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Date : 20070726

Dossier : IMM- 5574-06

Référence : 2007 CF 776

Toronto (Ontario), le 26 juillet 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MAURICE E. LAGACÉ

 

ENTRE :

BELA ATTILA BIRO

demandeur

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La demande d'autorisation de contrôle judiciaire dans la présente affaire a été accordée avec le consentement du défendeur. Le demandeur, Monsieur Biro, sollicite un contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi) d’une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) rendue le

6 septembre 2006, qui a conclu qu’il n’était pas un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger.

 

 

 

[2]               M. Biro, un Roumain de 41 ans, a fait valoir devant la Commission qu’il a été condamné à tort pour fraude et vol dans son pays avant son arrivée au Canada et qu’il sera contraint de purger une peine de douze ans de prison s’il était forcé d’y retourner. M. Biro a déclaré qu’il avait été victime d’un coup monté par le gouvernement en représailles à ses tentatives passées de dénonciation de corruption au sein du gouvernement roumain.

 

[3]               Le demandeur a déjà formulé sa revendication à la Cour fédérale, et par souci de commodité, la Cour reprend les faits tels que résumés par la juge Tremblay-Lamer dans la décision Biro c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (2005) CF 1428, aux paragraphes 6 à 11.

 

[6]                Le demandeur soutient qu'il a fait paraître dans les journaux des articles anonymes désignant des fonctionnaires corrompus impliqués dans une escroquerie pétrolière. Il affirme que l'on a appris qu'il était à l'origine des articles et que, en conséquence, l'entreprise pour laquelle il travaillait a été à maintes reprises condamnée à une amende. L'entreprise l'a finalement congédié afin d'éviter la faillite.

[7]                Il allègue aussi qu'il a reçu des lettres anonymes, ainsi que des menaces par téléphone, et que le pare-brise de sa voiture a été endommagé. En 1997, il a été agressé par cinq hommes qui ont menacé de le tuer et l'ont battu. Il a été poignardé à la poitrine et a subi une fracture des côtes et une commotion cérébrale. Il a été hospitalisé durant 22 jours. Il dit qu'il s'est rendu à la police avec le rapport médical, mais que rien n'a été fait.

[8]                Pour quitter la Roumanie, le demandeur a acheté un véhicule muni de plaques d'immatriculation étrangères, un faux passeport hongrois et un faux permis de conduire. Son véhicule a été intercepté par une patrouille policière et il a été accusé. En novembre 1997, il a été condamné à deux ans d'emprisonnement avec sursis et à une probation pour faux, usage de faux et utilisation illégale d'un véhicule. Il prétend qu'en 1999 il a été faussement accusé de fraude.

[9]                En février 2002, le demandeur a été reconnu coupable et condamné en Roumanie pour fraude et faux en écriture privée.

[10]            Le demandeur allègue que son épouse et son père ont eux aussi eu des ennuis en raison des fausses accusations portées contre lui. Il a rencontré un vieil ami qui l'a aidé à se procurer de faux documents qui lui permettraient de quitter le pays. En France, un fonctionnaire canadien ne les a pas autorisés à embarquer dans l'avion qui partait pour le Canada, et il est donc retourné en Hongrie, où il est demeuré d'août 1999 à mai 2002.

[11]            Au printemps de 2002, il s'est rendu en Italie, puis de là au Mexique, après quoi il a traversé les États-Unis pour le Canada dans un camion et, le 4 juillet 2002, il présentait une demande d'asile, affirmant que, s'il retournait dans son pays, il serait injustement emprisonné, ou simplement liquidé.

 

 

La décision de la Commission en l’espèce

[4]               La Commission a conclu qu’il y avait des raisons sérieuses de penser que le demandeur a commis des crimes graves de droit commun avant d’entrer au Canada et l’a, en conséquence, exclu de la protection accordée aux réfugiés en vertu des articles 96 et 97 de la Loi.

 

[5]               La Commission a souligné que la simple allégation d’un acte criminel ou même la déclaration de culpabilité à un tel acte ne satisfait en soi pas au critère requis pour priver une personne du statut de réfugié. La Commission a plutôt correctement décidé que le fardeau de preuve qui incombait au ministre consistait à établir des « motifs sérieux de croire » que le demandeur avait commis les actes en question.

 

[6]               La Commission a examiné deux déclarations de culpabilité distinctes, l’une en 1997 et l’autre en 2002.

 

[7]               En 1997, le demandeur a été reconnu coupable alors qu’il s’enfuyait de Roumanie à la suite d’une prétendue agression comme il est expliqué ci-dessus. La Commission n’a pas été convaincue, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur s’était procuré en toute légalité la voiture et les documents utilisés pour fuir la Roumanie. De plus, la Commission n’a trouvé aucun élément de preuve qui établit l’iniquité de cette déclaration de culpabilité ou que le demandeur n’avait pas commis une telle infraction.   

 

[8]               En 2002, le demandeur a été déclaré coupable de fraude et de falsification. Le commissaire a reconnu l’existence d’un certain degré de corruption au sein du système judiciaire roumain. Toutefois, la Commission n’a pas reconnu que tout le système était corrompu à un point tel que la poursuite et les décideurs judiciaires aient monté un coup contre le demandeur comme ce dernier le soutient.

 

[9]               La Commission a semblé reconnaître toutefois qu’il n’a pas été possible pour le demandeur de contre-interroger un témoin opposé, un refus qui équivaudrait à un manquement manifeste à l’obligation d’agir avec équité dans un procès criminel au Canada. La Commission ne disposait cependant d’aucun élément de preuve qui lui aurait expliqué en profondeur les conditions juridiques nécessaires au respect du principe de l’application régulière de la loi dans un procès criminel en Roumanie et elle a conclu que :

 

[...] d’autres possibilités lui ont été fournies de réfuter la preuve qui pesait contre lui

 

 

[10]           La Commission a refusé de  tenir compte du fait que des déclarations de culpabilité pour fraude pesaient également sur les témoins qui ont déposé contre le demandeur en Roumanie et que leurs témoignages auraient dû en conséquence être rejetés.  La Commission a jugé qu’elle outrepasserait son rôle, alors qu’il revient à la cour roumaine de décider du poids à accorder à la déposition d’un témoin.

 

[11]           De plus, la Commission n’a pas accordé d’importance à un document que le demandeur a transmis à la cour roumaine pour repousser son procès à une date ultérieure de façon à ce qu’un témoin opposé [traduction] « fasse l’objet d’une vérification ». La Commission était incertaine de la signification qu’accordait le système judiciaire roumain à cette requête et elle n’était pas convaincue que ce document prouvait que le demandeur n’avait pu se défendre adéquatement. En l’absence de preuve contraire, la Commission a conclu qu’il fallait présumer qu’il avait eu droit à un « procès équitable ».

 

[12]           La Commission a déterminé que les actes frauduleux en question, impliquant des centaines de milliers de dollars, auraient pu entraîner une peine d’emprisonnement de 10 ans s’ils avaient été perpétrés au Canada, et ainsi tomber sous le coup de la définition de grande criminalité prévue par la Loi. Elle a rejeté l’argument du demandeur fondé sur l’alinéa 101(2)b) de la Loi selon lequel les actes criminels reprochés doivent également comporter un « élément de danger » pour le public.

 

[13]           La Commission a conclu que le demandeur n’était pas crédible car, après sa fuite de Roumanie, il est demeuré en Hongrie de 1999 à 2001 sans avoir d’ennuis et sans demander asile. Elle a souligné que le demandeur ne s’était même pas informé pour obtenir un statut légal d’immigration afin de demeurer en Hongrie durant cette période. La Commission a aussi accordé de l’importance au fait qu’il n’a pas demandé asile en Italie, en Autriche ou en Espagne lors de son passage dans ces pays durant le vol à destination du Canada.

 

[14]           La Commission a estimé invraisemblable que l’envoi de trois lettres anonymes à l’éditeur d’un journal puisse donner lieu à des voies de fait et à un procès bidon orchestré contre lui par les autorités policières, le bureau des procureurs et plusieurs niveaux du pouvoir judiciaire. Cette invraisemblance s’est accrue dans l’esprit de la Commission du fait qu’il a été prouvé que des agents identifiés des médias dressaient fréquemment des rapports sur la corruption du gouvernement et que rien n’indique qu’ils sont l’objet de représailles ou d’actes de vengeance.

 

[15]           La Commission a conclu que, même s’il y avait eu manquement à l’application régulière de la loi en Roumanie, le demandeur n’en a pas démontré l’impact sur ses déclarations de culpabilité. Se fondant sur des documents judiciaires roumains, et sur de la documentation d’Interpol, elle a exclu le demandeur en raison de ses crimes graves de droit commun.

 

[16]           Dispositions législatives

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, (L.C. 2001, ch. 27) :

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retour

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

(2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection

98. La personne visée aux sections E ou F de l’article premier de la Convention sur les réfugiés ne peut avoir la qualité de réfugié ni de personne à protéger.

 

Immigration and Refugee Protection Act

(S.C. 2001, c.27):

 

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail oneself of the protection of each of those countries; or

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themselves of the protection of that country,

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care

(2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection.

 

98. A person referred to in section E or F of Article 1 of the Refugee Convention is not a Convention refugee or a person in need of protection.

 

 

 

 

 

Convention relative au statut de réfugié

(189 U.N .T .S. 150)

 

Art. 1F.  Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser :

a) qu’elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l’humanité, au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes;

 

b) qu’elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d’accueil avant d’y être admises comme réfugiés;

 

c) qu’elles se sont rendues coupables d’agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies.

 

Convention Relating to the Status of Refugee (189 U.N.T.S. 150)

 

Art. 1FThe provisions of this Convention shall not apply to any person with respect to whom there are serious reasons for considering that:

(a) he has committed a crime against peace, a war crime, or a crime against humanity, as defined in the international instruments drawn up to make provision in respect of such crimes;

 

(b) he has committed a serious non-political crime outside the country of refuge prior to his admission to that country as a refugee;

 

(c) he has been guilty of acts contrary to the purposes and principles of the United Nations.

 

 

Questions en litige

 

[17]           Le demandeur soulève huit questions que la Cour juge toutefois plus approprié de reformuler en deux questions plus générales :

 

  1. La Commission a-t-elle commis une erreur en tirant des conclusion de fait d'une manière abusive ou arbitraire, ou en ne tenant pas compte de l’ensemble de la preuve soumise?
  2. La Commission a-t-elle respecté son obligation de motiver clairement sa décision, particulièrement en ce qui concerne l’analyse faite en vertu de l’article 97?   

 

 

La norme de contrôle applicable

[18]           Il n’est pas contesté que si la Commission fonde sa décision sur des conclusions de fait erronées, tirées de manière abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle dispose, elle aura commis une erreur susceptible de contrôle ainsi qu’il a été dit dans la décision Herb c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2003] A.F.C. no 108. (CAF).

 

Analyse

[19]           En l’instance, la Commission déclare précisément que : 

                         

[traduction] J’en arrive à la conclusion que même s’il y a eu manquement à l’application régulière de la loi, de ce que je comprends de l’expression dans le contexte canadien de la common law, le demandeur n’en a pas établi l’impact sur ses déclarations de culpabilité. Je conclus donc que les documents judiciaires roumains et ceux d’Interpol permettent de croire qu’il y a des motifs sérieux de penser que le demandeur a commis des crimes graves de droit commun avant son entrée au Canada.

 

Cette conclusion est indéfendable et elle entre directement en contradiction avec notre décision du 20 octobre dans la précédente demande de contrôle judiciaire du demandeur. Dans sa décision, la juge Tremblay-Lamer a déclaré aux paragraphes 17 et 18 de la décision Biro :

[17]            La Commission a admis que la corruption était avérée, mais elle n'a pas admis que le demandeur n'avait pas bénéficié de l'application régulière de la loi. Au soutien de sa conclusion, la Commission a expliqué que le demandeur avait interjeté deux fois appel. Toutefois, la preuve montre que le premier appel a été jugé par le tribunal hors la présence du demandeur ou de son avocat. À mon avis, cela donne à penser que le processus judiciaire présentait de graves lacunes. Dans la procédure introduite en 2002, l'avocat du demandeur n'avait pas été autorisé à interroger les témoins qui avaient signé des dépositions écrites. Cette affaire concernait le présumé vol, par fraude, d'une quantité d'essence ayant une valeur d'environ 700 000 $CAN. Le fait de conduire un tel procès uniquement sur la base des dépositions écrites ne respecte pas à mon avis l'application régulière de la loi.

[18]            En bref, la conclusion de la Commission selon laquelle le demandeur a bénéficié de l'application régulière de la loi est manifestement déraisonnable. Selon moi, eu égard aux graves conséquences d'une exclusion en vertu de l'alinéa 1Fb) de l'article premier de la Convention, la Commission aurait dû se demander si, vu les circonstances de cette affaire, le non-respect de l'application régulière de la loi avait eu une incidence sur les condamnations prononcées contre le demandeur.

 

[Non souligné dans l’original]          

 

[20]           Le commissaire a souligné à la page 4 de sa décision :

 

[traduction] Après avoir revu la preuve qui m’a été soumise, je constate que la Roumanie possède un système juridique très différent de celui du Canada.

 

 

            Cependant, la Commission ne se réfère à aucune documentation pour établir qu’il n’est pas nécessaire de contre-interroger les témoins opposés en Roumanie pour satisfaire aux exigences du principe de l’application régulière de la loi. Bien au contraire, la Commission conclut à la page 5 de ses motifs :

 

[...] Aucune preuve concluante ne m’a été soumise sur ce que devrait être le déroulement régulier des instances dans le système juridique en Roumanie. 

 

 

[21]           La Commission disposait d’une telle preuve sous la forme de la requête pour effectuer la

« vérification » d’un témoin présentée par le demandeur pour étayer l’allégation de ce dernier selon laquelle son procès était inéquitable. Alors que la Commission manifestait de la confusion sur ce à quoi renvoyait ce document, et qu’elle était dubitative quant à sa pertinence, la décision antérieure dans l’affaire Biro établissait clairement que le document constituait la preuve que  « [...] n’avait pas été autorisé [par la Cour] à interroger les témoins ». En conséquence, la Commission a clairement commis une erreur en concluant que le demandeur avait bénéficié d’un « procès équitable ».  Cette conclusion contredit nettement celle de la juge Tremblay-Lamer, dans l’affaire Biro, selon laquelle un « procès équitable » dans de telles circonstances est parfaitement déraisonnable. La Cour souscrit à cette conclusion.

 

[22]           La question qu’il convient maintenant de poser, telle qu’énoncée dans la décision Biro,  est  « [...] la Commission aurait dû se demander si, vu les circonstances de cette affaire, le non-respect de l’application régulière de la loi avait eu une incidence sur les condamnations prononcées contre le demandeur. » 

 

[23]           Bien que la Commission se soit apparemment exprimée avec réserve « [traduction] [...] même s’il y avait eu application irrégulière de la loi [...] le demandeur n’en a pas établi les répercussions sur les condamnations prononcées contre lui », il n’en demeure pas moins que les motifs de la Commissionne ne font pas mention de l’analyse des répercussions de l’application irrégulière de la loi. Le simple fait d’énoncer que le demandeur « n’a pas établi les

répercussions » est insuffisant. D’ailleurs dans un cas aussi patent d’application irrégulière de la loi, on doit présumer que l’accusé a subi des répercussions négatives. 

 

[24]           Le demandeur a établi un effet négatif important découlant du manquement au principe de l’application régulière de la loi. La Cour reconnaît qu’étant donné que deux des témoins opposés étaient inculpés de fraude, il y avait manifestement matière à les contre-interroger et à mettre en doute leur crédibilité ainsi que leur témoignage devant la Cour. Or, cela ne s’est pas produit; c’est pourquoi, la Cour ne peut pas voir comment on pourrait affirmer que cela n’a pas d’effet défavorable sur la défense du demandeur au procès. Le commissaire n’a pas mentionné ce point, mais a plutôt conclu que comme le demandeur avait été accusé de fraude [traduction] « [...] en fait, le système pénal roumain fonctionne adéquatement ». Cette conclusion est manifestement déraisonnable, en particulier lorsqu’elle est jumelée avec la reconnaissance antérieure par la Commission d’un certain degré de corruption au sein du système judiciaire.   

 

[25]           La Loi est claire : elle énonce que le Canada ne condamne personne pour des actes qui ne seraient pas considérés comme des crimes si ces actes étaient commis au Canada. Le prolongement naturel de cet énoncé est que le Canada ne devrait pas reconnaître les déclarations de culpabilité découlant d’un procès inéquitable.

 

[26]           Cela ne signifie pas que les faits sous-tendant ces déclarations de culpabilité ne pourront pas être invoqués pour justifier une décision future d’exclure le demandeur. Une analyse plus poussée sera toutefois requise, ainsi qu’un examen approfondi des événements réellement survenus, et non pas seulement le résultat des poursuites criminelles. Les déclarations de culpabilité découlant d’un procès inéquitable ne sauraient justifier à elles seules l’exclusion du demandeur d’asile.

 

[27]           La Cour estime que la Commission n’a pas commis d’erreur lorsqu’elle a conclu à  l’invraisemblance du témoignage du demandeur ou à l’absence de crédibilité de ce dernier.

 

[28]           La Cour conclut toutefois que la Commission a malheureusement formulé des conclusions déraisonnables en ce qu’elle n’a pas correctement apprécié l’ensemble de la preuve soumise avant de tirer ses conclusions, sur la seule foi des déclarations de culpabilité découlant d’un procès inéquitable, plutôt que d’effectuer un examen en profondeur des événements qui sont réellement survenus. La Cour accueillera donc la demande de contrôle judiciaire sur cette première question. 

 

[29]      En conséquence, il n’est pas nécessaire à ce stade-ci que la Cour se penche sur la deuxième question, sauf pour déclarer qu’il semble bien établi en droit que lorsqu’un demandeur est exclu en application de l’alinéa 1Fb) de la Convention relative au statut de réfugié, il n’a pas droit à ce que sa demande relative à l’inclusion soit examinée en vertu de l’article 97;  Xie  c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 C.A.F. 250.

 

[30] Aucune question n’a été proposée pour certification.

 
JUGEMENT

 

 

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accordée et que l’affaire soit renvoyée à un tribunal différemment constitué de la Commission pour réexamen.

 

« Maurice Lagacé »

Juge suppléant

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jean-Jacques Goulet, LL.L
                                                COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-5574-06

 

INTITULÉ :                                       BELA ATTILA BIRO

                                                            c.

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 24 JUILLET 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE LAGACÉ

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 26 JUILLET 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Robert E. Moores

 

POUR LE DEMANDEUR

Maria Burgos

                          POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

ROBERT E.MOORES

AVOCATS

BURLINGTON (ONTARIO)

 

                           POUR LE DEMANDEUR

JOHN H.SIMS, c.r.

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

TORONTO (ONTARIO)

                         POUR LE DÉFENDEUR

                                          

 

 

 

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