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Date : 20070727

Dossier : T-32-07

Référence : 2007 CF 770

Ottawa (Ontario) le 27 juillet 2007

En présence de l'honorable Maurice E. Lagacé

 

ENTRE :

 

Monique Hébert

Demanderesse

et

 

           Ministre canadien de la sécurité publique

                                                 et

           Agence des services frontaliers du Canada

Défendeurs

 

 

 

MOTIFS DE JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, conformément à l’article 129.2 de la Loi sur les douanes, de la décision rendue le 6 octobre 2006 au nom du ministre de la sécurité publique dans le dossier no CS-42034-4560-05-0236 de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) à l’effet de rejeter la demande de prorogation de délai soumise par la demanderesse le 10 janvier 2006 aux termes de l’article 129.1 de la Loi sur les douanes (la Loi), dans le cadre d’une demande de remboursement d’un montant de 31 968,75$ retenu par l’Agence des services douaniers du Canada à la suite d’une saisie effectuée le 29 avril 2006.

 

[2]               La demande vise l’annulation de la décision du ministre de rejeter la demande de prorogation de délai prévue à l’article 129.1 de la Loi et la prolongation de celui-ci pour la demande de remboursement prévue à l’article 129 de la Loi.

 

[3]               Bien que la demanderesse présente une demande de contrôle judiciaire, il appert de la Loi, tel qu’on le verra plus loin, qu’il faut parler plutôt d’un appel à la Cour où celle-ci procède à l’examen des conditions législatives pertinentes dans le contexte factuel du litige, et ce sans se soucier d’appliquer les normes de contrôle judiciaire.

 

Les faits

 

[4]               Le 29 avril 2005, monsieur Normand Daigle arrive comme visiteur au Canada dans son véhicule récréatif, acquis aux États-Unis en 2003 et immatriculé en Floride à l’arrière duquel il remorque un bateau. Il est un résident de Freeport aux Bahamas depuis janvier 2002. Ce jour là, Daigle est accompagné d’un frère et d’un neveu.

 

[5]               Il déclare aux agents de l’ASFC être résident des Bahamas tandis que que les deux passagers déclarent être résidents canadiens.

 

[6]               Doutant du but du voyage au Canada et du statut de non-résident de Daigle, et ce sans attendre la preuve de non résidence canadienne que celui-ci leur promet et attend du procureur avec qui il a communiqué, les agents de l’ASFC procèdent, dès le 30 avril 2005, à la saisie du véhicule récréatif, de son contenu ainsi que de la remorque.

 

[7]               Voulant récupérer les biens saisis, Daigle débourse le même jour à l’ASFC la somme de 31 718,75$ en  échange du reçu suivant : « Le 30 avril 2005, l’agent Demers a remis en mains propres à M. Daigle un « Reçu pour saisie douanière » établissant la condition de restitution des marchandises saisies, soit le paiement de 31 968,75 $ canadiens à titre de sanction administrative. M. Daigle a acquitté cette somme dans la nuit du 29 au 30 avril 2005. » Une pénalité de 250$ pour les espèces non déclarées est aussi versée à l’ASFC.

 

[8]               L’ASFC dépose de plus des accusations pénales contre Daigle en vertu de la Loi sur les douanes pour son omission de déclarer des biens (bouteilles d’alcool, 28 900$ US, etc.), qu’il tentait d’importer au Canada.

 

[9]               Lors des accusations pénales et de la saisie l’ASFC agit sur la croyance que Daigle est un résident canadien contrairement à ce qu’il déclare.

 

[10]           Daigle comparaît sur les accusations le 17 juin et son procès est fixé au 26 août 2005 mais n’aura pas lieu. Daigle revient aux États-Unis avec son véhicule récréatif qu’il stationne sur un terrain de camping en Floride avant de retourner à sa résidence des Bahamas. Il décède le 17 octobre en Floride.

 

[11]           Entretemps et après trois remises le procès est finalement fixé au 4 novembre 2005, alors que les accusations portées contre Daigle sont retirées sur la foi des représentations du procureur de Daigle et sans qu’on soit alors avisé du décès de ce dernier.

 

[12]           La demanderesse Monique Hébert, agit en l’instance en sa qualité de liquidatrice de la succession de Daigle. Elle est la sœur de Me Hébert avec qui Daigle avait communiqué lors de la saisie de ses biens par l’ASFC.

 

[13]           La demanderesse était aussi l’amie de Daigle. Et suite au décès de celui-ci elle avait demandé à son frère de l’assister dans ses démarches pour liquider sa succession. Ils ont dû se rendre tous deux aux Bahamas pour voir à la vente de tous les biens laissés par Daigle. Ils ont dû de plus se rendre en Floride pour récupérer les effets personnels que M. Daigle y possédait, régler la vente de son véhicule récréatif et résilier le bail du terrain de camping loué y stationner le véhicule récréatif.

 

[14]           Et dans le cadre du règlement de la succession, la demanderesse a également mandaté Me Hébert de contester, le plus tôt possible, la saisi effectuée par l’ASFC et de demander le remboursement de la somme payée par Daigle à l’ASFC pour pouvoir récupérer les biens saisis.

 

[15]           Après avoir vu au plus urgent (rapatriement du corps, enterrement, résiliation du bail, mise en vente des biens situés dans les Bahamas, vente du véhicule récréatif laissé aux Etats-Unis, etc.) pour régler la succession, la demanderesse dépose le 10 janvier 2006 une contestation de la saisie et demande le remboursement de la somme payée à l’ASFC, le tout simultanément avec une demande de prorogation du délai. La demande de prorogation du délai faite au ministre en vertu de l’article 129.1 de la Loi est rejetée le 6 octobre 2006.

 

[16]           Cette décision s’appuie sur les motifs suivant : « Il n’a pas été fait droit [à la demande de la demanderesse] de prorogation de délai car ni vous [l’avocat de la partie demanderesse, Me Michel Hébert] ni M. Daigle [le propriétaire des biens saisis] n’a respecté les critères régissant l’octroi d’une prorogation de délai énoncé au paragraphe 129.1 (5) de la Loi sur les douanes. M. Daigle aurait pu demander une décision au cours du délai de 90 jours prévu à l’article 129 après la date de l’infraction. D’après les documents qui ont été soumis à notre attention, il nous semble que vous et M. Daigle étiez bien avisés de la saisie la même date de l’infraction, c’est-à-dire le 30 avril 2005. En plus selon le rapport de l’agent saisissant, M. Daigle vous [Me Hébert] a contacté personnellement par téléphone du bureau saisissant la même journée de l’infraction. Depuis cette date, personne n’a fait appel jusqu’à la réception de votre lettre du 10 janvier 2006. Ainsi, je ne peux accepter votre demande de prorogation de délai. ».

 

[17]           Il s’agit donc de savoir si nonobstant cette décision du ministre la Cour peut faire droit à la demande de prorogation du délai de la demanderesse en vertu de l’article 129.2 de la Loi pour que puisse être entendue sur le fond par l’Agence des services frontaliers du Canada la demande de remboursement visé à l’article 129 de cette même Loi.

 

[18]           Les dispositions législatives pertinentes aux fins du présent litige prévoient comme suit :

 

Loi sur les douanes

Confiscation

Procédures en cas de saisie, de Confiscation compensatoire ou de pénalité

Demande de révision

129. (1) Les personnes ci-après peuvent, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la saisie ou la signification de l’avis, en s’adressant par écrit, ou par tout autre moyen que le ministre juge indiqué, à l’agent qui a saisi les biens ou les moyens de transport ou a signifié ou fait signifier l’avis, ou à un agent du bureau de douane le plus proche du lieu de la saisie ou de la signification, présenter une demande en vue de faire rendre au ministre la décision prévue à l’article 131 :

a) celles entre les mains de qui ont été saisis des marchandises ou des moyens de transport en vertu de la présente loi;

b) celles à qui appartiennent les marchandises ou les moyens de transport saisis en vertu de la présente loi;

c) celles de qui ont été reçus les montants ou garanties prévus à l’article 117, 118 ou 119 concernant des marchandises ou des moyens de transport saisis en vertu de la présente loi;

d) celles à qui a été signifié l’avis prévu aux articles 109.3 ou 124.

Charge de la preuve

(2) Il incombe à la personne qui prétend avoir présenté la demande visée au paragraphe (1) de prouver qu’elle l’a présentée.

 

Prorogation du délai par le ministre

129.1 (1) La personne qui n’a pas présenté la demande visée à l’article 129 dans le délai qui y est prévu peut demander par écrit au ministre de proroger ce délai, le ministre étant autorisé à faire droit à la demande.

 

 

 

Contenu de la demande             

(2) La demande de prorogation énonce les raisons pour lesquelles la demande visée à l’article 129 n’a pas été présentée dans le délai prévu.

 

Fardeau de la preuve

(3) Il incombe à la personne qui affirme avoir présenté la demande de proragation visée au paragraphe (1) de prouver qu’elle l’a présentée.

 

Décision du ministre

(4) dès qu’il a rendu sa décision, le ministre en avise par écrit la personne qui a demandé la prorogation.

 

 

Conditions d’acceptation de la demande

5) Il n’est fait droit à la demande que si les conditions suivantes sont réunies :

a) la demande est présentée dans l’année suivant l’expiration du délai prévu à l’article 129;

b) l’auteur de la demande établit ce qui suit:

   (i) au cours du délai prévu à l’article 129, il n’a pu ni agir ni mandater quelqu’un pour agir en son nom, ou il avait véritablement l’intention de demander une décision,

   (ii) il serait juste et équitable de faire droit à la demande,

   (iii) la demande a été présentée dès que possible.

 

 

 

 

 

Prorogation du délai par la Cour fédérale

129.2 (1) La personne qui a présenté une demande de prorogation en vertu de l’article 129.1 peut demander à la Cour fédérale d’y faire droit :

a) soit après le rejet de la demande par le ministre;

b) soit à l’expiration d’un délai de quatre-vingt-dix jours suivant la présentation de la demande, si le ministre ne l’a pas avisée de sa décision.

 

La demande fondée sur l’alinéa a) doit être présentée dans les quatre-vingt-dix jours suivant le rejet de la demande.

 

Modalités

(2) La demande se fait par dépôt auprès du ministre et de l’administrateur de la Cour d’une copie de la demande de prorogation présentée en vertu de l’article 129.1 et de tout avis donné à son égard.

 

Pouvoirs de la Cour fédérale

(3) La Cour peut rejeter la demande ou y faire droit. Dans ce dernier cas, elle peut imposer les conditions qu’elle estime justes ou ordonner que la demande soit réputée avoir été présentée à la date de l’ordonnance.

 

 

Conditions d’acceptation de la demande

(4) Il n’est fait droit à la demande que si les conditions suivantes sont réunies :

 

a) la demande est présentée dans l’année suivant l’expiration du délai prévu à l’article 129;

b) l’auteur de la demande établit ce qui suit :

   (i) au cours du délai prévu à l’article 129, il n’a pu ni agir ni mandater quelqu’un pour agir en son nom, ou il avait véritablement l’intention de demander une décision,

 

   (ii) il serait juste et équitable de faire droit à la demande,

 

   (iii) la demande a été présentée dès que possible.

 

 

Customs Act

 

Forfeitures

 

Review of Seizure, Ascertained

Forfeiture or Penalty Assessment

 

Request for Minister’s decision

129. (1) The following persons may, within ninety days after the date of a seizure or the service of a notice, request a decision of the Minister under section 131 by giving notice in writing, or by any other means satisfactory to the Minister, to the officer who seized the goods or conveyance or served the notice or caused it to be served, or to an officer at the customs office closest to the place where the seizure took place or closest to the place from where the notice was served:

(a) any person from whom goods or a conveyance is seized under this Act;

(b) any person who owns goods or a conveyance that is seized under this Act;

(c) any person from whom money or security is received pursuant to section 117, 118 or 119 in respect of goods or a conveyance seized under this Act; or

(d) any person on whom a notice is served under section 109.3 or 124.

 

Burden of proof

(2) The burden of proof that notice was given under subsection (1) lies on the person claiming to have given the notice.

 

Extension of time by Minister

129.1 (1) If no request for a decision of the Minister is made under section 129 within the time provided in that section, a person may apply in writing to the Minister for an extension of the time for making the request and the Minister may grant the application.

 

Reasons

 

2) An application must set out the reasons why the request was not made on time.

 

 

 

Burden of proof of application

 

3) The burden of proof that an application has been made under subsection (1) lies on the person claiming to have made it.

 

Notice of decision

(4) The Minister must, without delay after making a decision in respect of an application, notify the applicant in writing of the decision.

 

Conditions for granting application

(5) The application may not be granted unless

(a) it is made within one year after the expiration of the time provided in section 129; and

(b) the applicant demonstrates that

   (i) within the time provided in section 129, the applicant was unable to request a decision or to instruct another person to request a decision on the applicant’s behalf or the applicant had a bona fide intention to request a decision,

   (ii) it would be just and equitable to grant the application, and

   (iii) the application was made as soon as circumstances permitted.

 

 

Extension of time by Federal Court

129.2 (1) A person may apply to the Federal Court to have their application under section 129.1 granted if

(a) the Minister dismisses that application; or

(b) ninety days have expired after the application was made and the Minister has not notified the person of a decision made in respect of it.

 

 

If paragraph (a) applies, the application under this subsection must be made within ninety days after the application is dismissed.

 

Application process

2) The application must be made by filing a copy of the application made under section 129.1, and any notice given in respect of it, with the Minister and the Administrator of the Court.

 

Powers of the Court

(3) The Court may grant or dismiss the application and, if it grants the application, may impose any terms that it considers just or order that the request under section 129 be deemed to have been made on the date the order was made.

 

 

Conditions for granting application

4) The application may not be granted unless

(a) the application under subsection 129.1(1) was made within one year after the expiration of the time provided in section 129; and

(b) the person making the application demonstrates that

   (i) within the time provided in section 129 for making a request for a decision of the Minister, the person was unable to act or to instruct another person to act in the person’s name or had a bona fide intention to request a decision,

   (ii) it would be just and equitable to grant the application, and

 

   (iii) the application was made as soon as circumstances permitted.

 

 

[19]           Il résulte de ces dispositions qu’une demande de prorogation du délai, visant une demande de révision aux termes de l’article 129 de la Loi s’obtient de deux façons : soit du ministre dans un premier temps selon l’article 129.1 de la Loi, et advenant le rejet cette demande par le ministre, par la suite de la Cour fédérale en vertu de l’article 129.2 de la Loi.

 

[20]           La demande à la Cour n’en est pas une de contrôle judiciaire mais bien d’un appel où la Cour procède à son propre examen des conditions pertinentes requises par la Loi en tenant compte du contexte factuel et sans se soucier d’appliquer les normes, avant de décider sur la demande de prorogation donnant ouverture à l’examen au fond de la demande par l’ASFC. Par conséquent, les pouvoirs de la Cour ne se limitent pas à exercer un contrôle judiciaire sur de la décision du Ministre ayant pour effet de proroger le délai.

 

[21]           Dans leur examen de la demande de prorogation du délai, tant le ministre que la Cour doivent, avant de décider, examiner les mêmes conditions législatives concernant la demande et celles-ci sont cumulatives :

Par la Cour fédérale

 

129.2 (4) Il n’est fait droit à la demande que si les conditions suivantes sont réunies :

a) la demande de prorogation a été présentée en vertu du paragraphe 129.1(1) dans l’année suivant l’expiration du délai prévu à l’article 129;

b) l’auteur de la demande établit ce qui suit :

(i) au cours du délai prévu à l’article 129, il n’a pu ni agir ni mandater quelqu’un pour agir en son nom, ou il avait véritablement l’intention de demander une décision,

(ii) il serait juste et équitable de faire droit à la demande,

(iii) la demande a été présentée dès que possible.

Par le ministre

129.1 (5) Il n’est fait droit à la demande que si les conditions suivantes sont réunies :

a) la demande est présentée dans l’année suivant l’expiration du délai prévu à l’article 129;

b) l’auteur de la demande établit ce qui suit :

(i) au cours du délai prévu à l’article 129, il n’a pu ni agir ni mandater quelqu’un pour agir en son nom, ou il avait véritablement l’intention de demander une décision,

(ii) il serait juste et équitable de faire droit à la demande,

(iii) la demande a été présentée dès que possible.

 

[22]           L’article 129.2 de la Loi s’applique donc à la demande soumise à la Cour.

 

[23]           Comme les parties le soumettent dans leurs mémoires, le sous-alinéa 129.2 (4)b) (i) de la Loi est disjonctif, de sorte qu’il suffit que l’une ou l’autre des conditions édictées soit respectée. De plus, il faut noter que la première condition législative concernant le délai de présentation à l’alinéa 129.2 (4)a) de la Loi n’est pas contestée. De sorte qu’après le rejet par le ministre de la demande de prorogation du délai, la demanderesse s’est adressée à la Cour à l’intérieur du délai prescrit, soit avant que ne s’écoulent 90 jours suivant le rejet par le ministre de la demande.

 

[24]           Seules les conditions énoncées au paragraphe 129.2 (4)b) de la Loi demeurent contestées en l’instance.

 

Prétentions des défendeurs

 

[25]           Les défendeurs soutiennent que les trois conditions législatives énoncées au paragraphe 129.2 (4)b) de la Loi n’étant pas réunies la demande doit être rejetée. Ils considèrent que chaque condition énoncée à cet article doit être satisfaite sans exception et que l’absence d’une seule de ces conditions entraîne le rejet de la demande.

 

[26]           Ainsi et comme la demande au Ministre n’aurait pas, selon les défendeurs été présentée « dès que possible », alors que le « Reçu pour saisie douanière » énonçait noir sur blanc ce qui devait être fait dès lors pour contester la demande. Ils prétendent que les conseils erronés que la demanderesse allègue avoir reçu de son avocat sur le moment d’agir ne doit pas être pris en compte et ne constitue pas une excuse valable : « l’ignorance de la loi ne peut servir, en soi, d’excuse à un retard » (Melekin c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [2004] A.C.F. no 1815 (QL) ». En bref, ils sont d’avis que la demanderesse pouvait agir et ne l’a pas fait et qu’au surplus, aucune intention concrète de le faire n’a été démontrée de sa part, fardeau qui lui appartient faut-il le rappeler. Partant de là les défendeurs sont d’avis qu’il n’est pas nécessaire d’examiner les conditions prévues à l’article 129.2 (4)b) (i) et (ii) de la Loi.

 

[27]           La demanderesse n’ayant pas agi au départ dès que possible il serait, selon les défendeurs, injuste et inéquitable d’accorder à ce stage-ci la demande de prorogation vu la négligence de Daigle et de son avocat et le comportement de Daigle lors de la saisie sans compter les chances de succès au mérite.

 

[28]           Les défendeurs font valoir que « la nature du droit invoqué en l’instance, essentiellement pécuniaire, incite à un plus grand respect du délai prévu à la Loi. », puisqu’il ne met en cause aucun droit fondamental et n’engendre aucun stigmate social ou professionnel contre qui que ce soit. Autrement dit, advenant le rejet de la demande de prorogation, toute perte pécuniaire pourrait être compensée par une action en dommages contre le ou les responsables du retard.

 

 

 

Prétentions de la demanderesse

[29]           La demanderesse soutient avec raison avoir satisfait aux trois conditions prévues à la Loi dans sa demande à la Cour fédérale en ce que :

 

  1. elle a toujours manifester l’intention de présenter une demande en vertu de l’article 129 de la Loi et qu’en cela, elle satisfait l’exigence du sous alinéa 129.2 (4)b)(i). N’a-t-elle pas en effet dès la saisie des biens, le 30 avril 2005, mandaté un procureur pour agir dans le dossier, Mais parce qu’une accusation pénale avait été portée contre Daigle par l’ASFC on a choisi d’attendre la conclusion de cette affaire, croyant alors qu’intenter une demande en vertu de l’article 129 de la Loi, sans attendre l’issue de la cause criminelle, serait prématuré.

 

  1. il serait juste et équitable, tel que requis par le sous-alinéa 129.2 (4)b)(ii) de la Loi de faire droit à la demande de prorogation pour permettre à la demanderesse de faire valoir ses moyens de faits et droit au fond sans que l’AS FC n’en souffre pour autant préjudice.

 

  1. elle avait dûment mandaté son avocat de contester la saisie, demander le remboursement de l’argent saisi dès que la saisie a été effectuée et que sur les conseils de ce dernier, on a convenu d’attendre le règlement des accusations pénales portées contre M. Daigle avant de formellement contester la saisie. Même si les conseils de l’avocat étaient erronés il n’en était pas moins logique et raisonnable de croire que l’A S FC ne déciderait pas de rembourser l’argent déposé contre les biens saisis, et ce tant qu’une décision sur les accusations pénales ne serait pas rendue. De plus, et compte du règlement de la succession et que les biens de Daigle se trouvaient à l’étranger, la demande au ministre a été présentée « dès que possible ». En cela, le sous-alinéa 129.2(4)b)(iii) de la Loi est aussi satisfait.

 

 

[30]           La cour partage le point de vue de la demanderesse, sans compter qu’il suffit que sa demande rencontre un seule des trois critères de l’article 129.1 (5) b) (i) (ii) et (iii) et qu’elle ait été présentée à la Cour, comme c’est le cas, à l’intérieur du délai prescrit par l’article 129.2 (1), soit dans les quatre-vingt-dix jours suivant le rejet de la demande par le ministre.

 

 

 

 

 

JUGEMENT

 

 

LA COUR ORDONNE que soit accordée à la demanderesse une prolongation de délai pour lui permettre de présenter sa demande en vertu de l’article 129 de la Loi sur les douanes, que cette demande soit considérée comme validement déposée en date des présentes sous l’article 129 de la Loi, et que l’ASFC examine la demande et rende une décision comme si cette dernière avait été déposée à l’intérieur des délais prescrits, et que sur le tout les frais suivent le sort de la demande.

 

 

 

« M.E. Lagacé »

Juge suppléant

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-32-07

 

INTITULÉ :                                       MONIQUE HÉBERT c. MINISTRE CANADIEN DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 11 juillet 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LAGACÉ J.S.

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 27 juillet 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Virginie Falardeau

 

POUR LA DEMANDERESSE

Me Frédéric Paquin

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

STARNINO MOTOVAC

Montréal (Québec)

 

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur general du Canada

Montréal (Québec)

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

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