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Date : 20070926

Dossier : T-1485-06

Référence : 2007 CF 966  

 

Ottawa (Ontario), le 26 septembre 2007

En présence de Monsieur Orville Frenette

 

ENTRE :

PIERRE GIRARD

Demandeur

et

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

Défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Monsieur Pierre Girard (le demandeur) a déposé une demande de contrôle judiciaire, en vertu de l'article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R., 1985, ch. F-7 (LCF), à l’encontre de la décision de monsieur Clovis Dorval (le décideur), Directeur-adjoint, Division de la vérification, Bureau des services fiscaux de l’Est du Québec de l’Agence du revenu du Canada (l’ARC). Par lettre datée du 14 juillet 2006, le décideur a rejeté la demande de révision du demandeur au motif que ce dernier n’a pas été traité de façon arbitraire lors du processus de sélection #2005-3745-QUÉ-1206-1002, concernant ses compétences relativement au Travail d’équipe et collaboration (TEC).

LES FAITS

[2]               En tant qu’employé de longue date à l’ARC, le demandeur a déposé sa candidature au concours AU-03 pour le poste de vérificateur d’impôt, dans le processus de sélection #2005-3745-QUÉ-1206-1002, en date du 14 juillet, 2006.

 

[3]               Le 28 octobre 2005, le demandeur a déposé son portfolio de compétences avec les noms de trois références indiquant Roger Doucet à titre de validateur. Monsieur Bernard Lamy (l’évaluateur) a examiné les compétences du demandeur et il a ensuite choisi au hasard de contacter monsieur Roger Doucet, l’une des trois références proposées par le demandeur, afin de valider les informations inscrites dans son portfolio de compétences.

 

[4]               M. Doucet a refusé de valider les commentaires du demandeur à l’égard de ses compétences en Travail d’équipe et collaboration. Dans son affidavit, affirmé solennellement le 6 novembre 2006, M. Doucet déclare ce qui suit au paragraphe 4 :

Tel qu’il appert de ces commentaires, j’ai refusé de valider l’événement soumis pour la compétence Travail d’équipe et Collaboration par M. Girard pour les raisons suivantes :

 

a.       La méthode décrite par M. Girard avait comme origine la

      politique 83-19 émise le 30 septembre 1983 par la Direction

de la politique et des systèmes et n’avait donc rien d’innovatrice;

 

b.    Depuis l’été 2003, une directive en permettait l’utilisation dans des conditions exceptionnelles;

 

c.    M. Girard ne m’a pas proposé de présenter la « méthode » aux autres membres de l’équipe de façon formelle;

d.    Je lui ai demandé à quelques reprises de présenter, lors de réunions annuelles, un sujet et il a toujours refusé en disant qu’il ne se sentait pas à l’aise;

 

e.    M. Girard n’a pas recommandé de lui référer des membres de l’équipe qui ferait face à une situation où la « méthode » pourrait être employée. C’est plutôt moi qui l’encourageait à partager ses connaissances lors de réunion technique;

 

 

f.      Aucun commentaire concernant son apport à l’équipe fut noté lors de l’évaluation de rendement et les évaluations antérieures sauf en 2002 où il avait été jumelé à une nouvelle employée.

 

 

[5]               Face à ce refus de confirmation, M. Lamy écrivait dans son rapport du 14 novembre 2005 que la compétence du TEC avait été « non démontrée ». Par conséquent, le demandeur ne répondait pas à l’une des conditions nécessaires du poste et sa candidature fût écartée du concours.

 

[6]               Insatisfait des résultats de cette évaluation, le demandeur, alléguant que la décision était arbitraire, a d'abord demandé une rétroaction individuelle, puis une révision de la décision, qui se sont toutes deux soldées par le maintien de la décision originale. Ayant épuisé tous les recours internes, le demandeur a déposé la présente demande de contrôle judiciaire et reproche au décideur le caractère arbitraire de l'évaluation qui a été faite de ses compétences. Il demande que sa demande de révision soit remise à un autre gestionnaire pour être réévaluée.

 

QUESTIONS EN LITIGE

[7]               Les points soulevés par le demandeur se résument ainsi :

1.         Les motifs du décideur étaient-ils insuffisants?

 

2.         La décision du décideur M. Clovis Dorval était-elle arbitraire donc déraisonnable?

 

[8]               Pours les motifs qui suivent, la réponse à chacune des deux questions est négative; la présente demande sera donc rejetée.

 

ANALYSE

I - Question préliminaire : La recevabilité de l’affidavit du décideur M. Clovis Dorval

[9]               Avant d’aborder la question de fond, la Cour examinera la question préliminaire du demandeur selon laquelle l’affidavit du décideur M. Clovis Dorval, déposée par le répondeur est irrecevable.

 

[10]           La jurisprudence nous enseigne que les décideurs ou membres des tribunaux ont un devoir d’impartialité et ne devraient pas descendre dans l’arène partisane en déposant des affidavits au soutien d’une partie ou de l’autre dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire (voir Graphic Communications Union, Local 41M c. Ottawa Citizen, a Division of Southam Inc., [1999] O.J. No. 4712 (Cour Div.) au paragraphe 13 et Maurice c. Canada (Conseil du Trésor), [2004] A.C.F. No. 1165 au paragraphe 17).

 

[11]           Toutefois, comme le souligne le demandeur, il y a de nombreuses exceptions à cette règle générale, notamment, lorsque l’affidavit du décideur serait souhaitable. Par exemple : l’affidavit du décideur serait considéré indispensable à l’éclaircissement des aspects procéduraux; les motifs de la décision sont sous forme de notes ou encore la juridiction du décideur est remise en question. Le demandeur soumet qu’aucune de ces exceptions à la règle n’est applicable en l’espèce.

 

[12]           Ayant examiné l’affidavit du décideur, je suis d’avis que l’affidavit est recevable puisqu’il est fait en bonne et due forme. En outre, l’affidavit est conforme à l’exception visant à éclaircir des aspects procéduraux. Or, dans le troisième et quatrième paragraphe de son affidavit, M. Dorval présente des faits donnant un aperçu sur la procédure suivie lors de la révision de la décision originale. En effet, l’affidavit nous informe qu’il a d’abord pris rendez-vous avec le demandeur. Ensuite, il a écouté les enregistrements de l’entrevue entre le demandeur et M. Lamy. Enfin, il a procédé à un examen de tous les documents pertinents avant de prendre la décision contenue dans la lettre du 14 juillet 2006. Voici les paragraphes 3 et 4 dudit affidavit :

3.         Dans le cadre de la révision, j’ai rencontré monsieur Girard le 15 juin 2006 afin de prendre connaissance des motifs qui soutiennent, selon lui, une conclusion à l’effet que le processus fut mené d’une façon arbitraire.

 

4.         Après avoir écouté les enregistrements de l’entrevue de monsieur Pierre Girard avec monsieur Lamy, rencontrer monsieur Girard et pris connaissance de tous les documents pertinents, j’ai conclu, dans une lettre adressée à ce dernier en date du 14 juillet 2006, que rien dans le processus appuie les prétentions de monsieur Girard à l’effet qu’il a fait l’objet d’un traitement arbitraire.

 

[13]           La Cour accepte donc l’affidavit de M. Dorval puisqu’il s’agit d’un éclaircissement sur les aspects procéduraux dont les parties n’ont pas eu connaissance. Par la lettre du 14 juillet 2006 et l’esprit de cet affidavit, il y a lieu de constater qu’il s’agit plutôt d’un souci de transparence que d’un soutien de partisan visant à démontrer que le décideur a eu raison sur le fond.


LA NORME DE CONTRÔLE APPLICABLE

[14]           L’approche pragmatique et fonctionnelle exige la vérification de l’intention du législateur au moyen des quatre facteurs contextuels identifiés par la Cour Suprême dans les arrêts suivant : Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982; Dr. Q. c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] R.C.S. 226. Ces facteurs sont : la présence ou l’absence dans la loi d’une clause privative ou d’un droit d’appel, l’expertise du Tribunal ou du décideur quant à la question en litige et la nature de la question posée. Dans l’arrêt Anderson c. Canada (Agence des douanes et du revenu), [2003] A.C.F. no. 924, ma collègue la juge Dawson a choisi la norme de la décision manifestement déraisonnable concernant la demande de contrôle judiciaire d’un employé de longue durée de l’Agence des douanes et du revenu (ADRC), qui avait sollicité, sans succès, un poste de chef d’équipe.

 

II- Recouvrements (PM-04)

[15]            Elle a rejeté la demande de contrôle judiciaire, décidant que l’employé avait été traité d’une manière équitable. Dans un arrêt plus récent, Beaulieu c. Canada (Procureur Général), 2006 CF 1308, le juge de Montigny a opté pour la norme de décision simplement déraisonnable dans un litige qui relevait de l’application de l’ADRC, concernant la candidature du demandeur à un poste de vérificateur-enquêteur au niveau AU-2. La demande de contrôle judiciaire fut rejetée pour le motif principal que la décision du jury de sélection, qui n’avait pas retenu la candidature de M. Beaulieu, n’était pas arbitraire.

 

 


LES MOTIFS DU DÉCIDEUR SONT-ILS SUFFISANTS DANS CE DOSSIER?

[16]           Le demandeur allègue que la révision confirmant la décision originale ne couvre que deux pages et que son contenu se limite à une définition du mot « arbitraire » tout en demeurant silencieux sur les raisons voire le processus de révision lui-même. Il soumet aussi que ces motifs sont insuffisants et contraires au principe d’équité procédurale et mériteraient l’intervention de cette Cour.

 

[17]           Au soutien de cette proposition, le demandeur renvoie la Cour à la décision de notre collègue le juge Simon Noël, dans Vennat c. Canada (Procureur général), [2006] A.C.F. no. 1251 aux paragraphes 90 et 93, qui se lisent comme suit :

90   Les tribunaux ont tendance à considérer que des motifs tels que ceux-ci sont insuffisants. Citant plusieurs décisions, le professeur Garant résume bien l'évolution de l'exigence de motivation dans son ouvrage Droit administratif, 5e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2004, aux pages 825 à 832. Il explique certains principes permettant d'évaluer la suffisance des motifs, aux pages 829 et 830 :

 

La Cour d'appel fédérale affirme que cette obligation n'implique pas la divulgation dans les moindres détails de la décision.

 

[...]

 

Cette motivation peut être exprimée en termes généraux conformément à la nature administrative des décisions et à l'ampleur du pouvoir discrétionnaire conféré au décideur. Elle peut être brève sans être incomplète ou arbitraire; la décision peut être "laconique et technique ... sans être "dépourvue de motifs".

 

Néanmoins, un tribunal administratif ne doit pas se contenter d'écrire que sa preuve était insuffisante. [...]

La motivation doit être "suffisante et intelligible", même si elle est quelque peu alambiquée et s'il faut considérer la décision dans son ensemble; une décision sera considérée intelligible si le décideur, tenant compte de l'ensemble de la preuve dans son appréciation des faits, développe un raisonnement logique à partir des faits de la cause"

 

[...]

 

Une décision qui ne comporte aucune analyse de la preuve sera considérée comme non motivée.

 

[...]

 

Lorsqu'un tribunal écarte carrément un élément de preuve contradictoire, il faut "qu'il motive minimalement ce choix". [Notes omises.]

 

93   En effet, il n'y a rien dans le décret de destitution ou dans la lettre qui puisse être qualifié d'analyse ou de raisonnement, et les motifs ne font aucunement mention de la position présentée par le demandeur. Le lecteur ne voit dans le décret et la lettre que des conclusions, soit la perte de confiance et le constat d'incompatibilité de la conduite du demandeur avec la poursuite de ses fonctions. Il aurait dû y avoir un minimum de raisonnement ou d'analyse. Le demandeur n'a pas été informé de la raison du rejet des arguments présentés oralement et par écrit.

 

 

[18]           Bien que je sois entièrement d’accord avec ces paragraphes, il faut les lire dans le contexte de l’affaire Vennat, dont les circonstances se distinguent clairement des faits en l’espèce. D’abord, le juge Noël a été appelé à se prononcer sur le contenu d’une lettre de congédiement du président d’une institution publique qui s’était doté d’une prérogative d’inamovibilité sans explication adéquate. Il était donc indispensable de fournir des explications approfondies. En revanche, dans le cas présent, il ne s’agit pas du licenciement d’un employé mais de l’inéligibilité de ce dernier à poursuivre le processus de sélection.

[19]           Ensuite, dans la décision Vennat, tel que le souligne mon collègue le juge Noël, le décideur était la Gouverneur en Conseil, qui tient son autorité du pouvoir exécutif. Ce qui n’est ni judiciaire ni quasi judiciaire. Dans le cas présent, il s’agit de la révision d’une décision rendue dans le cadre d’un processus de sélection qui est soumis à des directives procédurales précises.

 

[20]           Enfin, le demandeur invite la Cour à considérer les paragraphes 90 et 93 du jugement Vennat alors que dans les circonstances actuelles, les paragraphes 91 et 92 nous instruisent ce qui suit :

91   Bien qu'utiles à titre indicatif, ces balises ne doivent pas nécessairement être appliquées de façon stricte à la Gouverneure en conseil lorsqu'elle prend la décision de congédier un titulaire de charge publique nommé à titre inamovible. Le défendeur a attiré l'attention de la Cour sur l'extrait suivant de la décision Knight c. Indian Head School Div. No. 19, précité, à la page 685 :

 

Dans le même ordre d'idées, l'obligation de donner des motifs ne comporte pas nécessairement la révélation complète par l'organisme administratif de toutes les raisons du renvoi de l'employé; il s'agit plutôt de lui communiquer les raisons générales de manière à lui indiquer en substance ce qui a motivé le renvoi. [Note omise.]

 

92   Il ne faut pas imposer à la Gouverneure en conseil une obligation de motiver de même nature que celle qui incombe aux tribunaux judiciaires ou quasi judiciaires. Cela dit, il y a tout de même une obligation de motiver qui s'impose, soit celle d'informer la personne intéressée des motifs de la révocation tout en tenant compte de la position que celle-ci a présentée. En l'espèce, les motifs donnés au demandeur par la Gouverneure en conseil ne m'apparaissent pas remplir cette obligation d'informer adéquatement le demandeur des motifs des décisions. Je n'ai d'autre choix, en de telles circonstances, que de constater que l'obligation de motiver la décision incombant à la Gouverneure en conseil a été violée en l'espèce.

 

[21]           Dans le cas qui nous occupe, la nature de la décision de révision ne demandait pas plus du décideur que de respecter les consignes de l’annexe « L » de la Directive sur les recours en matière de dotation de l’ARC qui, comme le souligne le défendeur, établit et gouverne la révision d’une décision de dotation.

 

[22]           En effet, l’annexe « L » de la Directive sur les recours en matière de dotation de l’ARC est un document détaillé donnant des consignes sur la révision d’une décision, y compris le délai et le contenu des motifs écrits. Les passages pertinents de cette Directive lisent comme suit :

b) Processus de révision de la décision

La personne autorisée responsable de l’activité de dotation :

[. . .]

 

Rendra la décision dans les 20 jours ouvrables suivant la réception de la demande de révision, dans la langue officielle choisie par l’employé, compte tenu des besoins opérationnels. La décision écrite n’est pas une transcription de tout ce qui s’est dit ou fait durant la révision, mais plutôt un compte-rendu des conclusions. [. . .]

b) Procedure for the review of decisions

The person responsible for rendering a review decision:

 

[. . .]

 

Issue the decision in writing with 20 working days of the receipt of the request for Decision Review, subject to operational requirements in the preferred official language of the employee. The written decision is not a record of everything that was said and done during the review, but rather a record of the findings.

[. . .]

 

 

[23]           Pour toutes ces raisons, je constate que le décideur n’a pas manqué à son devoir dans sa décision écrite du 14 juillet 2006.

 

LA DÉCISION DU DÉCIDEUR ÉTAIT-ELLE RAISONNABLE?

III- La norme de contrôle

[24]           L’étude détaillée des quatre facteurs de l’analyse pragmatique et fonctionnelle à laquelle les avocats des parties a été suivie afin de déterminer la norme de contrôle applicable en l’espèce. Puisqu’il s’agit d’une question mixte de fait et de droit, il a adopté la norme de contrôle de la décision raisonnable.

 

[25]           C’est la norme de contrôle qui a été adoptée dans des circonstances identiques, par mon collègue le juge Yves de Montigny dans l’affaire, Beaulieu c. Canada (Procureur général), 2006 CF 1308. Après avoir procédé à l’analyse des quatre facteurs, le juge de Montigny a déclaré ceci au paragraphe 36, ce qui suit :

Ayant soupesé ces différents facteurs, j'en suis venu à la conclusion que la norme de contrôle applicable à la décision prise par M. Paquin est celle de la décision simplement déraisonnable. Cela signifie que cette Cour ne doit intervenir que dans la mesure où la décision dont on demande la révision n'est étayée par aucun motif capable de résister à un examen assez poussé. Comme l'affirmait le juge Iacobucci dans l'arrêt Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.C.S. 247, aux paragraphes 55 et 56 :

 

55        La décision n'est déraisonnable que si aucun mode d'analyse, dans les motifs avancés, ne pouvait raisonnablement amener le tribunal, au vu de la preuve, à conclure comme il l'a fait. Si l'un quelconque des motifs pouvant étayer la décision est capable de résister à un examen assez poussé, alors la décision n'est pas déraisonnable et la cour de révision ne doit pas intervenir (Southam, par. 56). Cela signifie qu'une décision peut satisfaire à la norme du raisonnable si elle est fondée sur une explication défendable, même si elle n'est pas convaincante aux yeux de la cour de révision (voir Southam, par. 79).

 

56        Cela ne signifie pas que chaque élément du raisonnement présenté doive passer individuellement le test du caractère raisonnable. La question est plutôt de savoir si les motifs, considérés dans leur ensemble, sont soutenables comme assise de la décision. Une cour qui applique la norme de la décision raisonnable doit toujours évaluer si la décision motivée a une base adéquate, sans oublier que la question examinée n'exige pas un résultat unique précis. De plus, la cour ne devrait pas s'arrêter à une ou plusieurs erreurs ou composantes de la décision qui n'affectent pas la décision dans son ensemble.

 

           

[26]            Le demandeur soutient que le débat devait se faire selon la norme de la décision correcte, en se fondant sur les arrêts suivants : Canada (Procureur général) c. Boucher, 2005 CAF 77; Sketchley c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 404, paragraphes 90 et 91. Les cas d’espèces dans ces dossiers, ne s’apparentent pas à ceux du présent dossier.

 

[27]           La norme à suivre ici sera celle de la décision simplement raisonnable tel qu’établie précédemment dans l’arrêt Beaulieu.

 

[28]            Le demandeur allègue que le décideur n’a pas respecté nombre de ses droits. Tout d’abord, le demandeur reproche au décideur le caractère arbitraire de son choix de référence. Le décideur n’a choisi qu’une seule référence parmi les trois personnes proposées par le demandeur dans son portfolio de compétences. Le défendeur rejette cet argument sur la base que l’évaluateur, M. Lamy avait entière discrétion pour choisir une référence. Il n’avait pas de raison particulière pour sélectionner M. Doucet comme référence quant à la vérification des compétences déclarées du demandeur.

[29]           Ayant lu attentivement l’ensemble des documents, je constate que le processus n’a pas été arbitraire. En effet, dans l’Avis d’offre d’emploi du dossier du demandeur, vol. 1 onglet A, on peut lire parmi d’autres, ce qui suit à l’égard de l’expérience des candidats, à la page 3 sur 8 :

Veuillez fournir dans votre demande de candidature les coordonnées (nom et numéro de téléphone) d’une personne qui est en mesure de corroborer votre expérience.

(Emphase dans l’originale)

 

[30]           La même demande est répétée à la page 6 sur 8, et juste avant la section intitulée NORMES D’ÉVALUATION, à savoir :

Veuillez fournir dans votre demande de candidature les coordonnées (nom et numéro de téléphone) d’une personne qui est en mesure de corroborer votre expérience.

(Emphase dans l’originale)

 

[31]           Il s’avère de cette information que les candidats et les candidates ont été invités à deux reprises à fournir les coordonnées d’une personne et non pas de trois personnes comme le demandeur le suggère. Le fait que le demandeur ait présenté les noms de trois personnes au lieu d’une seule personne qui soit en mesure de corroborer son expérience a mis le décideur devant l’embarras du choix, ce qui n’a rien d’arbitraire.

 

[32]           En effet, qu’en est-il du choix dit arbitraire de monsieur Lamy? Selon les documents au dossier, monsieur Lamy a choisi monsieur Doucet comme « validateur » des expériences offertes par le demandeur. Le nom de monsieur Doucet a été fourni par le demandeur. De plus, monsieur Doucet, la personne responsable de la validation du demandeur, avait déjà dans le passé adopté des évaluations positives au demandeur; il n’y avait donc pas de raison de croire que monsieur Doucet refuserait de valider les propos de ce dernier. Nulle part dans la directive voit-on que le demandeur était obligé de nommer plus d’une personne pour valider l’évaluation.

 

[33]           Or, il appert des documents que M. Doucet, dont la fonction est décrite comme «Coordonnateur d’équipe,» était habilité à se prononcer sur le TEC et les expériences décrites par le demandeur dans son portfolio de compétences dans ce domaine précis, en l’occurrence le travail d’équipe et de collaboration. Dans ces circonstances, je ne peux que constater qu’il était raisonnable que le décideur ne voit rien d’arbitraire dans la décision originale. En arrivant à la conclusion de la révision, la procédure telle que décrite dans l’affidavit du décideur n’était ni arbitraire, ni déraisonnable.

 

LE DÉCIDEUR A OMIS DE FOURNIR DES MOTIFS SUFFISANTS AU SOUTIEN DE SA DÉCISION

[34]           Il faut rappeler ici que les directives de l’ADRC quant au processus de sélection de ce poste sont élaborées #2005-3745-QUÉ-1206-1002. Elles énumèrent les exigences requises pour divers postes postulés et le processus quant au choix des candidats éligibles et qualifiés. Pour le poste convoité, les directives du processus de sélection, sont à la page 6 ce qui suit :

NORMES D’ÉVALUATION

 

Différentes méthodes pourront être utilisées pour évaluer votre candidature, dont :

 

·                 Test(s) standardisé(e)

·                 Examen(s) écrit(s)

·                 Entrevue(s)

·                 Vérification des références

·                 Rapport de gestion du rendement de l’employé

(Emphase dans l’originale)

 

La page 7 de ces directives énumère les compétences particulières, dont celui de :

 

COMPÉTENCES COMPORTEMENTALES

 

Travail d’équipe et collaboration- niveau 2 -3 (outil EEC)

Communication interactive efficace- niveau 2 -3 (outil EEC)

(Emphase dans l’originale)

 

 

[35]           Le décideur n’a pas été recommandé le demandeur quant à l’exigence « travail d’équipe et collaboration » et les motifs de cette évaluation sont énumérés en détail par Roger Doucet. Le validateur Clovis Dorval, dans sa décision du 14 juillet 2007, (objet de cette demande de contrôle judiciaire), rendit sa décision au moyen d’une lettre de deux pages, en date du 14 juillet 2006 adressée à M. Girard. Il écrivait alors :

Afin de rendre une décision éclairée, j’ai pris connaissance de toute la documentation pertinente, j’ai écouté l’enregistrement des parties de votre entrevue d’évènement comportementale se rapportant à la compétence visée et je vous ai rencontré le 15 juillet 2006 pour que vous puissiez me faire part de vos commentaires.

 

Suite à tout cela, je n’ai pas de raison de croire que vous avez fait l’objet d’un traitement arbitraire et, en conséquence, je ne recommande aucune mesure corrective 

 

M. Dorval signe la lettre comme Directeur adjoint, Division de la vérification, BSF de l’Est-du Québec. Ceci me fait conclure qu’il était suffisamment habilité pour l’exercice du décideur dans ce dossier.

 


AURAIT-IL DÛ ÉTABLIR DES MOTIFS PLUS CONCRETS COMMET LE PRÉTEND LE DEMANDEUR?

[36]           Le dossier démontre que le demandeur était parfaitement au courant des péripéties de ce dossier et des motifs de sa non-qualification sous l’exigence de « travail d’équipe et collaboration ». Il a épuisé tous les recours prévus au processus interne de grief. Il a eu l’opportunité de faire valoir tous ses griefs lors de l’entrevue avec le décideur Clovis Dorval. Le fait que le même décideur Roger Doucet, l’avait déjà validé dans le passé dans un autre processus de sélection, n’a aucune incidence avec le présent litige.

 

[37]           En droit administratif, il est bien reconnu qu’aujourd’hui les décideurs doivent révéler les motifs qui les ont incités à rendre leurs décisions. Ceci est nécessaire en particulier pour les fins d’appel et de demande de contrôle judiciaire. Les motifs doivent être intelligibles et suffisants, évaluant aussi les arguments des parties au litige, voir : Administrative Law 3rd ed., Professeur David Mullan, Carswell , aux pages 282 à 287; Droit administratif par Professeur Patrice Garant, 5e ed., Édition Blais Inc. Cowansville, 2004, aux pages 825 à 832.

 

[38]           La suffisance des motifs ont été évalués, en fonction des circonstances de chaque cas de l’espèce, voir : Via Rail Canada Inc. c. Office Nationale des transports, [2001] 2 CF 25 (Cour d’appel); Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817. L’arrêt Kindler c. Canada (Ministère de la justice), [1987] 2 C.F. 145, confirmé à [1999] 2 R.C.S. 779 (Cour Suprême du Canada). Dans l’arrêt Kindler, il s’agissait d’une demande de contrôle judiciaire à l’encontre d’une décision du ministre de la Justice ordonnant le renvoi au défendeur au États-Unis, et ce, en vertu de la loi d’extradition entre le Canada et les États-Unis, concernant un individu condamné pour meurtre.

 

[39]           Inter alia, le demandeur appelant soutenant que le ministre d’avait pas élaboré les motifs de sa décision défavorable. Le juge Rouleau de la Cour fédérale avait statué que l’obligation du décideur était de fournir des motifs adéquats pour justifier sa décision. Par ailleurs, il reconnut que le ministre n’était pas obligé d’élaborer des motifs sur tous les « éléments imaginables » et que l’absence de mention de tous les motifs, ne signifiait pas qu’il ne les avaient pas considérés.

 

ANALYSE

[40]           Dans le présent dossier, le demandeur a eu le bénéfice d’une décision primaire et d’une révision interne de sa demande durant lesquelles les motifs du refus de valider l’évènement soumis pour la compétence « travail d’équipe et collaboration » lui ont été clairement expliqués.

 

[41]           La décision du décideur M. Clovis Dorval a repris le même thème et le demandeur fut interviewé par le décideur alors qu’il eu l’occasion de faire valoir ses doléances. La décision rendue fut brève mais elle a couvert toute la question soulevée. Il a satisfait les exigences de la directive du reviseur en matière de dotation. Voir page 9 du l’annexe L, où il est énoncé :

[...] La décision écrite n’est pas une transcription de tout ce qui s’est dit ou fait durant la révision, mais plutôt un compte-rendu des conclusions. (Souligné ajoutés)

 

 

[42]           Finalement, le demandeur soulève le fait que le reviseur a choisi de ne vérifier qu’une seule référence au lieu de trois. Il pourrait à la vigueur être argumenté qu’il aurait dû consulter les trois références, mais à mon avis, le défaut de ce faire, ne constitue pas un manquement assez sérieux pour justifier une intervention judiciaire. Lorsqu’un considère l’ensemble des faits établis dans ce dossier et les raisons du décideur, il faut conclure qu’il a respecté le devoir d’équité en motivant suffisamment sa décision pour satisfaire à ses obligations. Il n’était pas obligé d’expliquer en détail toutes les considérations qui l’ont conduit à sa décision. Voir Ozdemir c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] A.C.F. no. 1646; Kindler c. Canada (Ministère de la justice), [1987] 2 C.F. 154 et [1989] CF 492 confirmé à [1991] 2 R.C.S. 779. En résumé, le demandeur n’a pas été traité arbitrairement et ses griefs ne sont pas fondés.

 

[43]           Bien que je sois sensible aux autres griefs du demandeur, il ne m’a pas convaincu quant au fait que la décision ou de la façon d’y parvenir soit déraisonnable.

 

[44]           Le demandeur a souhaité obtenir des dépens en tout état de la cause. Les circonstances ne me permettent pas d’accueillir sa demande.

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE ET ADJUGE que

[1]   La demande de contrôle judiciaire soit rejetée;

[2]   Chaque partie assume leurs propres dépens.

 

 

 

 

« Orville Frenette »

Juge suppléant

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-1485-06

 

INTITULÉ :                                       PIERRE GIRARD c.

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                           

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Ottawa, (ON)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 17 septembre 2007

 

MOTIFS DE JUGEMENT

ET JUGEMENT PAR :                     M. Orville Frenette

 

DATE DES MOTIFS :                      le 26 septembre 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Sean T. McGee                                                            POUR LE DEMANDEUR

Julie C. Skinner

 

Me Philippe Lacasse                                                       POUR LE DÉFENDEUR

Me Yannick Landry

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Nelligan O’Brien Payne s.r.l.                                         POUR LE DEMANDEUR

Ottawa, (ON)

 

 

John Sims, C.R.

Sous-procureur général du Canada                                 POUR LE DÉFENDEUR

Ministère de la Justice Canada

Ottawa (ON)

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