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Date : 20070716

Dossier : IMM-2824-07

Référence : 2007 CF 751

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Montréal (Québec), le 16 juillet 2007

En présence de monsieur le juge Shore

 

ENTRE :

SYED WAJID ALI

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

et LE MINISTRE DES TRAVAUX PUBLICS

ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

APERÇU

[1]               Le demandeur prétend que l’agent d’exécution s’est fié à des renseignements incorrects concernant le processus d’une demande de parrainage du conjoint dans une situation où une demande de réadaptation est également requise.

 

[2]               L’agent d’exécution a relayé des renseignements exacts relatifs au traitement de la demande du demandeur et a clairement indiqué, dans son affidavit, que, même si le demandeur pouvait, théoriquement, présenter une demande de résidence permanente de conjoint depuis le Canada, elle ne serait pas examinée avant qu’une décision soit rendue concernant sa demande de réadaptation, ce qui prendrait quelque temps, en raison de la reconnaissance de l’existence de deux chefs d’accusation d’agression sexuelle au deuxième degré de mineurs aux États-Unis (É.-U.), accusations qui ne pouvaient tout simplement pas être ignorées.

 

INTRODUCTION

[3]               Le 12 juillet 2007, le demandeur a présenté une demande d’autorisation d’interjeter appel de la décision de l’agent d’exécution, rendue le 9 juillet 2006, qui refusait la demande de sursis à la mesure de renvoi du demandeur en attendant la décision relative à la demande de contrôle judiciaire du demandeur de la décision contestée de l’agent d’exécution.

 

[4]               Le refus de l’agent de reporter le renvoi n’était pas déraisonnable. De plus, les motifs fournis en soutien de sa décision étaient suffisants. En effet, les décisions rendues par les agents de renvoi ne nécessitent pas une décision officielle avec des motifs.

 

[5]               Le renvoi du demandeur au Pakistan devrait prendre place comme prévu le 17 juillet 2007, à 9 h.

 

FAITS

[6]               Les faits suivants émergent de l’affidavit de l’agent d’exécution.

 

[7]               Le demandeur a demandé l’asile le 7 mars 2003.

 

[8]               Le 22 août 2005, la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR) a rejeté la demande d’asile du demandeur.

 

[9]               Le 24 octobre 2005, la Cour fédérale a rejeté la demande d’autorisation d’interjeter appel relative à la décision négative de la CISR, dans laquelle le demandeur a été reconnu comme ressortissant du Pakistan, mais où son identité en tant que chiite était considérée comme problématique et a donné lieu à une question de crédibilité; le demandeur a minimisé des allégations et des divergences graves qui étaient évidentes compte tenu de son admission à l’égard des rapports de police de deux chefs d’accusation d’agression sexuelle au deuxième degré de mineurs aux États-Unis.

 

[10]           Le 10 mai 2007, la demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR) du demandeur a été rejetée.

 

[11]           Le 28 avril 2006, la demande de parrainage par le conjoint (demande pour des motifs d’ordre humanitaire), présentée par le demandeur, a été refusée.

 

[12]           Le 29 août 2006, la Cour fédérale a rejeté la demande d’autorisation d’interjeter appel concernant une demande de résidence permanente de conjoint depuis le Canada.

 

[13]           Le 30 mai 2007, l’agent d’exécution a rencontré le demandeur pour lui transmettre sa décision défavorable en ce qui concerne l’ERAR et le demandeur lui a dit qu’il préférait retourner au Pakistan plutôt qu’aux États-Unis. Le demandeur n’a jamais soulevé la question du risque pour s’opposer à un renvoi aux É.-U. ou au Pakistan pendant l’entrevue.

[14]           Le 1er juin 2007, l’agent d’exécution a reçu une demande de son avocat pour reporter le renvoi du demandeur et a accordé, le même jour, un report du renvoi jusqu’à la première semaine de juillet, en attendant d’avoir reçu une copie de son billet d’avion payé et de son itinéraire au plus tard le 4 juin 2007.

 

[15]           Le 4 juin 2007, l’agent d’exécution a reçu une copie de l’itinéraire de vol du demandeur vers le Pakistan pour un départ le 10 juillet 2007. Le demandeur devait communiquer une copie de son billet d’avion payé.

 

[16]           Le 5 juillet 2005, l’avocat du demandeur a présenté une autre demande de report de son renvoi au Pakistan. Cette demande a été admise le 17 juillet 2007 pour qu’elle puisse être étudiée sur le fond.

 

[17]           Le 10 juillet 2007, lagent dexécution a rejeté la demande du demandeur, datée du 5 juillet 2007, pour reporter son renvoi. Une copie des motifs de l’agent accompagnait la décision défavorable qui a été envoyée au demandeur. Le renvoi au Pakistan a été fixé pour le 17 juillet 2007 à 9 h.

 

QUESITON

[18]           Le demandeur répondait-il au critère à trois volets établi par la Cour pour trancher les requêtes en sursis aux mesures de renvoi?

 

 

 

DISCUSSION

[19]           Pour qu’une mesure de renvoi soit accordée, le demandeur doit démontrer qu’il satisfait aux trois critères du critère à trois volets établis par la Cour d’appel fédérale dans Toth c. Canada (Citoyenneté et Immigration), (1988) 86 N.R. 302 (C.A.F.) : 1) le demandeur soulève une question sérieuse à trancher; 2) le demandeur subirait un préjudice irréparable si l’ordonnance n’était pas accordée; 3) la balance des inconvénients favorise le demandeur et non le ministre. (On renvoie également à : RJR MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311.)

 

QUESTION SÉRIEUSE

[20]           Le demandeur affirme que lagent de renvoi na pas fourni de motifs suffisants pour soutenir sa décision de ne pas reporter son renvoi.

 

[21]           Le demandeur affirme que l’agent de renvoi n’a pas tenu compte d’aspects importants de son dossier, à savoir l’intérêt supérieur de son enfant et le rapport médical relatif à sa femme.

 

[22]           L’historique du dossier du demandeur montre qu’il a demandé un premier report de son renvoi le 1er juin, qui lui a été accordé, pour lui permettre de rester au Canada jusqu’à ce que son beau-fils ait terminé sa sixième année. L’agent d’exécution était bien au fait de la situation familiale du demandeur et il a tenu compte de l’intérêt des enfants lorsqu’il a accordé un premier report.

 

[23]           De plus, le demandeur s’est vu accorder un deuxième report de son renvoi au 5 juillet.

 

[24]           Lorsque sa deuxième demande de report a été étudiée sur le fond par l’agent d’exécution, le demandeur n’a pas obtenu un troisième report.

 

[25]           La décision contestée, datée du 10 juillet 2007, indique ce qui suit : [traduction] « Je mentionne que votre [agent de] l’ASFC a l’obligation, conformément au paragraphe 48(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, d’exécuter les mesures de renvoi aussitôt que possible. Après avoir examiné votre demande, je ne crois pas qu’un report de l’exécution de la mesure de renvoi dans les circonstances de ce dossier soit justifié ».

 

[26]           L’obligation des agents de renvoi a été examinée dans Boniowski c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1161 (1re inst.), [2004] A.C.F. no 1397 (QL), aux paragraphes 11 et 12. La Cour a conclu qu’il n’y a pas un niveau plus élevé de motifs officiels ou écrits qui sont nécessaires pour ce type de motifs administratifs.

 

[27]           Même si, dans Hailu c. Canada (Solliciteur Général), 2005 CF 229, [2005] A.C.F no 268 (QL), le juge Conrad Von Finckensteirn confirme catégoriquement que les décisions rendues par les agents de renvoi ne nécessitent pas de décision officielle avec des motifs, l’agent d’exécution, en l’espèce, a fait un suivi consciencieux de l’affaire et a tenu des notes au dossier. Il a indiqué que la prise de notes est [traduction] « une pratique utile qui doit être encouragée, mais elle n’est cependant pas obligatoire ».

 

[28]           De plus, en l’espèce, l’agent d’exécution a fourni au demandeur ses notes relatives à la demande de report. En plus de ses notes, l’agent d’exécution a confirmé, dans son affidavit, qu’il a tenu compte des rapports médicaux de la femme du demandeur et qu’il était bien conscient qu’il avait un beau-fils et un enfant biologique au Canada pour qui il n’a néanmoins jamais vu de certificat de naissance.

 

[29]           Le demandeur prétend également que l’agent d’exécution s’est fié à des renseignements incorrects concernant le processus d’une demande pour motifs d’ordre humanitaire dans une situation où une demande de réadaptation est également requise.

 

[30]           L’agent d’exécution a relayé les renseignements appropriés relatifs au traitement de la demande du demandeur et a clairement indiqué, dans son affidavit, que, même si le demandeur pouvait, théoriquement, présenter une demande de résidence permanente de conjoint depuis le Canada, elle ne serait pas examinée avant qu’une décision ne soit rendue au sujet de sa demande de réadaptation, ce qui prendrait quelque temps, en raison de la reconnaissance de deux chefs d’accusation d’agression sexuelle au deuxième degré de mineurs aux É.-U., accusations qui ne pouvaient tout simplement pas être ignorées.

 

[31]           À la lumière de ce qui précède, il est clair que les motifs présentés par lagent responsable du renvoi, en lespèce, sont plus que suffisants, et que son refus de reporter le renvoi n’était pas déraisonnable compte tenu des circonstances de l’espèce.

 

PRÉJUDICE IRRÉPARABLE

[32]           La deuxième exigence du critère à trois volets concernant l’octroi d’un sursis à la mesure de renvoi consiste à établir si le demandeur subirait un préjudice irréparable si la demande était refusée. Le demandeur n’a pas montré que cette partie du critère s’applique (RJR-MacDonald, précité; Toth, précité).

 

[33]           Le demandeur doit démontrer que le renvoi causera une vraisemblance raisonnable de préjudices avant qu’il y ait une conclusion selon laquelle le renvoi donnerait lieu à un préjudice irréparable. (Soriano c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 414).

 

[34]           La notion de préjudice irréparable a été définie par la Cour en ces termes :

 

[22]     Dans l’affaire Kerrutt c. MEI (1992), 53 F.T.R. 93 (C.F. 1re inst.), le juge MacKay avait conclu que, dans le cadre d’une demande de sursis à exécution, la notion de préjudice irréparable sous-entend un risque grave de quelque chose qui met en cause la vie ou la sécurité d’un requérant. Le critère est très exigeant et j’admets son principe de base selon lequel on entend par préjudice irréparable quelque chose de très grave, c’est-à-dire quelque chose de plus grave que les regrettables difficultés auxquelles vont donner lieu une séparation familiale ou un départ.

 

(Calderon c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (1995), 92 F.T.R. 107, [1995] A.C.F. no 393 (C.F. 1re inst.).

 

[35]           Un préjudice irréparable est plus important et plus gave qu’un inconvénient personnel.   Cela sous-entend un risque grave de quelque chose qui met en cause la vie, la liberté ou la sécurité d’une personne ou une menace ou un mauvais traitement dans le pays vers lequel le renvoi sera effectué (Mikhailov c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 642 (C.F. 1re inst.) (QL); Frankowski c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 935 (C.F. 1re inst.) (QL); Louis c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] A.C.F. no 1101 (C.F. 1re inst.) (QL)).

 

[36]           Une conclusion selon laquelle le demandeur souffrira d’irréparables préjudices s’il devait être renvoyé ne peut pas être fondée sur une conjecture ou une simple possibilité. La preuve à l’appui d’une telle conclusion doit être claire et ne doit pas reposer sur des conjectures. (Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 464, [2004] A.C.F. no 567 (C.F.) (QL); Atakora c. Canada (Minister of Employment and Immigration) (1993), 68 F.T.R. 122 (F.C.T.D.), [1993] A.C.F. no 826 (QL); John c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] A.C.F. no 915 (C.F. 1re inst.) (QL)).

 

[37]           Le demandeur n’a pas évoqué de risque pour sa vie en lien avec son retour au Pakistan.

 

[38]           De plus, le demandeur n’a pas contesté sa décision défavorable relative à l’ERAR devant la Cour.

 

[39]           La séparation ou la réinstallation de la famille du demandeur n’est pas un fondement suffisant permettant de juger que le demandeur souffrira de préjudices irréparables s’il devait être renvoyé (Mallia c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 369 (C.F. 1re inst.) (QL); Mikhailov c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 642 (C.F. 1re inst.) (QL); Aquila c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 36 (C.F. 1re inst.) (QL)).

 

[40]           Enfin, le demandeur prétend qu’une séparation d’avec sa famille sera néfaste à leur bien-être. Néanmoins, il n’a présenté aucune preuve pour soutenir son allégation, mis à part une lettre du Dr. Shariff.

 

 

PRÉPONDÉRANCE DES INCONVÉNIENTS

[41]           Conformément à l’article 48 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001 ch. 27, le défendeur a une obligation d’exécuter une mesure de renvoi exécutoire « dès que les circonstances le permettent ».

48.      (1) La mesure de renvoi est exécutoire depuis sa prise d’effet dès lors qu’elle ne fait pas l’objet d’un sursis.

(2) L’étranger visé par la mesure de renvoi exécutoire doit immédiatement quitter le territoire du Canada, la mesure devant être appliquée dès que les circonstances le permettent.

48.      (1) A removal order is enforceable if it has come into force and is not stayed.

 

(2) If a removal order is enforceable, the foreign national against whom it was made must leave Canada immediately and it must be enforced as soon as is reasonably practicable.

 

[42]           Il est bien établi en droit que l’intérêt public doit être pris en considération dans l’appréciation de ce dernier critère.

 

[43]           Pour démontrer que la prépondérance des inconvénients favorise le demandeur, ce dernier devrait démontrer qu’il existe un intérêt public pour ne pas le renvoyer de la manière prévue (RJR-MacDonald, précité; Blum c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (1994), 90 F.T.R. 54, [1994] A.C.F. no 1990 (QL)).

 

[44]           Comme la indiqué le juge John Sopinka dans Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) c Chiarelli, [1992] 1 RCS 711 (même s’il parlait d’une affaire d’extradition) :

Le principe le plus fondamental du droit de l’immigration veut que les non-citoyens n’aient pas un droit absolu d’entrer au pays ou d’y demeurer.

[45]           Le demandeur na pas démontré que la balance des inconvénients est en sa faveur.

 

CONCLUSION

[46]           Pour les motifs qui précèdent, la demande du demandeur concernant un sursis à la mesure de renvoi est rejetée.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande du demandeur de surseoir à la mesure de renvoi est rejetée.

 

 

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2824-07

 

INTITULÉ :                                       SYED WAJID ALI

c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION ET LE MINISTRE DE LA

SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 16 juillet 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE SHORE

 

DATE  DES MOTIFS :                     Le 16 juillet 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Mark J. Gruszczynski

 

POUR LE DEMANDEUR

Me Zoé Richard

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

GRUSZCZYNSKI, Romoff

Avocats

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

JOHN H. SIMS, Q.C.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

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