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Date : 20070705

Dossier : T-1805-06

Référence : 2007 CF 699

Ottawa (Ontario), le 5 juillet 2007

En présence de Monsieur le juge Max M. Teitelbaum

 

 

ENTRE :

NHON TROUNG VUONG

demandeur

et

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision par laquelle la Commission d’appel des pensions a refusé, au motif que l’appel avait déjà été jugé, la demande d’autorisation d’interjeter appel présentée par le demandeur.

 

[2]               Le demandeur se représente lui-même et il avait, je crois, de la difficulté à comprendre l’anglais tout comme les expressions juridiques utilisées dans la présente instance, par exemple, le sens de l’expression res judicata (chose jugée).

 

 

LES FAITS

[3]               Il s’agit de la quatrième demande que présente le demandeur pour obtenir des prestations d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada, L.R.C. 1985, ch. C-8 (la Loi). Il souffre principalement de spondylite ankylosante, dont le diagnostic a été établi en 1991. Il a demandé une première fois des prestations d’invalidité en mars 1993 après avoir été mis à pied comme opérateur de presse. Toutefois, le défendeur a conclu que le demandeur était en mesure de reprendre le travail. Dans une lettre datée du 4 juin 1993, le défendeur a informé le demandeur que sa première demande était refusée parce qu’il était en mesure d’accomplir un travail approprié à son état de santé.

 

[4]               Dans sa deuxième demande, datée du 26 janvier 1995, le demandeur a indiqué qu’il avait travaillé comme imprimeur entre mai 1993 et février 1994 et qu’il était incapable de travailler depuis novembre 1994. La conclusion du défendeur, celle du tribunal de révision et finalement la décision de la Commission d’appel des pensions (CAP) qui a été rendue le 18 novembre 1999, établissaient que le demandeur n’était pas invalide au point d’être visé par la définition d’invalidité de l’alinéa 42(2)a) de la Loi. En conformité avec les décisions du tribunal de révision et du défendeur, la CAP a décidé que l’état de santé du demandeur ne l’empêchait pas de travailler dans tous les domaines, même s’il n’était plus en mesure d’accomplir certaines tâches.

 

[5]               À ce moment, la CAP a également noté que la période minimale d’admissibilité (PMA), c’est-à-dire la date à laquelle le demandeur s’était acquitté pour la dernière fois de ses obligations de cotisation aux termes de la Loi, se terminait le 31 décembre 1997. La CAP a donc conclu que le demandeur devait démontrer qu’il était invalide à cette date, ou avant celle-ci, puis elle a conclu que la preuve fournie ne répondait pas à cette exigence.

 

[6]               Le demandeur n’a pas demandé le contrôle judiciaire de la décision de la CAP.

 

[7]               La troisième demande du demandeur a été déposée le 29 décembre 2000. Dans des lettres datées du 15 mars 2001 et du 17 mai 2001, le défendeur a refusé cette nouvelle demande au premier palier au motif qu’elle avait déjà été jugée (res judicata). Le défendeur a conclu que la décision de la CAP en date de novembre 1999 était définitive et obligatoire. Le défendeur a informé le demandeur que la seule façon dont il pourrait faire rouvrir la décision de la CAP serait de fournir de nouveaux faits en preuve concernant son état de santé au moment où il avait été pour la dernière fois en droit de toucher des prestations (sa PMA selon ce qui est établi dans sa deuxième demande) et de demander à la CAP de réexaminer sa décision aux termes du paragraphe 84(2) de la Loi. À la demande du demandeur, le défendeur a réexaminé sa décision et a de nouveau refusé la demande le 3 octobre 2001.

 

[8]               Il semble que le demandeur a par la suite déposé une demande en vertu du paragraphe 84(2) pour que la décision de la CAP soit réexaminée sur le fondement d’une nouvelle preuve. La CAP a conclu le 9 janvier 2003 qu’aucun fait nouveau n’avait été déposé à l’appui de la demande et la demande de réexamen a été refusée (voir la page 3 du dossier certifié du tribunal (DCT)). Toutefois, à l’étape où nous en sommes dans l’instance, il n’est fait mention de ce fait ni dans les prétentions du demandeur, ni dans celles du défendeur, ni dans le sommaire des procédures déposé par le tribunal de révision. La lettre de refus en date du 9 janvier 2003 semble être le seul document ayant trait au réexamen qui ait été versé au DCT.

 

[9]               Le demandeur a déposé une quatrième demande, qui fait l’objet du présent contrôle judiciaire, le 9 août 2004. Il a de nouveau indiqué que la spondylite ankylosante était sa principale maladie invalidante. Bien que le demandeur ait eu des revenus et ait fait des cotisations au RPC en 2003 et en 2004, le défendeur a conclu que ces montants n’étaient pas suffisants pour prolonger sa PMA au-delà de décembre 1997, date à laquelle elle avait été calculée en conformité avec la Loi.

 

[10]           Le défendeur a également noté que le cas du demandeur avait été examiné conformément aux « dispositions concernant les candidats en retard » qui lui permettaient d’examiner si un demandeur était invalide à la date à laquelle il s’était acquitté pour la dernière fois des obligations en matière de cotisation. Toutefois, le défendeur a noté que la question de l’invalidité à la date à laquelle le demandeur s’était acquitté pour la dernière fois des obligations en matière de cotisation, soit en décembre 1997, avait été jugée de façon décisive par la CAP en novembre 1999, et que cette décision était définitive et obligatoire. Le défendeur a informé le demandeur que, pour que la décision de la CAP puisse être réexaminée en vertu du paragraphe 84(2) de la Loi, il faudrait qu’il présente à la CAP de nouveaux renseignements concernant son invalidité avant sa PMA établie.

[11]           Le demandeur a réclamé un nouvel examen, qui lui a été refusé, il a interjeté appel de la décision devant le tribunal de révision, qui a également conclu que la décision était chose jugée (res judicata) et il a finalement demandé l’autorisation d’interjeter appel de la décision de la CAP le 16 septembre 2006.

 

La décision de la CAP

[12]           La CAP a refusé au demandeur l’autorisation au motif que sa demande était chose jugée. Elle a réitéré la conclusion des tribunaux inférieurs selon laquelle la PMA applicable était toujours celle qui avait été fixée à décembre 1997. Par conséquent, elle a confirmé la conclusion du tribunal de révision selon laquelle la décision antérieure de la CAP de novembre 1999 était définitive et obligatoire et que la démarche que le demandeur aurait dû adopter, s’il avait de nouvelles preuves concernant son invalidité à cette date, aurait été de demander un réexamen en vertu du paragraphe 84(2) de la Loi. La CAP a conclu qu’il n’y avait pas de cause défendable.

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

[13]           La présente demande de contrôle judiciaire soulève deux questions :

a.       La CAP a-t-elle commis une erreur en maintenant la conclusion du tribunal de révision selon laquelle la PMA se terminait en décembre 1997?

b.      La CAP a-t-elle commis une erreur en refusant l’autorisation d’interjeter appel au motif que l’appel du demandeur était chose jugée?

 

L’ANALYSE

La norme de contrôle

[14]           Le défendeur soutient que le juge MacKay a énoncé le critère applicable à la norme de contrôle d’une décision de la CAP concernant l’autorisation d’interjeter appel dans la décision Callihoo c. Canada (Procureur général) (2000), 190 F.T.R. 114 (C.F. 1re inst.). Dans cette décision, le juge MacKay a déclaré au paragraphe 15 que la révision d’une décision concernant l’autorisation d’interjeter appel à la Commission donnait lieu à deux questions :

(1)  la question de savoir si le décideur a appliqué le bon critère, c’est-à-dire la question de savoir si la demande a des chances sérieuses d’être accueillie, sans que le fond de la demande soit examiné;

(2)  la question de savoir si le décideur a commis une erreur de droit ou d’appréciation des faits au moment de déterminer s’il s’agit d’une demande ayant des chances sérieuses d’être accueillie. Dans le cas où une nouvelle preuve est présentée lors de la demande, si la demande soulève une question de droit ou un fait pertinent qui n’a pas été pris en considération de façon appropriée par le tribunal de révision dans sa décision, une question sérieuse est soulevée et elle justifie d’accorder l’autorisation.

 

 

[15]           Le juge MacKay est parvenu à sa conclusion après avoir examiné ma décision sur l’analyse pragmatique et fonctionnelle dans Davies c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) (1999), 177 F.T.R. 88 (C.F. 1re inst.), et celle de Mme la juge Reed dans Kerth c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) (1999), 173 F.T.R. 102 (C.F. 1re inst..). Dans ces affaires, malgré le fait que nous ne partagions pas la même opinion sur le degré d’expertise de la CAP, Mme la juge Reed et moi-même avons conclu que la norme appropriée est un degré moindre de retenue judiciaire, et qu’elle se rapproche davantage de la norme de la décision correcte (la principale divergence d’opinions entre Mme la juge Reed et moi-même tient au fait que je suis d’avis que le degré de retenue devrait être un peu plus élevé en raison de mon point de vue sur l’expertise relative).

 

[16]           Le juge MacKay a fait un exposé détaillé sur ce point dans sa décision Leskiw c. Canada (Procureur général), 2004 CF 100, au paragraphe 11 :

Dans Callihoo c. Canada (Procureur général), [2000] A.C.F. no 612, au paragraphe 15, une affaire semblable concernant un refus de prestations d’invalidité aux termes du RPC, j’ai examiné la jurisprudence sur la norme de contrôle et j’ai conclu que le contrôle d’une décision relative à une demande d’autorisation d’interjeter appel devant la CAP donne lieu à la question de savoir si le décideur a appliqué le bon critère, c’est-à-dire si la demande a des chances sérieuses d’être accueillie en ce sens que le décideur a commis une erreur de droit ou qu’il a apprécié les faits d’une manière déraisonnable. Si une nouvelle preuve est produite en même temps que la demande ou si la demande soulève une question de droit ou présente des faits importants que le tribunal de révision n’a pas pris en considération de façon opportune, une question sérieuse est soulevée et il serait justifié d’accorder l’autorisation demandée.

 

[17]           Le juge de Montigny a confirmé que tel était le critère approprié au paragraphe 16 de la décision Canada (Procureur général) c. Causey, 2007 CF 422.

 

[18]           Dans la décision Kerth, Mme la juge Reed a traité de la façon d’analyser une décision de la CAP de refuser l’autorisation d’interjeter appel quand une nouvelle preuve est fournie. Elle a déclaré ce qui suit au paragraphe 27 :

[…] [L]orsque le motif d’une demande d’autorisation d’interjeter appel se fonde principalement sur l’existence d’une preuve additionnelle, à mon avis, la question qu’il faut se poser, c’est de savoir si la nouvelle preuve déposée à l’appui de la demande d’autorisation soulève un doute véritable quant à savoir si le tribunal serait parvenu à la décision qu’il a prise s’il avait été saisi de la preuve additionnelle.

 

[19]           En l’espèce, une nouvelle preuve avait été fournie avec la demande à la CAP, de sorte que ce précédent devra être pris en compte.

 

La période minimale d’admissibilité (PMA)

[20]           Dans son mémoire des faits et du droit en date du 14 décembre 2006, le demandeur semble soutenir que l’interprétation quant à la PMA dans la Loi est modifiée de sorte que l’ensemble de ses cotisations est regroupé afin de changer la date qui a été appliquée par le tribunal de révision et la CAP. Il a joint à son dossier de demande une copie de ses cotisations au RPC, qui inclut ses récentes cotisations en 2003 et en 2004. Il déclare ce qui suit : [traduction] « La décision du RPC indique que je n’ai pas fait suffisamment de cotisations après décembre 1997. Toutefois, cela n’est pas le cas. J’ai fait suffisamment de cotisations. » Il déclare que les dispositions qui s’appliquent sont les alinéas 44(3)a) et b) de la Loi, qui sont reproduits ci-dessous :

 

44(3) Pour l’application des alinéas (1)c), d) et f), un cotisant n’est réputé avoir versé des cotisations pendant au moins la période minimale d’admissibilité que s’il a versé des cotisations :

a) soit pendant au moins trois années, représentant au moins le tiers du nombre total d’années entièrement ou partiellement comprises dans sa période cotisable, celle-ci ne comprenant pas tout mois dans une année qui suit l’année où il atteint l’âge de soixante-cinq ans et à l’égard de laquelle ses gains non ajustés ouvrant droit à pension étaient égaux ou inférieurs à son exemption de base pour cette année;

b) soit pendant au moins dix années.

 

44(3) For the purposes of paragraphs (1)(c), (d) and (f), a contributor shall be considered to have made contributions for not less than the minimum qualifying period only if he has made contributions

(a) for at least one third of the total number of years included either wholly or partly within his contributory period, excluding from the calculation of that contributory period any month in a year after the year in which he reaches sixty-five years of age and for which his unadjusted pensionable earnings were equal to or less than his basic exemption for that year, but in no case for less than three years; or

(b) for at least ten years.

 

 

[21]           Toutefois, ces alinéas ne s’appliquent pas aux prestations d’invalidité. Ils s’appliquent aux prestations supplémentaires, notamment aux prestations de décès (alinéa 44(1)c)), à la pension de survivant (alinéa 44(1)d)) et aux prestations d’orphelin (alinéa 44(1)f)). L’alinéa 44(1)b), reproduit ci-dessous, traite des pensions d’invalidité:

 

44(1) Sous réserve des autres dispositions de la présente partie :

 

[…]

 

b) une pension d’invalidité doit être payée à un cotisant qui n’a pas atteint l’âge de soixante-cinq ans, à qui aucune pension de retraite n’est payable, qui est invalide et qui :

 

(i) soit a versé des cotisations pendant au moins la période minimale d’admissibilité,

 

(ii) soit est un cotisant à qui une pension d’invalidité aurait été payable au moment où il est réputé être devenu invalide, si une demande de pension d’invalidité avait été reçue avant le moment où elle l’a effectivement été,

 

 

 

 

(iii) soit est un cotisant à qui une pension d’invalidité aurait été payable au moment où il est réputé être devenu invalide, si un partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension n’avait pas été effectué en application des articles 55 et 55.1;

 

(iv) [Abrogé, 1997, ch. 40, art. 69]

44(1) Subject to this Part,

 

 

 

. . .

 

(b) a disability pension shall be paid to a contributor who has not reached sixty-five years of age, to whom no retirement pension is payable, who is disabled and who

 

 

(i) has made contributions for not less than the minimum qualifying period,

 

(ii) is a contributor to whom a disability pension would have been payable at the time the contributor is deemed to have become disabled if an application for a disability pension had been received before the contributor’s application for a disability pension was actually received, or

 

(iii) is a contributor to whom a disability pension would have been payable at the time the contributor is deemed to have become disabled if a division of unadjusted pensionable earnings that was made under section 55 or 55.1 had not been made;

 

(iv) [Repealed, 1997, c. 40, s. 69]

 

[22]           Ainsi, c’est l’alinéa 44(2)a) qui s’applique pour le calcul de la PMA dans le cas d’une pension d’invalidité. Cet alinéa prévoit ce qui suit :

 

44(2) Pour l’application des alinéas (1)b) et e) :

 

a) un cotisant n’est réputé avoir versé des cotisations pendant au moins la période minimale d’admissibilité que s’il a versé des cotisations sur des gains qui sont au moins égaux à son exemption de base, compte non tenu du paragraphe 20(2), selon le cas :

 

 

(i) soit, pendant au moins quatre des six dernières années civiles comprises, en tout ou en partie, dans sa période cotisable, soit, lorsqu’il y a moins de six années civiles entièrement ou partiellement comprises dans sa période cotisable, pendant au moins quatre années,

 

(ii) pour chaque année subséquente au mois de la cessation de la pension d’invalidité;

 

44(2) For the purposes of paragraphs (1)(b) and (e),

 

(a) a contributor shall be considered to have made contributions for not less than the minimum qualifying period only if the contributor has made contributions on earnings that are not less than the basic exemption of that contributor, calculated without regard to subsection 20(2),

 

(i) for at least four of the last six calendar years included either wholly or partly in the contributor’s contributory period or, where there are fewer than six calendar years included either wholly or partly in the contributor’s contributory period, for at least four years, or

 

(ii) for each year after the month of cessation of the contributor’s previous disability benefit;

 

 

[23]           Lorsqu’on évalue la situation à la lecture de cette disposition, il est clair que les cotisations les plus récentes du demandeur au RPC ne s’appliquent pas pour modifier sa PMA. Autrement dit, il n’a pas eu de gain pendant au moins quatre des six dernières années civiles. La décision du défendeur, confirmée par le tribunal de révision et la CAP, est correcte sur ce point.

 

[24]           L’interprétation du demandeur semble découler d’une mauvaise interprétation d’un document de politique publié par le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision. Le demandeur cite le document intitulé « Rapport du groupe de travail des membres de panel sur les questions de politique de base », qui fait partie du « Rapport des groupes de travail des membres de panel, Tribunaux de révision du Régime de pensions du Canada et de la Sécurité de la vieillesse », publié le 12 mars 2003, dans son premier mémoire des faits et du droit. Le demandeur a déposé un exemplaire de ce document à l’audience qui s’est tenue devant moi et il a lu la recommandation A4 (la recommandation précise qu’il a citée). La recommandation A4 s’intitule « Élargissement de la définition de la période minimum d’admissibilité » et recommande l’ajout d’autres moyens de calculer la PMA aux fins des prestations d’invalidité, en complément de l’exigence d’avoir cotisé pendant quatre des six dernières années actuellement prévue par la Loi. Le rapport cite les alinéas 44(3)a) et 44(3)b) de la Loi, qui sont les dispositions applicables aux prestations supplémentaires et sur lesquelles le demandeur s’appuie, comme exemples d’éventuelles solutions de rechange pour le calcul. Toutefois, le rapport n’indique pas que ces dispositions s’appliquent à l’heure actuelle aux pensions d’invalidité.

 

[25]           Par conséquent, la seule question de fond qu’il reste à traiter est celle de la chose jugée.

 

La décision de la CAP qui est chose jugée

[26]           Quant au premier volet du critère, la CAP a clairement appliqué le critère approprié. Dans la dernière phrase de sa décision, la CAP conclut [traduction] « qu’il n’y a pas de cause défendable ».

 

[27]           La CAP a maintenu la conclusion du tribunal de révision selon laquelle cette demande porte sur la même demande de pension d’invalidité que le demandeur avait déposée en 1995 et qui avait été entendue sur le fond devant la CAP en 1999. Donc, la CAP a conclu, comme l’a fait le tribunal de révision, que cette demande est chose jugée conformément au paragraphe 84(1) de la Loi, qui stipule ce qui suit :

 

84(1) Un tribunal de révision et la Commission d’appel des pensions ont autorité pour décider des questions de droit ou de fait concernant :

 

a) la question de savoir si une prestation est payable à une personne;

 

b) le montant de cette prestation;

 

 

c) la question de savoir si une personne est admissible à un partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension;

 

d) le montant de ce partage;

 

e) la question de savoir si une personne est admissible à bénéficier de la cession de la pension de retraite d’un cotisant;

 

f) le montant de cette cession.

 

 

La décision du tribunal de révision, sauf disposition contraire de la présente loi, ou celle de la Commission d’appel des pensions, sauf contrôle judiciaire dont elle peut faire l’objet aux termes de la Loi sur les Cours fédérales, est définitive et obligatoire pour l’application de la présente loi.

84(1) A Review Tribunal and the Pension Appeals Board have authority to determine any question of law or fact as to

 

(a) whether any benefit is payable to a person,

 

 

(b) the amount of any such benefit,

 

 

(c) whether any person is eligible for a division of unadjusted pensionable earnings,

 

(d) the amount of that division,

 

(e) whether any person is eligible for an assignment of a contributor’s retirement pension, or

 

 

(f) the amount of that assignment,

 

and the decision of a Review Tribunal, except as provided in this Act, or the decision of the Pension Appeals Board, except for judicial review under the Federal Courts Act, as the case may be, is final and binding for all purposes of this Act.

 

 

 

[28]           La jurisprudence établit clairement que la chose jugée s’applique aux décisions du ministre, du tribunal de révision et de la CAP, sous réserve de dispositions de la loi à l’effet contraire, notamment le paragraphe 84(2) de la Loi qui autorise le ministre, le tribunal de révision ou la CAP à réexaminer une décision qu’ils ont déjà rendue en se fondant sur des faits nouveaux : voir Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Macdonald, 2002 CAF 48, une décision citée par le défendeur.

 

[29]           Ainsi, la CAP a conclu que le recours approprié, si de nouveaux éléments de preuve existaient quant à l’état d’invalidité au moment en cause, aurait été de réexaminer la question aux termes du paragraphe 84(2) de la Loi, qui stipule ce qui suit :

 

84(2) Indépendamment du paragraphe (1), le ministre, un tribunal de révision ou la Commission d’appel des pensions peut, en se fondant sur des faits nouveaux, annuler ou modifier une décision qu’il a lui-même rendue ou qu’elle a elle-même rendue conformément à la présente loi.

84(2) The Minister, a Review Tribunal or the Pension Appeals Board may, notwithstanding subsection (1), on new facts, rescind or amend a decision under this Act given by him, the Tribunal or the Board, as the case may be.

 

[30]           À la lecture de cette disposition, il semble que le demandeur aurait dû demander à la CAP de réexaminer sa propre décision. Selon Mme la juge Sharlow de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Kent c. Canada (Procureur général), 2004 CAF 420, au paragraphe 26, un tribunal inférieur (comme le tribunal de révision) ne peut réexaminer que ses propres décisions, non pas celles d’un tribunal supérieur comme la CAP :

[Le paragraphe 84(2)] est une exception au paragraphe 84(1), qui prévoit que la décision du ministre, du tribunal de révision ou de la Commission d’appel des pensions est définitive et obligatoire ou, selon la terminologie juridique, qu’elle est « chose jugée » . Le paragraphe 84(2) doit être considéré comme une disposition qui renferme trois exceptions autonomes, chacune correspondant à l’une des trois instances établies par le Régime de pensions du Canada pour le paiement de prestations (c’est-à-dire le ministre, le tribunal de révision et la Commission d’appel des pensions). Le ministre doit donc se demander si des faits nouveaux existent, qui justifieraient le réexamen d’une décision antérieure qu’il a rendue. Le tribunal de révision doit se demander si des faits nouveaux existent, qui justifieraient le réexamen d’une décision antérieure qu’il a rendue. La Commission d’appel des pensions doit se demander si des faits nouveaux existent, qui justifieraient le réexamen d’une décision antérieure qu’elle a rendue.

 

[31]           Il ne s’agissait pas d’une demande fondée sur le paragraphe 84(2) réclamant à la CAP l’examen de sa décision. La CAP n’a tiré aucune conclusion concernant des faits nouveaux, bien qu’une nouvelle lettre du Dr Mok ait été déposée devant la CAP en date du 1er mai 2006 (dossier du défendeur à la page  8). La lettre stipule que le Dr Mok soignait le demandeur en 1997. Toutefois, le Dr Mok indique simplement que le demandeur avait des ennuis de santé et qu’il était incapable de travailler. Le Dr Mok note que l’état de santé du demandeur s’est détérioré et qu’il n’a pas travaillé depuis 1995 à cause de cette maladie (dossier du défendeur à la page 8). Les faits nouveaux dans la lettre auraient dû établir qu’une invalidité existait au 31 décembre 1997, soit la date à laquelle la PMA a été fixée.

 

[32]           Lorsque la décision est évaluée au regard du deuxième volet du critère énoncé par le juge MacKay, certaines questions se posent au sujet de la lettre du Dr Mok fournie à la CAP, en raison de la partie du critère qui indique : « Dans le cas où une nouvelle preuve est présentée lors de la demande […] une question sérieuse est soulevée et elle justifie d’accorder l’autorisation ». Toutefois, il semble que cet extrait doive être lu en tenant compte de la partie médiane de l’énoncé qui demande à la Cour d’examiner également si une question de droit ou de fait a été soulevée. Le critère devrait également être interprété au vu de l’examen de la jurisprudence qui a mené à la formulation du critère par le juge MacKay. Il s’appuyait en partie sur la décision de la juge Reed dans Kerth. Dans cette affaire, la demande d’autorisation soulevait une preuve nouvelle ou additionnelle qui n’avait pas été examinée par le tribunal de révision. De l’avis de la juge Reed, comme le souligne le juge MacKay dans la décision Callihoo, au paragraphe 10 :

[…] lorsque le motif pour obtenir l’autorisation d’interjeter appel est l’existence d’une nouvelle preuve, la question qui doit être examinée lors de la demande d’autorisation est celle de savoir si cette nouvelle preuve soulève un doute réel quant à la question de savoir si le tribunal serait arrivé à une conclusion différente si la preuve additionnelle lui avait été présentée.

 

[33]           Ainsi, l’existence d’une preuve additionnelle n’est pas suffisante. La preuve doit soulever un « doute réel » quant à savoir si le tribunal serait arrivé à une conclusion différente si la preuve additionnelle lui avait été présentée.

[34]           En l’espèce, la décision de la CAP concernant la chose jugée était tout à fait raisonnable. Il ne s’agissait pas d’une demande de réexamen de la décision de la CAP fondée sur le paragraphe 84(2). On a demandé à la CAP de revoir une décision du tribunal de révision ayant trait à une conclusion qui était chose jugée. Donc, il n’était pas déraisonnable pour la CAP de conclure qu’elle devait refuser l’autorisation d’interjeter appel de la conclusion du tribunal de révision concernant la chose jugée. Même s’il s’agissait d’une preuve nouvelle et qu’elle l’avait analysée à la lumière du paragraphe 84(2) de la Loi, cela ne constitue pas une preuve qui ajoute des éléments additionnels aux conclusions qui avaient déjà été tirées concernant l’invalidité du demandeur en 1997.

 

[35]           En outre, bien que le tribunal de révision ait décidé qu’il n’y avait pas de faits nouveaux suffisants pour réexaminer sa décision, cette conclusion ne peut faire l’objet d’un appel devant la CAP à cause de la jurisprudence de la Cour fédérale. Par suite des conclusions de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Oliveira c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 2004 CAF 136, la CAP n’a pas le pouvoir d’entendre un appel concernant une conclusion selon laquelle il n’y avait pas de faits nouveaux. Une telle décision ne pourrait être contestée que par une demande de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale portant sur la décision du tribunal de révision. Donc, il n’y a pas lieu pour la CAP d’examiner la question de savoir si la décision du tribunal de révision concernant l’existence de faits nouveaux était correcte.

 

[36]           Finalement, bien que le défendeur ait présenté plusieurs arguments concernant la question de savoir si le demandeur remplissait les conditions de la Loi, qui exigent que l’invalidité soit « grave » et « prolongée », ces questions ne faisaient pas partie de la décision de la CAP, parce qu’elles avaient déjà été décidées de façon définitive en 1999. Il n’y a donc pas lieu d’examiner la demande au fond puisque la décision de ne pas accorder l’autorisation d’interjeter appel se fondait uniquement sur la question de la chose jugée.

 

[37]           Le défendeur n’a pas demandé les dépens et, par conséquent, aucuns dépens ne sont adjugés.

 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée sans frais.

 

 

« Max M. Teitelbaum »

Juge suppléant

 

Traduction certifiée conforme

ce 15e jour d’août 2007

 

D. Laberge, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-1805-06

 

INTITULÉ :                                       NHON TROUNG VUONG

                                                            c.
PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET AL.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 27 JUIN 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE SUPPLÉANT TEITELBAUM

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 5 JUILLET 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Nhon Troung Vuong

 

POUR LE DEMANDEUR

Carole Vary

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Aucun

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

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