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Date : 20071005

Dossier : IMM-5282-06

Référence : 2007 CF 1030

Ottawa (Ontario), le 5 octobre 2007

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE DAWSON

 

ENTRE :

 

WEN HUI LI

 

 

demandeur

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]        Wen Hui Li prétend être un citoyen de la République populaire de Chine (la Chine) et de craindre avec raison d’y être persécuté, parce qu’il est un adepte du Falun Gong. La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la SPR ou la Commission) a rejeté la demande d’asile de M. Li au motif qu’il n’avait pas fourni d’éléments de preuve suffisamment crédibles ou dignes de foi pour établir son identité.

 

[2]        La présente demande de contrôle judiciaire de la décision en question sera rejetée, parce que M. Li n’a pas démontré que la conclusion de la Commission quant à l’identité était manifestement déraisonnable et que la Commission avait commis une erreur en n’ayant pas tenu compte de l’ensemble de la preuve.

 

[3]        M. Li fait valoir que la Commission a commis les erreurs suivantes :

 

1.         La Commission a commis une erreur en décrivant le passeport utilisé par M. Li pour quitter la Chine comme étant « un faux passeport chinois ».

 

2.         La Commission a commis une erreur en tirant une inférence défavorable du fait que M. Li n’avait pas corroboré son itinéraire de voyage jusqu’au Canada.

 

3.         La Commission a commis une erreur en rejetant les documents présentés par M. Li pour établir son identité.

 

4.         La Commission a commis une erreur en n’accordant aucune valeur à une copie d’une assignation qui, selon M. Li, avait été délivrée contre lui en Chine.

 

5.         La Commission a commis une erreur en n’examinant pas le fond de la demande d’asile de M. Li dans le cadre de la question relative à son identité.

 

 

LA NORME DE CONTRÔLE

[4]        Les quatre premières erreurs qui sont alléguées concernent des conclusions de fait tirées par la Commission. Il faut examiner ces conclusions en utilisant la norme de la décision manifestement déraisonnable. La dernière erreur alléguée en est une de droit et la norme applicable est celle de la décision correcte.

 

APPLICATION DE LA NORME DE CONTRÔLE À LA DÉCISION

1.  La Commission a‑t‑elle commis une erreur en décrivant le passeport utilisé par M. Li pour quitter la Chine comme étant « un faux passeport chinois »?

[5]        Dans son Formulaire de renseignements personnels original (FRP), M. Li a qualifié ce passeport d’authentique. Lors de l’audience, il a modifié son FRP pour décrire le passeport comme étant d’authenticité inconnue. Il a témoigné que le passeport lui avait été donné par son passeur et qu’il lui avait semblé authentique. M. Li a fait donc valoir que la Commission a commis une erreur en décrivant le passeport comme étant faux ou frauduleux.

 

[6]        À mon avis, cette observation fait abstraction du fait que M. Li a aussi témoigné que le gouvernement de la Chine ne lui avait jamais délivré de passeport authentique et que, en septembre 2005, on avait dit à son épouse que le passeport était faux. Compte tenu de cette preuve, la qualification que la Commission a donnée au passeport, comme quoi il était faux ou frauduleux, n’était pas manifestement déraisonnable.

 

 

 

2.  La Commission a‑t‑elle commis une erreur en tirant une inférence défavorable du fait que M. Li n’avait pas corroboré son itinéraire de voyage jusqu’au Canada?

[7]        M. Li fait valoir que la Commission a commis une erreur en associant sa conclusion défavorable au sujet du fait qu’il avait omis de corroborer son itinéraire de voyage à la question de son identité. En outre, on affirme que l’interprétation que la Commission a faite des décisions Ramanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2004] A.C.F. no 1062, et Kazadi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] A.C.F. no 349, était erronée.

 

[8]        À mon avis, la Commission n’a pas commis d’erreur, contrairement à ce qui a été allégué. L’analyse qu’a faite la Commission de l’identité de M. Li était liée à son appréciation de la crédibilité de ce dernier. Il n’était pas manifestement déraisonnable que la Commission tire une inférence défavorable concernant la crédibilité de M. Li, laquelle repose sur le fait qu’il n’avait ni passeport, ni billet d’avion ni carte d’embarquement. Ces documents auraient fourni, à tout le moins, une preuve de l’endroit d’où était parti M. Li pour venir au Canada. Voir, par exemple, les décisions Elazi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 212, et Kazadi, précitée.

 

[9]        Quant à la référence faite par la Commission aux décisions Ramanathan et Kazadi, les deux étaient applicables à la décision de la SPR, parce qu’elles analysent l’importance de la preuve corroborante et des documents de voyage. Toutefois, il est important de se rappeler que le caractère judicieux d’une inférence tirée par la SPR dans un cas particulier ne dépend pas tant de la jurisprudence que de la preuve dont dispose la Commission. En l’espèce, l’inférence défavorable était appuyée par la preuve présentée à la SPR.

 

3.  La Commission a‑t‑elle commis une erreur en rejetant les documents présentés par M. Li pour établir son identité?

[10]      Les documents en question sont le hukou de M. Li, sa carte d’identité de résident, le certificat de naissance de sa fille ainsi que son certificat de mariage.

 

[11]      En ce qui a trait au hukou, la Commission a :

 

-           tiré une inférence défavorable du fait que le type de ménage inscrit sur le document était [traduction] « famille ». La preuve documentaire énonçait que le statut d’un ménage était soit agricole (rural) ou non agricole (urbain);

 

-           tiré une inférence défavorable du fait que la section concernant le numéro du ménage n’avait pas été remplie. On a affirmé que c’était le renseignement le plus important mentionné dans un hukou;

 

-           tiré une inférence défavorable du fait que M. Li avait témoigné que ses parents vivaient à la même adresse que lui, pourtant ils avaient leur propre hukou. La preuve documentaire précisait qu’un ménage ne pouvait posséder deux hukous différents;

 

-           fait remarquer que la preuve documentaire mentionnait que l’utilisation de hukous contrefaits était usuelle en Chine.

 

[12]      Chacune de ces conclusions de la Commission était étayée par la preuve. Les conclusions n’étaient donc pas manifestement déraisonnables. En outre, la première inférence défavorable était appuyée par le propre témoignage oral de M. Li, selon lequel son ménage était du type [traduction] « rural ».

 

[13]      La carte d’identité de résident a été reconnue par la SPR pour exhiber les éléments de sécurité attendus. Toutefois, la preuve documentaire précisait que :

La carte d’identité de résident est un document juridique uniforme à l’échelle du pays et délivré par l’État pour confirmer le statut du citoyen [...] Un document d’identité officiel important [...] [d]es fausses cartes et des cartes obtenues frauduleusement, mais fabriquées légitimement, peuvent être obtenues et sont en circulation, et [...] la possession d’une carte d’identité fabriquée légalement ne garantit pas que cette dernière a été obtenue légitimement.

 

[14]      M. Li a témoigné qu’il avait reçu deux cartes d’identité de résident, qu’il n’avait jamais lu les cartes et qu’il était inutile de s’inquiéter de l’expiration de sa carte, car le gouvernement délivrait une nouvelle carte au moment opportun. La Commission a rejeté ce témoignage et elle a conclu qu’un véritable résident de la Chine connaissait les renseignements généraux quant à la fréquence de délivrance des cartes d’identité de résident. Compte tenu également de la preuve selon laquelle le hukou était contrefait et de celle selon laquelle des cartes d’identité de résident obtenues frauduleusement, mais fabriquées légitimement, peuvent être obtenues et sont en circulation, la Commission n’a accordé aucune valeur probante à la carte d’identité de résident. Encore une fois, j’estime que la conclusion de la SPR était appuyée par la preuve et n’était pas manifestement déraisonnable.

 

[15]      Le fait que la Commission se soit fondée sur le témoignage oral de M. Li au sujet de la carte et sur la preuve documentaire concernant la prévalence des cartes d’identité obtenues frauduleusement permet de distinguer cette conclusion de celle contestée dans la décision Lin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2007] A.C.F. no 15, que M. Li invoque.

 

[16]      La preuve documentaire dont disposait la Commission démontrait qu’un certificat de naissance authentique contenait les noms de la mère et du père de l’enfant, leur race et leur numéro d’identité de résident. La SPR a tiré une inférence défavorable du fait que le certificat de naissance de la fille ne contenait pas les numéros d’identité de ses parents et elle n’a accordé aucune valeur probante à ce document. Cette inférence a été nourrie par la preuve documentaire et n’était donc pas manifestement déraisonnable.

 

[17]      La Commission a poursuivi en tirant une autre inférence défavorable du fait que M. Li avait produit une copie originale d’un certificat de naissance au motif que la preuve documentaire précisait que le bureau du gouvernement responsable de ces documents conservait les archives relatives aux certificats de naissance. À mon avis, la preuve documentaire n’appuyait pas cette inférence défavorable, parce qu’elle n’établissait pas qu’on ne fournissait pas de certificat original aux parents. Toutefois, puisque le certificat de naissance ne contenait pas tous les renseignements requis, je conclus que cette erreur n’était pas pertinente pour la décision de la Commission. La SPR avait un motif valable de ne pas donner de la valeur au certificat de naissance.

 

[18]      Enfin, la SPR n’a donné aucune valeur au certificat de mariage de M. Li, parce qu’il avait été obtenu sur la foi de la carte d’identité de résident et du hukou. Manifestement, il aurait été préférable que la Commission ait traité directement de ce document, plutôt que de le rejeter pour un motif dérivé. Toutefois, vu la conclusion de la Commission à l’égard de la crédibilité de M. Li (par exemple, il n’y a pas de contestation de la conclusion de la Commission selon laquelle il était incroyable que M. Li n’ait pas été en mesure de se rappeler la fausse identité qu’il avait prise dans le but de se rendre au Canada) et le traitement qu’elle a réservé aux autres documents d’identité, je suis convaincue que la licence de mariage ne pouvait pas, en soi, établir l’identité de M. Li. Par conséquent, aucune erreur concernant la façon dont la Commission a traité ce document n’était pertinente pour sa décision.

 

4.  La Commission a‑t‑elle commis une erreur en n’accordant aucune valeur à une copie de l’assignation?

[19]      M. Li a également présenté une assignation qui, selon lui, avait été laissée à sa famille en Chine, laquelle l’enjoignait de se présenter devant la Cour populaire concernant sa participation à un rassemblement illégal du Falun Gong.

 

[20]      Pour conclure que l’assignation n’était pas un document digne de foi, la Commission a invoqué les contradictions entre ce document et des échantillons d’assignations joints à une Réponse à une demande d’information. La preuve des échantillons a fourni un fondement probatoire approprié à la conclusion de la SPR et on ne peut la qualifier de manifestement déraisonnable.

 

5.  La Commission a‑t‑elle commis une erreur en n’examinant pas le fond de la demande d’asile de M. Li dans le cadre de la question relative à son identité?

[21]      M. Li fait valoir que la Commission a commis une erreur en n’examinant pas le fond de sa demande dans le cadre de la décision relative à son identité. Il affirme que s’il avait présenté une preuve particulièrement probante au sujet de son expérience en Chine, cette preuve aurait eu une influence sur l’appréciation de la Commission quant à la question de l’identité.

 

[22]      Je conviens que, en droit, la question de l’identité d’un demandeur devrait être déterminée suivant l’ensemble de la preuve à la disposition de la SPR. Voir, par exemple, la décision Lin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2006] A.C.F. no 104, au paragraphe 10. Toutefois, en l’espèce, on a conclu que des aspects du témoignage de M. Li n’étaient pas crédibles. En outre, la Commission n’était pas tenue de faire mention de tous les éléments de preuve dont elle disposait. M. Li n’a pas mis en avant d’éléments de preuve particulièrement révélateurs à propos de ses expériences en Chine, à partir desquels la Cour pourrait inférer que la Commission n’avait pas examiné tous les éléments de preuve dont elle disposait. Il s’ensuit qu’il n’a pas démontré que la Commission n’avait pas tenu compte de l’ensemble de la preuve.

 

[23]      Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

[24]      Les avocats n’ont proposé aucune question en vue de la certification et je suis convaincue que le présent dossier n’en soulève aucune.

 

 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

 

1.         La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

 

« Eleanor R. Dawson »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                IMM-5282-06

 

INTITULÉ :                                                               WEN HUI LI

                                                                                    c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                         TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                       LE 18 SEPTEMBRE 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                                      LA JUGE DAWSON

 

DATE DES MOTIFS :                                              LE 5 OCTOBRE 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Shelly Levine                                                                POUR LE DEMANDEUR

 

Asha Gafar                                                                   POUR LE DÉFENDEUR

 

 

SOLICITORS OF RECORD:

 

Levine Associates                                                         POUR LE DEMANDEUR

Avocats

Toronto (Ontario)

 

John H. Sims, c.r.                                                         POUR LE DÉFENDEUR

Sous‑procureur du Canada

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