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Date : 20071030

Dossier : IMM-5455-06

Référence : 2007 CF 1121

Ottawa (Ontario), le 30 octobre 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PHELAN

 

 

ENTRE :

NORMA MUHWATI,

MILKA DAISY MUHWATI,

EDMORE ZVIKOMBORERO

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          INTRODUCTION

[1]               La demande d’asile présentée par les demandeurs, une mère (Norma), sa fille (Daisy) et son gendre (Edmore), a été rejetée par la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. Compte tenu de la conclusion de la Cour en l’espèce, il n’est pas utile de décrire en détail les faits propres à la présente affaire. Il s’agit d’une affaire qui porte sur des conclusions relatives à la crédibilité et qui doit être renvoyée à la SPR.

 

II.         LE CONTEXTE

[2]               Les demandeurs ont présenté leur demande d’asile au motif qu’ils craignaient de devoir retourner au Zimbabwe. La mère alléguait avoir peur de son mari, alors que sa fille et son gendre craignaient que l’ex-amant de l’épouse ne leur fasse du mal.

 

[3]               Le commissaire de la SPR a rejeté la demande au motif qu’aucun des récits des demandeurs n’était crédible. Il ressort de la lecture de la transcription de l’audience que le commissaire doutait, dès le début, non seulement de la vraisemblance des récits, mais aussi de la sincérité générale de chacun des demandeurs.

 

[4]               Les demandeurs ont soulevé la question des erreurs commises dans les conclusions de fait et ont allégué que le commissaire avait fait preuve de partialité à leur égard.

 

[5]               L’avocat du défendeur, de façon tout à fait appropriée et conformément aux normes élevées auxquelles on peut s’attendre d’un avocat de la Couronne, a reconnu que certaines des conclusions de fait tirées par le commissaire posaient des problèmes. Malgré ces concessions, l’avocat a soutenu qu’il y avait néanmoins un certain nombre de conclusions qui pouvaient être maintenues suivant la décision manifestement déraisonnable, norme énoncée dans l’arrêt Aguebor c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.).

 

 

III.       ANALYSE

A.        Les erreurs

[6]               À mon avis, le commissaire a commis des erreurs dans ses conclusions de fait parce qu’il a  mal apprécié des faits essentiels, comme l’a reconnu l’avocat du défendeur. Deux exemples sont suffisants. En premier lieu, le commissaire a tiré une conclusion défavorable quant à la crédibilité relativement à une réponse donnée selon laquelle un docteur n’avait pas fait subir de tests au témoin. Il était évident que le témoin envisageait les tests comme des analyses de sang, alors que selon le commissaire, se faire poser 31 questions constituait un test. En deuxième lieu, le commissaire n’a pas accepté la preuve présentée par Norma quant à l’existence d’une maison de refuge pour femmes battues, alors que le rapport du Département d’État des États-Unis faisait mention de la même maison de refuge et du même groupe de soutient pour femmes battues.

 

[7]               Il y a d’autres exemples où le commissaire a tiré des conclusions défavorables quant à la crédibilité en se fondant sur une compréhension erronée des faits.

 

[8]               Ces erreurs ont entaché le processus pour chacun des demandeurs, même si la conclusion ciblait peut-être un ou deux d’entre eux. Elles justifient la tenue d’une nouvelle audience.

 

B.         La partialité

[9]               Les demandeurs ont porté une grave allégation contre le commissaire fondée sur la façon dont il a tenu l’audience.

 

[10]           La jurisprudence établit qu’un état d’antagonisme lors de l’audience, notamment un interrogatoire excessivement agressif ou des commentaires acerbes concernant le témoignage, donne lieu à une crainte raisonnable de partialité (Gooliah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1967), 63 D.L.R. (2d) 224 (C.A. Man.); Golomb c. Ontario (College of Physicians and Surgeons) (1976), 68 D.L.R. (3d) 25 (C. Div. Ont.)).

 

[11]           Dans la décision Quiroa c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 271, j’ai mentionné qu’un commissaire doit adopter un certain ton et un certain comportement lors du processus juridictionnel afin de ne pas donner l'impression qu’il a arrêté ses conclusions de manière prématurée.

 

[12]           Dans ses motifs de l’arrêt Thamotharem c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CAF 198, la Cour d’appel fédérale a confirmé la décision d’inverser l’ordre des interrogatoires, en partie du fait que le ton et le style de l’interrogatoire étaient plus importants que l’ordre des interrogatoires.

 

[13]           En l’espèce, il n’y avait pas d’agent de la SPR présent pour interroger les demandeurs, donc le commissaire a dû adopter un rôle plus actif qu’à l’habitude. Cependant, les demandeurs étaient représentés par une avocate qui ne s’est pas opposée à la nature de l’interrogatoire, au ton utilisé par le commissaire ou à la façon dont il les a interrogés. On ne peut alléguer que les demandeurs n’ont pas eu la possibilité de soulever la question d’un interrogatoire exagérément ardu. Toutefois, même en l’absence d’opposition, s’il y a manquement à l’équité, le processus ne peut pas être maintenu.

 

[14]           Compte tenu de ma conclusion précédente, je n’ai pas à trancher la question de savoir si la présente allégation justifie l’annulation de la décision. Il suffit de dire qu’il y a une façon dont un commissaire doit interroger un demandeur et examiner de manière approfondie la crédibilité d’un récit, sans dégrader, attaquer ou insulter le témoin. Le commissaire ne s’est pas prévalu de ces techniques d’interrogatoire approfondi mais respectueux, peut-être en raison des témoignages irritants parce que prêtant à confusion qui ont été présentés par les demandeurs.

 

IV.       CONCLUSION

[15]           La présente demande de contrôle judiciaire sera donc accueillie, la décision sera annulée et l’affaire sera renvoyée à un autre commissaire de la SPR pour nouvelle audience.

 

[16]           Il n’y a aucune question aux fins de certification.

 

 

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie, que la décision est annulée et que l’affaire est renvoyée à un autre commissaire de la SPR pour nouvelle audience.

 

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                   IMM-5455-06

 

INTITULÉ :                                                  NORMA MUHWATI, MILKA DAISY

                                                                       MUHWATI, EDMORE ZVIKOMBORERO

                                                                       c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                           TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                          LE 29 OCTOBRE 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                        LE JUGE PHELAN

 

DATE DES MOTIFS :                                LE 30 OCTOBRE 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Mercy Dadepo

 

POUR LES DEMANDEURS

Bernard Assan

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Mercy Dadepo

Avocate

North York (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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