Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

Date : 20070914

Dossier : IMM-4462-06

Référence : 2007 CF 912

Ottawa (Ontario), le 14 septembre 2007

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE DAWSON

 

ENTRE :

 

TARIQ ALI QURESHI

AISHA BANO

 

demandeurs

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]        La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée parce que les demandeurs n’ont pas établi que la Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a tiré une conclusion de fait abusive ou a commis une erreur en concluant que certains aspects du témoignage des demandeurs n’étaient pas plausibles ou crédibles.

 

[2]        Tariq Ali Qureshi et sa sœur Aisha Bano sont des citoyens du Pakistan qui demandent l’asile. Ils prétendent être persécutés par des membres du Mouvement Muttahida Qaumi (Muttahida Qaumi Movement – MQM) en raison de leur appartenance à un groupe social, soit leur famille et les personnes partageant leurs opinions politiques. Mme Bano craint également d’être persécutée en raison de son appartenance au groupe social composé des femmes craignant d’être persécutées en raison de leur sexe.

 

[3]        La SPR a rejeté les demandes d’asile des demandeurs après avoir tiré un certain nombre de conclusions défavorables quant à la crédibilité de leur témoignage. La SPR a également conclu qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve crédibles pour établir qu’une faction du MQM avait une raison quelconque de s’en prendre à M. Qureshi et que les craintes de Mme Bano étaient hypothétiques. La SPR a jugé que les risques auxquels pourraient être exposés les demandeurs au Pakistan étaient les risques généraux causés par la violence sectaire et politique auxquels de nombreux citoyens de nombreuses régions du Pakistan sont exposés.

 

[4]        Je vais maintenant me pencher sur la première erreur alléguée, soit une conclusion de fait abusive selon laquelle les demandeurs ne risquaient pas d’être persécutés au Pakistan. À cet égard, la SPR s’est référée à un élément de preuve documentaire récent selon lequel les chefs politiques du MQM avaient dénoncé la violence et elle s’est appuyée sur l’absence de preuve crédible établissant que, à cette époque, une faction du MQM usait de violence pour forcer des gens à se joindre au parti. Les demandeurs soutiennent que la SPR n’a pas tenu compte d’éléments de preuve à l’effet contraire. Ils s’appuient sur un document du cartable national de documentation préparé en 2003 qui faisait état de confrontations entre le MQM et le Parti du peuple pakistanais (Pakistan People’s Party) lors des élections d’octobre 2002.

 

[5]        La SPR n’a pas commis d’erreur comme l’ont prétendu les demandeurs. La SPR a convenu de l’existence d’une certaine violence entre les factions, mais un élément de preuve en ce sens n’entre pas en contradiction avec la conclusion selon laquelle il n’y avait pas de preuve crédible établissant qu’une faction du MQM usait de violence pour recruter des membres. Des éléments de preuve documentaire étayaient la conclusion de la SPR selon laquelle les chefs du MQM avaient dénoncé la violence et coupé ses liens avec son ancienne aile militante.

 

[6]        Pour ce qui est de la deuxième erreur alléguée, laquelle concerne les conclusions quant à la crédibilité et à la plausibilité, les demandeurs soutiennent que la SPR a commis une erreur :

 

(i)         en tirant une conclusion défavorable de l’incapacité de M. Qureshi à se rappeler certaines dates et certains détails;

 

(ii)        en ne reconnaissant pas que certains renseignements n’étaient pas communiqués à Mme Bano en raison de la place qu’occupent les femmes dans les attitudes et pratiques de la culture là‑bas;

 

(iii)       en tirant une conclusion défavorable du fait que les demandeurs n’ont pas demandé l’asile aux États‑Unis;

 

(iv)       en concluant que le fait que le père des demandeurs habite toujours au Pakistan nuisait à la crédibilité de leurs prétentions;

 

(v)                en omettant de présenter aux demandeurs ce que la SPR considérait comme une contradiction entre leur témoignage et l’exposé circonstancié du Formulaire de renseignements personnels (FRP) de leur frère.

 

[7]        À mon avis, aucune des conclusions contestées de la SPR n’était manifestement déraisonnable. Les demandeurs contestent en fait la façon dont la SPR a évalué la preuve. Les doutes des demandeurs peuvent être dissipés de la manière suivante :

 

(i)         La SPR n’a pas exigé de M. Qureshi qu’il se rappelle des dates précises; elle lui a demandé de fournir suffisamment de détails au sujets des incidents à l’origine de sa crainte d’être persécuté. Les demandeurs se sont également plaints que certaines des dates dont M. Qureshi ne pouvait se souvenir concernaient des incidents impliquant son père; cependant les demandeurs étaient tenus de produire des éléments de preuve crédibles à l’appui de leurs demandes. Dans la mesure où ils se sont appuyés sur des incidents concernant des membres de leur famille, comme leur père, ils ont dû fournir des détails au sujet de ces incidents. Les demandeurs ne l’ont pas fait, bien qu’ils affirment parler souvent à leur père au téléphone. La SPR avait également le droit d’exprimer un doute, comme elle l’a fait, quant à l’absence de renseignements corroborants;

 

(ii)        Pour ce qui est de Mme Bano, la SPR a noté qu’elle avait maintenant 26 ans et qu’elle aurait pu faire preuve de plus de diligence pour trouver des renseignements relatifs à sa demande ou qu’elle aurait pu présenter le témoignage de quelqu’un ayant plus de renseignements au sujet de son présumé enlèvement. De telles conclusions n’étaient pas manifestement déraisonnables et la SPR les a tirées en tenant compte du fait que, parce que Mme Bano est une jeune femme, certains renseignements à propos de problèmes familiaux ne lui seraient normalement pas divulgués. Toutefois, cette situation n’empêche pas qu’elle doive établir le fondement de sa demande en produisant une preuve crédible;

 

            (iii)       Quant à l’omission de demander l’asile aux États‑Unis, M. Qureshi a habité et travaillé aux États‑Unis pendant environ 12 ans et sa sœur y a vécu pendant environ cinq ans. M. Qureshi est arrivé aux États‑Unis avec son père, qui est avocat au Pakistan, tandis que Mme Bano est arrivée avec sa mère. Un bon nombre d’années, environ huit ans, se sont écoulées avant que M. Qureshi ne tente de régulariser son statut aux États‑Unis. La preuve étayait la conclusion défavorable tirée par la SPR relativement à l’omission des demandeurs de demander l’asile aux États‑Unis et cette conclusion n’était pas manifestement déraisonnable. Bien que chaque demandeur ait témoigné qu’il était jeune à son arrivée aux États‑Unis et qu’il ne connaissait pas le processus de demande d’asile, la SPR pouvait conclure, comme elle l’a fait, que si les demandeurs avaient vraiment été en danger aux Pakistan, les adultes de leur famille auraient tenté de demander la protection pour eux;

 

            (iv)       La SPR s’est appuyée sur le fait que le père des demandeurs est demeuré actif en politique au Pakistan tout en demeurant au domicile familial à Karachi et en y pratiquant le droit. Il a été affirmé que cette conclusion ne prenait pas en compte la preuve selon laquelle le père des demandeurs avait été récemment attaqué par des membres du MQM. Cependant, la SPR a examiné la preuve des demandeurs et l’a rejetée pour un certain nombre de motifs trouvant leur origine dans la preuve. Il n’était pas manifestement déraisonnable pour la SPR de rejeter la preuve des demandeurs pour les motifs qu’elle a exposés;

 

            (v)        Les demandeurs étaient représentés à l’audience et ont choisi de déposer en preuve l’exposé circonstancié du FRP de leur frère. Dans son exposé circonstancié, leur frère a affirmé que leur père avait été attaqué en raison des problèmes du frère des demandeurs avec le MQM et que, après l’attaque, leur père ne s’était pas rendu chez le médecin. Selon le témoignage des demandeurs, leur père a été attaqué parce qu’il avait été témoin d’un assassinat et ils ont produit une note d’un médecin qui affirme avoir traité leur père. Ces contradictions étaient flagrantes. La Cour a statué que la SPR n’est pas tenue de soulever expressément les contradictions dans le témoignage de demandeurs d’asile représentés par un conseil; voir par exemple Ayodele c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] A.C.F. n1833 (1re inst.), faisant une distinction d’avec Gracielome c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1989), 9 Imm. L.R. (2d) 237 (C.A.F.). De toute façon, cette contradiction n’était qu’un des nombreux fondements de la conclusion de la SPR selon laquelle la preuve des demandeurs n’était pas crédible. Par conséquent, l’existence d’une erreur dans cette conclusion ne changerait rien à la conclusion de crédibilité tirée par la SPR.

 

[8]       Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Les avocats n’ont proposé aucune question à certifier et je suis convaincue que le présent dossier n’en soulève aucune.

 

 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.         La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

 

 

« Eleanor R. Dawson »

Judge

 

 

Traduction certifiée conforme

Elisabeth Ross


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-4462-06

 

INTITULÉ :                                                   TARIQ ALI QURESHI ET AL.

                                                                        c.

                                                                        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

INTITULÉ :                                                   TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                           LE 5 SEPTEMBRE 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LA JUGE DAWSON

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 14 SEPTEMBRE 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

LANI GOZLAN                                              POUR LES DEMANDEURS

 

A. LEENA JAAKKIMAINEN                        POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

LANI GOZLAN                                              POUR LES DEMANDEURS

Avocat

Toronto (Ontario)

 

John H. Sims, c.r.                                             POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.