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Date : 20070720

Dossier : IMM-2217-06

Référence : 2007 CF 755

Ottawa (Ontario), le 20 juillet 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BLANCHARD

 

ENTRE :

LATANYA AUSTINI

demanderesse

et

 

LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Latanya Austini, dont la demande d’asile a été rejetée, sollicite le contrôle judiciaire de la décision rendue le 4 avril 2006 par une agente d’expulsion dans laquelle celle-ci a rejeté sa demande en vue de faire différer l’exécution de la mesure de renvoi à Sainte-Lucie qui pèse contre elle.

1.         Faits

[2]               La demanderesse, âgée de 19 ans et citoyenne de Sainte-Lucie, réside au Canada sans statut depuis 1998. Sa demande d’examen des risques avant renvoi (l’ERAR) a été rejetée, mais on lui a accordé un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi le 28 avril 2006, en attendant l’issue de la présente demande.

 

[3]               La demanderesse est arrivée au Canada en 1997 à l’âge de onze ans, et elle y demeure depuis ce temps. À l’exception de ses grands-parents qui vivent à Sainte-Lucie, la demanderesse n’a aucun lien dans ce pays.

 

[4]               La mère de la demanderesse est arrivée au Canada le 17 juillet 1993, et a présenté une demande d’asile en 1997, laquelle a été rejetée en 1998. La demanderesse est une personne à charge déclarée dans une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire présentée le 21 décembre 2005 par sa mère. On attend le résultat de cette demande. La demande d’ERAR de la demanderesse a été déposée le 22 décembre 2005, et cette dernière a été informée de son rejet le 4 avril 2006.

 

[5]               La demanderesse a terminé avec succès ses études secondaires. Elle a présenté une demande de visa d’étudiant qui a été refusée parce qu’elle n’avait pas encore été admise dans un établissement d’enseignement au Canada. Par la suite, le 3 avril 2006, elle a été informée de son admission au Ontario College of Art and Design à Toronto.

 

[6]               Dans son affidavit, la demanderesse rapporte que l’agente d’expulsion lui avait indiqué qu’elle pourrait revenir au Canada muni d’un visa d’étudiant deux semaines après avoir été renvoyée à Sainte‑Lucie, et elle affirme que c’est la raison pour laquelle elle souhaitait vivement retourner dans son pays pour qu’elle puisse obtenir un visa d’étudiant et revenir au Canada. Elle a donc refusé le délai supplémentaire qu’on lui offrait pour se préparer à son renvoi. Après avoir été informée par son avocat qu’il était peu probable dans les circonstances qu’elle obtienne un visa d’étudiant et qu’on l’autorise à revenir au Canada, elle est restée au pays.

 

[7]               Les notes de l’agente, qui ont été rédigées le jour même de l’entrevue, contredisent le témoignage de la demanderesse. Les notes attestent que la demanderesse avait l’intention de revenir au Canada muni d’un visa d’étudiant et que l’agente avait recommandé à la mère de la demanderesse que sa fille communique avec l’ambassade du Canada pour demander un visa d’étudiant en vue de revenir au pays. Les notes indiquent également que l’agente a informé la mère de la demanderesse que la mesure de renvoi devait malheureusement être exécutée. L’agente n’a pas jugé qu’il était approprié de différer le renvoi dans ce cas.

 

2.         Question en litige

[8]               Dans les circonstances, l’agente a-t-elle commis une erreur susceptible de contrôle dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en refusant de différer l’exécution de la mesure de renvoi?

 


3.         Norme de contrôle

[9]               La norme de contrôle applicable à une décision d’un agent d’expulsion a été examinée dans la décision Zenunaj c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1715, aux paragraphes 19 à 22. Dans cette affaire, le juge Mosley a conclu que lorsque la question est essentiellement factuelle, la norme de contrôle applicable est celle de la décision manifestement déraisonnable. Je souscris à l’analyse de mon collègue concernant la norme de contrôle applicable aux décisions des agents d’expulsion. Étant donné qu’en l’espèce il s’agit d’une question de fait, la décision de l’agente sera contrôlée selon la norme de la décision manifestement déraisonnable.

 

3.         Analyse

[10]           La demanderesse soutient que l’agente n’a pas convenablement examiné la requête en vue de faire différer sa mesure de renvoi. Elle prétend que l’agente a mis l’accent sur le statut d’étudiant, ainsi que sur la question du visa d’étudiant, et que cette dernière ne s’est pas arrêtée à d’autres éléments importants tels que son âge, et le fait qu’on la renvoyait dans un pays qu’elle ne connaissait pas et qu’elle avait quitté à l’âge de onze ans. Elle prétend aussi que l’agente a omis de tenir compte des circonstances dans lesquelles elle avait présenté sa demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire et du fait qu’elle serait renvoyée sans sa mère. La demanderesse allègue que la décision de l’agente a été rendue sans tenir compte de la preuve. De plus, elle soutient avoir été induite en erreur par l’agente en ce qui concerne la probabilité d’obtenir un visa d’étudiant à son retour à Sainte‑Lucie.

 

[11]           Dans ses observations écrites, la demanderesse allègue que la loi l’autorise à présenter une demande au Canada étant donné qu’elle n’est pas interdite de territoire pour des raisons d’ordre criminel, que sa demande de résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaire est en cours de traitement depuis sept mois et qu’une décision concernant cette demande devrait être rendue sous peu. 

 

[12]           Le dossier indique que l’agente a bel et bien mentionné la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire qui est en attente dans ses notes versées au dossier. L’agente a tenu compte de cet élément. Il est bien reconnu qu’on ne peut pas exiger des agents de renvoi qu’ils se livrent à un examen approfondi des motifs humanitaires que l’on doit examiner dans le cadre d’une évaluation des motifs d’ordre humanitaire. Les agents de renvoi n’ont ni la compétence ni le pouvoir délégué pour connnaître de telles demandes et ils ne sont pas formés pour le faire. Il est également bien établi qu’une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire dont on attend l’issue n’est pas un motif suffisant pour différer l’exécution d’une mesure de renvoi.  

 

[13]           L’agente a déclaré [traduction] « […]qu’elle a informé la demanderesse que la mesure de renvoi devait être exécutée, mais que [la demanderesse] pouvait faire une demande de visa d’étudiant à l’ambassade du Canada à Sainte‑Lucie ». Rien au dossier ne me fait douter de la déclaration de l’agente que je préfère à celle de la demanderesse, étant donné que l’agente, contrairement à la demanderesse, n’a aucun intérêt dans l’issue de la demande. Dans les circonstances, je conclus que les renseignements fournis par l’agente n’étaient pas de nature à induire en erreur. De toute façon, les déclarations que l’on reproche à l’agente n’ont aucune conséquence étant donné que la demanderesse, en bout de compte, n’a pas agi en fonction de ces déclarations, puisqu’elle n’a pas quitté le pays.

 

[14]           Étant donné la compétence limitée d’un agent d’expulsion, je suis d’avis que la décision de l’agente a été rendue en tenant compte de la preuve et que cette dernière n’a pas limité son pouvoir discrétionnaire en décidant comme elle l’a fait. Dans les circonstances, la décision de l’agente n’était pas manifestement déraisonnable. La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.

 

[15]           Les parties ont eu l’occasion de soulever une question grave de portée générale tel que le prévoit l’alinéa 74d) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, mais ne l’ont pas fait. Aucune question grave de portée générale n’a été soulevée dans ce dossier, et je n’en propose aucune aux fins de certification.

 


ORDONNANCE

 

            LA COUR STATUE que :

 

1.         La demande de contrôle judiciaire de la décision rendue le 4 avril 2006 est rejetée.

 

2.         Aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

 

 

« Edmond P. Blanchard »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Caroline Tardif, LL.B, trad.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                                IMM-2217-06

 

INTITULÉ :                                                               Latanya Austini c.

                                                                                    LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                         Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                       LE 9 MAI 2007

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                               LE JUGE BLANCHARD

 

DATE DES MOTIFS :                                              LE 20 JUILLET 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Robin L. Seligman                                                        POUR LA DEMANDERESSE

Toronto (Ontario)

 

Vanita Goela                                                                POUR LE DÉFENDEUR

Toronto (Ontario)

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Robin L. Seligman                                                        POUR LA DEMANDERESSE

Toronto (Ontario)

 

John H. Sims, c.r.                                                         POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

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