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Date : 20070919

Dossier : IMM-3685-07

Référence : 2007 CF 938

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 19 septembre 2007

En présence de monsieur le juge Mandamin

 

ENTRE :

CELIAFLOR GALLARDO

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

 ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]        VU LA REQUÊTE afin d’obtenir une ordonnance de suspension de l’exécution de la mesure de renvoi prévue à son encontre le 23 septembre 2007, jusqu’à ce que la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire soit tranchée;

 

[2]        ET VU l’examen des dossiers de requête des parties;

 

[3]        ET APRÈS avoir entendu les observations des avocats de la demanderesse et du défendeur le 18 septembre 2007, à Ottawa;

 

[4]        La demanderesse, Celiaflor Gallardo, sollicite une ordonnance de suspension de la mesure de renvoi aux Philippines, prise contre elle, et devant avoir lieu le 23 septembre 2007, jusqu’à ce qu’une décision soit rendue relativement à la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire et, si l’autorisation est accordée, jusqu’à ce qu’une décision définitive soit rendue sur la demande de contrôle judiciaire.

 

[5]        La requête de la demanderesse s’appuie sur le fait que son renvoi du Canada entraînerait un préjudice irréparable. Tout d’abord, sa vie serait menacée parce qu’elle ne serait pas en mesure de payer ses médicaments contre le diabète aux Philippines. Ensuite, sa mère invalide subirait également un préjudice irréparable si sa fille, la demanderesse, n’était pas à ses côtés pour lui prodiguer des soins.

 

[6]        Au début de l’audience, l’avocat de la demanderesse s’est opposé à un affidavit déposé dans le dossier de requête du défendeur, affidavit qui consignait des demandes de renseignements sur le coût des médicaments contre le diabète aux Philippines. Il a fait valoir que les avocats du défendeur avaient obtenu un ajournement de façon irrégulière afin de demander ces renseignements, et en outre, que l’affidavit l’avait pris au dépourvu.

 

[7]        Les avocats du défendeur ont expliqué que l’ajournement avait été obtenu uniquement pour permettre au nouvel avocat d’être mis au courant. À la suite de l’ajournement, l’ancien avocat du défendeur a pris connaissance de l’instance et s’est joint au nouvel avocat à titre de second avocat. Je retiens l’explication des avocats du défendeur.

 

[8]        La capacité d’assumer le coût des médicaments contre le diabète est au cœur de la question du préjudice irréparable causé à la demanderesse. Il était loisible à l’avocat de la demanderesse d’étayer la preuve par affidavit de sa cliente quant au coût des médicaments contre le diabète par d’autres moyens, mais il a choisi de ne pas le faire. Compte tenu de ce qui précède, j’accepte d’admettre en preuve l’affidavit contesté du défendeur à l’audience.

 

Critère applicable à la délivrance d’une ordonnance de suspension

[9]        Pour obtenir une suspension de son renvoi, la demanderesse doit démontrer premièrement qu’elle soulève une question sérieuse à trancher; deuxièmement qu’elle subirait un préjudice irréparable si l’ordonnance n’était pas accordée; et troisièmement que la prépondérance des inconvénients favorise l’octroi de l’ordonnance (Toth c. Canada (Citoyenneté et Immigration) (1988), 6 Imm L.R. (2d) 123 (C.A.F.), [1988] A.C.F. no 587 (QL)).

 

Question importante

[10]      Le critère de la « question sérieuse à juger » consiste à déterminer que la question soulevée n’est pas futile (RJR -- MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 31, [1994] A.C.S. no 17. Les questions soulevées par la demanderesse concernant la santé des parents invalides et les soins à leur prodiguer satisfont à ce critère peu strict.

 

Préjudice irréparable

[11]      Dans son affidavit, la demanderesse a déclaré qu’elle souffrait de diabète de type 2 et qu’elle devait prendre de la metformine pour se maintenir en santé. Aux Philippines, le produit générique équivalent est le Humamet. La demanderesse soutient qu’elle a pris le Humamet aux Philippines pour traiter son diabète avant le 18 août 2001. Un comprimé de ce médicament coûte 75 pesos, et elle doit prendre trois comprimés par jour. Aux Philippines, il lui en coûterait environ 225 pesos par jour, ce qui équivaut à 170,12 $ CAN par mois. Elle ne croit pas pouvoir trouver de travail aux Philippines, et ne serait donc pas en mesure de payer le médicament Humamet. Son mari vit aux Philippines, mais subvient aux besoins de leurs trois enfants adultes qui fréquentent l’école. Il ne pourrait pas assumer le coût de ses médicaments contre le diabète. Son père, qui se trouve au Canada, l’a déjà aidée, mais ne peut plus continuer à le faire.

 

[12]      Le défendeur a déposé un affidavit de Linda Noel qui a demandé des renseignements par courriel à un fonctionnaire du ministère de la Santé des Philippines. En réponse à cette demande, Agnette P. Peralta, directrice de niveau 4 au bureau des appareils médicaux et de la technologie du ministère de la Santé de la République des Philippines, a indiqué qu’à l’heure actuelle, le Humamet coûtait 8,60 pesos pour 500 mg, et 14,25 pesos pour 850 mg à la chaîne de pharmacie la plus importante des Philippines. De plus, le coût du produit générique équivalent est de 4,60 pesos pour 500 mg, et de 7,15 pesos pour 850 mg. Le coût de trois comprimés serait de 25,8 pesos par jour ou, pour la version générique du médicament, de 13,8 pesos par jour. Par conséquent, le coût quotidien des médicaments contre le diabète aux Philippines, que ce soit le Humamet ou la metformine, est bien inférieur à 75 pesos par jour, prix que la demanderesse a déclaré avoir payé en 2001. À l’heure actuelle, aux Philippines, le coût de l’Humamet ou de la metformine est de 18,90 $ CAN par mois ou 10,20 $ CAN pour la version générique, plutôt que 170,12 $ CAN.

 

[13]      J’estime que l’affirmation selon laquelle la demanderesse ou sa famille ne pourrait pas assumer le coût des médicaments contre le diabète n’est pas convaincante.

 

[14]      La demanderesse vit à Ottawa avec ses parents, et prend soin de sa mère invalide. Elle cuisine pour ses parents, fait le ménage, le lavage et aide sa mère en ce qui a trait à son hygiène personnelle. Sa mère est amputée d’une jambe et se déplace en fauteuil roulant. Son médecin a indiqué que le fait qu’un proche parent puisse l’aider serait bon pour sa santé.

 

[15]      Le père de la demanderesse, qui était âgé de 77 ans en 2006, déclare qu’il a quatre fils au Canada (trois vivent à Ottawa et un à Toronto). Ils sont tous les quatre mariés et ont des enfants. L’un de ses fils vivant à Ottawa est invalide. Il soutient que ses fils ne sont pas en mesure d’aider son épouse comme le fait la demanderesse.

 

[16]      Les avocats du défendeur font valoir que la demanderesse doit établir qu’elle subirait personnellement un préjudice irréparable, citant le juge Mosley dans la décision Tajram c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 760, [2006] A.C.F. no 949 :

Je reconnais qu’à mesure que des membres de la famille vieillissent et deviennent malades, les préjudices qui accompagnent généralement la séparation deviennent beaucoup plus graves et peuvent atteindre le niveau qui dépasse « les conséquences normales d’une expulsion », décrites par le juge Evans dans l’arrêt Tesoro. Cependant, le critère quant à une suspension, à mon avis, devrait être axé principalement sur les conséquences que le renvoi aura pour les demandeurs eux‑mêmes.

 

 

 

[17]      Les avocats du défendeur renvoient aux décisions suivantes : Samuels c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1349 dans laquelle le fait que les enfants âgés de 18 et de 21 ans comptaient grandement sur leur mère était un facteur dont on devait tenir compte; Kahn c. Canada (Ministre de la sécurité publique et de la protection civile), [2005] A.C.F. no 1365, dans laquelle l’épouse et les enfants du demandeur dépendaient de ce dernier pour leur apporter du soutien affectif et financier, en partie à la suite de leur implication dans un grave accident de la route; Richards v. The Minister of Citizenship and Immigration, (1999) IMM-7220-99, dans laquelle la partie demanderesse était la principale responsable des soins à prodiguer à sa grand-mère âgée de 72 ans. Dans chacune de ces affaires, la Cour a reconnu qu’un préjudice serait subi lorsqu’un demandeur était seul à pouvoir prendre soin des parents qui dépendaient fortement de lui.

 

[18]      En l’espèce, les parents de la demanderesse ont d’autres membres de leur famille au Canada, et plus précisément à Ottawa. Trois de leurs fils ainsi que leurs familles vivent à Ottawa, soit dans la même ville qu’eux. Bien qu’un des fils soit invalide, les autres enfants et leurs familles sont disponibles afin d’aider leur mère. En fait, l’un des fils aide à transporter sa mère, comme le déclare la demanderesse dans son affidavit.

 

[19]      La mère de la demanderesse a dû être amputée d’une jambe en 2003, en raison de son diabète. La demanderesse a déclaré avoir partagé son temps à part égale entre le domicile de son frère à Toronto et celui de ses parents à Ottawa, entre 2001 et 2006. C’est en septembre 2006 que la demanderesse a commencé à vivre exclusivement avec ses parents, à Ottawa.

 

[20]      Même si les membres de la famille ne sont pas en mesure d’offrir le même soutien que la demanderesse, j’estime que la mère de cette dernière ne se trouve pas dans une situation où l’on peut considérer qu’elle compte grandement et uniquement sur la demanderesse.

 

Prépondérance des inconvénients

[21]      La prépondérance des inconvénients évalue les inconvénients que la demanderesse subirait advenant le refus de la suspension par rapport à l’intérêt public d’une exécution de la mesure d’expulsion dès que les circonstances le permettent. Singh Atwal c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2004 CAF 427, [2004] A.C.F. no 2118.

 

[22]      La demanderesse vit au Canada sans statut de résidente permanente. Elle s’est prévalue des processus administratifs et judiciaires prévus par la loi afin de pouvoir rester au Canada. Il a finalement été conclu qu’elle devait retourner aux Philippines.

 

[23]      J’estime que la prépondérance des inconvénients est en faveur du défendeur.

 

Conclusion

[24]      Pour les motifs susmentionnés, la demande de suspension de l’exécution de la mesure de renvoi est rejetée.

 

ORDONNANCE

 

            LA COUR ORDONNE que la requête en suspension d’exécution de la mesure de renvoi soit rejetée.

 

 

 

« Leonard S. Mandamin »

Juge

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                        IMM-3685-07

 

 

INTITULÉ :                                       CELIAFLOR GALLARDO c.

                                    MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

                                                            ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 OTTAWA (ONTARIO)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 18 SEPTEMBRE 2007

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE MANDAMIN

 

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 19 SEPTEMBRE 2007      

 

COMPARUTIONS :

 

Russell Kaplan

 

POUR LA DEMANDERESSE

Jennifer Francis

Brian Harvey

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Kaplan Immigration Law Office

Ottawa (Ontario)

 

John H. Simms, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LA DEMANDERESSE

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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