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Date : 20070921

Dossier : T-340-07

Référence : 2007 CF 940

Ottawa (Ontario), le 21 septembre 2007

En présence de Monsieur le juge Kelen

 

 

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

 

NEIL CLEGG

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire visant la décision de la présidente du comité d’appel de la Commission de la fonction publique (le comité d’appel), Line Chandonnet, d’accueillir l’appel interjeté par le défendeur en vertu de l’article 21 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.R.C. 1985, ch. P‑33, et ses modifications (la LEFP). Cette décision a été rendue le 18 janvier 2007.

 


LES FAITS

Le concours

[2]               Au printemps 2005, le défendeur a participé à un concours pour un poste de permutant EX‑01 au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international du Canada (le MAECI). Dans le cadre de ce concours, les candidats devaient passer l’examen de jugement situationnel uniformisé (l’EJS), préparé expressément pour les concours concernant des postes de permutant EX‑01 au MAECI. L’EJS est un test psychométrique élaboré par le Centre de psychologie du personnel (le CPP), qui sert à évaluer le jugement requis pour gérer des problèmes dans des situations professionnelles au niveau EX‑01.

 

[3]               Pour ce concours, 370 candidats partout dans le monde ont fait l’EJS. Les instructions indiquaient que les candidats disposaient de deux heures pour faire l’EJS. Celui‑ci consistait en 40 mises en situation et questions. Une fiche d’information distribuée avec l’EJS précisait cependant que les candidats n’auraient que 90 minutes pour faire l’examen. Le MAECI admet qu’il s’agissait d’une erreur de rédaction et que les candidats disposaient de deux heures pour faire l’EJS. Lorsque le défendeur a passé l’EJS le 6 juillet 2005, il a eu 90 minutes pour faire l’examen. Un autre candidat a aussi dû faire l’examen dans ce délai plus court. Tous les autres ont eu deux heures pour passer l’examen.

 

[4]               Lorsqu’il a été découvert que le défendeur n’avait pas eu le même délai que les autres candidats, des fonctionnaires du MAECI en ont informé le CPP et lui ont demandé comment procéder. Sur la recommandation du gestionnaire des Services de consultation du CPP, on a offert au défendeur la possibilité de revoir son examen pendant une période additionnelle de 45 minutes, ce qu’il a accepté.

 

[5]               Le 31 août 2005, le défendeur a revu son EJS pendant la période de 45 minutes qui lui était allouée. Sa note a chuté de 69 à 66 p. 100 après cette révision. Comme il devait obtenir une note de 72 p. 100, sa candidature a été rejetée.

 

[6]               Le 15 août 2006, le défendeur a interjeté appel en vertu de l’article 21 de la LEFP. L’appel a été entendu par le comité d’appel le 14 décembre 2006, à Ottawa (Ontario).

 

La décision faisant l’objet du présent contrôle

[7]               Le 18 janvier 2007, le comité d’appel a accueilli l’appel du défendeur au motif que celui‑ci n’avait pas été évalué en fonction des mêmes normes que les autres candidats. La présidente a conclu que le fait d’accorder une période additionnelle de 45 minutes au défendeur pour lui permettre de revoir son examen était une mesure corrective insuffisante puisque, dans les faits, il avait dû faire l’EJS deux fois. La présidente Chandonnet écrit ce qui suit aux paragraphes 20 et 21 de la décision :

¶ 20  Je ne vois pas comment le fait de condenser un examen de deux heures en une heure et demie permet un résultat identique à celui des autres candidats. Je ne vois également pas comment l’ajout d’une période de 45 minutes, deux mois après le fait, met un candidat dans le même état d’esprit que les autres qui ont bénéficié de deux heures continues. La preuve démontre que l’appelant a fait l’examen original le 6 juillet 2005 et que les 45 minutes additionnelles lui ont été accordées le 31 août 2005. Essentiellement, l’appelant a dû répondre aux questions à la hâte, sachant qu’il disposait d’une heure et demie pour faire l’examen.

 

¶ 21  La preuve démontre que l’appelant n’a pas été assujetti aux mêmes normes que les autres candidats. Il a dû faire l’EJS deux fois, une fois le 6 juillet, alors qu’il a dû le faire dans un délai condensé, et une autre le 31 août, environ deux mois plus tard, alors qu’on lui a accordé encore moins de temps pour parcourir l’examen (30 minutes).

 

 

[8]               Le comité d’appel s’est appuyé sur l’arrêt Buttar c. Canada (Procureur général) (2000), 254 N.R. 368 (C.A.F.), rendu en 2000, dans lequel la Cour d’appel fédérale a décidé ce qui suit au paragraphe 24 :

24     Dans les circonstances de l’espèce, on ne pouvait équitablement déterminer la validité de la nomination [...] sans vérifier si ses compétences avaient été évaluées en fonction des normes auxquelles ont été assujettis les autres candidats qui ont postulé, simultanément, l’avancement au même échelon. [...]

 

[9]               C’est cette décision d’accueillir l’appel du défendeur qui fait l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire.

 

LES DISPOSITIONS PERTINENTES

[10]           Le principe qui sous‑tend toutes les nominations dans la fonction publique est celui du mérite, conformément au paragraphe 10(1) de la LEFP. L’article 21 de la LEFP prévoit un mécanisme permettant aux candidats non reçus d’interjeter, auprès d’un comité d’appel constitué par la Commission de la fonction publique, appel d’une nomination. L’article 26 du Règlement sur l’emploi dans la fonction publique (2000), DORS/2000‑80 (le Règlement), renferme des règles sur la communication des documents pertinents. Les dispositions pertinentes sont reproduites à l’annexe A des présents motifs.

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

[11]           Le demandeur soulève trois questions :

            1.         Le comité d’appel a-t-il commis une erreur en ne prenant pas en considération et en n’analysant pas des éléments de preuve importants?

 

2.                  Le comité d’appel a-t-il commis une erreur en n’admettant pas un témoignage pertinent?

 

3.         Le comité d’appel a-t-il commis une erreur en accueillant l’appel étant donné que le défendeur ne s’est opposé à la période additionnelle de 45 minutes qui lui avait été allouée pour terminer l’examen qu’après avoir appris qu’il avait échoué à celui‑ci?

 

LA NORME DE CONTRÔLE

[12]           Dans Dr Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, 2003 CSC 19, [2003] 1 R.C.S. 226, la Cour suprême du Canada a réaffirmé la primauté de l’analyse pragmatique et fonctionnelle relativement au contrôle des décisions administratives. Elle a écrit ce qui suit au paragraphe 25 :

25     C’est pour cette raison que, dorénavant, il ne suffit plus de classer une question donnée dans une catégorie précise de contrôle judiciaire et d’exiger sur ce fondement que le décideur ait rendu une décision correcte. De même, l’interprétation donnée par une cour de révision à une clause privative ou à un mécanisme de contrôle ne suffit plus à elle seule pour déterminer la norme de contrôle applicable [...]. La méthode pragmatique et fonctionnelle appelle une analyse plus nuancée fondée sur l’examen de plusieurs facteurs. Cette méthode s’applique chaque fois qu’une cour entreprend le contrôle d’une décision d’un organisme administratif. [...] Le contrôle des conclusions d’une instance administrative doit commencer par l’application de la méthode pragmatique et fonctionnelle. [Non souligné dans l’original.]

 

[13]           Dans Davies c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 41, 330 N.R. 283, la Cour d’appel fédérale a examiné la norme qu’un juge saisi d’une demande de contrôle judiciaire doit appliquer aux décisions d’un comité d’appel constitué en vertu de l’article 21 de la LEFP. Procédant à l’analyse pragmatique et fonctionnelle, la Cour d’appel a conclu que les pures questions de droit doivent être examinées en fonction de la norme de la décision correcte, tandis que les questions mixtes de fait et de droit doivent faire l’objet d’une plus grande retenue et sont assujetties à la norme de la décision raisonnable simpliciter.

[14]           Les parties s’entendent sur le fait que la norme qui s’applique à la question de savoir si les conclusions de la présidente sont étayées par la preuve est celle de la décision raisonnable simpliciter. Comme la juge Heneghan l’a dit clairement dans Hains c. Canada (Procureur général), 2001 CFPI 861, 209 F.T.R. 137, au paragraphe 24 :

¶ 26     À mon avis, la présente demande concerne le contrôle de la décision du Comité d’appel au regard de ses conclusions de fait sur la décision du jury de sélection, et le contrôle de l’application, par le Comité d’appel, du principe du mérite conformément à l’article 10 de la Loi. Le Comité d’appel a examiné la preuve qui lui a été présentée. La question est de savoir si les conclusions du Comité d’appel sont justifiées par cette preuve. La norme applicable est donc celle de la décision raisonnable.

 

[15]           En ce qui concerne les questions d’équité procédurale et de justice naturelle, il est clair que l’analyse pragmatique et fonctionnelle ne s’y applique pas : Sketchley c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 404, [2006] 3 R.C.F. 392, au paragraphe 52, citant Syndicat canadien de la fonction publique c. Ontario (Ministre du Travail), 2003 CSC 29, [2003] 1 R.C.S. 539, aux paragraphes 100 à 103. Comme la Cour d’appel fédérale le mentionne clairement au paragraphe 53 de l’arrêt Sketchley :

¶ 53     Selon l’arrêt [Syndicat canadien de la fonction publique de la Cour suprême du Canada], la cour de révision doit, lorsqu’elle examine une décision contestée pour des motifs d’équité procédurale, isoler les actes ou omissions qui touchent à l’équité procédurale [...]. La question de l’équité procédurale est une question de droit. Aucune déférence n’est nécessaire. Soit le décideur a respecté l’obligation d’équité dans les circonstances propres à l’affaire, soit il a manqué à cette obligation. [Non souligné dans l’original.]

 

 

 

ANALYSE

Question no 1 :            Le comité d’appel a-t-il commis une erreur en ne prenant pas en considération et en n’analysant pas des éléments de preuve importants?

 

[16]           Le demandeur affirme que les mesures correctives prises par le jury de sélection étaient suffisantes pour placer le défendeur sur un pied d’égalité avec les autres candidats qui ont passé l’examen. Pour appuyer cette affirmation, le témoin du demandeur, David Forster, a démontré qu’en raison de la nature de l’EJS l’effet combiné de la période initiale de 90 minutes et de la période additionnelle de 45 minutes a fait en sorte que le défendeur avait été évalué [traduction] « d’une manière équitable par rapport aux autres candidats » : affidavit de David Forster, au paragraphe 11.

 

[17]           Dans sa décision, la présidente a rejeté la prétention du demandeur parce que la mesure corrective avait empêché que le défendeur soit évalué en fonction des mêmes normes que les autres candidats. Comme je l’ai indiqué précédemment, la présidente a affirmé ce qui suit au paragraphe 21 de sa décision :

¶ 21     La preuve démontre que l’appelant n’a pas été assujetti aux mêmes normes que les autres candidats. Il a dû faire l’EJS deux fois, une fois le 6 juillet, alors qu’il a dû le faire dans un délai condensé, et une autre le 31 août, environ deux mois plus tard, alors qu’on lui a accordé encore moins de temps pour parcourir l’examen (30 minutes).

 

Dans sa décision, la présidente ne fait cependant aucune référence au témoignage de M. Forster, en particulier à son affirmation selon laquelle, en raison de la nature de l’EJS, le temps n’était pas un facteur important dans l’évaluation de la performance d’un candidat.

 

[18]           Se fondant sur cette omission, le demandeur soutient que la présidente a commis une erreur susceptible de contrôle en ne tenant pas compte du témoignage d’expert qui lui avait été présenté. Le demandeur s’appuie à cet égard sur la décision Cedepa‑Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), 157 F.T.R. 35, dans laquelle le juge Evans a déclaré ce que suit :

¶ 17     [...] plus la preuve qui n’a pas été mentionnée expressément ni analysée dans les motifs de l’organisme est importante, et plus une cour de justice sera disposée à inférer de ce silence que l’organisme a tiré une conclusion de fait erronée « sans tenir compte des éléments dont il [disposait] » [...]. Autrement dit, l’obligation de fournir une explication augmente en fonction de la pertinence de la preuve en question au regard des faits contestés. Ainsi, une déclaration générale affirmant que l’organisme a examiné l’ensemble de la preuve ne suffit pas lorsque les éléments de preuve dont elle n’a pas discuté dans ses motifs semblent carrément contredire sa conclusion. Qui plus est, quand l’organisme fait référence de façon assez détaillée à des éléments de preuve appuyant sa conclusion, mais qu’elle passe sous silence des éléments de preuve qui tendent à prouver le contraire, il peut être plus facile d’inférer que l’organisme n’a pas examiné la preuve contradictoire pour en arriver à sa conclusion de fait. [Non souligné dans l’original.]

 

 

[19]           Il est évident que le témoignage de M. Forster est un élément indispensable de la prétention du demandeur selon laquelle les 90 minutes additionnelles accordées à M. Clegg étaient suffisantes pour que celui‑ci se trouve dans une position équitable par rapport aux autres candidats qui avaient fait l’examen. Cependant, après avoir lu la transcription partielle de l’audience (il n’existe qu’une transcription partielle à cause d’une erreur administrative) et la décision du comité d’appel, je suis convaincu que ce dernier a pris en compte et a analysé le témoignage de M. Forster. La transcription partielle montre que la présidente a expressément examiné la position de M. Forster et a appelé celui‑ci par son nom. Cela s’est passé au début de l’audience. M. Forster a poursuivi son témoignage un peu plus tard, mais il n’existe pas de transcription de cette partie de l’audience. De plus, il ressort de la décision que le comité d’appel a pris en considération et a analysé le contenu de l’avis de M. Forster et l’a rejeté. Par conséquent, le comité d’appel n’a pas commis une erreur de droit en omettant de prendre en considération et d’analyser ce témoignage.

 

Question no 2 :            Le comité d’appel a-t-il commis une erreur en n’admettant pas un témoignage pertinent?

 

[20]           Le paragraphe 26(1) du Règlement prévoit qu’un appelant a accès à l’information contenue dans tout document « le concernant ou concernant le candidat reçu et qui est susceptible d’être communiquée au comité d’appel ». Comme le juge Phelan l’a affirmé dans Levy c. Canada (Procureur général), 2004 CF 262, 248 F.T.R. 170, au paragraphe 21, le mot « concernant » doit être interprété de manière libérale et avoir le sens de « pertinent » ou ayant un lien avec l’appelant ou le candidat reçu.

 

[21]           À l’audience, le témoin du demandeur, M. Forster, a cherché à produire la note obtenue à l’examen par l’autre candidat qui était dans la même situation que le défendeur. Le demandeur soutient que cette preuve documentaire était pertinente puisqu’elle étayait sa thèse selon laquelle les notes des candidats ne dépendaient pas du temps dont ils avaient disposé pour faire l’EJS.

 

[22]           À l’audience, la présidente du comité d’appel a refusé d’admettre la preuve au motif qu’elle n’était pas admissible en vertu de l’article 26 du Règlement. Le demandeur allègue que la présidente a mal interprété l’objet de l’article 26, affirmant que rien dans cette disposition ne lui interdit de produire des éléments de preuve concernant les notes obtenues à l’examen par un autre candidat ou ne rend ces éléments de preuve inadmissibles.

 

[23]           Comme ces éléments de preuve n’avaient pas été communiqués précédemment au défendeur, la présidente a eu raison de ne pas les admettre. Le défendeur a le droit de savoir à l’avance sur quels documents le demandeur entend s’appuyer à l’audience afin de pouvoir répondre correctement. Le demandeur aurait pu demander un ajournement de l’audience afin de communiquer ces éléments de preuve conformément à la loi, mais il ne l’a pas fait.

Question no 3 :            Le comité d’appel a-t-il commis une erreur en accueillant l’appel étant donné que le défendeur ne s’est opposé à la période additionnelle de 45 minutes qui lui avait été allouée pour terminer l’examen qu’après avoir appris qu’il avait échoué à celui‑ci?

 

 

[24]           Le demandeur soutient qu’un candidat à un processus de sélection doit s’opposer à une chose importante qui nuit à sa performance à une entrevue ou à un examen, à défaut de quoi il renonce à son droit de le faire ultérieurement. Il prétend que, comme le défendeur n’a soulevé aucune objection ou n’a fait part d’aucun problème concernant les conditions de l’examen jusqu’à ce que sa candidature soit rejetée, la présidente a commis une erreur de droit en accueillant son appel.

 

[25]           Le demandeur invoque, au soutien de sa prétention, la décision Cyr c. Canada (Procureur général) (2000), 201 F.T.R. 191, dans laquelle la juge Tremblay‑Lamer a affirmé ce qui suit aux paragraphes 18 et 25 :

 

¶ 18     La jurisprudence de cette Cour a décidé, à maintes reprises, que le candidat qui désire que le Comité de sélection tienne compte de son handicap, maladie ou tout autre facteur qui serait de nature à nuire à sa performance lors de l’entrevue ou de l’examen, doit le porter à l’attention du Comité de sélection de manière claire et non équivoque [...].

 

¶ 25     Ce n’est qu’après la publication des listes d’admissibilité que les demanderesses ont fait valoir qu’elles avaient subi des inconvénients majeurs lors de l’entrevue. Malheureusement il était trop tard.

 

[26]           Le défendeur soutient que la présente affaire est différente de l’affaire Cyr parce que [traduction] « les facteurs qui créaient des problèmes pour les candidats [dans Cyr] étaient des causes externes qui étaient indépendantes du contrôle réel du jury de sélection ou que celui‑ci ne pouvait pas connaître ». En l’espèce cependant, le jury de sélection était au courant des irrégularités du processus d’examen – en fait, il en était la cause. Le jury de sélection avait déjà été informé que s’étaient produites des irrégularités qui avaient eu des répercussions défavorables sur la performance d’un candidat.

 

[27]           Je suis d’accord avec le défendeur. Il serait déraisonnable de s’attendre à ce qu’il conteste le processus d’examen avant de savoir que sa candidature a été rejetée. La présidente dit d’ailleurs ce qui suit au paragraphe 23 de sa décision :

¶ 23     La preuve indique clairement que l’appelant a posé sa candidature au concours en vue d’avoir la chance d’être promu. Pour consolider cette chance, il devait passer par chacune des étapes de l’évaluation et les réussir. Si l’appelant avait refusé la solution des 45 minutes, la preuve laisse croire que sa participation au processus de sélection aurait pris fin à cette étape, car aucune autre solution envisagée par le ministère en vue de corriger l’erreur administrative qu’il avait commise n’était acceptable à ses yeux.

 

[28]           Le comité d’appel a conclu que le défendeur a considéré qu’il n’avait d’autre choix que de revoir l’examen pendant une période additionnelle de 45 minutes. Il aurait été exclu du concours s’il ne l’avait pas fait. Le défaut de s’opposer n’équivaut pas au principe juridique de la renonciation lorsqu’une partie doit s’opposer à un manquement à la justice naturelle dès qu’il survient si elle veut pouvoir s’appuyer sur ce manquement dans un appel subséquent. La participation du défendeur à un concours est différente de la participation à une audience judiciaire ou quasi judiciaire. Dans une audience de ce genre, la partie doit soulever une objection à la première occasion raisonnable. L’économie des ressources judiciaires justifie une telle exigence. Si une partie peut obtenir le contrôle judiciaire de décisions défavorables en ne soulevant pas les problèmes manifestes, c’est ce qu’elle fera. Cela mènera à faire double emploi des audiences (voir Mohammadian c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 309, aux paragraphes 25 et 26). Par conséquent, le comité d’appel n’a pas commis d’erreur en accueillant l’appel pour ce motif.

 

JUGEMENT

 

            LA COUR DÉCLARE :

 

1.         La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens.

 

« Michael Kelen »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

 

D. Laberge, LL.L.


Annexe A

 

 

Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.R.C. 1985, ch. P-33, et ses modifications

 

 

Nominations au mérite

10. (1) Les nominations internes ou externes à des postes de la fonction publique se font sur la base d’une sélection fondée sur le mérite, selon ce que détermine la Commission, et à la demande de l’administrateur général intéressé, soit par concours, soit par tout autre mode de sélection du personnel fondé sur le mérite des candidats que la Commission estime le mieux adapté aux intérêts de la fonction publique.

Appointments to be based on merit

10. (1) Appointments to or from within the Public Service shall be based on selection according to merit, as determined by the Commission, and shall be made by the Commission, at the request of the deputy head concerned, by competition or by such other process of personnel selection designed to establish the merit of candidates as the Commission considers is in the best interests of the Public Service.

 

Appels

 

21. (1) Dans le cas d’une nomination, effective ou imminente, consécutive à un concours interne, tout candidat non reçu peut, dans le délai fixé par règlement de la Commission, en appeler de la nomination devant un comité chargé par elle de faire une enquête, au cours de laquelle l’appelant et l’administrateur général en cause, ou leurs représentants, ont l’occasion de se faire entendre.

 

 

 

(1.1) Dans le cas d’une nomination, effective ou imminente, consécutive à une sélection interne effectuée autrement que par concours, toute personne qui satisfait aux critères fixés en vertu du paragraphe 13(1) peut, dans le délai fixé par règlement de la Commission, en appeler de la nomination devant un comité chargé par elle de faire une enquête, au cours de laquelle l’appelant et l’administrateur général en cause, ou leurs représentants, ont l’occasion de se faire entendre.

 

 

 

 

(2) Sous réserve du paragraphe (3), la Commission, après avoir reçu avis de la décision du comité visé aux paragraphes (1) ou (1.1), doit en fonction de celle-ci:

 

a) si la nomination a eu lieu, la confirmer ou la révoquer;

 

b) si la nomination n’a pas eu lieu, y procéder ou non.

 

(2.1) En cas de révocation de la nomination, la Commission peut nommer la personne visée à un poste qu’elle juge en rapport avec ses qualifications.

 

 

(3) La Commission peut prendre toute mesure qu’elle juge indiquée pour remédier à toute irrégularité signalée par le comité relativement à la procédure de sélection.

 

 

 

(4) Une nomination, effective ou imminente, consécutive à une mesure visée au paragraphe (3) ne peut faire l’objet d’un appel conformément aux paragraphes (1) ou (1.1) qu’au motif que la mesure prise est contraire au principe de la sélection au mérite.

Appeals

 

21. (1) Where a person is appointed or is about to be appointed under this Act and the selection of the person for appointment was made by closed competition, every unsuccessful candidate may, within the period provided for by the regulations of the Commission, appeal against the appointment to a board established by the Commission to conduct an inquiry at which the person appealing and the deputy head concerned, or their representatives, shall be given an opportunity to be heard.

 

(1.1) Where a person is appointed or about to be appointed under this Act and the selection of the person for appointment was made from within the Public Service by a process of personnel selection, other than a competition, any person who, at the time of the selection, meets the criteria established pursuant to subsection 13(1) for the process may, within the period provided for by the regulations of the Commission, appeal against the appointment to a board established by the Commission to conduct an inquiry at which the person appealing and the deputy head concerned, or their representatives, shall be given an opportunity to be heard.

 

(2) Subject to subsection (3), the Commission, on being notified of the decision of a board established under subsection (1) or (1.1), shall, in accordance with the decision,

(a) if the appointment has been made, confirm or revoke the appointment; or

 

(b) if the appointment has not been made, make or not make the appointment.

 

(2.1) Where the appointment of a person is revoked pursuant to subsection (2), the Commission may appoint that person to a position within the Public Service that in the opinion of the Commission is commensurate with the qualifications of that person.

 

(3) Where a board established under subsection (1) or (1.1) determines that there was a defect in the process for the selection of a person for appointment under this Act, the Commission may take such measures as it considers necessary to remedy the defect.

 

(4)  Where a person is appointed or is about to be appointed under this Act as a result of measures taken under subsection (3), an appeal may be taken under subsection (1) or (1.1) against that appointment only on the ground that the measures so taken did not result in a selection for appointment according to merit

 


Règlement sur l’emploi dans la fonction publique (2000), DORS/2000-80

 

 

 

 APPELS

 

26. (1) L’appelant a accès sur demande à l’information, notamment tout document, le concernant ou concernant le candidat reçu et qui est susceptible d’être communiquée au comité d’appel.

 

(2) L’administrateur général en cause fournit sur demande à l’appelant une copie de tout document visé au paragraphe (1).

 

(3) Malgré les paragraphes (1) et (2), l’administrateur général en cause ou la Commission peut refuser de donner accès à l’information ou aux documents ou de fournir copie des documents dont l’un ou l’autre dispose, dans le cas où cela risquerait :

a) soit de menacer la sécurité nationale ou la sécurité d’une personne;

b) soit de nuire à l’utilisation continue d’un test standardisé qui appartient au ministère de l’administrateur général en cause ou à la Commission ou qui est offert sur le marché;

c) soit de fausser les résultats d’un tel test en conférant un avantage indu à une personne.

(4) Si l’administrateur général en cause ou la Commission refuse de donner accès à de l’information ou à des documents aux termes du paragraphe (3), l’appelant peut demander au comité d’appel d’en ordonner l’accès.

 

(5) Si le comité d’appel ordonne que l’accès soit donné à de l’information ou à des documents en vertu du paragraphe (4), cet accès est assujetti, avant et pendant l’audition, aux conditions que le comité d’appel estime nécessaires pour prévenir les situations décrites aux alinéas (3)a) à c).

 

(6) L’information ou les documents obtenus en vertu du présent article ne peuvent être utilisés que pour les besoins de l’appel.

 

APPEALS

 

26. (1) An appellant shall be provided access, on request, to any information, or any document that contains information, that pertains to the appellant or to the successful candidate and that may be presented before the appeal board.

 

 (2) The deputy head concerned shall provide the appellant, on request, with a copy of any document referred to in subsection (1).

 

 (3) Despite subsections (1) and (2), the deputy head concerned or the Commission, as appropriate, may refuse to allow access to information or a document, or to provide a copy of a document, if the disclosure might

(a) threaten national security or any person’s safety;

(b) prejudice the continued use of a standardized test that is owned by the deputy head’s department or the Commission or that is commercially available; or

(c) affect the results of such a standardized test by giving an unfair advantage to any individual.

 

 (4) If the deputy head concerned or the Commission refuses to allow access to information or a document under subsection (3), the appellant may request that the appeal board order such access.

 

(5) If the appeal board orders access to information or a document under subsection (4), that access is subject, before and during the hearing, to any conditions that the appeal board considers necessary to prevent the situations described in paragraphs (3)(a) to (c) from occurring.

 

(6) Any information or document obtained under this section shall be used only for purposes of the appeal.


COUR FÉDÉRALE

                                                                

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                             T-340-07

 

INTITULÉ :                                                           LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                c.

                                                                                NEIL CLEGG

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                     OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                   LE 12 SEPTEMBRE 2007

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                           LE JUGE KELEN

 

DATE DES MOTIFS :                                          LE 21 SEPTEMBRE 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Alexandre Kaufman

 

              POUR LE DEMANDEUR

 

James L. Shields

 

              POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

 

              POUR LE DEMANDEUR

Shields et Hunt

Avocats

Ottawa (Ontario)

              POUR LE DÉFENDEUR

 

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