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Date :  20071018

Dossier :  IMM-290-07

Référence :  2007 CF 1062

Ottawa (Ontario), le 18 octobre 2007

 

En présence de Monsieur le juge Shore 

 

ENTRE :

ABDRAMANE DIALLO

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

DE L'IMMIGRATION ET LE MINISTRE DE LA

SÉCURITÉ ET DE LA PROTECTION CIVILE

défenderesse

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

AU PRÉALABLE

[1]               Le fardeau incombe au demandeur d’établir qu’il rencontrerait des difficultés excessives inhabituelles ou injustifiées s’il devait retourner en Guinée pour y faire une demande de résidence permanente.

 

[2]               [12]      Également, un principe bien reconnu veut qu'il ne suffise pas de simplement faire référence aux conditions dans le pays en général sans lier ces conditions à la situation personnelle du demandeur (voir, par exemple, Dreta c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 1239, et Nazaire c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2006 CF 416).

 

Ceci a été spécifié par le juge J. François Lemieux dans Hussain c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 719, [2006] A.C.F. no 916 (QL).

 

[3]               En effet, la jurisprudence est claire à ce sujet. Dans l’arrêt Owusu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 38, [2004] A.C.F. no 158 :

[5]        [...] le demandeur a le fardeau de prouver toute allégation sur laquelle il fonde sa demande pour des raisons humanitaires. Par voie de conséquence, si un demandeur ne soumet aucune preuve à l'appui de son allégation, l'agent est en droit de conclure qu'elle n'est pas fondée.

 

 

INTRODUCTION

[4]               Il s’agit d’une demande d’autorisation à l’encontre d’une décision rendue le 29 novembre 2006 par l’agent décideur, monsieur C. Rebaza, refusant à monsieur Abdramane Diallo, le demandeur, sa demande de résidence permanente pour des considérations humanitaires (CH).

 

[5]               Monsieur Diallo demande une dispense de l’obligation de présenter sa demande de résidence permanente hors du Canada comme il allègue ne pas être en sécurité en Guinée.

 

FAITS

[6]               Monsieur Diallo est âgé de 29 ans et est célibataire. Il a vécu depuis l’âge de 9 ans au Mali et est retourné en Guinée en 1999. Il a deux frères qui, selon les observations, seraient en Guinée avec sa mère.

 

[7]               Monsieur Diallo vivait à N’Zérékoré, en Guinée et il effectuait le commerce de céréales avec son père et son grand frère Modibo.

 

[8]               En septembre 2000, les menaces des rebelles du Front Uni Révolutionnaire auraient fait fuir les habitants du village de monsieur Diallo. En février 2001, il aurait réussi à quitter la région avec sa mère et son petit frère pour se diriger vers Conarky. Monsieur Diallo aurait alors quitté seul pour l’étranger, faute de moyens pour que sa mère et son frère l’accompagnent. Ils seraient alors partis vers le Mali, tandis que son père et son grand frère seraient restés en Guinée.

 

[9]               Il aurait quitté son pays en raison de « l’opposition des rebelles au gouvernement en place, plus particulièrement, au pouvoir conféré au Président actuel M. Lassane Conte ». Il est arrivé au Canada le 6 avril 2001 et a revendiqué le statut de réfugié le 23 avril 2001.

 

[10]           L’audience devant la Section de la protection des réfugiés (SPR) s’est déroulée le 29 août 2002. Monsieur Diallo allègue une crainte de persécution en raison de son appartenance à un groupe social particulier, un risque de torture et de menace à sa vie et un risque d’être soumis à des traitements ou peines cruels et inusités. Il explique craindre d’être recruté malgré lui par les rebelles et il allègue aussi craindre l’armée.

 

[11]           Le 23 septembre 2002, la SPR rejette la demande d’asile de monsieur Diallo en raison du manque de crédibilité de son témoignage. Le tribunal considère que l’incapacité de monsieur Diallo à prouver son identité a un effet direct sur la crédibilité de la requête et conclut qu’il n’est pas un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger.

 

[12]           Monsieur Diallo allègue la persécution « en raison de la dégradation de la situation actuelle de la Guinée, et du recrutement forcé ». Il affirme aussi craindre « les menaces à sa vie et sa sécurité en raison des risques d’agression et des risques des situations de détresse et de dénouement et autres difficultés excessives ». Il craint aussi la pauvreté qui règne dans le pays ainsi que d’être victime d’agressions car il serait perçu comme un étranger à son arrivée.

 

Établissement au Canada

[13]           Monsieur Diallo a commencé à travailler en décembre 2001, peu de temps après son arrivée, et est encore à l’emploi du même employeur. Son revenu d’emploi annuel est passé de 17 939$ en 2003 à 18 223$ en 2005 selon ses avis de cotisations. Il n’a pas envoyé les copies pour les années antérieures mais, selon les observations du conseiller en immigration, il aurait déjà bénéficié des prestations d’aide de dernier recours.

 

[14]           Selon l’affidavit de monsieur Diallo, il aiderait financièrement sa mère et ses deux frères qui seraient en Guinée. Les factures indiquent qu’il a envoyé l’argent régulièrement au Mali au moins depuis juillet 2002 et depuis juillet de cette année, il fait des envois en Guinée. Toutefois, les noms des destinataires sont toujours différents et ne correspondent pas aux noms des membres de sa famille indiqués sur son Formulaire de renseignements personnels (FRP). De plus, monsieur Diallo a déjà déclaré, sur sa FRP en juin 2001 et dans la mise à jour de sa Demande de résidence permanente (DRP) en mars 2006, qu’il ne savait pas où se trouvaient ses parents et ses frères. En raison de ces ambiguïtés, même si monsieur Diallo supporte sa famille financièrement en Guinée, cela se produit depuis peu de temps, étant donné que jusqu’à mars de cette année, il ne savait pas où ils se retrouvaient.

 

DÉCISION CONTESTÉE

[15]           L’agent d’Examen des risques avant renvoi (ERAR) a évalué les motifs d’ordre humanitaire pour déterminer s’il y avait lieu de dispenser monsieur Diallo de l’obligation statutaire de demander un visa d’immigrant avant de venir au Canada (par. 11(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (Loi)).

 

[16]           L’agent a conclu que les informations présentées à l’appui de la demande CH n’ont pas permis de démontrer que monsieur Diallo rencontrerait des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives en déposant sa demande de résidence permanente de la manière habituelle, soit à l’extérieur du Canada.

 

ANALYSE

            Norme de contrôle applicable aux demandes CH

[17]           La norme de contrôle applicable aux demandes CH est la norme raisonnable simpliciter. Cette norme a été articulée par le juge Frank Iacobucci dans l’arrêt Canada (Directeur des enquêtes et recherches, Loi sur la concurrence) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748 :

[56]      [...] Est déraisonnable la décision qui, dans l'ensemble, n'est étayée par aucun motif capable de résister à un examen assez poussé. En conséquence, la cour qui contrôle une conclusion en regard de la norme de la décision raisonnable doit se demander s'il existe quelque motif étayant cette conclusion. Le défaut, s'il en est, pourrait découler de la preuve elle-même ou du raisonnement qui a été appliqué pour tirer les conclusions de cette preuve. (La Cour souligne.)

 

(Voir également Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, [2002] 1 R.C.S. 247.)

 

 

[18]           Pour pouvoir bénéficier du traitement d’exception, prévu à l’article 25 de la Loi, un demandeur devrait convaincre un agent, chargé de prendre une décision sur la demande CH, que des difficultés inhabituelles, injustifiées ou indues lui seraient causées s’il devait quitter le Canada pour présenter sa demande de visa à l’étranger.

 

[19]           Selon la Cour suprême du Canada, l’important, pour un agent chargé de prendre une décision sur la demande CH, c’est de prendre en considération tous les facteurs pertinents et de les évaluer conformément à la Loi. Lorsqu’il agit conformément à ces préceptes, le tribunal de révision doit confirmer sa décision, même si son évaluation des facteurs aurait pu être différente. (Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817; Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 1, [2002] A.C.S. no 3 (QL).)

 

[20]           Relativement au fardeau d’un demandeur CH, le juge Lemieux a réitéré ce qui suit dans l’affaire Hussain, ci-dessus :

[10]      Il est clair qu'il incombe au demandeur d'établir les faits sur lesquels se fonde sa demande CH. Comme l'a souligné le juge Evans, au nom de la Cour d'appel fédérale, dans Owusu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2004] A.C.F. no 158, "c'est à ses risques et périls qu'il omet des renseignements pertinents dans ses observations écrites". Le juge Evans a affirmé qu'un agent d'immigration, lorsqu'il examine une demande CH, doit être ""réceptif, attentif et sensible" à l'intérêt supérieur des enfants, sur lesquels l'expulsion du père ou de la mère peut avoir des conséquences préjudiciables, et il ne doit pas "minimiser" cet intérêt". Il a ajouté : "Toutefois, l'obligation n'existe que lorsqu'il apparaît suffisamment clairement des documents qui ont été soumis au décideur, qu'une demande repose, du moins en partie, sur ce facteur. De surcroît, le demandeur a le fardeau de prouver toute allégation sur laquelle il fonde sa demande pour des raisons humanitaires. Par voie de conséquence, si un demandeur ne soumet aucune preuve à l'appui de son allégation, l'agent est en droit de conclure qu'elle n'est pas fondée."

 

 

[21]           En l’espèce, l’agent ERAR chargé d’évaluer la demande de dispense de monsieur Diallo a considéré tous les motifs allégués par ce dernier, en a fait une analyse complète, et a conclu qu’il n’y avait pas de motif humanitaire justifiant une dispense de l’application de la Loi.

 

[22]           Les critères pour évaluer le degré d’établissement sont énoncés à la section 11.2 du Guide IP5 de Citoyenneté et Immigration Canada intitulé « Demande présentée par des immigrants au Canada pour des motifs d’ordre humanitaire » (Guide IP5) (Annexe A) :

·        Le demandeur a-t-il des antécédents d’emploi stable?

·        Y a-t-il une constante de saine gestion financière?

·        Le demandeur s’est-il intégré à la collectivité par une participation à une organisation communautaire, le bénévolat ou d’autres activités?

·        Le demandeur a-t-il amorcé des études professionnelles, linguistiques pour témoigner de son intégration à la société canadienne?

·        Le demandeur et les membres de sa famille ont-ils un bon dossier civil au Canada

 

[23]           En l’espèce, il est clair que l’agent a considéré les facteurs pertinents dans l’évaluation de la demande CH. Sa décision est basée sur les éléments suivant :

·        L’agent fait référence au temps que le demandeur a passé au Canada, soit cinq ans et demi;

·        L’agent note que le demandeur travaille depuis 2001 pour le même employeur et qu’il semble subvenir à ses besoins;

·        L’agent note que le demandeur prétend envoyer de l’argent à sa famille. Cependant, il a remarqué que les envois ne correspondent pas aux noms des membres de sa famille inscrits dans son FRP. De plus, le demandeur avait indiqué qu’il ne savait pas où se trouvait les membres de sa famille. En raison de ces incohérences, l’agent a conclu que cet élément n’était pas déterminant.

·        Le demandeur n’a pas de famille au Canada. Il a cependant tissé des liens et s’est fait des amis. Il fait partie d’une équipe de soccer.

 

[24]           À la lumière de ce qui précède, l’agent a conclu que monsieur Diallo avait fait des efforts pour subvenir à ses besoins, qu’il avait tissé des liens mais que ces éléments n’étaient pas extraordinaires; qu’ils n’étaient pas déterminants pour l’octroi d’une exemption et que le fait de faire une demande de visa ne lui causerait pas des difficultés inhabituelles, excessives ou injustifiées.

 

[25]           En utilisant le qualificatif « extraordinaire » l’agent n’a pas exigé que le degré d’établissement soit « extraordinaire ». Il a tout simplement indiqué que le degré d’établissement ne lui causerait pas des difficultés inhabituelles excessives ou injustifiées.

 

[26]           Monsieur Diallo est d’avis que l’agent a commis une erreur dans l’appréciation des différents facteurs dans l’évaluation du degré d’établissement. Il soutient qu’il remplissait tous les critères, soit qu’il a une saine gestion financière, qu’il paie ses impôts, qu’il fait partie d’une équipe de soccer, qu’il parle bien le français, etc. Selon lui, l’agent aurait dû reconnaître qu’il avait un degré d’établissement suffisant.

 

[27]           En fait, monsieur Diallo demande essentiellement à cette Cour de réévaluer l’ensemble de la preuve et de rendre une décision différente.

 

[28]           Cependant, il ne revient pas à la Cour de faire une nouvelle appréciation des faits qui ont été présentés à l’agent. (Legault c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 125, [2002] A.C.F. no 457 (QL), par. 11; Lim c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 956, [2002] A.C.F. no 1250 (QL), par. 20.)

 

[29]           Il ressort de la décision CH que l’agent ERAR a fait un examen complet de tous les éléments de preuve soumis par monsieur Diallo à l’appui de sa demande de motifs humanitaires.

 

[30]           Il revenait entièrement à l’agent et non pas au demandeur de décider du poids à accorder aux différents éléments soumis par le demandeur à la lumière des preuves dont il disposait. Un simple désaccord quant au poids attribué aux divers éléments présentés n’est pas suffisant pour justifier l’intervention de cette Cour.

 

[31]           Les conclusions de l’agent étaient raisonnables et s’appuyaient sur la preuve. L’évaluation des éléments de preuve relève de la discrétion de l’agent qui jouit d’une expertise.

 

[32]           Dans la décision Uddin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 937, [2002] A.C.F. no 1222 (QL),  le juge Edmond Blanchard a expliqué que les demandes de CH ne pouvaient se baser sur le fait que les demandeurs deviennent des modèles dans la société canadienne. Le critère est plutôt de se demander si de faire la demande de résidence permanente à l’étranger leur causerait des difficultés excessives ou injustifiées :

[21]      Le demandeur affirme aussi que l'agente n'a pas examiné la totalité de la preuve relative à son niveau d'établissement. Le demandeur soutient que l'agente avait devant elle des preuves suffisantes pour l'amener à conclure que le demandeur était établi au Canada. Sur ce point, l'agente a estimé que le demandeur justifiait d'un certain niveau d'établissement, mais qu'elle n'était pas persuadée que ce niveau d'établissement l'emportait sur d'autres facteurs considérés dans l'évaluation des difficultés.

 

[22]      Il appartient au demandeur de prouver que la règle l'obligeant à demander un visa depuis l'extérieur du Canada entraînerait pour lui des difficultés inhabituelles, injustes ou indues. Le demandeur a pris le risque de s'établir au Canada alors que son statut d'immigrant était incertain, et en sachant qu'il pourrait avoir l'obligation de partir. Maintenant qu'il peut être tenu de partir et de demander le droit d'établissement depuis l'extérieur du Canada, le demandeur ne peut aujourd'hui, puisqu'il a pris ce risque, et compte tenu des faits, prétendre que les difficultés sont inhabituelles, injustes ou indues. Les propos de M. le juge Pelletier, dans l'affaire Irmie c. M.C.I. (2000), 10 Imm. L.R. (3d) 206 (C.F. 1re inst.), sont applicables à la présente affaire :

 

Je reviens à l'observation que j'ai faite, à savoir que la preuve donne à entendre que les demandeurs s'intégreraient avec succès dans la collectivité canadienne. Malheureusement, tel n'est pas le critère. Si l'on appliquait ce critère, la procédure d'examen des demandes fondées sur des raisons d'ordre humanitaire deviendrait un mécanisme d'examen ex post facto l'emportant sur la procédure d'examen préalable prévue par la Loi sur l'immigration et par son règlement d'application. Cela encouragerait les gens à tenter leur chance et à revendiquer le statut de réfugié en croyant que s'ils peuvent rester au Canada suffisamment longtemps pour démontrer qu'ils sont le genre de gens que le Canada recherche, ils seront autorisés à rester. La procédure applicable aux demandes fondées sur des raisons d'ordre humanitaire n'est pas destinée à éliminer les difficultés; elle est destinée à accorder une réparation en cas de difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives. Le refus de la demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire causera sans doute des difficultés aux demandeurs, mais eu égard aux circonstances de leur présence au Canada et à l'état du dossier, il ne s'agit pas d'une difficulté inhabituelle, injustifiée ou excessive.

(La Cour souligne.)

 

 

[33]           Comme précisé au paragraphe 13 de cette même décision : « Il s'agit là d'un processus tout à fait discrétionnaire, et il appartient donc au demandeur de convaincre l'agent d'immigration qu'il existe des considérations d'ordre humanitaire justifiant une recommandation favorable. »

 

L’agent a appliqué le bon critère dans son évaluation de la demande CH

[34]           Monsieur Diallo prétend que l’agent a erronément appliqué le critère de l’ERAR, soit que le demandeur fasse la preuve d’un risque personnalisé.

 

[35]           L’agent a correctement évalué la demande CH de monsieur Diallo en appliquant les critères jurisprudentiels à cet égard et les instructions données dans le Guide IP-5.

 

[36]           En effet, il appert des motifs de l’agent que le critère appliqué fut de déterminer si le fait de faire sa demande de résidence permanente à l’étranger occasionnerait à monsieur Diallo des difficultés inhabituelles, injustifiés ou excessives. L’agent n’a pas ignoré la preuve devant lui et n’a pas appliqué le mauvais critère.

 

[37]           Dans l’affaire Legault, ci-dessus, la Cour fédérale d’appel reprend la section 6.1 du guide IP-5 sous l’ancienne Loi sur l’immigration, L.R. 1985, c. I-2 (correspondant aux sections 6.5 à 6.7 du présent Guide) pour énoncer le sens qui doit être donné aux termes « considération humanitaire » et à la façon d’établir leur existence :

[23]      Le paragraphe 6.1 définit ce qu'on entend par "considérations humanitaires" :

En présentant une demande R2.1, le demandeur cherche à faciliter son admission au Canada en raison de l'existence de CH. Les dispositions CH permettent d'autoriser des personnes, dont le cas est digne d'intérêt et n'est pas prévu par la Loi, à présenter leur demande au Canada.

 

Il incombe au demandeur de convaincre l'agent que, vu sa situation, l'obligation, dont il demande d'être dispensé, d'obtenir un visa hors du Canada lui causerait des difficultés (i) inhabituelles et injustifiées ou (ii) excessives. Le demandeur peut présenter tout fait qu'il juge pertinent pour l'obtention de cette dispense.

 

Les définitions suivantes ne constituent pas des règles strictes. Plutôt, elles ont pour but d'aider à exercer le pouvoir discrétionnaire de déterminer s'il existe des CH justifiant la dispense demandée du L9(1).

 

Difficultés inhabituelles et injustifiées

 

Les difficultés que subirait le demandeur (s'il devait présenter sa demande de visa hors du Canada) doivent, dans la plupart des cas, être inhabituelles. Il s'agit, en d'autres termes, de difficultés qui ne sont pas prévues dans la Loi ou le Règlement et

 

Les difficultés que subirait le demandeur (s'il devait présenter sa demande hors du Canada) doivent, dans la plupart des cas, découler de circonstances indépendantes de sa volonté.

 

 

[38]           Dans l’affaire Monemi c. Canada (Solliciteur général), 2004 CF 1648, [2004] A.C.F. no 2004 (QL), la juge Johanne Gauthier s’est exprimée comme suit sur le critère pour évaluer le risque dans un contexte de demande CH :

[39]      La question principale dans cette demande fondée sur des circonstances d'ordre humanitaire est en outre assez différente de celle qui doit être tranchée dans une demande d'ERAR présentée suivant l'article 112. À l'égard de la demande fondée sur des circonstances d'ordre humanitaire, le décideur devait établir si M. Monemi serait exposé à des difficultés inhabituelles, injustes ou indues s'il devait retourner en Iran pour présenter une demande de visa de résident permanent. Ce concept englobe beaucoup plus que les exigences étroites pertinentes dans une demande d'ERAR, à savoir celles énoncées aux articles 96 et 97 de la LIPR. Les difficultés inhabituelles, injustes ou indues incluent non seulement des éléments qui ne comportent pas de risques, mais elles incluent également des éléments de risques qui peuvent ne pas être visés par les articles 96 et 97, par exemple de la discrimination qui peut ne pas équivaloir à de la persécution. (La Cour souligne.)

 

[39]           À la lumière de ce qui précède, lorsqu’un demandeur fait une demande CH avec des allégations de risque, il doit y avoir une analyse de ce risque afin de déterminer si le fait de faire sa demande CH à l’extérieur du Canada lui occasionnerait des difficultés excessives, inhabituelles ou disproportionnées. C’est précisément l’analyse à laquelle l’agent ERAR a procédé dans le cadre de son évaluation de la demande CH de monsieur Diallo. (Jeon c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 87, [2006] A.C.F. no 105 (QL) par. 28.)

 

[40]           Contrairement à ce que monsieur Diallo prétend, l’agent a pris en considération toutes les circonstances personnelles relatives aux allégations de risque et de difficultés excessives dont il a fait part dans sa demande en conformité avec les principes énoncés dans l’arrêt Legault, ci-dessus. En effet, on peut lire dans les motifs de l’agent :

Monsieur Diallo allègue des risques de retour en raison de la dégradation de la situation actuelle de la Guinée, plus particulièrement, il craint le recrutement forcé, les agressions et les situations de détresse...

 

[...]

 

[...] Les craintes alléguées découlent de la situation actuelle de la Guinée et elles sont partagées par l’ensemble de la population. De plus, la preuve documentaire déposée ne permet pas d’établir l’existence d’un risque pour le demandeur. En effet, elle ne se rapporte pas à sa situation particulière et ne montre pas qu’il fait partie d’un groupe ciblé ou à risque dans son pays. Ainsi, je considère que ces documents n’ont pas de force probante concernant les allégations de monsieur Diallo.

 

[...]

 

[...] Je suis d’avis que le demandeur n’as pas démontré qu’un départ du Canada pour déposer une demande de visa à l’étranger lui occasionnerait des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives.

 

(La Cour souligne.)

 

 

[41]           Le fardeau incombe au demandeur d’établir qu’il rencontrerait des difficultés excessives inhabituelles ou injustifiées s’il devait retourner en Guinée pour y faire une demande de résidence permanente.

 

[42]           En effet, la jurisprudence est claire à ce sujet. Dans l’arrêt Owusu, ci-dessus, le juge John Maxwell Evans s’exprimait comme suit à ce sujet :

[5]        [...] le demandeur a le fardeau de prouver toute allégation sur laquelle il fonde sa demande pour des raisons humanitaires. Par voie de conséquence, si un demandeur ne soumet aucune preuve à l'appui de son allégation, l'agent est en droit de conclure qu'elle n'est pas fondée.

 

 

[43]           En effet, la pondération des facteurs pertinents ne ressortit pas à la Cour appelé à contrôler l’exercice du pouvoir discrétionnaire ministériel. (Suresh, ci-dessus; Legault, ci-dessus.)

 

[44]           Dans la décision Owusu, ci-dessus, la Cour d’appel fédérale a précisé ce qui suit :

[12]      Comme l'agente d'immigration n'a commis aucune erreur susceptible de contrôle en rejetant la demande pour des raisons d'ordre humanitaire de M. Owusu, la Cour ne saurait intervenir. Dans une demande de contrôle judiciaire, il n'appartient pas à la Cour de substituer son opinion sur le bien-fondé d'une demande pour des motifs humanitaires à celle du décideur prévu par la loi, même si, au vu du dossier, la demande de statut de résident permanent de M. Owusu, présentée au pays, pour des motifs humanitaires, pourrait s'avérer bien fondée. (La Cour souligne.)

 

(Voir également : Anaschenko c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1328,  [2004] A.C.F. no 1602 (QL) par 18.)

 

[45]           Tel que rappelé par cette Cour dans la décision Lee c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 413, [2005] A.C.F. no 507 (QL) : « [...] la Cour ne peut intervenir à la légère dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire des agents d'immigration. La décision concernant une demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire doit reposer sur une analyse des faits et sur la pondération de nombreux facteurs. »

 

[46]           Ainsi, dans la mesure où l’agent a pris en considération toutes les preuves qui lui ont été soumises et qu’il a évalué tous les facteurs pertinents en regard des motifs d’ordre humanitaire, il n’y a rien qui justifie l’intervention de la Cour dans la décision de l’agent.

 

CONCLUSION

[47]           Aucun motif ne démontre que les conclusions de l’agent ERAR seraient déraisonnables.

 

[48]           Compte tenu de ce qui précède, les prétentions de monsieur Diallo ne sont pas de nature à convaincre cette Cour qu’il existe des motifs sérieux, susceptibles de lui permettre d’accueillir le recours qu’il cherche.


 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que

1.         La demande de contrôle judiciaire soit rejetée;

2.         Aucune question grave de portée générale soit certifiée.

 

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-290-07

 

INTITULÉ :                                       ABDRAMANE DIALLO

c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

DE L'IMMIGRATION ET LE MINISTRE DE LA

SÉCURITÉ ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 19 septembre 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                      le 18 octobre 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Valérie Jolicoeur

 

POUR LA DEMANDERESSE

Me Liza Maziade

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

DOYON & ASSOCIÉS

Montréal (Quéebec)

 

POUR LA DEMANDERESSE

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

 

 

 

 

 

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