Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

Date : 20071004

Dossier : IMM-3964-07

Référence : 2007 CF 1098

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 4 octobre 2007

En présence de monsieur le juge Mandamin

 

ENTRE :

MIRIAM ELISABETH PEREA DE FARIAS,

MARCELO FABIAN FARIAS,

 MATIAS EZEQUIEL FARIAS

 

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

 ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

            VU la requête datée du 26 septembre 2007 présentée pour le compte des demandeurs dans le but d’obtenir une ordonnance de sursis à l’exécution de la mesure de renvoi prononcée contre eux et devant être exécutée le 11 octobre 2007;

 

[1]               Les demandeurs souhaitent obtenir un sursis d’exécution de la mesure de renvoi en Argentine jusqu’à ce que leur demande d’autorisation de contrôle judiciaire visant le refus de leur accorder la résidence permanente pour des motifs d’ordre humanitaire, et le contrôle judiciaire si la demande est accordée, soient traités.

 

[2]               Les demandeurs sont une famille constituée d’un mari, d’une femme et de deux enfants, soit un fils de 14 ans et une fille de 6 ans, née au Canada. Les demandeurs affirment avoir fui l’Argentine car une famille impliquée dans le trafic illégal de drogue avait entrepris une vendetta contre eux. Ils sont arrivés au Canada en 1999 et ont présenté une demande d’asile. Cette demande a été rejetée par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) en décembre 2003. La famille a ensuite présenté une demande de résidence permanente au Canada pour des motifs humanitaire, demande qui a été rejetée en août 2007. Les demandeurs ont déposé une demande d’autorisation de contrôle judiciaire et une demande de contrôle judiciaire sur la décision rejetant la demande pour des motifs d’ordre humanitaire et demande à présent un sursis de l’ordonnance de renvoi prévue pour le 11 octobre 2007.

 

Critère permettant d’accorder une mesure interlocutoire

[3]               Le critère permettant d’accorder une mesure interlocutoire dans le cadre de procédures en sursis a été établi par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Toth c. Canada (Citoyenneté et Immigration), (1988) 86 N.R. 302 (C.A.F.) et peut ainsi être décrit relativement aux demandeurs :

a.       les demandeurs doivent démontrer qu’il y a une question sérieuse à trancher;

b.      le refus de l’ordonnance demandée causerait un préjudice irréparable aux demandeurs;

c.       la prépondérance des inconvénients, compte tenu de la situation des deux parties, penche en faveur des demandeurs.

 

[4]               Il s’agit d’un critère conjonctif, c’est-à-dire que les trois volets du critère doivent être remplis pour justifier l’autorisation d’un sursis de renvoi.

 

[5]               Le cœur de la présente demande se trouve autour de la question du préjudice irréparable. Les demandeurs ont affirmé qu’ils subiraient un préjudice irréparable en ce sens :

a.       qu’ils courront personnellement un risque en raison de la poursuite de la vendetta;

b.      que le renvoi en Argentine causera de la souffrance aux enfants;

c.       que leur renvoi entraînera des dépenses, la perte de leur entreprise canadienne et compromettra leur capacité à subvenir à leurs besoins;

d.      que leur renvoi nuira à leur capacité à poursuivre leur demande de contrôle judiciaire et aura une incidence sur leur parrainage par des membres de leur famille au Canada.

 

Risque personnel

[6]               Les demandeurs ont exprimé des inquiétudes pour leur sécurité en raison de la vendetta contre eux. En l’absence de preuve contraire, il y a lieu de présumer que les États sont capables de protéger leurs citoyens. Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S 689, A.C.S. no 74.

 

[7]               L’affidavit de la demanderesse Miriam Perea De Farias révèle que la personne principalement responsable de la vendetta a été trouvée coupable et incarcérée pour une période de quatre ans, période pendant laquelle les incidents ont cessé. Son affidavit divulgue également que les deux personnes responsables de ce qu’elle appelle des attaques commises à l’aide de véhicules motorisés ont été accusées et condamnées pour les crimes commis. Considérant ces dénouements et la documentation démontrant la présence de protection adéquate par l’État en Argentine, je ne suis pas d’avis qu’une requête des demandeurs en vue d’obtenir la protection de l’État leur causerait un tort irréparable.

 

L’intérêt supérieur des enfants

[8]               Les demandeurs soutiennent que leurs enfants subiront un préjudice du retour en Argentine et de l’interruption de leur éducation. L’intérêt supérieur des enfants est toutefois normalement de demeurer avec leurs parents. Owusu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2003] ACF no 139, 2003 CF 1re inst. 94.

 

[9]               Le fils de 14 ans avait 6 ans lorsque sa famille a quitté l’Argentine. Il parle l’espagnol. Considérant son adaptation réussie au système d’éducation canadien, on peut s’attendre à ce qu’il s’adapte de même à l’école en Argentine. L’enfant de 6 ans est née au Canada, mais en raison de son jeune âge, il est probable qu’elle demeure avec ses parents. Elle commence tout juste l’école. Les deux enfants jouissent du grand soutien de leurs parents et, grâce à ce soutien, on peut s’attendre à ce qu’ils s’ajustent à leur nouvelle vie en Argentine.

 

Considérations économiques

[10]           Les demandeurs allèguent que leur renvoi entraînera des dépenses, la perte de leur entreprise canadienne et compromettra leur capacité à subvenir à leurs besoins. Dans la décision Melo, le juge Pelletier déclare ce qui suit à propos des expulsions :

Ce sont là les conséquences déplaisantes et désagréables d’une expulsion. Mais pour que l’expression « préjudice irréparable » conserve un peu de sens, elle doit correspondre à un préjudice au-delà de ce qui est inhérent à la notion même d’expulsion. Être expulsé veut dire perdre son emploi, être séparé des gens et des endroits connus. L’expulsion s’accompagne de séparations forcées et de cœurs brisés. Il n’y a rien de plus dans la situation de M. Melo que les conséquences normales d’une expulsion. Melo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 403  (non souligné dans l’original).

 

 

[11]           Les demandeurs ont démontré qu’ils sont débrouillards, qu’ils possèdent des compétences sur le plan des affaires et ont de l’expérience. Ils ont également de la famille et des amis en Argentine, avec qui ils sont restés en contact et qui leur fournira certainement du soutien.

 

[12]            Le bouleversement qu’ils vivront en raison du renvoi n’est pas différent de celui qui est généralement vécu lorsque le processus de demande d’asile s’avère infructueux.

 

Demandes actuelles et futures

[13]           Les demandeurs sont libres de poursuivre leur demande d’interjeter appel et leur demande de contrôle judiciaire depuis l’extérieur du Canada. Ils pourront également présenter une demande pour immigrer au Canada avec le soutien des membres de leur famille qui vivent au Canada.

 

[14]           Je suis d’avis que les demandeurs n’ont pas prouvé qu’ils subiraient un préjudice irréparable s’ils étaient renvoyés en Argentine. Par conséquent, ils n’ont pas satisfait aux exigences nécessaires permettant d’obtenir une ordonnance judiciaire de sursis de leur renvoi.

 

Conclusion

[15]            La demande de sursis d’exécution d’une ordonnance de renvoi est donc rejetée.

 

 

 

 

 

ORDONNANCE 

 

              LA COUR rejette la requête en sursis d’exécution de la mesure de renvoi.

 

 

 

« Leonard S. Mandamin »

Juge

 

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3964-07

 

INTITULÉ :                                       MIRIAM ELISABETH PEREA DE FARIAS ET AL c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ


ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 1er octobre 2007

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :  Le juge MANDAMIN

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 4 octobre 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Maria Deanna P. Santos

 

POUR LES DEMANDEURS

Neeta Logsetty

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

Maria Deanna P. Santos

 

POUR LES DEMANDEURS

John H. Simms, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.