Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

Date : 20070703

Dossier : IMM-4563-06

Référence : 2007 CF 690

Ottawa (Ontario), le 3 juillet 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SHORE

 

 

ENTRE :

SALVADOR AYALA

CARLOS ALEXANDER AYALA

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

INTRODUCTION

[1]               Un indicateur important de la crédibilité du témoin est la cohérence de son récit (voir l’arrêt Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) c. Dan-Ash (C.A.F.), [1988] A.C.F. no 571 (QL)).

L’incohérence du témoignage et les contradictions sur des aspects importants de la question centrale posée par la demande minent la crédibilité du demandeur.

« En ce qui a trait au fondement subjectif de la crainte de persécution, elle repose uniquement sur la crédibilité des requérants » (Maximilok c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (C.F. 1re inst.), [1998] A.C.F. no 1163 (QL), le juge Louis-Marcel Joyal).

            On peut normalement s’attendre à ce que les véritables réfugiés demandent l’asile dès que les circonstances le permettent lorsqu’ils sont hors de la portée de leurs oppresseurs (Ilie c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (C.F. 1re inst.), [1994] A.C.F. no 1758 (QL), le juge Andrew McKay).

 

PROCÉDURE JUDICIAIRE

[2]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR), L.C. 2001, ch. 27, d’une décision en date du 18 juillet 2006 par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a refusé de reconnaître aux demandeurs la qualité de réfugiés au sens de la Convention ou celle de personnes à protéger au sens de l’article 96 et du paragraphe 97(1) de la LIPR.

 

CONTEXTE

[3]               Le demandeur principal, M. Carlos Alexander Ayala et son oncle, M. Salvador Ayala, sont des citoyens du Salvador. Ils affirment craindre avec raison d’y être persécutés par des membres d’un gang. Leur crainte est fondée sur une agression qui aurait été commise par des membres du gang Mara Salvatrucha et au cours de laquelle le demandeur principal aurait été blessé par balle et son ami, M. Heriberto Arévalo, aurait été abattu.

 

[4]               À la suite de cet incident, le demandeur principal a identifié les deux agresseurs à la police, mais a refusé de faire une déclaration parce qu’il aurait reçu des menaces par téléphone l’avertissant de ne pas parler avec la police.

 

[5]               Le 13 mars 2005, le demandeur principal est allé habiter chez une tante et un cousin à San Salvador.

 

[6]               Le 14 avril 2005, alors qu’il rentrait chez sa mère à Sonsanate, le demandeur principal a découvert qu’il était toujours recherché par la police. Son oncle et lui ont par conséquent décidé de quitter le Salvador et de venir au Canada.

 

[7]               Le 5 juillet 2005, les demandeurs sont entrés aux États-Unis sans demander l’asile, avant d’arriver au Canada le 22 septembre 2005.  

 

DÉCISION CONTRÔLÉE

[8]               Dans sa décision rendue le 18 juin 2006, la Commission a estimé que les demandeurs pouvaient compter sur la protection de l’État, faisant observer que le Salvador est une démocratie constitutionnelle multipartite qui respecte les droits de la personne et paraît pouvoir et vouloir offrir une protection à ses ressortissants, contrôle son territoire et a sa propre armée et ses propres autorités civiles.

 

[9]               De plus, la Commission a estimé que les demandeurs manquaient de crédibilité en raison des incohérences et des contradictions constatées dans leurs témoignages, de sorte que la Commission ne disposait pas d’éléments de preuve fiables et dignes de foi au sujet de leur crainte des gangs au Salvador.

 

[10]           La Commission a par ailleurs souligné que, même si les demandeurs avaient eu l’occasion de demander l’asile aux États-Unis, ils avaient choisi de ne pas le faire. À cet égard, la Commission a estimé que les demandeurs n’avaient pas fourni d’explication satisfaisante pour justifier leur retard à demander l’asile au Canada. 

 

[11]           Enfin, la Commission a rendu le 18 juillet 2006 une décision où elle a conclu que le demandeur n’avait ni la qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger au sens de l’article 96 et du paragraphe 97(1) de la LIPR. 

 

QUESTIONS EN LITIGE

[12]           (1) La Commission a-t-elle commis une erreur dans sa conclusion sur la protection de l’État?

(2) La Commission a-t-elle commis une erreur en omettant de tenir compte d’éléments de preuve?

(3) La Commission a-t-elle commis une erreur dans sa conclusion au sujet de la crédibilité?

 

RÉGIME LÉGISLATIF

[13]           L’article 96 de la LIPR est libellé comme suit :

96.      A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

 

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

 

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

96.      A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

 

 

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

 

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

 

[14]           Le paragraphe 97(1) de la LIPR dispose :

97.      (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

 

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

 

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

 

(i)  elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

 

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

 

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

97.      (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

 

(i)  the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

(ii)  the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

 

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

 

 

NORME DE CONTRÔLE

[15]           En ce qui a trait à la protection de l’État, dans la décision Chaves c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 193, [2005] A.C.F. no 232 (QL), au paragraphe 11, la juge Danièle Tremblay-Lamer a expliqué, après avoir procédé à une analyse pragmatique et fonctionnelle, que l’appréciation de la question de la protection de l’État suppose l’application du droit aux faits, ce qui constitue une question mixte de fait et de droit susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable simpliciter. Cela étant dit, il n’y a aucune raison de s’écarter de cette norme dans le cas qui nous occupe. En ce qui concerne la protection de l’État, la conclusion tirée par la Commission ne sera pas infirmée si elle s’appuie sur des motifs qui peuvent résister à un examen assez poussé (Canada (Directeur des enquêtes et recherches, Loi sur la concurrence) c. Southam Inc.), [1997] 1 R.C.S. 748, au paragraphe 56).

 

[16]           En ce qui concerne les conclusions relatives à la crédibilité, il est de jurisprudence constante que la Commission possède une compétence bien établie pour trancher des questions de fait, en particulier en ce qui concerne l’évaluation de la crédibilité des demandeurs. Saisie d’une demande de contrôle judiciaire, la Cour n’interviendra pour modifier les conclusions de fait tirées par la Commission que s’il est démontré que ces conclusions sont déraisonnables ou arbitraires, qu’elles sont entachées de mauvaise foi ou qu’elles ne sont pas étayées par la preuve (Aguebor c. (Canada) Ministre de l’Emploi et de l’Immigration (C.A.F.), [1993] A.C.F. no 732 (QL), au paragraphe 4); (Wen c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] A.C.F. no 907 (QL), au paragraphe 2); Giron c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] A.C.F. no 481 (QL); He c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] A.C.F. no 1107 (QL); Khan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 839, [2006] A.C.F. no 1064 (QL), au paragraphe 27).

 

ANALYSE

(1) La Commission a-t-elle commis une erreur dans sa conclusion sur la protection de l’État?

[17]           Les demandeurs affirment que la Commission a commis une erreur dans son appréciation du fondement objectif de leurs demandes d’asile et plus précisément dans son appréciation de la question de la protection de l’État.

 

[18]           Il convient de signaler que, dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, aux paragraphes 49, 50 et 52, la Cour suprême du Canada a statué qu’en l’absence d’un effondrement complet de l’appareil étatique, il y a lieu de présumer que l’État est capable de protéger ses citoyens. Le risque que cette présomption s’applique de façon trop large est atténué par l’obligation de présenter une preuve claire et convaincante de l’incapacité de l’État de protéger ses ressortissants. Pour démontrer une telle incapacité, le demandeur pourrait témoigner au sujet de personnes se trouvant dans une situation semblable à la sienne et qui n’ont pu compter sur la protection de l’État, raconter des incidents personnels passés où la protection de l’État ne s’est pas matérialisée ou encore relater son expérience personnelle. Le demandeur peut également soumettre des documents au sujet de la situation qui existe dans le pays concerné pour réfuter la présomption que l’État est capable de protéger ses citoyens (on cite également la décision Avila c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 359, [2006] A.C.F. no 439 (QL), aux paragraphes 27 à 32).

 

[19]           De plus, dans la décision Xue c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 1728, le juge Marshall E. Rothstein a jugé qu’il n’est pas fautif de conclure qu’une preuve « claire et convaincante » requiert une norme de preuve plus élevée que l’extrémité inférieure du vaste registre de la « prépondérance des probabilités ». Plus exactement, il a déclaré ce qui suit :

[12]         Compte tenu du point de vue exprimé par le juge en chef Dickson dans l’arrêt Oakes, savoir que dans certaines circonstances il faut un degré plus élevé de probabilité, ainsi que de la règle énoncée dans l’arrêt Ward, qu’il faut confirmer d’une façon claire et convaincante l’incapacité de l’État d’assurer la protection, je suis d’avis qu’on ne peut dire que la Commission a commis une erreur en déterminant la norme de preuve applicable en l’instance. Si la Commission avait abordé la question en exigeant d’être convaincue hors de tout doute (absolument), ou même hors de tout doute raisonnable (la norme criminelle), elle aurait commis une erreur. Toutefois, il faut replacer les termes utilisés par la Commission dans le contexte de la citation de l’arrêt Ward qu’elle paraphrasait. Bien que la Commission ne renvoie aucunement aux arrêts Oakes et Bater, et même si elle aurait pu être plus précise et indiquer qu’elle devait être convaincue selon la prépondérance des probabilités, il semble clair que ce qu’elle a voulu faire c’est imposer au demandeur, aux fins de réfuter la présomption de la protection de l’État, le fardeau d’un plus grand degré de probabilité aligné sur l’exigence de clarté et de conviction énoncée dans l’arrêt Ward. Ce faisant, je ne peux conclure que la Commission a commis une erreur.

 

 

[20]           Dans sa décision, la Commission a conclu que les demandeurs n’avaient pas réussi à réfuter la présomption de la protection de l’État. Elle s’est fondée sur une preuve documentaire abondante selon laquelle le gouvernement du Salvador joue un rôle actif pour combattre le problème de la violence liée aux gangs (décision de la Commission, aux pages 4 à 10). Dans sa décision, la Commission a convenu que la violence liée aux gangs existe effectivement au Salvador, mais a signalé que cette constatation ne l’amenait pas nécessairement à conclure à l’existence d’un fondement objectif pour les demandes d’asile des demandeurs (décision de la Commission, à la page 6). Par ailleurs, elle a estimé que les demandeurs pouvaient se prévaloir de la protection de l’État, faisant remarquer que le Salvador est une démocratie constitutionnelle multipartite qui respecte les droits de la personne et paraît pouvoir et vouloir offrir une protection à ses ressortissants, contrôle son territoire et a sa propre armée et ses propres autorités civiles (décision de la Commission, à la page 6). Enfin, la Commission a estimé que les demandeurs n’avaient pas réussi à démontrer qu’ils avaient fait des efforts raisonnables pour obtenir une protection et que celle‑ci n’était pas disponible ou adéquate.

 

[21]           En conséquence, la Commission n’a pas commis d’erreur déraisonnable dans les conclusions qu’elle a tirées au sujet de la protection de l’État au Salvador.

 

(2) La Commission a-t-elle commis une erreur en omettant de tenir compte d’éléments de preuve?

[22]           Contrairement à ce qu’affirment les demandeurs, il ressort de la décision de la Commission et de la transcription que la Commission a effectivement examiné et apprécié la proportionnalité des éléments de preuve dont elle disposait.

 

[23]           Il est de jurisprudence constante qu’on peut présumer, jusqu’à preuve du contraire, que la Commission a examiné et soupesé tous les éléments de preuve, à moins que le contraire ne soit démontré. La Cour a également jugé à de nombreuses reprises que la Commission a toute latitude pour écarter les éléments de preuve qui ne sont pas importants dans l’affaire dont elle est saisie. La décision de la Commission de refuser d’admettre certains des éléments de preuve portés à sa connaissance ou de mentionner chacun des éléments de preuve ne constitue pas une erreur donnant ouverture au contrôle judiciaire (Yushchuk c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] A.C.F. no 1324 (QL), au paragraphe 17).

 

[24]           En fait, la Commission jouit d’une grande latitude en ce qui a trait aux éléments de preuve dont elle peut tenir compte. Elle n’est pas liée par les règles légales ou techniques de présentation de la preuve et elle peut recevoir les éléments qu’elle juge crédibles ou dignes de foi en l’occurrence et fonder sur eux sa décision (LIPR, alinéas 173c) et d); Thanaratnam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 349, [2004] A.C.F. no 395 (QL), au paragraphe 7).

 

[25]           J’estime mal fondés les arguments des demandeurs suivant lesquels les conclusions de la Commission ne reposaient pas sur les faits de l’affaire et la Commission n’a pas tenu compte de la preuve documentaire démontrant que des membres du gang les avaient avertis de ne pas s’adresser à la police et leur avaient proféré des menaces. La Commission a néanmoins fait remarquer dans sa décision que le demandeur principal n’avait simplement pas pris la peine de communiquer avec les autorités salvadoriennes après qu’il aurait trouvé une note sur son camion. Il est évident que la Commission a bien saisi les faits de l’affaire, malgré le fait que le demandeur principal n’a pas mentionné cette note dans son FRP (décision de la Commission, aux pages 1 et 2; transcription de l’audience, aux pages 4 à 7).

 

[26]           De plus, contrairement à ce que les demandeurs soutiennent, la Commission a fondé sa décision sur des sources documentaires fiables (décision de la Commission, aux pages 8 et 9; transcription de l’audience, aux pages 9 et 10). Les éléments de preuve documentaire d’ordre général que les demandeurs ont soumis indiquant qu’il existe des problèmes en ce qui concerne le régime de protection des victimes d’actes de violence commis par des gangs n’ont aucune incidence étant donné que la Commission a reconnu qu’il existait au Salvador des problèmes de violence liée aux gangs.

 

[27]           Néanmoins, reconnaissant la situation particulière des demandeurs, la Commission a conclu qu’ils n’avaient pas réussi à démontrer, au moyen d’éléments de preuve clairs et convaincants, qu’ils ne pourraient obtenir la protection de l’État, d’autant plus que la police avait donné suite à cette affaire. Le demandeur principal a toutefois choisi de ne pas se prévaloir de la protection de l’État.

 

[28]           Il incombait aux demandeurs de soumettre des éléments de preuve clairs et convaincants pour démontrer qu’ils ne pouvaient compter sur la protection de l’État. L’existence de documents laissant entendre que la situation au Salvador n’est pas parfaite ne constitue pas, en soi, une confirmation claire et convaincante que les ressortissants de ce pays ne peuvent compter sur la protection de l’État, d’autant plus qu’il existe beaucoup d’autres documents indiquant que l’on peut compter sur cette protection. La Cour a écrit, dans la décision Pehtereva c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1995] A.C.F. no 1491 (QL) :

[12]           En outre, je ne suis pas persuadé que le tribunal a méconnu la preuve documentaire présentée par la requérante. Le tribunal n’a pas expressément fait état de cette preuve, composée d’articles de presse et d’autres articles avec des traductions vers l’anglais lorsque cela était nécessaire mais, dans sa décision, il a consigné son accord avec les observations de l’agent d’audience selon lesquelles l’élément de preuve le plus digne de foi provenait de sources objectives indépendantes telles que Human Rights Watch, Amnistie internationale, et les Country Reports du ministère américain des Affaires étrangères, par opposition à des articles anecdotiques, à des articles de presse. Les sources mentionnées par le tribunal sont des sources régulièrement invoquées par les tribunaux connaissant des revendications du statut de réfugié parce qu’elles fournissaient des renseignements généralement objectifs sur les conditions du pays d’origine. Le recours à ces sources ne saurait être qualifié d’erreur. Même si les articles soumis par la requérante donnaient des exemples qui étayaient indirectement sa revendication, il est établi que le poids à attribuer à des documents donnés ou à d’autres éléments de preuve relève de la compétence du tribunal en cause. Même si la cour de révision avait pu donner un poids différent ou tirer d’autres conclusions qui ne lui permettent pas d’intervenir lorsqu’il n’est pas établi que le tribunal a été abusif ou arbitraire ou que ses conclusions ne sont pas raisonnablement étayées par les éléments de preuve, je ne suis pas persuadé que les conclusions du tribunal puissent être classées dans cette catégorie.

[13]          En dernier lieu, la décision du tribunal ne précise pas pourquoi il a préféré certaine preuve documentaire à d’autres éléments de preuve, mais cela ne constitue pas une erreur. En l’espèce, la préoccupation de la requérante portait principalement sur le fait que la preuve documentaire et autre présentée par l’AA avait été invoquée sans qu’on précise pourquoi celle de la requérante ne l’avait pas été. Mais cette préférence du tribunal se rapportait à la preuve de la situation générale au sein de l’Estonie, dont l’expérience de la requérante n’était qu’un exemple. La situation générale fondée sur la preuve documentaire provenant de sources reconnues permettait d’apprécier objectivement la crainte exprimée par la requérante. À mon avis, le tribunal n’a pas eu tort de méconnaître la preuve présentée par la requérante, ni d’omettre de donner les motifs de sa préférence pour d’autres sources de preuve, particulièrement dans la recherche d’un aperçu de la situation en Estonie. Je ne suis pas non plus persuadé que le tribunal a mal interprété ou mal exposé les preuves de la requérante d’une façon qui influe, dans une grande mesure, sur sa conclusion définitive que la requérante n’était pas une réfugiée au sens de la Convention, parce qu’il n’a trouvé aucune sérieuse possibilité ni aucun risque possible qu’elle soit persécutée, dans l’éventualité de son retour, pour un motif énuméré dans la définition de réfugié au sens de la Convention.

 

[29]           La Cour estime que la Commission a bien évalué le fondement objectif de la demande d’asile des demandeurs. En conséquence, aucune erreur n’a été commise sur ce point.

 

(3) La Commission a-t-elle commis une erreur dans sa conclusion au sujet de la crédibilité?

[30]           Les demandeurs soutiennent que la Commission a commis une erreur en tirant sa conclusion au sujet de la crédibilité. La Cour n’est pas de cet avis et elle estime plutôt que la Commission était justifiée d’en arriver à cette conclusion et qu’elle a fourni des motifs clairs à l’appui de sa décision.

 

[31]           Premièrement, la Commission a relevé d’importantes contradictions et incohérences entre le récit circonstancié du FRP du demandeur principal et son témoignage :

Pendant tout le témoignage du demandeur d’asile principal, les déclarations de ce dernier ont été truffées d’incohérences internes. Alors qu’il essayait d’établir sa réaction à des situations qu’il avait décrites comme représentant un préjudice imminent, le demandeur d’asile principal s’est fait interroger sur son quotidien après le supposé incident. Selon l’exposé circonstancié contenu dans son FRP, il a déclaré que, peu de temps après l’incident, sa famille et lui se sont enfuis chez un cousin à San Salvador, où ils sont restés jusqu’à la mi-avril. Toutefois, comme il est mentionné dans son FRP qu’il a travaillé sans interruption à titre de vendeur du 2 février 2004 au 16 juin 2005, il s’est fait demander quand il avait cessé de travailler. Il a répondu avoir arrêté de travailler le 13 mars 2005 lorsqu’il avait fui à San Salvador pour éviter de respecter la sommation de police. Il a par la suite modifié ce témoignage lorsqu’il lui a été souligné que, selon son FRP, il avait arrêté de travailler le 16 juin 2005. Par coïncidence, le 16 juin 2005 est la date à laquelle les demandeurs d’asile ont quitté le Salvador. Après des questions répétées visant simplement à établir la date de son dernier jour de travail, le demandeur d’asile principal a alors déclaré que les deux dates, soit le 13 mars 2005 et le 16 juin 2005 étaient exactes.

 

Le demandeur d’asile principal avait déjà déposé que, du 13 mars 2005 au 14 avril 2005, il avait été dans la clandestinité chez un cousin à San Salvador et que, par la suite, du 14 avril 2005 jusqu’au moment de son départ d’El Salvador, il s’était caché chez une tante à San Salvador, où des arrangements avaient été pris pour s’assurer qu’il n’aurait pas à [traduction] « quitter » sa « chambre pour rien ».

 

Enfin, après certaines contradictions du genre, le conseil s’est fait demander s’il préférait continuer de poser des questions à son client et créer ainsi un témoignage plus contradictoire, ou s’il préférait poursuivre directement avec ses observations. Il a alors choisi de mettre fin aux questions et de présenter ses observations de vive voix au nom de ses clients.

 

(Décision de la Commission, aux pages 10 à 12; Transcription de l’audience, aux pages 12 à 15; FRP du demandeur principal, à la page 45).

 

[32]           Deuxièmement, la Commission a conclu que les demandeurs n’avaient pas fourni d’explications satisfaisantes au sujet de leur retard à demander l’asile au Canada. Elle a fait remarquer ce qui suit :

On peut s’attendre à ce que de vrais réfugiés au sens de la Convention demandent à être protégés dès qu’il est raisonnablement possible de le faire et qu’ils sont hors de portée de leurs oppresseurs. Une fois qu’ils ont obtenu la protection contre le refoulement, les réfugiés sont alors libres de demander à s’établir à nouveau dans un tiers pays de leur choix. Toutefois, à ce moment-là, l’affaire relève du droit de l’immigration, et non du droit des réfugiés (Hankali, Ilie et Bains)

 

Les demandeurs d’asile admettent être entrés illégalement aux É.-U. et y être restés pendant plus de trois semaines, puis, après avoir été appréhendés par les autorités de l’immigration, n’avoir fait aucune mention de leur supposée crainte de retourner au Salvador. Ils n’ont jamais demandé l’asile aux É.-U.; ils ont plutôt choisi de ne simplement pas tenir compte d’une possibilité de se présenter devant les tribunaux américains et de leur expliquer leur situation. Il ne s’agit pas là d’attentes raisonnables de la part de personnes craignant de retourner au Salvador.

 

 

[33]           Il y a lieu d’établir une distinction entre la jurisprudence citée par la Commission et les décisions invoquées par les défendeurs au sujet des retards à demander l’asile au Canada. Néanmoins, le fait que les demandeurs n’ont pas demandé l’asile dès qu’ils se sont enfuis du Salvador constitue un facteur dont la Commission devait tenir compte et dont elle a effectivement tenu compte.

 

[34]           La Cour estime que la Commission a effectivement bien apprécié le fondement subjectif de la demande d’asile des demandeurs. En conséquence, aucune erreur n’a été commise sur ce point.

 

DISPOSITIF

[35]           Pour tous ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

2.                  Aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

 

 

« Michel M.J. Shore »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4563-06

 

INTITULÉ :                                       SALVADOR AYALA

                                                            CARLOS ALEXANDER AYALA

                                                            c. MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               19 juin 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS
ET DU JUGEMENT :
                       3 juillet 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Terry S. Guerriero

 

POUR LES DEMANDEURS

Modupe Oluyami

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

TERRY S. GUERRIERO

Avocat

London (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.