Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Date : 20070730

Dossier : IMM-4299-06

Référence : 2007 CF 794

Ottawa (Ontario), le 30 juillet 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BARNES

 

 

ENTRE :

CASSIM MOHAMMED MAMOON

EBRAHIM MOHAMMED MAMOON

(alias Ebrahim Mohamme Mamoon)

 

demandeurs

et

 

LE MINSTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La présente demande de contrôle judiciaire découle d’une décision rendue le 19 juillet 2006  par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté les demandes d’asile de Cassim Mohammed Mamoon et d’Ebrahim Mohammed Mamoon.

 


CONTEXTE

[2]               Les demandeurs sont des frères originaires de la Tanzanie. Ils font partie d’une famille engagée politiquement, qui joue un rôle important en affaires et dont le père est membre du parti au pouvoir, le Chama Cha Mapinduzi (CCM). Ce dernier est également maire suppléant du conseil municipal d’Ilala à Dar es Salaam.

 

[3]               Les demandeurs avaient fondé leurs demandes d’asile sur des allégations de persécution liées à de la violence physique et à des menaces exercées par les adversaires politiques de leur père à l’égard de tous les membres de leur famille entre 2004 et 2005. Selon le dossier, il semble que leur père ait grandement aidé les demandeurs et leurs sœurs à quitter la Tanzanie et qu’il les ait encouragés à demander l’asile.

 

[4]               Malgré l’engagement politique de leur famille en Tanzanie, ainsi que la gravité et la fréquence des persécutions qu’ils prétendent avoir subies (notamment des voies de faits, des menaces de viol à l’endroit de leurs sœurs, la provocation du suicide de leur mère et les assassinats d’autres membres du CCM), les demandeurs ont reconnu dans leurs Formulaires de renseignements personnels respectifs (FRP) que personne, ni eux ni d’autres en leur nom, n’avait cherché à se réclamer de la protection de la police ou de l’État avant leur arrivée au Canada. Les FRP des demandeurs renfermaient le passage suivant concernant la question de la protection de l’État : 

[traduction] « Bien qu’il ait fait l’objet de menaces de mort et de voies de fait, notre père, conseiller municipal, n’a pas cherché à se réclamer de la protection de l’État pour notre famille parce qu’il était parfaitement au courant de la réputation de corruption et d’incompétence de la police. Il croyait que s’il communiquait avec les autorités, celles-ci ne feraient qu’exiger un pot‑de‑vin sans offrir de protection, et ce, même s’il leur versait de l’argent. La Tanzanie est durement touchée par l’omniprésence de la corruption des responsables de l’État. »

 

 

[5]               Le 5 janvier 2006, le père des demandeurs a déposé un affidavit qui contenait l’affirmation suivante relativement à la même question :

[traduction] « Tous ces incidents ont été rapportés à la police et au Jamaat musulman sunnite, mais les membres du FCU ont continué de perpétrer les actes criminels susmentionnés. »

 

QUESTIONS EN LITIGE

[6]               a)         Quel est la norme de contrôle applicable aux questions soulevées dans la présente demande?

b)         La Commission a-t-elle commis une erreur dans son examen de la question de la protection de l’État?

 

ANALYSE

[7]               Les questions soulevées dans la présente demande constituent des questions mixtes de fait et de droit applicables aux conclusions de la Commission relativement à la protection de l’État. Ces questions sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision raisonnable : voir l’arrêt Hinzman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2007] A.C.F. no 584, 2007 CAF 171, au paragraphe 38.

 

[8]               La Commission a rejeté les demandes à cause du manque de crédibilité des demandeurs et au motif qu’ils n’ont pas réussi à réfuter la présomption de protection de l’État. Ces conclusions sont fondées sur des éléments de preuve solides et ne peuvent être modifiées.

 

[9]               La Commission a conclu que les explications fournies par les demandeurs concernant l’omission de se réclamer de la protection de la police, ainsi que l’incohérence entre leur FRP et l’affidavit de leur père, étaient invraisemblables. Comme l’on trouvait dans les FRP des demandeurs une explication concernant la décision de leur père de ne pas se réclamer de la protection d’État, il était raisonnable que la Commission s’attende à ce que ces récits concordent, mais, ce n’était manifestement pas le cas. Les conclusions de la Commission quant à ces questions de crédibilité ne peuvent être infirmées. En effet, l’idée qu’une personnalité politique dominante du parti au pouvoir en Tanzanie ne pouvait ni ne voulait se réclamer de la protection de la police pour protéger sa famille contre les actes de violences que les demandeurs prétendent avoir subies frise l’absurdité.

 

[10]           Il est également bon de souligner que si le père des demandeurs avait fait part de ces actes de persécution à la police tel qu’il l’avait déclaré, il aurait été en mesure de fournir la preuve corroborant ce fait, ainsi qu’une preuve détaillée relativement à la réponse de la police. Cependant, l’affidavit du père des demandeurs ne contenait absolument rien quant au caractère suffisant de la réponse de la police à son rapport. Il faisait plutôt vaguement allusion au fait que ses adversaires politiques ont [traduction] « continué » de perpétrer des actes criminels. Il n’est pas surprenant que la Commission ait conclu que l’affidavit n’était pas convaincant, et celle‑ci était donc totalement justifié de conclure que les demandeurs n’avaient pas réussi à réfuter la présomption de protection de l’État par une preuve claire et convaincante.

 

[11]           Les faits de la présente affaire sont semblables à ceux de l’affaire Goolram c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] A.C.F. no 798, 2005 CF 562, dans laquelle la juge Judith Snider a analysé l’obligation de se réclamer de la protection de l’État dans des affaires comme celle qui suit :

« Les efforts du demandeur pour obtenir l'aide de la police et la preuve présentée à la Commission sont assez différents, en l'espèce. Le demandeur n'a pas cherché à obtenir l'aide de la police, après avoir été prétendument agressé par des membres du PNC. Quant à la question de la protection de ltat, aucun des documents dont la Commission a été saisie n'indique que la police refuse de traiter les plaintes déposées par les Indo-Guyaniens. En conséquence, la situation sur laquelle devait se prononcer la Commission en l'espèce se distingue de celle sur laquelle la juge MacTavish s'est prononcée puisqu'il n'y a pas d'indications contradictoires sur la manière dont la police traite les Indo-Guyaniens. Il n'existe tout simplement aucune preuve objective à l'appui de la prétention du demandeur que la police refuserait de l'aider, dans lventualité où il serait victime du PNC ou de tout autre criminel. »

 

 

[12]           Les demandeurs n’ont pas réussi à établir que la Commission a commis une erreur susceptible de contrôle en rejetant leurs demandes d’asile respectives. La présente demande est donc rejetée. Aucune partie n’a proposé de question aux fins de certification et aucune question de portée générale n’est soulevée en l’espèce. 

 


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE que la présente demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

 

 

 

«  R. L. Barnes »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Caroline Tardif, LL.B, trad.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                                IMM-4299-06

                                                           

INTITULÉ :                                                               CASSIM MOHAMMED MAMOON ET AUTRE

                                                                                    c.

                                                                                    LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                         TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                       LE 24 JUILLET 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                                      LE JUGE BARNES

 

DATE DES MOTIFS :                                              LE 30 JUILLET 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Debra Shelly                                                                 POUR LES DEMANDEURS

 

Janet Chisholm                                                             POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Robert Gertler and Associates                                      POUR LES DEMANDEURS

Avocats

5341 rue Dundas Ouest

Toronto (Ontario) M9B 1B1

T: 416-231-9188 poste 35

F: 416-231-9492

 

John H. Sims, c.r.                                                         POUR LE DÉFENDEUR

Toronto (Ontario)

T: 416-952-6991

F: 416-954-8982

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.