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Date : 20070823

Dossier : T-105-06

Référence : 2007 CF 849

ENTRE :

D. JOHN HUSBAND

demandeur

et

 

LA COMMISSION CANADIENNE DU BLÉ

défenderesse

 

 

 

TAXATION DES DÉPENS – MOTIFS

Charles E. Stinson

Officier taxateur

 

[1]               La Cour a rejeté avec dépens la demande de contrôle judiciaire présentée à l'encontre d'une lettre envoyée par la défenderesse que le demandeur a qualifiée de refus de lui octroyer la licence d’exportation qu’il avait demandée pour de l’orge de provende. J'ai établi un calendrier pour la taxation sur dossier du mémoire de frais de la défenderesse, qui demande certains honoraires d'avocat au taux le plus élevé du tarif et d'autres, au taux le moins élevé.

 

I.          La position de la défenderesse

[2]               La défenderesse allègue que, puisqu'elle a réfuté tous les arguments avancés par le demandeur, elle a droit aux dépens justes et raisonnables qu'elle réclame. Il ressort de la décision de la Cour que l'affaire soulevait des questions complexes qui ont nécessité une analyse en profondeur de la législation habilitante de la Commission canadienne du blé, de la réglementation et des politiques et procédures pertinentes relativement aux licences d'exportation. L'affaire faisait également intervenir des questions relatives à la Constitution, à la Charte et à l'Accord de libre-échange nord-américain. Toutes ces questions ont nécessité de nombreuses heures de recherches et de préparation tant pour la documentation que pour la plaidoirie. La procédure engagée remettait en question le régime des licences d'exportation de la défenderesse et aurait affecté ses opérations bien au-delà de la simple demande du demandeur.

 

[3]               La défenderesse fait remarquer que l'audience a eu lieu à Regina parce que cela convenait davantage au demandeur. La demande du maximum de 5 unités (120 $ de l'unité) pour l'article 24, soit pour le déplacement de l'avocat à partir de Winnipeg, est modeste. Les circonstances de l'affaire justifiaient des dépens plus élevés que ceux réclamés dans le mémoire de frais, mais la défenderesse s'est limitée à un montant juste et raisonnable de 5 294,70 $, tenant compte du fait que le demandeur est un céréalier canadien.

 

II.         La position du demandeur

[4]               Le demandeur allègue qu'il ressort du dossier qu'il n'avait pas l'intention de contester la validité constitutionnelle de la législation habilitante de la défenderesse et de la réglementation. Il ne voulait contester que la façon dont la défenderesse exerçait les pouvoirs que, en vertu de la législation, elle détenait en matière de délivrance de licences d'exportation. La Déclaration canadienne des droits, S.C. 1960, ch. 44, alinéa 2e), reproduit à l'appendice III des L.R.C. 1985, édicte que : « nulle loi du Canada ne doit s'interpréter ni s'appliquer comme [...] privant une personne du droit à une audition impartiale de sa cause, selon les principes de justice fondamentale, pour la définition de ses droits et obligations ». Dans l'arrêt Authorson c. Canada (P.G.), [2003] 2 R.C.S. 40, à la page 60, la Cour suprême du Canada a conclu que l'alinéa 2e) ne garantissait l'application des principes de justice fondamentale qu'en ce qui concerne les instances de tribunaux ou d'organismes administratifs qui mettent en jeu des droits et des obligations individuels. Le demandeur affirme que cette garantie procédurale signifie autre chose que le simple droit de s'adresser à la Cour fédérale.

 

[5]               La législation habilitante de la défenderesse fait d'elle un tribunal ou un organisme administratif du gouvernement fédéral, mais elle n'a pas pour mandat de définir des droits ou des obligations individuels. Dans l'arrêt Ocean Port Hotel Ltd. c. Colombie-Britannique (General Manager, Liquor Control and Licensing Branch), [2001] 2 R.C.S. 781, à la page 794, la Cour suprême a établi la différence fondamentale entre tribunaux administratifs et tribunaux judiciaires : la Constitution exige que les cours supérieures offrent des garanties objectives d'indépendance tant individuelle qu'institutionnelle alors que les tribunaux administratifs sont précisément créés en vue de la mise en oeuvre des politiques gouvernementales. Le demandeur fait valoir que le contrôle judiciaire en Cour fédérale était une procédure devant un tribunal qui se prononce sur des droits et des obligations individuels, mais la demande qui avait été faite à la défenderesse pour l'obtention d'une licence d'exportation ne l'était pas parce la défenderesse n'est pas un tribunal administratif ayant compétence en matière de droits de la personnel. En d'autres termes, l'audition du contrôle judiciaire était un droit garanti au demandeur par la Déclaration canadienne des droits. Le terme « garantie » qu'utilise la Cour suprême signifie que les dépens sont la responsabilité du gouvernement fédéral et qu'ils sont taxés à zéro dollar. Le demandeur allègue que le sens de la jurisprudence et des droits à l'égalité garantis par la Déclaration canadienne des droits est que les dépens devraient être taxés à zéro dollar. La Cour n'a pas adjugé les dépens dans l'affaire Jackson c. Canada (P.G.), [1997] A.C.F. no 1603 (C.F. 1ère inst.), une procédure de contrôle judiciaire très semblable à celle du demandeur. Dans l'arrêt R. c. Drybones, [1970] R.C.S. 282, à la page 297, la Cour suprême a statué que l'alinéa 1b) de la Déclaration canadienne des droits avait pour sens qu'un individu ne devait pas être traité plus durement qu'un autre en vertu d'une loi du Canada

 

[6]               Le demandeur allègue que les unités demandées respectivement pour les articles 10 (préparation) et 11(présence à la conférence préparatoire), soit trois et une, ne sont pas des dépens valables. L'adjudication des dépens ne faisait pas état de l'autorisation préalable de la Cour qui permettrait la réclamation des cinq unités pour les déplacements que l'avocat avait dû faire pour se rendre au lieu de l'audience. De la même façon, les recours en contrôle judiciaire dans le cadre de la législation nationale devraient pouvoir être entendus dans n'importe quelle province libres de dépens taxés pour les déplacements entre provinces.

 

III.       Taxation

[7]               Je n'ai pas fait état de l'observation du demandeur quant au paragraphe 410(2) des Règles, selon lequel la partie qui présente une requête en prorogation de délai est responsable des dépens, parce que la défenderesse ne réclame pas de tels dépens. Je n'accorde aucune valeur aux observations du demandeur quant à la taxation à zéro dollar parce que je considère qu'elles nient tout droit de la défenderesse à des dépens taxés. La Cour a déjà exercé le pouvoir discrétionnaire que lui confère le paragraphe 400(1) des Règles pour adjuger les dépens à la défenderesse. La compétence que me confère l'article 405 ne m'autorise pas à revenir sur la décision de la Cour mais exige plutôt que je fixe le montant des dépens adjugés.

 

[8]               À la suite de la conclusion que j'ai tirée dans Marshall c. Canada, [2006] A.C.F. no 1282 (O.T.), au paragraphe 6, soit qu'il doit y avoir une directive nette de la Cour à l'intention de l'officier taxateur qui lui permette expressément de taxer des frais pour les déplacements de l'avocat, je rejette la demande fondée sur l'article 24. Cette directive n'est toutefois pas nécessaire pour ce qui est de taxer les débours afférents. La conférence préparatoire fait partie de l'ensemble d'un litige. L'adjudication des dépens donne donc droit aux dépens annexes des articles 10 et 11, pour lesquels j'accorde les montants minimums réclamés.

 

[9]               J'ai conclu au paragraphe 7 de la décision Starlight c. Canada, [2001] A.C.F. no 1376 (O.T.), qu'il n'était pas nécessaire de s'en tenir au même point des fourchettes d'unités pour chacun des articles à taxer, vu que chaque service rendu par l'avocat est distinct et doit être évalué dans son contexte. De la même façon, de grands écarts peuvent être nécessaires dans l'attribution d'unités d'une affaire à l'autre. Je conviens que le litige remettait en question le régime des licences d'exportation de la défenderesse et aurait affecté ses opérations bien au-delà de la simple demande du demandeur. J'accorde pour l'article 2 (préparation du dossier de l'audience/la fourchette étant de 4 à 7 unités) 6 unités. J'accorde pour les articles 13 (préparation de l'audience) et 14a) (présence à l'audience) le maximum réclamé respectivement de 5 et de 3 unités pour chaque heure. J'accorde pour l'article 26 (taxation des frais) le minimum réclamé de 2 unités. J'accorde les montants réclamés de 75 $ et de 4,50 $ pour les débours et la TPS respectivement. Dans son mémoire de frais, la défenderesse réclamait 5 294,70 $. Suite à la taxation, j'accorde 4 531,50 $.

 

 

« Charles E. Stinson »

Officier taxateur

 

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-105-06

 

INTITULÉ :                                       D. JOHN HUSBAND c.

                                                            LA COMMISSION CANADIENNE DU BLÉ

 

 

 

TAXATION DES DÉPENS SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

 

 

 

MOTIFS DE LA TAXATION DES DÉPENS :                   CHARLES E. STINSON

 

DATE :                                                                                   LE 23 AOÛT 2007

 

 

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

 

D. John Husband

 

LE DEMANDEUR

(pour son propre compte)

 

Thor Hansell

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

S/O

 

POUR LE DEMANDEUR

Aikins, MacAulay & Thorvaldson LLP

Winnipeg (Manitoba)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

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