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Date : 20071001

Dossier : IMM-5664-06

Référence : 2007 CF 982

Montréal (Québec), le 1er octobre 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE HARRINGTON

 

ENTRE :

RICARDO ALBERTO MARTINEZ

ELVA RAMONA BOGADO

LUCIA FLORENCIA MARTINEZ

 

demandeurs

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Les Martinez ─ le mari, la femme et leur fille mineure ─ se sont enfuis de l’Argentine pour échapper à la persécution, ou du moins à l’intimidation criminelle, d’un certain Luis, l’ex‑conjoint de fait de leur fille adulte Karina.

 

[2]               Luis a fait subir à Karina de tels mauvais traitements qu’elle a revendiqué avec succès le statut de réfugiée après son arrivée au Canada en 2000.

 

[3]               Depuis, Luis n’a qu’une obsession : retrouver Karina. Non seulement a-t-il intimidé les demandeurs, mais il veut les faire payer pour leur rupture.

 

[4]               Les demandeurs ont eux aussi fini par quitter l’Argentine et par revendiquer le statut de réfugié. La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a estimé qu’ils n’étaient pas des réfugiés au sens de la Convention des Nations Unies ni des personnes ayant besoin d’une protection internationale. Elle a donc rejeté leur demande. Malgré le fait qu’il les a considérés crédibles dans l’ensemble, le tribunal n’était pas convaincu que les demandeurs étaient persécutés. Tout au plus étaient-ils victimes de crimes. Le tribunal a également conclu que les demandeurs disposaient d’une possibilité de refuge intérieur en Argentine, ainsi que d’une protection de l’État suffisante.

 

[5]               Il s’agit du contrôle judiciaire de cette décision.

 

QUESTIONS EN LITIGE

[6]               Comme la crédibilité n’est pas mise en doute, les questions à trancher ont trait à la possibilité de refuge intérieur et à la protection de l’État.

 

[7]               La possibilité de refuge intérieur est une pure question de fait. Il a été jugé que la norme de contrôle applicable est celle de la décision manifestement déraisonnable (Chorny c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 999, [2006] A.C.F. no 1263; Mahmood c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2006 CF 957, [2006] A.C.F. no 1218; Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 67, [2007] A.C.F. n100).

 

[8]               En revanche, il a été jugé que la norme de contrôle applicable dans le cas des questions de protection de l’État est celle de la décision raisonnable simpliciter (Chaves c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 193, [2005] A.C.F. no 232, qui a été suivi à de nombreuses reprises et notamment aussi récemment que le mois dernier dans le jugement Torres c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 864, [2007] A.C.F. no 1122).

 

ANALYSE

[9]               L’avocat des demandeurs a relevé dans la décision du tribunal des passages qui sont plutôt flous. Compte tenu du fait que M. Martinez a quitté l’Argentine pour la Bolivie, où il affirme qu’il n’a pas réussi à se trouver un travail satisfaisant, et compte tenu du fait que sa femme et sa fille cadette étaient parties pour le Canada, le tribunal a spéculé que la réunification de la famille était la véritable motivation de la demande d’asile au Canada, étant donné que la fille aînée, Karina, s’y trouvait et était enceinte.

 

[10]           Le fait de qualifier ces propos de spéculations n’enlève rien à l’analyse à laquelle s’est livré le tribunal au sujet de la possibilité de refuge intérieur. Le tribunal a conclu que les membres de la famille n’avait pas besoin de demeurer à Buenos Aires. Ils étaient prêts à se réinstaller ailleurs, comme en fait foi la visite que M. Martinez a effectuée en Bolivie. Le tribunal a rappelé que l’Argentine est un vaste pays dont le territoire équivaut à un peu moins des treize dixièmes des États-Unis, avec une population d’environ 40 millions d’habitants. Il y a plusieurs grandes villes, comme Cordoba et San Miguel de Tucuman, où les demandeurs d’asile auraient pu aller s’installer et vivre en paix. L’avocat affirme que le tribunal n’a pas analysé comme il se doit ces deux villes. Je rappelle toutefois que c’était aux demandeurs d’asile qu’il incombait de démontrer qu’ils n’avaient d’autre choix que de quitter leur pays. Le tribunal s’est attaché plutôt à la protection de l’État et a exprimé l’avis ─ un avis qui peut certainement être contesté ─ que les demandeurs d’asile doivent épuiser toutes les possibilités de protection et de recours.

 

[11]           Bien que la protection de l’État et la possibilité de refuge intérieur soient en litige dans de nombreuses demandes, il n’en demeure pas moins qu’elles constituent des questions distinctes. Si une personne peut fuir la source de la persécution ou de la criminalité de telle sorte qu’elle n’est plus exposée qu’à une simple possibilité de subir un préjudice, la question de la protection de l’État ne se pose pas vraiment. La question de protection de l’État se pose lorsque les victimes ne peuvent échapper à la source de la persécution ou du préjudice.

 

[12]           Comme la décision du tribunal n’était pas manifestement déraisonnable, la demande doit être rejetée.

 

[13]           Le ministre avait proposé la certification de questions graves de portée générale pour le cas où la Cour fonderait sa décision sur la suffisance de la protection de l’État. Bien que les questions soient intéressantes, un des critères de la certification est que la question doit être déterminante quant à l’issue de l’appel. Comme j’ai fondé ma décision sur d’autres motifs, il n’y a pas de question à certifier.

 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Il n’y a pas de question à certifier.

 

« Sean Harrington »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-5664-06

 

INTITULÉ :                                                   RICARDO ALBERTO MARTINEZ et autres c.

                                                                        MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           le 24 septembre 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE HARRINGTON

 

DATE DES MOTIFS :                                  le 1er octobre 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Byron M. Thomas                                                       POUR LES DEMANDEURS

                                                                                  

 

David W. Tyndale                                                       POUR LE DÉFENDEUR

                                                                                  

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Byron M. Thomas

Avocat                                                                        POUR LES DEMANDEURS

Etobicoke (Ontario)

 

John Sims, c.r.                                                             POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

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