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Date : 20070726

Dossier : T-917-06

Référence : 2007 CF 780

Ottawa (Ontario), le 26 juillet 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PHELAN

 

 

ENTRE :

DR NOËL AYANGMA

demandeur

et

 

LE CONSEIL DU TRÉSOR DU CANADA

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          INTRODUCTION

[1]               S’il est une leçon à tirer de la présente affaire, c’est que l’on ne peut pas voler son employeur et espérer conserver son emploi. On a reproché au Dr Noël Ayangma (le demandeur), un employé de Santé Canada, d’avoir présenté des demandes frauduleuses de remboursement de frais de voyage et de s’être absenté de son travail sans autorisation. Les allégations concernant les demandes frauduleuses de remboursement de frais de voyage équivalaient à des allégations de fraude – il s’agissait de demandes de paiement pour des déplacements n’ayant pas eu lieu. Le demandeur a été licencié. 

 

[2]               Un arbitre de grief (l’arbitre) a décidé que l’employeur avait établi le bien-fondé de la plupart des allégations relatives aux demandes frauduleuses de remboursement de frais de voyage et a conclu que l’employeur avait un motif valable de licencier le demandeur. Ce dernier n’avait présenté aucun élément de preuve pour réfuter les allégations relatives aux demandes de remboursement frauduleuses; il a néanmoins sollicité le contrôle judiciaire de la décision de l’arbitre et de l’ensemble du processus d’enquête, principalement pour des motifs d’ordre procédural.

 

[3]               Le dossier et les plaidoiries du demandeur abondent en allégations de subornation, de parjure et de complot formulées contre ses supérieurs. S’y ajoutent d’autres allégations, dirigées contre l’arbitre et correspondant à des reproches de partialité, de conduite déplacée et de collusion avec l’employeur. Toutes ces allégations sont totalement dépourvues de fondement.

 

[4]               En ce qui touche la question de fond, à savoir si l’employeur était justifié de conclure que le demandeur a abusé du droit au remboursement de frais de voyage en présentant des réclamations frauduleuses pour des voyages qu’il n’a pas faits, le demandeur ne s’est en aucun temps prévalu de la possibilité de témoigner pour réfuter toutes et chacune des allégations soigneusement circonstanciées de l’employeur. 

 

II.         HISTORIQUE

[5]               Le demandeur est entré en fonction en janvier 1999 et a été licencié en mai 2004. Il devait se déplacer fréquemment et disposait d’une autorisation générale de voyager dans la région de l’Atlantique. Il vivait à Charlottetown mais relevait du bureau de Santé Canada, Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits (DGSPNI), à Halifax. Avant août 2003, le demandeur a assumé, à titre intérimaire, les fonctions de gestionnaire de la Division de l’information sur la santé et de l’analyse et de l’Unité des solutions de la cybersanté.

 

[6]               Le poste intérimaire qu’il occupait a ensuite été confié à une certaine Mme Hopkins dans le cadre d’un programme d’échange avec la régie de la santé Cape Breton. Manifestement, le demandeur a jugé cette nomination injuste et il a prétendu qu’elle s’inscrivait dans le complot dirigé contre lui. Il affirme que certaines déclarations erronées ont entouré cette nomination, mais aucune d’entre elles n’est pertinente pour évaluer si le demandeur a frauduleusement réclamé le remboursement de frais de voyage.

 

[7]               Mme Hopkins, qui était responsable d’approuver les demandes de remboursement de frais de voyage du demandeur, a constaté des anomalies dans les demandes de remboursement qu’il lui avait présentées. Devant le refus du demandeur de fournir des renseignements additionnels sur ces demandes, Mme Hopkins et la directrice des Ressources humaines, Mme Kitson, ont décidé d’examiner certaines demandes de remboursement de frais de voyage déjà acquittées que le demandeur avait présentées dans le passé.

 

[8]               Indépendamment de cette enquête interne, l’administration centrale à Ottawa avait déjà entrepris une enquête sur les demandes de remboursement de frais de voyage du demandeur.

 

[9]               Après avoir été informé de la vérification en cours et des renseignements demandés par l’employeur, le demandeur s’est absenté du travail, affirmant être malade. Il a fourni une note d’un médecin qui recommandait un congé de six semaines nécessité par le stress professionnel.

 

[10]           En novembre 2003, le demandeur a rencontré le vérificateur, M. Cuthbert, durant deux jours, après quoi il a été informé que de nombreuses anomalies avait été relevées dans ses demandes de remboursement de frais de voyage, dans l’utilisation du téléphone cellulaire fourni par le gouvernement, dans l’utilisation de sa carte de crédit du gouvernement ainsi que dans ses dossiers de présence au travail et de congés. Il a alors été averti que des mesures disciplinaires pourraient être prises à son égard. Bien qu’il ait indiqué qu’il souhaitait dès lors retourner au travail, il a été suspendu de ses fonctions.

 

[11]           Le demandeur a eu une autre entrevue avec son employeur en mai 2004. On lui a alors remis un rapport (le rapport) selon lequel il avait facturé à son employeur 28 978,07 $ pour des frais de voyage qu’il n’avait pas engagés. Durant cette entrevue, le demandeur était accompagné d’un représentant. Il a été informé de son licenciement.

 

[12]           Conformément aux dispositions de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et de la convention collective applicable, le licenciement du demandeur a été soumis à un arbitre de grief. L’employeur fondait ses conclusions sur 20 demandes de remboursement de frais de voyage et alléguait globalement que le demandeur avait présenté des réclamations pour des voyages qu’il n’avait pas effectués, prétendant se trouver à un endroit pour son travail alors qu’il se trouvait ailleurs pour des raisons personnelles. L’audience devant l’arbitre s’est déroulée sur neuf journées.

 

[13]           L’arbitre a dû régler plusieurs questions préliminaires, dont certaines sont pertinentes dans le présent contrôle judicaire soit quant aux éléments soulevés, soit quant aux difficultés procédurales survenues. Voici un résumé des questions préliminaires pertinentes en l’espèce :

·                    L’arbitre a rejeté l’allégation de partialité portée contre lui par le demandeur après que l’arbitre eut demandé si un document que le demandeur entendait produire avait été volé.

·                    L’arbitre n’a pas fait droit à la tentative du demandeur de déposer un affidavit comprenant 75 pièces, au motif que le demandeur ne pourrait pas être contre‑interrogé relativement à cet affidavit.

·                    Il a aussi rejeté la prétention du demandeur suivant laquelle la mesure disciplinaire prise à son égard était sans valeur du fait qu’il n’avait pas eu accès à une représentation syndicale. Cet argument a été rejeté au motif que le demandeur avait été avisé du droit que lui reconnaissait la convention collective d’être représenté s’il en faisait la demande.

·                    Le demandeur a exigé la divulgation d’une grande quantité de documents, demande dont la portée a été réduite à la suite d’une entente entre les parties. Constatant que le demandeur n’avait pas reçu tous les documents, l’arbitre a proposé d’ajourner l’audience pour en permettre la divulgation. Le demandeur a répondu qu’il disposait de suffisamment d’information pour procéder et a retiré sa demande de divulgation. 

·                    Au terme de la présentation de la preuve de l’employeur, le demandeur a déclaré qu’il ne témoignerait pas, de façon à éviter les retards, et qu’il était fatigué. L’arbitre lui a recommandé de demander conseil sur cette question. Le demandeur a néanmoins persisté dans son refus de témoigner, et l’arbitre a tiré une inférence défavorable du fait que le demandeur a choisi de ne pas témoigner.

 

[14]           Quant au bien-fondé des prétentions du demandeur, les principales conclusions de l’arbitre sont les suivantes :

·                    L’allégation du demandeur portant que Mme Hopkins s’était vue attribuer le poste qui aurait dû lui revenir et que la question des demandes de remboursement des frais de voyage avait été inventée pour se débarrasser de lui a été rejetée, aucun élément de preuve n’étayant la thèse d’un complot semblable.

·                    L’existence de plusieurs versions des rapports de vérification concernant le caractère frauduleux de demandes de remboursement de frais de voyage n’a pas été jugée d’une grande importance. Ce qui comptait était que l’audience devant l’arbitre consistait en une audience de novo et que le témoignage de M. Cuthbert, et non l’une quelconque des versions des rapports de vérification, constituait le fondement de la preuve. L’arbitre a reconnu que l’une des versions contenait une erreur concernant l’absence d’autorisation de la comparution du demandeur devant un comité parlementaire. 

·                    Le recours à une comparaison entre les relevés d’utilisation de téléphone cellulaire, qui indiquent l’endroit d’où des appels ont été faits et celui où des appels ont été reçus, et l’itinéraire de voyage du demandeur constituait un point de départ valable (quoique pas nécessairement concluant) pour déterminer l’endroit où se trouvait réellement le demandeur une journée donnée.

 

[15]           L’arbitre a ensuite examiné les documents pertinents, soit les Demandes d’indemnité de déplacement (DID) et les Relevés des frais de voyage (RFV), pour diverses périodes. Je résume ci‑dessous quelques-unes des conclusions de l’arbitre à ce sujet.

27 juillet-1er août 2003

 

Le RFV indique qu’il a quitté Charlottetown à 15 h 30 le 27 juillet pour se rendre à Halifax, puis jusqu’à la bande d’Eel River au Nouveau-Brunswick, le 30 juillet. Il a réclamé 1 350,93 $ pour ce voyage. Le relevé d’utilisation de son téléphone cellulaire révèle qu’il se trouvait à Toronto le 27 juillet. Le téléphone a été utilisé à Halifax dans la soirée du 27, puis est resté à Halifax jusqu’au début de la journée du 30. Il a été utilisé à Charlottetown plus tard ce jour‑là. Rien n’indique qu’il se soit rendu à Eel River. La preuve comprend aussi un billet d’avion Toronto-Halifax. L’arbitre a conclu que le fonctionnaire s’estimant lésé s’est rendu de Toronto à Halifax, ce qui ne concorde pas avec le RFV. Sa demande de remboursement de frais pour le voyage de Charlottetown à Halifax, le 27 juillet, était frauduleuse. Il est rentré à Charlottetown le 30 juillet, de sorte que les frais réclamés pour les 31 juillet et 1er août étaient frauduleux.

 

15-18 juillet 2003

 

Le RFV montre qu’il est parti de Charlottetown tôt le 15 juillet pour se rendre au bureau de Halifax, s’est rendu à Eel Ground où il a passé les 16 et 17 juillet, puis est retourné à Charlottetown le 18 juillet. Il a réclamé le remboursement de frais totalisant 843,41 $. D’après le relevé d’utilisation de son téléphone cellulaire, il est retourné à l’Île‑du-Prince-Édouard le 16 juillet et y est resté les 17 et 18 juillet.

 

Interrogé sur ces incohérences, le fonctionnaire s’estimant lésé a répondu à M. Cuthbert qu’il s’était rendu tôt à Eel Ground et qu’il avait réclamé des frais d’hébergement privé pour son séjour à la maison. L’hébergement privé est destiné à être utilisé lorsqu’un employé en voyage dort chez des amis ou des membres de sa famille plutôt qu’à l’hôtel, mais pas lorsqu’un employé rentre tout simplement chez lui. L’arbitre a conclu que les réclamations pour les 16 et 17 juillet étaient frauduleuses.

 

23-26 juin 2003

 

Le RFV indique un voyage de Charlottetown à Halifax, le 23 juin. Le 25, il s’est rendu à Buctouche, au Nouveau-Brunswick, puis à Moncton et à Indian Island le 26 juin. Il est rentré à Charlottetown ce même jour, le 26. Son téléphone cellulaire se trouvait à Charlottetown le 24 juin dans la soirée et y est demeuré dans la journée du 25. Dans la soirée, il a fait des appels de Moncton et, plus tard, de Toronto et Hamilton. Son téléphone est demeuré en Ontario jusqu’au 28, puis a été déplacé vers l’est jusqu’au Nouveau‑Brunswick. Il se trouvait à Charlottetown le 29 juin en fin de soirée.

 

Selon les notes de M. Cuthbert, le fonctionnaire s’estimant lésé a déclaré qu’il avait réclamé des frais d’hébergement privé pour un séjour à la maison et des vacances à Hamilton. M. Cuthbert a confirmé à l’audience que le fonctionnaire s’estimant lésé avait admis avoir pris des journées de congé les 25 et 26 juin. Les frais réclamés pour la période du 24 au 26 juin 2003 étaient frauduleux.

 

 

Il ne s’agit là que d’un petit échantillon des nombreuses conclusions arrêtées par l’arbitre contre le demandeur.

 

[16]           L’arbitre a ensuite conclu que la suspension était justifiée et qu’elle n’était pas prématurée puisqu’elle n’a été appliquée que lorsque le demandeur a insisté pour revenir travailler.

 

[17]           L’arbitre a conclu que, bien que l’employeur n’ait pas prouvé toutes ses allégations, le demandeur avait présenté des réclamations frauduleuses totalisant 19 586,26 $.

 

[18]           Pour ce qui est des facteurs atténuants, l’arbitre a jugé que les cinq années exemptes de mesures disciplinaires ne suffisaient pas à compenser pour l’absence totale de remords dont le demandeur a fait preuve, même confronté à son propre aveu du fait qu’il se trouvait à la maison à des dates pour lesquelles il réclamait des frais d’hébergement ailleurs. Le fait qu’il n’ait pas nié les allégations était particulièrement révélateur.

 

[19]           L’arbitre a relevé que les demandes injustifiées ne consistaient ni en des erreurs de bonne foi ni en des demandes de remboursement gonflées pour des voyages ayant bien eu lieu. Plutôt que d’admettre sa responsabilité, le demandeur a prétendu être victime d’un complot ou d’une vendetta. L’arbitre a conclu que l’absence de remords et la contestation de chaque aspect de l’enquête constituaient des facteurs suffisants pour conclure à l’absence de circonstances atténuantes qui justifieraient une mesure autre que le licenciement.

 

[20]           La progression du présent contrôle judiciaire a été difficile. Les observations d’autres juges s’appliquent à la position du demandeur en l’espèce, laquelle consiste à soulever toutes sortes de questions procédurales non axées sur le bien-fondé des véritables allégations. 

 

[21]           Adjugeant des dépens contre le demandeur, la juge Sharlow a déclaré :

[traduction]

[…] formuler une allégation de parjure non fondée constitue un abus de procédure qui peut justifier l’adjudication de dépens sur une base avocat-client. Dans le cas présent, cependant, vu les circonstances particulièrement émotionnelles, j’estime plus indiqué de fixer simplement les dépens de la présente requête à un montant supérieur à celui normalement accordé, dans l’espoir de dissuader le Dr Ayangma de formuler d’autres allégations sans fondement de cette nature. Les dépens de la requête sont fixés à 3 000 $, honoraires, débours et TPS inclus, et doivent être versés sans délai au défendeur par le Dr Ayangma.

 

[22]           Le juge Hugessen, qui a rejeté un appel d’une décision par laquelle la protonotaire Aronovitch a refusé une requête pour modifier l’avis de demande afin d’y inclure une allégation de parjure au motif (notamment) que l’allégation masquerait la véritable question, a exposé :

[traduction]

12.       […] Le protonotaire a tout à fait raison de qualifier de « secondaires » les questions visées par cette preuve, étant donné que, effectivement, les questions abordées lors des entrevues en cause ne font pas partie des éléments invoqués par l’employeur pour affirmer que le demandeur a présenté des demandes frauduleuses de remboursement de frais de voyage. Le seul fait d’établir qu’un témoin a fait une erreur relativement à un élément de preuve sans pertinence avec les questions en litige ne prouve pas que ce témoin s’est « parjuré ». La recherche ad nauseam de contradictions sur des questions entièrement marginales par rapport aux questions principales ne permet pas la résolution juste, la plus expéditive et la plus économique des véritables questions en litige. Si je me prononçais de novo sur cette affaire, j’arriverais aux mêmes conclusions que la protonotaire.

 

[…]

 

15.       Malheureusement, le souhait formulé par la juge Sharlow ne s’est pas réalisé. Non seulement le demandeur a-t-il persisté dans son comportement abusif, mais la longueur et la complexité superflues de ses éléments de preuve justifient l’adjudication de dépens encore plus élevés, que je fixe à 5 000 $.

 

Le demandeur a renoncé à l’appel interjeté contre la décision du juge Hugessen.

 

III.       ANALYSE

[23]           Le demandeur a soulevé de nombreuses questions de procédure mettant en cause le processus d’enquête, la procédure de règlement des griefs et la procédure d’arbitrage, et il a aussi allégué l’existence d’erreurs de droit et de fait et le droit à des réparations fondées sur la Charte.

 

Les deux questions principales sont les suivantes :

 

a)         Y a-t-il eu manquement à l’équité procédurale en raison d’une divulgation insuffisante, de la mauvaise foi de la Couronne et de la partialité de l’arbitre?

 

b)         La décision confirmant le bien-fondé de la suspension et du licenciement du demandeur est-elle manifestement déraisonnable?

 

A.        Norme de contrôle

[24]           Traditionnellement, les tribunaux ont fait preuve d’une grande retenue à l’égard des commissions et arbitres de grief ou décideurs en matière de relations de travail pour ce qui est du fond d’un litige. Les questions touchant le licenciement et la suspension sont au cœur même de l’expertise d’un arbitre de grief. La norme de contrôle applicable est celle de la décision manifestement déraisonnable (Gale c. Canada (Conseil du Trésor), 2006 CAF 117).

 

La norme de contrôle applicable aux autres questions contestés, à savoir l’équité procédurale et la compétence, est celle de la décision correcte.

 

B.         Équité procédurale

[25]           Le demandeur a beaucoup insisté, tant dans ses observations écrites que de vive voix, sur l’allégation selon laquelle il n’a pas eu accès à une divulgation entière, en bonne et due forme. Il invoque l’arrêt R. c. Stinchcombe, [1991] 3 R.C.S. 326, ainsi que d’autres décisions semblables pour soutenir qu’il avait droit à une divulgation d’une étendue considérable.

 

[26]           Indépendamment de la question de savoir s’il existe un droit à la divulgation dans les procédures de grief découlant de la convention collective, le fait demeure que le demandeur a renoncé au droit de réclamer une divulgation additionnelle et plus complète. Comme l’a relevé l’arbitre dans sa décision :

J’ai informé les parties que les circonstances m’amenaient à conclure que l’audience allait devoir être suspendue pour que le fonctionnaire s’estimant lésé puisse obtenir tous les documents dont il réclamait la communication. Le fonctionnaire s’estimant lésé a alors déclaré qu’il avait assez d’information pour aller de l’avant et qu’il voulait poursuivre l’audience. Il a donc retiré sa demande de communication des documents en question.

 

[27]           Devant la Cour, le demandeur plaide que l’arbitre n’a jamais proposé d’ajourner l’audience, que lui-même n’a jamais renoncé à sa demande de divulgation et que c’est en raison de la non‑divulgation qu’il n’a pas témoigné – et non parce qu’il voulait éviter des retards et était fatigué. En fait, le demandeur invoque cette [traduction] « déclaration erronée » comme preuve additionnelle du complot et de la part qu’y a prise l’arbitre.

 

[28]           Cette prétention ne convainc pas la Cour. Il n’existe aucune preuve de l’existence d’un complot, et moins encore de la participation de l’arbitre dans un tel complot. Une preuve par affidavit confirme la situation rapportée par l’arbitre, et l’avocat du défendeur, qui représentait le défendeur lors de cette audience, a corroboré cet élément de preuve dans son rôle à titre d’officier de justice.

 

[29]           Compte tenu de la situation décrite par l’arbitre, le demandeur ne peut pas se plaindre de l’insuffisance de la divulgation, même s’il y avait eu initialement un motif de le faire.

 

[30]           Le demandeur soutient que l’arbitre a fait preuve de partialité parce qu’il a omis de décider si la bande sonore d’une entrevue était réellement inaudible comme le prétendait le défendeur. Le demandeur a maintes fois fait valoir qu’il avait le droit de disposer de l’enregistrement de l’entrevue, qui comprenait deux séances enregistrées. Or, pour une raison quelconque, l’enregistrement d’une journée d’entrevue était inaudible. Premièrement, rien n’indique que tel n’est pas le cas; deuxièmement, l’arbitre n’était pas en mesure de se prononcer sur une bande sonore qui n’existait plus; troisièmement, la bande sonore n’a qu’une importance secondaire par rapport aux véritables questions à trancher en l’espèce. La procédure d’arbitrage consiste en un examen de novo lors duquel le fardeau de la preuve incombe à l’employeur. La protonotaire Aronovitch et le juge Hugessen ont jugé que l’incident de la bande sonore était sans pertinence au regard des véritables questions dans la présente affaire.

 

[31]           L’attaque contre l’arbitre est sans fondement. La position du demandeur consiste à embrouiller les faits et à recourir à des contestations procédurales non fondées afin d’éviter la question centrale de la preuve qui pèse contre lui en ce qui a trait au caractère frauduleux de demandes de remboursement de frais de voyage.

 

C.        Caractère raisonnable de la décision de l’arbitre

[32]           Certains des arguments avancés par le demandeur relativement à cette question ont été réunis dans le cadre des questions procédurales concernant la divulgation et le refus de témoigner.

 

[33]           Le demandeur n’a jamais véritablement contesté la preuve présentée par l’employeur quant à la falsification de demandes de remboursement de frais de voyage.

 

[34]           L’arbitre a fondé sa décision sur la preuve de relevés téléphoniques qui, du moins à première vue, indiquent où le demandeur se trouvait à une date et à un moment donnés, et sur la preuve montrant que le demandeur ne se trouvait pas là où il prétendait être, par exemple qu’il se déplaçait d’Edmonston à Moncton alors qu’il se trouvait à la Cour fédérale à l’Île‑du‑Prince-Édouard pour affaires personnelles. À défaut de toute preuve contraire, il n’était pas manifestement déraisonnable de la part de l’arbitre de retenir la preuve de l’employeur.

 

IV.       CONCLUSION

[35]           Pour ces motifs, le contrôle judiciaire sera rejeté avec dépens.

 

[36]           Étant donné que le demandeur, en l’espèce, a persisté à conserver, dans la conduite du présent contrôle judiciaire, un comportement qui avait déjà été critiqué par les juges Sharlow et Hugessen, il convient de hausser les dépens à l’échelle la plus élevée prévue à la colonne V du tarif de la Cour.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens calculés conformément aux précisions formulées dans les motifs du jugement.

 

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    T-917-06

 

INTITULÉ :                                                   DR NOËL AYANGMA

 

                                                                        et

 

                                                                        LE CONSEIL DU TRÉSOR DU CANADA

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Halifax (Nouvelle-Écosse)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 4 juillet 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          Le juge Phelan

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 26 juillet 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Noël Ayangma

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Richard E. Fader

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Noël Ayangma pour son propre compte

POUR LE DEMANDEUR

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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