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Date : 20070920

Dossier : T-1243-07

Référence : 2007 CF 925

ENTRE :

YU YUAN LIANG

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

défendeur

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

Le juge Pinard

 

 

[1]               Il s'agit d'une requête présentée pour le compte du défendeur en vue d'obtenir une ordonnance infirmant l’ordonnance du protonotaire Aalto rendue le 27 juillet 2007 et annulant l’avis de demande de contrôle de la décision rejetant la demande de citoyenneté canadienne présentée par la demanderesse.

 

[2]               Comme la question soulevée en l’espèce est déterminante pour l’« issue de la cause », je dois examiner de novo le bien-fondé de la décision attaquée et exercer mon propre pouvoir discrétionnaire.

[3]               La lettre avisant la demanderesse du rejet de sa demande de citoyenneté canadienne a été expédiée par la poste le 16 mars 2007 et acceptée par le bureau de poste pour livraison à la demanderesse le même jour.

 

[4]               Le paquet contenant la lettre de rejet a été livré à l’adresse de la demanderesse à 17 h 11, le 20 mars 2007, date à laquelle un accusé de réception a été signé électroniquement. L’avis de demande de contrôle de la décision rejetant la demande de citoyenneté de la demanderesse a été signifié au ministre et déposé auprès de la Cour fédérale le 6 juillet 2007.

 

[5]               Conformément au paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. 1985, ch. C-29, et à l’arrêt de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Liu c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2007 CAF 94, le ministre a demandé par requête au protonotaire Aalto d’ordonner le rejet de la demande en question au motif que celle-ci n’avait pas été déposée dans le délai de soixante jours prévu au paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté. Le ministre a plaidé que le délai d’appel de la décision rejetant la demande de citoyenneté de la demanderesse avait expiré et que, selon l’arrêt de la Cour d’appel dans l’affaire Liu, précitée, la Cour n’a pas compétence pour proroger le délai.

 

[6]               Dans une ordonnance rendue le 27 juillet 2007, le protonotaire Aalto a rejeté la requête du ministre. Le protonotaire a conclu que la signature de référence fournie par la demanderesse était différente de la signature électronique fournie par le défendeur pour prouver la réception de la lettre le 20 mars 2007.

 

[7]               La demanderesse conteste la décision par laquelle on a rejeté sa demande de citoyenneté canadienne. Selon le paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté, la demanderesse a soixante jours suivant la date de l’envoi de la lettre de rejet pour contester une telle décision. Dans l’arrêt Liu, précité, la Cour d’appel fédérale a conclu que ce délai est obligatoire et que la Cour fédérale n’a pas compétence pour proroger le délai prévu pour interjeter appel d’une décision rendue par un juge de la citoyenneté.

 

[8]               La preuve présentée au protonotaire montre que la lettre avisant la demanderesse du rejet de sa demande est datée du 16 mars 2007. La pièce « A » (jointe à l’affidavit de Geeta Ragoonath) montre que la lettre a été acceptée par le bureau de poste pour livraison à la demanderesse le même jour. La pièce « A » montre également que la lettre de rejet a été [traduction] « livrée avec succès au destinataire » le 20 mars 2007, à 17 h 11. La pièce « B » (jointe au même affidavit ) est une copie de l’accusé de réception du paquet signé électroniquement.

 

[9]               L’avis de demande de contrôle de la décision de rejet, déposé par la demanderesse, a été signifié au défendeur le 6 juillet 2007.

 

[10]           Le paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté est ainsi rédigé :

(5) Le ministre et le demandeur peuvent interjeter appel de la décision du juge de la citoyenneté en déposant un avis d’appel au greffe de la Cour dans les soixante jours suivant la date, selon le cas :

 

  a) de l’approbation de la demande;

  b) de la communication, par courrier ou

tout autre moyen, de la décision de rejet.  

 

  (5) The Minister or the applicant may appeal to the Court from the decision of the citizenship judge under subsection (2) by filing a notice of appeal in the Registry of the Court within sixty days after the day on which

 

        (a) the citizenship judge approved the application under subsection (2); or:

  (b) notice was mailed or otherwise given under subsection (3) with respect to the application.

 

[11]           En l’espèce, je dois établir si l’avis d’appel de la demanderesse a été déposé dans les soixante jours suivant la date d’envoi par courrier de la lettre de rejet. Comme je l’ai déjà mentionné, cette lettre a été expédiée par la poste le 16 mars 2007. La demanderesse avait donc jusqu’au 15 mai 2007 pour interjeter appel. Comme l’avis de demande sollicitant cet appel a été déposé le 6 juillet 2007, environ dix semaines après la date d’expiration du délai prévu par la loi, je suis d’avis que, suivant l’arrêt de la Cour d’appel dans l’affaire Liu, précité, la Cour n’a pas compétence pour entendre l’appel.

 

[12]           En effet, dans l’arrêt Liu, précité, le juge d’appel Décary a écrit :

[4]    La jurisprudence l’indique clairement : le paragraphe 14(5) est obligatoire et ne donne pas le pouvoir à la Cour fédérale de proroger le délai de 60 jours. Voir Re Conroy [1979] 99 D.L.R. (3e) 642, (C.F. 1re inst.), le juge Cattanach, p. 649; Re Dunnet, [1979] 102 D.L.R. (3e) 400 (C.F. 1re inst.), le juge Dubé, p. 402; Re Kelly [1979] 96 D.L.R. (3e) 470 (C.F. 1re inst.), le juge Cattanach, p. 474; Re Araujo (1993) 63 F.T.R. 159, le juge Joyal, p. 160; Ovenstone c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (2000) 188 F.T.R. 157, le juge McKeown, p. 158; Suzer c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 418, [2002] A.C.F. n525, le juge Blanchard au paragraphe 5.

 

[5]     Ces décisions sont bien fondées. La définition qui fixe le délai est claire et non ambigüe (voir, par analogie : Adam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] 1 C.F. 373 (C.A.), au par. 19 et Wilbur‑Elis Co. of Canada c. Canada (Sous‑ministre du Revenu national, Douanes et Accise - M.R.N.), [1995] A.C.F. no 1435, A‑431‑94). Pour reprendre les mots utilisés par le juge Blanchard dans la décision Suzer, la Cour fédérale « ne peut créer aucun droit ni ne peut s'attribuer une compétence qu'elle n'a pas au fond ».

 

[13]           En outre, je suis d’avis que les éléments de preuve dont disposait le protonotaire, les pièces « A » et « B » jointes à l’affidavit de Geeta Ragoonath, permettaient à première vue d’établir que la lettre de rejet avait été livrée à la demanderesse le 20 mars 2007. La seule preuve contraire se trouvait dans l’affidavit de Scott Dellaire qui indiquait ce qui suit :

[traduction]

1.                  J’appuie la demanderesse dans le cadre de la demande portant le numéro de dossier susmentionné à l’égard de laquelle j’ai une connaissance personnelle des faits allégués en l’espèce.

 

2.                  Le 9 juillet 2007, j’ai demandé à la demanderesse par télécopieur de vérifier sa signature en lui fournissant une copie de la pièce « B » jointe à l’affidavit de Geeta Ragoonath.

 

3.                  Le 20 juillet 2007, la demanderesse a répondu que cette signature n’était pas la sienne et a envoyé une copie de sa signature au nom de Yu Yuan Liang, laquelle a été jointe à la pièce « A » de mon  affidavit.

 

4.                  J’ai rédigé le présent affidavit sans dessein illicite.

 

 

[14]           L’affidavit révèle seulement que la signature électronique fournie pour accuser réception du paquet, y compris de la lettre de rejet, n’était pas celle de la demanderesse. Ce témoignage se trouve dans un affidavit contenant des déclarations fondées sur ce que croit le déclarant. L’affidavit ne précise pas pourquoi la demanderesse n’a pas fourni son propre témoignage comme personne ayant une connaissance personnelle des faits. Il n’existe aucun autre élément de preuve admissible portant ou indiquant que la demanderesse n’a pas reçu la lettre de rejet le 20 mars 2007. La demanderesse elle‑même ne le nie pas.

[15]           Conformément au paragraphe 81(2) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, je tire donc une conclusion défavorable de l’omission de la demanderesse de fournir un témoignage en tant que personne ayant une connaissance personnelle des faits substantiels. Dans ce contexte, au vu des pièces « A » et « B » jointes à l’affidavit de Geeta Ragoonath déposé auprès du protonotaire, je conclus que la demanderesse a reçu la lettre de rejet le 20 mars 2007.

 

[16]           Ainsi, comme l’avis de demande a été déposé par la demanderesse le 6 juillet 2007, c’est‑à‑dire environ dix semaines après la date d’expiration du délai prévu par la loi, la Cour n’a pas compétence pour entendre l’appel sollicité en l’espèce, lequel est légalement prescrit.

 

[17]           Pour les motifs susmentionnés, la requête du défendeur est accueillie, l’ordonnance du protonotaire Aalto rendue le 27 juillet 2007 est infirmée, et l’avis de demande de contrôle judiciaire de la décision rejetant la demande de citoyenneté canadienne présentée par la demanderesse est annulé.

 

 

« Yvon Pinard »

Juge

 

 

Ottawa (Ontario)

Le 20 septembre 2007

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Caroline Tardif, LL.B., trad.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    T-1243-07

 

INTITULÉ :                                                   YU YUAN LIANG c. LE MINISTRE

DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 10 SEPTEMBRE 2007

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :              LE JUGE PINARD

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 20 SEPTEMBRE 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Max Chaudhary                                                POUR LA DEMANDERESSE

 

Bernard Assan                                                  POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Max Chaudhary                                                POUR LA DEMANDERESSE

Avocat

North York (Ontario)

 

John H. Sims, c.r.                                             POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 

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