la norme de contrôle applicable est la décision manifestement déraisonnable : voir Aguebor c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.). La même norme s’applique à l’examen des pièces d’identité effectué par la Commission : voir Ipala c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] A.C.F. no 583, 2005 CF 472.

 

[10]           Les demandeurs soutiennent que la conclusion d’improbabilité tirée par la Commission au sujet de leur incapacité de fournir des détails au sujet de l’identité sous laquelle ils voyageaient et de leur passeport était manifestement déraisonnable, et ils citent à l’appui la décision Ameir c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] A.C.F. no 1094, 2005 CF 876. Ils expliquent cette omission dans leur témoignage par le fait qu’ils ne faisaient que suivrent les instructions du snakehead qui les avait accompagnés. Le fait que la Cour ait reconnu dans la décision Ameir, précitée, que la Commission doit être sensible à la vulnérabilité des demandeurs voyageant avec de faux documents ne libère pas un demandeur de toutes les omissions relevées dans son témoignage au sujet de tels documents. Le fait que les demandeurs aient soutenu suivre des instructions n’explique pas pourquoi ils étaient incapables de fournir un minimum de renseignements concernant les documents et l’identité avec lesquels ils avaient voyagé. En effet, il serait quelque peu naïf de penser que les demandeurs pouvaient ne pas connaître ces renseignements de base étant donné la forte probabilité qu’ils soient interrogés à ce sujet au cours de leur voyage. Les conclusions de la Commission quant à cette question étaient totalement justifiées et conformes à la jurisprudence : voir la décision Ipala, au paragraphe 25, précitée.

 

[11]           Les demandeurs ont également allégué que la Commission a commis une erreur en faisant un lien entre leur témoignage contradictoire quant au moment et au lieu où leurs passeports ont enfin été donnés au snakehead et la question de leur identité. Cet argument n’a aucun fondement. Une partie de l’analyse effectuée par la Commission au sujet de l’identité des demandeurs avait trait à l’examen de leur crédibilité, ainsi qu’aux moyens utilisés et à l’itinéraire suivi par les demandeurs pour venir au Canada. Tout témoignage peu digne de foi quant à de tels éléments était de toute évidence pertinent en ce qui concerne la question de l’identité des demandeurs.

 

[12]           L’autre contestation, qui concerne les reproches de la Commission relativement à l’omission des demandeurs d’obtenir d’autres pièces d’identité, est également injustifiée. Les conclusions de la Commission à ce sujet étaient raisonnables et bien fondées en droit : voir la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2002, ch. 27, article 106; Mbongo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] A.C.F. no 1811, 2005 CF 1474, au paragraphe 24.

 

[13]           Les demandeurs contestent également les conclusions de la Commission quant à l’authenticité du hukou. Leur avocat a fait remarquer, à juste titre, que certaines incohérences relevées par la Commission étaient en fait sujettes à interprétation. Cet argument a été formulé à l’appui de l’allégation selon laquelle la Commission aurait dû accorder le bénéfice du doute aux demandeurs. Bien que je reconnaisse qu’une conclusion différente aurait pu être tirée relativement à  certaines conclusions de la Commission, cela ne signifie pas que les conclusions défavorables tirées par la Commission sont manifestement déraisonnables. Chaque conclusion de la Commission relativement à l’authenticité du hukou était d’une façon ou d’une autre appuyée par la preuve et, par conséquent, raisonnable. La Cour ne peut substituer l’opinion qu’elle a de la preuve à celle de la Commission même si elle aurait pu tirer une conclusion différente. Il est également important de souligner que l’évaluation défavorable effectuée par la Commission au sujet du prétendu hukou était fondée sur plusieurs problèmes précis, tant intrinsèques qu’extrinsèques. Une telle décision découlant de conclusions cumulatives ne sera pas annulée simplement parce qu’une ou deux de ces conclusions étaient sujettes à interprétation ou à débat.

 

[14]           Étant donné que la Commission avait conclu que les demandeurs n’avaient pas réussi à établir leur identité de façon satisfaisante, il n’était pas nécessaire, et même possible, d’évaluer l’authenticité des allégations de persécution des demandeurs. Puisque la Commission ne pouvait déterminer qui étaient les demandeurs et d’où ils venaient, il va de soi que le reste du récit qu’ils ont exposé ne pouvait pas être évalué correctement. L’approche adoptée par la Commission à ce sujet est conforme à la jurisprudence, notamment à la décision Jin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2006] A.C.F. no 181, 2006 CF 126, au paragraphe 26, où la Cour a statué que :

Ayant conclu que la demanderesse n'avait pas fait la preuve de son identité, la Commission a décidé de ne pas poursuivre l'analyse et d'examiner la preuve relative à la persécution fondée sur la religion. Selon la jurisprudence, tout demandeur d'asile doit impérativement établir son identité. En l'absence d'une telle preuve, il ne peut y avoir de fondement solide permettant de vérifier les allégations de persécution, ou même d'établir la nationalité réelle d'un demandeur : voir Husein c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. 726, et Ibnmogdad, précitée.

 

 

[15]           En conséquence, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

[16]           Les parties n’ont proposé aucune question aux fins de certification, et aucune question de portée générale n’est soulevée en l’espèce.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

 

«  R. L. Barnes »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Jacques Deschênes, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                                    IMM-3420-06

 

INTITULÉ :                                                   ZHI HANG SU ET AL.

 

                                                                        c.

 

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 5 JUIN 2007

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                   LE JUGE BARNES

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 26 JUIN 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Marvin Moses                                                  POUR LES DEMANDEURS

 

Margherita Braccio                                           POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Marvin Moses

Avocats

Toronto (Ontario)                                             POUR LES DEMANDEURS

 

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada                   POUR LE DÉFENDEUR

 

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