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Date : 20071001

Dossier : T-603-06

Référence : 2007 CF 983

Ottawa (Ontario), le 1er octobre 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE ORVILLE FRENETTE

 

ENTRE :

GORDON POLSON

demandeur

 

et

 

COMITÉ ÉLECTORAL DE LA PREMIÈRE NATION DE LONG POINT (CÉPNLP) - Mme JESSICA POLSON, en sa qualité de présidente, Mme VERONICA POLSON,

en sa qualité de fonctionnaire électorale, et Mme APRILE WABIE,

en sa qualité de membre du personnel électoral

défendeurs

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]     Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle le comité électoral de la Première nation de Long Point (le comité électoral) a rejeté la demande d’appel du demandeur. Le demandeur sollicite diverses ordonnances : une ordonnance déclarant que [traduction] « les coutumes électorales des Anishinabe de Long Point, en date du 20 septembre 2002, constituent le code électoral reconnu en droit tant que la révision de ce code et l’adoption d’un nouveau code ne seront pas faites en bonne et due forme par une assemblée générale des citoyens de la Première nation de Long Point »; une ordonnance déclarant que [traduction] « l’appel interjeté par le demandeur est légitime »; [traduction] « une ordonnance de mandamus pour la convocation d’une assemblée générale officielle pour résoudre les questions directement liées au processus électoral des Anishinabe de la Première nation de Long Point »; une [traduction] « ordonnance de certiorari annulant la décision du comité électoral de rejeter la demande d’appel du demandeur ». Le demandeur allègue principalement qu’il y a eu irrégularité dans le processus de modification prévu dans les [traduction] Coutumes électorales des Anishinabe de Long Point (les Coutumes électorales) et que, pour cette raison, l’élection tenue en février 2006 sous le régime des Coutumes électorales récemment révisées était viciée.

 

CONTEXTE

 

[2]     Le demandeur est un citoyen de la Première nation de Long Point (la PNLP) et un membre inscrit de la communauté algonquine de Winneway, qui compte 550 habitants. La PNLP est une bande indienne au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur les Indiens, L.R.C. (1985), ch. I-5., dont le conseil est choisi conformément aux coutumes de la bande.

 

[3]     Les Coutumes électorales, le premier code électoral écrit, ont été adoptées en 1998; elles comprennent les dispositions réglementaires en matière procédurale qui régissent les élections du conseil au sein de la PNLP. Elles ont été modifiées en 1999, 2001 et 2002. Elles prévoient notamment la tenue d’une réunion préparatoire avant chaque élection pour confirmer ou modifier, avant la tenue de l’élection, les Coutumes électorales en vigueur. Le chef et le conseil doivent envoyer un avis à chacun des membres de la communauté pour les informer de l’ordre du jour de la réunion préparatoire à l’élection.

 

[4]     Comme il fallait réviser et mettre à jour les Coutumes électorales de 2002, le demandeur a, le 7 juin 2004, offert ses services professionnels et a alors été engagé pour fournir des services d’appui technique. Il devait consulter la population et recueillir de l’information auprès d’elle concernant les Coutumes électorales en vigueur. Lors d’une réunion préparatoire à l’élection tenue le 9 août 2004, les membres de la communauté ont été informés de la décision du Conseil d’avoir recours aux services professionnels du demandeur.

 

[5]      La présentation des résultats devait être effectuée au cours de la réunion préparatoire du 31 août 2004, mais cette réunion a été reportée au 28 octobre 2004 en raison de circonstances exceptionnelles. Le demandeur n’a pas pu s’y présenter et elle a de nouveau été ajournée, au 1er novembre 2004. Finalement, l’assemblée a décidé de maintenir en vigueur les Coutumes électorales de 2002 en vigueur pour l’élection prévue en 2004 en raison de circonstances exceptionnelles, à savoir la crise forestière qui sévissait à Twin Rapid. Les élections de 2005 ont donc été tenues sous le régime des Coutumes électorales de 2002.

 

[6]     Le 19 octobre 2005, le chef et le conseil ont convoqué une réunion préparatoire à l’élection en vue de réviser les Coutumes électorales de 2002 en prévision de l’élection de 2006. L’assemblée a d’abord nommé les membres du comité électoral puis a procédé à la révision des Coutumes électorales de 2002. Un membre a déclaré qu’il fallait offrir au demandeur la possibilité de présenter les résultats de son sondage. Il a été décidé que l’assemblée examinerait les résultats du sondage effectué par le demandeur, présentés dans le document « Our Voice is Collective », avant d’adopter les Coutumes électorales révisées. La réunion a alors été ajournée au 25 octobre 2005; l’assemblée a ensuite décidé d’ajourner à nouveau la réunion préparatoire à l’élection afin de permettre au demandeur de présenter les résultats de son sondage le 1er novembre 2005.

 

[7]      La présidente de l’élection a ensuite reçu du demandeur deux lettres concernant la résolution du 25 octobre 2005. Dans la deuxième lettre, le demandeur a soulevé pour la première fois la question de sa rémunération pour la présentation des résultats du sondage et a fait savoir qu’il ne serait pas en mesure d’assister à la prochaine réunion. Estimant ne pas avoir le pouvoir d’autoriser les dépenses, la présidente de l’élection a communiqué avec le chef et le conseil. Une réunion a été tenue le 4 novembre 2005 et il a été décidé que la PNLP ne disposait pas des fonds nécessaires pour payer la présentation du demandeur. En conséquence, des réunions ont été tenues par le chef et le conseil et le comité électoral y a assisté pour travailler sur les modifications à apporter aux Coutumes électorales et étudier le rapport du demandeur sur les résultats de son sondage.

 

[8]     Le 1er novembre 2005, la réunion préparatoire à l’élection a à nouveau été ajournée au 16 novembre 2005; cette réunion a toutefois elle aussi dû être reportée parce que l’avis de trois jours n’avait pas été dûment donné. Un avis a été envoyé le 14 janvier 2007 et la réunion préparatoire à l’élection sur la révision des Coutumes électorales de 2002 a finalement eu lieu le 17 janvier 2006. Les points à l’ordre du jour dans l’avis envoyé aux membres de la communauté comprenaient la présentation à l’assemblée générale, par le conseil, des Coutumes électorales ainsi que l’examen et l’adoption de celles‑ci. L’assemblée générale a voté et adopté à l’unanimité les modifications apportées aux Coutumes électorales. Le demandeur n’a plus jamais été consulté sur les résultats de son sondage. Toutefois, le procès‑verbal de la réunion du 17 janvier 2006 indique que le Conseil a examiné les Coutumes électorales ainsi que les résultats du sondage mené par le demandeur, « Our Voice is Collective ».

 

[9]      Le 15 février 2006, une élection générale a été tenue sous la direction du comité électoral et sous le régime des Coutumes électorales de 2006 nouvellement modifiées. Le demandeur a alors contesté la validité de ces élections dans une lettre datée du 23 février 2006, principalement parce qu’il estimait que le processus de révision des Coutumes électorales n’avait pas été bien suivi et démontrait l’existence d’un parti pris. Dans une lettre datée du 2 mars 2006, le comité électoral a rejeté l’appel, ce qui a amené le demandeur à demander le contrôle judiciaire de cette décision.

 

[10]  Le comité électoral a nié au demandeur le droit d’interjeter appel dans les termes suivants :

[traduction]

 

[…]

 

La présente lettre est une réponse à votre appel, que nous avons reçu le 28 février 2006 par voie de courrier recommandé. Les membres du comité électoral se sont réunis pour décider si l’appel est légitime au sens de l’article VII – 7.2 des « Coutumes électorales des Anishnabeg de Long Point », dûment adoptées par les membres de la communauté lors de la réunion préparatoire à l’élection qui s’est tenue le 17 janvier 2006.

 

Au terme d’une analyse exhaustive de votre lettre et d’un examen sérieux, le comité électoral a décidé de rejeter votre demande d’appel. Il importe, pour le comité électoral, de souligner que votre lettre d’appel ne renvoie à aucun fait ni à rien qui constituerait un motif raisonnable de croire qu’il y a eu violation ou contravention au sens des alinéas a) à c) de l’article 7.1 des  « Coutumes électorales des Anishinabeg de Long Point ».

 

En d’autres termes, il n’y a rien, même à première vue, susceptible de constituer un moyen d’appel. Les allégations et hypothèses ne reposent sur rien. Vous ne soulevez rien qui puisse constituer un moyen raisonnable d’appel. La controverse, la suspicion et les susceptibilités ne constituent en rien un moyen d’appel.

 

Par conséquent, en application de l’article 7.2 des « Coutumes électorales de la bande Anishinabeg de Long Point », le comité électoral conclut que votre appel n’est pas légitime.

 

En conclusion, je n’opposerai de réponse à aucun de vos points de vue puisque je crois fermement que nous avons tenu l’élection d’une manière des plus honnêtes et sincères.

 

[…]

 

QUESTIONS EN LITIGE

[11]       Les parties ont soulevé diverses questions, qui peuvent être reformulées comme suit :

• Quelle est la norme de contrôle applicable?

• Le Conseil a-t-il omis de suivre la procédure prévue dans les Coutumes électorales de 2002 lorsqu’il a modifié celles‑ci?

 

• Le comité électoral a-t-il commis une erreur en rejetant l’appel du demandeur?

• Le comité électoral avait‑il le devoir d’agir équitablement envers le demandeur et a‑t‑il manqué à ce devoir?

 

• La menace de la présidente du comité électoral d’expulser d’une réunion un membre de la communauté constitue‑t‑elle une violation des droits de la personne?

 

 

ANALYSE

 

I -        Questions préliminaires

 

[12]           Les défendeurs ont d’abord contesté la validité des affidavits du demandeur et de Earl Polson, faisant valoir qu’ils sont [traduction] « tendancieux, opiniâtres, truffés d’arguments et d’hypothèses » et qu’ils s’appuient sur du ouï‑dire et des opinions non fondées sur une connaissance personnelle; ces affidavits sont par conséquent contraires à l’article 81 des Règles de la Cour fédérale, DORS/98-106 (les Règles).

 

[13]           Je conviens avec les défendeurs que les affidavits présentés par le demandeur et Earl Polson ne se rapportent pas directement à des faits dont ils avaient une connaissance personnelle. Leur contenu aurait dû être repris en grande partie dans l’exposé des faits et du droit. Comme il est bien établi que les affidavits doivent se limiter à la présentation des faits, je n’accorderai que peu de poids aux affidavits du demandeur.

 

[14]           Les défendeurs font également valoir que le demandeur n’avait aucun intérêt au sens de l’article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7 (la Loi), puisqu’il n’est pas « directement touché par l’objet » du processus de modification. Le demandeur n’a pas établi qu’il avait subi un préjudice ou des dommages particuliers.

 

[15]           Les défendeurs allèguent également que la demande ne satisfait pas à l’exigence énoncée à l’article 302 des Règles :

302.  Sauf ordonnance contraire de la Cour, la demande de contrôle judiciaire ne peut porter que sur une seule ordonnance pour laquelle une réparation est demandée.

302. Unless the Court orders otherwise, an application for judicial review shall be limited to a single order in respect of which relief is sought.

 

Comme la demande vise deux décisions prises par deux organismes distincts, soit la décision des électeurs de modifier les Coutumes électorales et la décision du comité électoral de rejeter l’appel du demandeur, les défendeurs estiment que la Cour fédérale devrait radier le premier volet. La Cour fédérale a le pouvoir discrétionnaire de renoncer au respect de la condition selon laquelle une demande de contrôle judiciaire doit se limiter à une seule ordonnance, mais le demandeur doit alors établir que les diverses ordonnances font partie d’un processus continu.

 

[16]        Les défendeurs font valoir en outre que le demandeur essaie de transformer la présente demande de contrôle judiciaire de la décision du comité électoral en une action visant à annuler les Coutumes électorales de 2006 et, partant, l’élection. Ils estiment que le comité électoral n’avait pas compétence pour entendre un appel visant le processus de modification. Comme le demandeur conteste le processus de modification des Coutumes électorales suivi par le conseil et, par conséquent, l’élection qui a été tenue sous le régime des Coutumes électorales révisées, la question pertinente en l’espèce est de savoir si le demandeur a présenté sa demande de contrôle judiciaire contre les bons organismes.

 

[17]           Aux termes des Coutumes électorales, un électeur peut interjeter appel d’une élection par l’envoi d’une lettre au président des élections s’il a des motifs raisonnables de croire qu’il y a eu [traduction] « corruption dans le cadre de l’élection » ou « transgression du présent règlement de nature à nuire à l’issue d’une élection » ou qu’« une personne qui s’est portée candidate à l’élection était inéligible ». Selon les Coutumes électorales de 2002, le comité électoral pouvait convoquer une assemblée générale des électeurs et, au besoin, constituer un comité d’appel (article 7.3(A) des Coutumes électorales de 2002). L’unique différence que présentent les Coutumes électorales de 2006 est que le comité électoral a le pouvoir discrétionnaire de statuer sur la légitimité de l’appel avant de convoquer l’assemblée générale et de constituer le comité d’appel (articles 7.2 et 7.3 des Coutumes électorales de 2006).

 

[18]           Je ne crois pas que le comité d’appel, nommé par le comité électoral, ait été le tribunal approprié. En fait, le processus d’appel a été créé dans le seul but de régler des problèmes qui surgissent dans le cadre du processus électoral. Les Coutumes électorales (tant celles de 2002 que celles de 2006) prévoient également que le comité d’appel peut ultimement invalider l’élection d’un candidat et convoquer une autre élection, ce qui, à mon avis, constitue son seul pouvoir. Même s’il l’avait fait, le problème subsisterait; je ne crois pas qu’il ait le pouvoir d’invalider les Coutumes électorales et de convoquer une assemblée générale.

 

[19]           Par conséquent, le demandeur devait à mon avis présenter sa demande de contrôle judiciaire non pas à l’encontre du comité électoral, mais à l’encontre du chef et du conseil. Voir : Première nation Anishinabe de Roseau River c. Première nation Anishinabe de Roseau River (Conseil), [2003] 2 C.N.L.R. 345 (Première nation Anishinabe de Roseau River). Je ne crois pas que le comité d’appel avait compétence pour entendre l’appel visant le processus suivi par le Conseil, surtout qu’à mon avis le comité d’appel n’a pas le pouvoir d’invalider les Coutumes électorales et de convoquer une assemblée générale.

 

[20]           Les défendeurs soutiennent ensuite que la Cour fédérale n’a manifestement aucune compétence à l’égard de la décision des électeurs ou de la bande de modifier les Coutumes électorales parce que la demande de contrôle judiciaire ne vise pas une ordonnance d’un « office fédéral » (paragraphe 2(1) et articles 18 et 18.1 de la Loi). Je crois toutefois que le demandeur conteste clairement la décision du chef et du conseil relative à la modification des Coutumes électorales et non pas la décision des électeurs ou de la bande.

 

[21]           Par conséquent, la Cour fédérale a, à mon avis, compétence pour entendre la demande de contrôle judiciaire concernant l’allégation de non‑respect des procédures, de modification des coutumes par le chef et le conseil. Voir : Première nation Anishinabe de Roseau River. Il est bien établi en droit qu’un conseil de bande est un « office fédéral ». Voir : Rider c. Ear, [1979] 4 C.N.L.R. 119; Gabriel c. Canatonguin, [1980] 2 C.F. 792 (C.A.F.); et Trotchie c. La Reine, [1981] 2 C.N.L.R. 147. Dans la décision Mohawk de Kanesatake c. Mohawk de Kanesatake (Conseil), 2003 CFPI 115, le juge Martineau a écrit :

12. J’estime que la Cour a compétence, en vertu des articles 18 et 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, pour statuer sur la présente demande et, s’il y a lieu, pour annuler la décision attaquée et rendre un jugement déclaratoire ou prononcer une injonction au sujet de la coutume de la Bande et de l’application de celle-ci par le Conseil, son directeur général Barry Bonspille ou un membre du personnel électoral ou toute autre personne agissant apparemment au nom du Conseil ou au titre de la décision en question ou du code.

 

 

[22]           Je suis donc d’avis que le contrôle judiciaire aurait dû être dirigé contre le conseil. Je crois également que la Cour fédérale est le tribunal approprié pour entendre la demande de contrôle. Cependant, en ce qui concerne ce processus, les défendeurs soutiennent également que de toute façon la demande a été déposée plus de trente jours après que la décision a été rendue, contrairement à la condition énoncée au paragraphe 18.1(2) de la Loi. La demande de contrôle judiciaire a été présentée le 6 avril 2006 alors que le manquement au processus de modification a eu lieu en janvier de la même année. Je suis d’accord avec la prétention des défendeurs et, même si les bonnes parties avaient été correctement désignées au début, la présente demande n’aurait pas été déposée dans le délai de 30 jours puisque la modification a été effectuée en janvier et que la demande n’a été déposée que le 6 avril 2006. Comme j’ai des doutes quant à la faisabilité de l’examen du processus de modification, qu’en plus un long délai s’est écoulé depuis la violation alléguée et que je n’estime pas que le processus de modification a été mal suivi, je n’accorderai aucune prolongation de délai pour permettre au demandeur de déposer une autre demande ni ne permettrai de modifier la désignation des parties.

 

[23]           Je suis donc d’avis de rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. Je crois toutefois que les autres questions en litige doivent être examinées par la Cour, au moins en ce qui concerne les observations des parties.

 

II- Quelle est la norme de contrôle applicable?

[24]   Dans la décision Giroux c. Première nation de Swan River, 2006 CF 285 (Première nation de Swan River) (ordonnances modifiées par la Cour d’appel fédérale, 2007 CAF 108), la juge Dawson a effectué une analyse pragmatique et fonctionnelle des décisions prises par un comité d’appel de la bande en matière d’élections :

[54] Je ne puis souscrire à une telle conclusion. Voici mon opinion quant aux différents éléments de l’analyse pragmatique et fonctionnelle :

 

1. L’absence de toute clause interdisant ou accordant le droit d’interjeter appel des décisions du comité est un facteur neutre, qui ne commande ni la retenue ni un examen plus rigoureux.

 

2. Les tribunaux possèdent une plus grande expertise en matière d’interprétation des lois et règlements, mais le comité a une bien meilleure connaissance des questions comme les coutumes de la bande (par exemple sur la question de savoir si les demandes d’appartenance ont été affichées dans le passé), ou des questions de fait, comme celle de savoir si la pétition de 2002 que M. Giroux aurait distribuée contenait les noms de tous les électeurs admissibles.

 

3. Je reconnais que la Loi sur les Indiens et le Règlement visent à assurer l’autonomie de bandes comme la Première nation de Swan River, et que ce fait nous incite à faire preuve de retenue. Cependant, un examen plus rigoureux de la décision du comité est justifié dans la mesure où celui-ci statuait sur le droit de M. Giroux d’occuper sa charge.

 

4. Je ne suis pas d’accord pour dire que le problème soumis au comité devrait être considéré comme une pure question de droit. L’analyse était beaucoup plus axée sur les faits : M. Giroux a-t-il commis des manoeuvres frauduleuses et des électeurs inadmissibles ont-ils voté à l’élection? Une grande retenue s’impose à l’égard des conclusions de fait du comité. Par contre, dans la mesure où le comité a été obligé d’examiner ce qui constitue en droit une manoeuvre électorale frauduleuse en vertu du Règlement, le degré de retenue dont il y a lieu de faire preuve à l’égard de son interprétation juridique du Règlement est faible.

 

[55] Pour résumer, je conclus qu’il convient d’examiner l’interprétation juridique qu’a faite le comité du Règlement selon la norme de la décision correcte et ses conclusions de fait selon la norme commandant le degré le plus élevé de retenue, soit celle de la décision manifestement déraisonnable. Pour les questions mixtes de fait et de droit, il faut appliquer la norme intermédiaire de la décision raisonnable simpliciter.

 

Je suis d’accord avec ma collègue la juge Dawson; par conséquent, la décision du comité électoral ne devrait être contrôlée que si elle est manifestement déraisonnable.

 

[25]    En ce qui concerne les questions relatives à l’équité procédurale, je crois que la norme de la décision correcte s’applique. Voir Syndicat canadien de la fonction publique (S.C.F.P.) c. Ontario (Ministre du Travail), [2003] 1 R.C.S. 539.

 

III- Le Conseil a-t-il omis de suivre la procédure prévue dans les Coutumes électorales de 2002 lorsqu’il a modifié celles‑ci? 

 

[26]           Le demandeur soutient que les Coutumes électorales de 2006 n’ont pas été ratifiées par une assemblée générale dûment convoquée et estime que les avis n’étaient pas conformes à l’article 15.1 des Coutumes électorales de 2002. Il déclare qu’il n’y a aucune raison de croire que l’on peut qualifier la réunion préparatoire à l’élection d’assemblée générale dûment convoquée. Les défendeurs soutiennent que la réunion préparatoire à l’élection constitue une assemblée générale et, par conséquent, qu’une assemblée générale a été tenue dans la présente affaire. Ils font valoir également que le comité électoral a toujours respecté la condition relative à l’avis.

 

[27]           L’article 15.1 des Coutumes électorales de 2002 prévoit :

[traduction] 15.1 Lorsqu’une assemblée générale des membres est convoquée, le conseil est tenu d’afficher un avis d’assemblée générale des électeurs de la Première nation de Long Point et de faire parvenir à chaque résidence de la communauté de Winneway un avis précisant le lieu, l’heure et la date de l’assemblée au moins trois (3) jours avant la date de celle‑ci.

 

 

Dans la présente affaire, le comité électoral a affiché un avis le 14 janvier 2007 informant les membres de la communauté de la réunion qui devait se tenir le 17 janvier 2006 en soirée. Les Coutumes électorales de 2002 ne précisent pas expressément s’il faut donner un avis de trois jours ouvrables francs, mais je crois que l’avis a été dûment donné trois jours à l’avance.

 

 

[28]           Aux termes des Coutumes électorales de 2002, une réunion préparatoire à l’élection est [traduction] « une assemblée générale des électeurs convoquée par le chef et le conseil trois (3) mois avant la fin de leur mandat pour réviser et adopter avec l’assemblée générale les règles et les procédures électorales » (article 1.0) (non souligné dans l’original). Je crois comprendre que cette réunion était une continuation de la réunion préparatoire à l’élection du 19 octobre 2005, qui avait été convoquée par le chef et le conseil; elle a été ajournée à plusieurs reprises avant d’avoir finalement lieu le 17 janvier 2006. L’avis annonçait comme points à l’ordre du jour l’examen et l’adoption des Coutumes électorales.

 

[29]           D’après ce que je comprends de l’article 1.0 des Coutumes électorales de 2002, la réunion préparatoire à l’élection constitue une assemblée générale. Le fait que l’avis a été envoyé erronément par le comité électoral plutôt que par le chef et le conseil est une erreur qui, à mon avis, ne vicie pas le processus. En outre, l’article 1.9 des Coutumes électorales de 2006 prévoit que : [traduction] « RÉUNION PRÉPARATOIRE À L’ÉLECTION » s’entend d’une assemblée générale des électeurs convoquée par le chef et le conseil trois (3) mois avant […]. (Caractères gras dans l’original.)

 

[30]           Je crois également que les Coutumes électorales de 2006 ont été dûment ratifiées par les membres puisque le procès‑verbal indique qu’elles ont été approuvées à l’unanimité. L’article 15.4 des Coutumes électorales de 2002 prévoit qu’une [traduction] « assemblée générale des électeurs convoquée en vue de légitimer un scrutin réunit au moins 50 % des électeurs présents à l’assemblée générale ». Le procès‑verbal de la réunion préparatoire à l’élection qui s’est tenue le 17 janvier 2006 indique que trois membres du comité électoral, six membres du conseil et 50 membres de la communauté ont assisté à la réunion. La présidente des élections a déclaré que les Coutumes électorales de 2006 devaient être adoptées par l’assemblée et a demandé un vote. Vingt‑deux personnes ont voté en faveur de leur adoption, personne n’a voté contre et il n’y a eu aucune abstention. À l’audience, l’avocat des défendeurs a expliqué la différence entre le nombre de personnes présentes à l’ouverture de la réunion et le nombre de personnes qui ont finalement voté par le fait que la réunion avait eu lieu en soirée, que le vote avait été tenu à la fin par l’assemblée générale et que certaines personnes avaient dû quitter la réunion avant que celle‑ci ne prenne fin. Cependant, la modification a été adoptée à l’unanimité et je ne peux donc souscrire à la prétention du demandeur.

 

[31]           Par ailleurs, l’avocat des défendeurs soutient que le demandeur n’a produit aucune preuve démontrant que les modifications précédentes des Coutumes électorales avaient été adoptées différemment. Dans la décision Awashish c. Conseil de Bande des Atikamekw d’Opitciwan, 2007 CF 765, mon collègue le juge Blais a écrit ce qui suit :

[37]  Dans Bigstone c. Big Eagle (1992), 52 F.T.R. 109, le juge Strayer notait :

 

Sauf si elle est définie par ailleurs dans le cas d’une bande donnée, la « coutume » doit inclure, à mon sens, des pratiques touchant le choix d’un conseil qui sont généralement acceptables pour les membres de la bande, qui font donc l’objet d’un large consensus. […]

 

Pour ce qui est de la validité de la constitution, la question véritable semble donc se rattacher à sa légitimité politique, et non juridique : la constitution résulte-t-elle de l’accord de la majorité de ceux qui, d’après la preuve produite, paraissent être des membres de la bande? C’est une question qu’un tribunal ne doit pas chercher à trancher en l’absence de critères juridiques discernables qu’il peut appliquer. Certes, l’exercice de la surveillance judiciaire peut être justifié par d’autres motifs, s’il y avait une preuve claire de fraude ou d’autres actes imputables aux défendeurs, qui ne sauraient de toute évidence être autorisés par la Loi sur les Indiens, mais aucune preuve ne m’a été présentée quant à de telles activités.

 

[…]

 

[40]  […]  Suivant la même logique, je ne crois pas qu’il était nécessaire pour le Conseil de procéder par voie référendaire pour s’assurer de l’appui de la majorité de la population avant d’adopter le Code électoral. Nous n’avons pas devant nous une situation où le Code électoral aurait été élaboré et adopté en secret. La population a été consultée tout au long du processus et le Code électoral a été adopté lors d’une assemblée publique.

 

[41] L’aspect le plus convaincant de l’argument des demandeurs quant à la validité du Code électoral est que celui-ci a été utilisé pour l’élection de 2005, à laquelle les électeurs de la communauté ont participé en grand nombre, et que la validité du Code n’a pas été remise en question avant ou pendant l’élection. […]

 

[44]  […] Je suis donc satisfait que l’acquiescement de la communauté à l’utilisation du Code électoral lors des élections de 2005 constitue une preuve suffisante pour démontrer que le Code électoral reflétait « des pratiques touchant le choix d’un conseil qui sont généralement acceptables pour les membres de la bande, qui font donc l’objet d’un large consensus » (Bigstone, ci-haut)

 

[32]           Dans son affidavit, Mme Jessica Polson a expliqué qu’aucun membre n’avait soulevé la question de l’invalidité de la réunion préparatoire à l’élection qui s’était tenue le 17 janvier 2006. Les modifications apportées aux Coutumes électorales ont été discutées à l’assemblée puis adoptées à l’unanimité. Elle affirme que l’élection a eu lieu le 15 février 2006 étant donné que ni les Coutumes électorales de 2006 ni la réunion préparatoire à l’élection tenue le 17 janvier 2007 n’avaient été contestées.

 

[33]           La validité du processus de modification est encore plus convaincante si l’on tient compte des faits suivants : la dernière réunion préparatoire à l’élection est une continuation des réunions antérieures ajournées pour lesquelles la révision et l’adoption des Coutumes électorales ont toujours figuré à l’ordre du jour; la communauté a été consultée dans le cadre du processus; les Coutumes électorales ont été adoptées au cours d’une assemblée publique; il n’y a aucune preuve de la contestation de la validité du processus de modification par un autre membre de la communauté ni d’un taux de participation à l’élection particulièrement bas. Par conséquent, je conclus que les Coutumes électorales de 2006 ont été approuvées par un large consensus et qu’elles ont donc été validement adoptées.

 

IV- Le comité électoral a-t-il commis une erreur en rejetant l’appel du demandeur?

[34]           Le demandeur soutient que les Coutumes électorales de 2002 confèrent au comité d’appel la compétence exclusive de se prononcer sur la validité d’un appel et que sa décision doit être ratifiée par une assemblée générale :

 

                        [traduction]

7.2 Dans les deux (2) semaines qui suivent la date d’une élection, un candidat ou électeur à l’élection peut interjeter appel en faisant parvenir au président de l’élection un compte rendu détaillé par courrier recommandé s’il a des motifs raisonnables de croire :

 

                                                            a)      qu’il y a eu corruption dans le cadre de l’élection;

                                                            b)      qu’il y a eu transgression du présent règlement de nature à nuire à l’issue de l’élection;

                                                            c)      qu’une personne qui s’est portée candidate à l’élection était inéligible.

 

7.3 (A) Le comité électoral convoque ensuite une assemblée générale des électeurs pour rendre compte de la nature de l’appel et, au besoin, pour nommer un comité d’appel composé d’au moins un (1) ancien et de deux (2) électeurs de la Première nation de Long Point qui sont concernés par l’appel. Si le président de l’élection ne convoque pas cette assemblée générale des électeurs, le directeur général de la Première nation de Long Point s’en charge de la manière prescrite et agit en qualité de président de l’élection.

 

Le demandeur est par conséquent d’avis que le comité électoral n’avait pas compétence pour rejeter sa demande d’appel.

 

[35]           Les défendeurs répliquent que les Coutumes électorales de 2006, qui étaient en vigueur au moment de l’élection, accordent au comité électoral la prérogative de statuer sur la légitimité de l’appel; s’il estime que l’appel est valide, il convoque une assemblée générale des électeurs. Les dispositions pertinentes des Coutumes électorales de 2006 sont les suivantes :

[traduction]

7.1 Dans les deux (2) semaines qui suivent la date d’une élection, un candidat ou électeur à l’élection peut interjeter appel en faisant parvenir au président de l’élection un compte rendu détaillé par courrier recommandé s’il a des motifs raisonnables de croire :

 

                                                            a)      qu’il y a eu corruption dans le cadre de l’élection;

                                                            b)      qu’il y a eu transgression du présent règlement de nature à nuire à l’issue de l’élection;

                                                            c)      qu’une personne qui s’est portée candidate à l’élection était inéligible.

 

 

7.2 Le « comité électoral » doit décider si l’appel est légitime et faire part de ses conclusions à l’auteur de l’appel et au directeur général.

 

7.3 Si l’appel est légitime, le « comité électoral » convoque une assemblée générale des électeurs pour rendre compte de la nature de l’appel dans un délai d’une (1) semaine. Au besoin, l’assemblée générale constitue un comité d’appel, qui prend une décision finale. Si le président de l’élection ne convoque pas cette assemblée générale des électeurs, le directeur général de la Première nation de Long Point s’en charge de la manière prescrite et agit en qualité de président de l’élection. 

 

 

[36]           Les observations des deux parties sont correctes; il s’agit de déterminer quelles Coutumes électorales étaient en vigueur à la date de l’élection. Cependant, puisque je suis parvenu à la conclusion que le processus de modification a été adéquatement suivi et, partant, que les Coutumes électorales de 2006 étaient valides, je dois souscrire aux observations des défendeurs. Le comité électoral avait le pouvoir de décider de la légitimité de l’appel en vertu de l’article 7.2 des Coutumes électorales de 2006. Malgré cette conclusion, la Cour fédérale doit trancher la question de savoir si la décision du comité électoral de rejeter la demande d’appel était correcte.

 

[37]            Le demandeur a présenté une demande d’appel au comité électoral au motif qu’il avait des « motifs raisonnables de croire qu’il y a eu corruption dans le cadre de l’élection » et « qu’il y a eu transgression du présent règlement de nature à nuire à l’issue de l’élection ». Il a allégué qu’il y avait eu violation du processus de modification des Coutumes électorales ainsi que corruption dans le cadre du processus. Le comité électoral a rejeté sa demande d’appel au motif que ses allégations ne reposaient sur aucun élément pertinent. Dans une telle situation, il faut faire preuve de retenue, et la Cour fédérale ne devrait permettre le contrôle judiciaire que si la décision du comité électoral était manifestement déraisonnable.

 

[38]           Je ne crois pas que le demandeur ait pu avoir « des motifs raisonnables de croire qu’il y a eu corruption dans le cadre de l’élection ». Il n’a pas non plus justifié devant le comité électoral ses prétentions relatives à la « transgression du présent règlement de nature à nuire à l’issue de l’élection ». Même si la norme des motifs raisonnables de croire est moins rigoureuse que la norme en matière civile, elle demeure une norme qui exige que la preuve ait un certain fondement. Rien n’étaye les allégations du demandeur. Les Coutumes électorales de 2006 mentionnent clairement qu’une personne qui éprouve des doutes à l’égard du processus électoral doit faire parvenir un compte rendu détaillé (article 7.1). Par conséquent, je ne crois pas que le rejet par le comité électoral sur ce point soit manifestement déraisonnable.

 

[39]           En outre, l’avocat des défendeurs a à juste titre souligné à l’audience qu’aucune modification importante n’avait été apportée aux Coutumes électorales. Ainsi que je l’ai expliqué précédemment, la principale différence que présentent les Coutumes électorales de 2006 est que le comité électoral a le pouvoir discrétionnaire de se prononcer sur la légitimité de l’appel avant de convoquer l’assemblée générale et de constituer un comité d’appel (articles 7.2 et 7.3 des Coutumes électorales de 2006). En conséquence, même si j’étais enclin à accepter que le processus de modification n’avait pas été correctement suivi, je ne vois pas comment cela serait de nature à « nuire à l’issue de l’élection ».

 

V- Le comité électoral avait‑il un devoir d’agir équitablement envers le demandeur et a‑t‑il manqué à ce devoir?

 

[40]           Le demandeur estime qu’il avait droit à l’application d’une norme d’équité plus rigoureuse et, partant, que le comité électoral était tenu de l’entendre. Il a fait valoir qu’il pouvait légitimement s’attendre à ce que l’appel soit entendu par l’assemblée générale et qu’il a subi un préjudice.

 

[41]           Je suis d’avis que le comité électoral a un devoir d’équité élémentaire envers le demandeur. Dans l’arrêt Baker c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817 (Baker), la Cour suprême a statué que le devoir d’équité procédurale est souple et dépend du contexte de chaque circonstance particulière. Les critères énoncés dans l’arrêt Baker pour déterminer le degré d’équité procédurale dont il faut faire preuve sont les suivants : la nature de la décision recherchée et le processus suivi pour y parvenir; la nature du régime législatif et les termes de la loi en vertu de laquelle agit l’organisme en question; l’importance de la décision pour les personnes visées; les attentes légitimes de la personne qui conteste la décision; les choix de procédure que l’organisme fait lui‑même.

 

[42]           Premièrement, la décision prise par le comité électoral était réglementaire. L’objet du processus d’appel est de mettre au jour les comportements ou les processus irréguliers susceptibles de vicier le processus électoral. Le comité électoral doit décider si les allégations sont légitimes et ce qu’on entend par « motifs raisonnables de croire ».

 

[43]           Deuxièmement, le régime vise à refléter les pratiques électorales coutumières de la PNLP, qui sont adoptées au terme d’un processus de consultation au sein de la communauté. Pour contester une élection, il faut présenter des allégations écrites au président des élections. À la lumière de ces allégations, le comité électoral doit se prononcer sur la légitimité de l’appel.

 

[44]           Troisièmement, le demandeur n’est pas directement touché par la décision du comité électoral de rejeter son appel.

 

[45]           Quatrièmement, le demandeur soutient qu’il avait des attentes légitimes fondées sur la coutume suivant laquelle l’appel serait entendu par l’assemblée générale. Par cette affirmation, le demandeur soutient indirectement qu’il s’attendait légitimement à voir les Coutumes électorales de 2002 appliquées. Je crois, avec égards, qu’il ne pouvait avoir de telles attentes, étant donné que les Coutumes électorales de 2006 étaient en vigueur et compte tenu du fait également que celles‑ci mentionnent clairement le pouvoir du comité électoral de statuer sur la légitimité de la demande avant de convoquer une assemblée générale.

 

[46]           Cinquièmement, la communauté a expressément choisi comme processus la présentation d’observations écrites à l’étape préliminaire devant le comité électoral. En conséquence, je ne crois pas que le demandeur avait droit à une audience orale à cette étape préliminaire.

 

[47]           Compte tenu de ces facteurs, je pense que le demandeur avait droit à ce que les principes d’équité procédurale élémentaire devant le comité électoral soient respectés, comme le droit à un tribunal impartial, le droit à un avis et la possibilité de présenter des observations. Conformément à ce dernier droit, le demandeur a clairement eu l’occasion de présenter des observations écrites et je ne peux accepter ses prétentions selon lesquelles il avait droit à une audience orale.

 

[48]           En ce qui concerne les allégations de partialité du demandeur visant le comité électoral, la juge Dawson a écrit ceci dans la décision Première nation de Swan River :

42. La Cour suprême du Canada a décrit le critère applicable en droit pour établir l’existence d’une crainte raisonnable de partialité dans l’arrêt Committee for Justice and Liberty c. Canada (Office national de l’énergie), [1978] 1 R.C.S. 369, à la page 394 :

 

[…] la crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d’une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet. Selon les termes de la Cour d’appel, ce critère consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait-elle que, selon toute vraisemblance, [le décideur], consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste? »

 

43Le droit exige qu’une norme rigoureuse soit appliquée pour déterminer la partialité ou la crainte de partialité. Voir R. c. S. (R.D.), [1997] 3 R.C.S. 484, à la page 532, et Bande indienne Wewaykum c. Canada, [2003] 2 R.C.S. 259, au paragraphe 76.

 

 

[49]           À l’appui de son allégation de crainte de partialité de la part du comité électoral, le demandeur fait valoir que ce comité n’a pas tenu compte des résultats du sondage qu’il avait effectué et qu’il a tenu des réunions derrière « des portes closes ». À mon avis, le comité électoral n’était pas obligé de tenir compte des résultats de son sondage, puisque la responsabilité de [traduction] « formuler, examiner et recommander des modifications au […] règlement sur les coutumes électorales, aux règlements administratifs, aux lois » incombe au chef et au conseil (article 14.5 des Coutumes électorales de 2002). Par conséquent, je ne suis pas d’accord avec le demandeur concernant l’omission du comité électoral de tenir compte des résultats de son sondage. En outre, le chef et le conseil ont bel et bien pris en considération son rapport final, même s’il n’en a pas présenté les résultats lui‑même. J’aimerais souligner que l’assemblée a décidé d’entendre ses observations, mais qu’elle n’a finalement pas pu le faire en raison de la demande de rémunération du demandeur, à laquelle ni le chef ni le conseil ne pouvaient acquiescer. De plus, le contrat signé par le demandeur précise en des termes clairs que ni le chef ni le conseil ne sont liés par les résultats de son sondage.

 

[50]           En ce qui a trait aux rencontres tenues derrière des « portes closes », Mme Veronica Polson explique, dans son affidavit, que la présidente des élections a reçu une lettre du demandeur concernant la résolution du 25 octobre 2005 selon laquelle il aurait l’occasion de présenter les conclusions de son sondage. À ce moment‑là, le demandeur a, pour la première fois, soulevé la question de sa rémunération pour la présentation. Comme la présidente des élections estimait qu’elle n’avait pas le pouvoir d’autoriser les dépenses, elle a communiqué avec le chef et le conseil. Une réunion a été tenue le 4 novembre 2005, au cours de laquelle il a été décidé que la PNLP ne disposait pas des fonds nécessaires pour payer la présentation du demandeur. En conséquence, le chef, le conseil ainsi que le comité électoral ont tenu des réunions pour étudier les modifications à apporter aux Coutumes électorales et le rapport du demandeur sur son sondage.

 

[51]           Je ne peux conclure à l’existence de la crainte de partialité soulevée par le demandeur à l’encontre du comité électoral; le demandeur n’a produit aucune preuve pour appuyer ses allégations de partialité. En outre, celles‑ci sont de nature conjecturale, car il n’était pas présent à ces réunions. Je suis par conséquent d’avis de rejeter la prétention du demandeur en ce qui concerne le manquement à l’équité procédurale.

 

       VI- La menace de la présidente du comité électoral d’expulser d’une réunion un membre de la communauté constitue‑t‑elle une violation des droits de la personne?

 

[52]           Enfin, le demandeur estime que le droit à la liberté d’expression de M. Earl Polson a été violé par le comité électoral lorsqu’on l’a menacé d’expulsion. La Cour n’est pas obligée d’examiner cette question. En fait, la violation alléguée aurait eu lieu lors d’une réunion préparatoire à l’élection. Le contrôle judiciaire est fondé sur un refus d’appel par le comité électoral et la violation alléguée a trait à une situation différente qui rend cette question non pertinente.

 

[53]           En outre, j’aimerais simplement souligner que le demandeur ne peut alléguer une violation d’un droit d’une autre personne, voir : R. c. Rahey, [1987] 1 R.C.S. 588, p. 619, et Borowski c. Canada (procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342. La disposition pertinente de la Charte canadienne des droits et libertés est la suivante : 

24. (1) Toute personne, victime de violation ou de négation des droits ou libertés qui lui sont garantis par la présente charte, peut s’adresser à un tribunal compétent pour obtenir la réparation que le tribunal estime convenable et juste eu égard aux circonstances.

24. (1) Anyone whose rights or freedoms, as guaranteed by this Charter, have been infringed or denied may apply to a court of competent jurisdiction to obtain such remedy as the court considers appropriate and just in the circumstances.

 

[54]           La même remarque s’applique relativement à l’article 49 de la Charte des droits et libertés de la personne, L.R.Q., ch. C-12 :

49.  Une atteinte illicite à un droit ou à une liberté reconnu par la présente Charte confère à la victime le droit d’obtenir la cessation de cette atteinte et la réparation du préjudice moral ou matériel qui en résulte.

 

En cas d’atteinte illicite et intentionnelle, le tribunal peut en outre condamner son auteur à des dommages-intérêts punitifs.

 

49.  Any unlawful interference with any right or freedom recognized by this Charter entitles the victim to obtain the cessation of such interference and compensation for the moral or material prejudice resulting therefrom.

 

 

In case of unlawful and intentional interference, the tribunal may, in addition, condemn the person guilty of it to punitive damages.

 

La liberté d’expression est un droit personnel; le terme « victime » suppose clairement l’existence d’un préjudice individuel, que le demandeur n’a pas subi.

 

[55]           En conséquence, je suis d’avis de rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.

 

DÉPENS

[56]           Dans la présente instance, le demandeur avait demandé que les défendeurs soient condamnés aux dépens. Or, à l’issue de l’audience, il a déclaré qu’il serait satisfait si chaque partie assumait ses propres dépens.

 

[57]           L’avocat des défendeurs n’a formulé aucune remarque à cet égard dans sa plaidoirie, mais il a demandé les dépens dans ses actes de procédure.

 

[58]           Compte tenu des circonstances de l’espèce et des relations entre les parties, je décide que chaque partie devrait assumer ses propres dépens.

 


ORDONNANCE

 

 

LA PRÉSENTE COUR ORDONNE :

 

-           la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée;

 

-           chaque partie assume ses propres dépens;

 

-           aucune question n’est certifiée.

 

 

 

 

« Orville Frenette »

Juge suppléant

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Mario Lagacé, jurilinguiste


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    T-603-06

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :                        Gordon Polson 

c.

Comité électoral de la Première nation de Long Point (CÉPNLP) et autres

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             OTTAWA (Ontario)    

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           20 septembre 2007

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET

ORDONNANCE :                                         ORVILLE FRENETTE

 

DATE DES MOTIFS :                                  1er octobre 2007

 

COMPARUTIONS

 

GORDON POLSON

POUR SON PROPRE COMPTE

 

 

PAUL DIONNE

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

GORDON POLSON

2265, promenade Samuel

Ottawa (Ontario)

K1G 3C3

POUR SON PROPRE COMPTE

 

 

PAUL DIONNE

DIONNE, GERTLER, SCHULZE

507, Place d’Armes, Bureau 1100

Montréal (Québec)  H2Y 2W8

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

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