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Date : 20071107

Dossier : IMM-1852-07

Référence : 2007 CF 1157

 

Vancouver (Colombie-Britannique), le 7 novembre 2007

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

 

ENTRE :

HAILIAN YU

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               La demande de visa de résident permanent présentée par Mme Yu dans la catégorie des travailleurs qualifiés a été refusée. L’agente des visas a conclu que Mme Yu n’avait pas justifié d’au moins une année d’expérience de travail à temps plein au cours des dix dernières années comme l’exige la loi. Mme Yu affirme que l’agente des visas a négligé des éléments de preuve pertinents et a conclu à tort qu’elle n’avait pas dit la vérité au sujet de ses antécédents professionnels et de ses activités au Canada.

[2]                 En dépit de l'éloquence des arguments présentés par l'avocate du défendeur, j’estime que l’agente des visas a tenu compte d’éléments de preuve non pertinents et qu’elle a négligé de tenir compte d’éléments de preuve pertinents. En conséquence, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie.

 

[3]               Je suis d’accord avec le défendeur sur plusieurs points et plus précisément sur le fait qu’il incombait à Mme Yu de convaincre l’agente des visas de son expérience de travail, qu’il appartenait aussi à Mme Yu de réclamer les services d’un interprète si elle n’était pas en mesure de répondre aux questions en anglais, que le fait que Mme Yu avait fréquenté la faculté du commerce Sauder (Sauder) de l’University of British Columbia (UBC) à Vancouver était pertinent pour déterminer l’ampleur de l’association éventuelle de son employeur avec Sauder, et que l’agente des visas avait le droit de préférer ce qui était ressorti de l’entrevue de Mme Yu au contenu des lettres de recommandation de ses employeurs.

 

[4]               Ceci étant dit, les notes versées au système STIDI révèlent qu’au moins la moitié de l’entrevue de Mme Yu a été consacrée à des questions se rapportant à la fréquentation de Sauder par Mme Yu, une question qui avait peu de chose à voir avec sa demande de visa. Les documents provenant d’UBC et de Sauder, dont la légitimité n’a pas été remise en cause, établissent clairement que Mme Yu a fréquenté cet établissement d’enseignement. Mais ce qui importe surtout, c’est le fait que Mme Yu ne se fondait pas sur sa fréquentation de Sauder pour étayer sa demande.

 

[5]               Mme Yu n’a jamais dit qu’elle travaillait au Canada et elle n’a par ailleurs pas tenté d’obtenir des points ou d’autres avantages du fait qu’elle fréquentait Sauder. L’agente des visas s’est pourtant longuement attardé sur la présence de Mme Yu dans cet établissement d’enseignement et sur le qualificatif de [traduction] « chercheuse invitée » qui lui avait été accolé. L’agente des visas s’est inscrite en faux contre ce qualificatif. On trouve pourtant la même expression (« chercheur / chercheuse invité(e) ») dans divers documents de l’UBC et de Sauder qui décrivent le programme (dossier du tribunal aux pages 9, 11 et 12) ainsi que dans le visa de visiteur de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) (dossier du tribunal, aux pages 35 et 36).

 

[6]               Plus important encore, le fait de qualifier Mme Yu de « chercheuse invitée » a finalement amené l’agente des visas à conclure qu’elle n’avait [traduction] « pas été honnête au sujet de ses activités au Canada ». À mon avis, cette conclusion était manifestement déraisonnable, compte tenu de la documentation. Qui plus est, l’agente des visas a tiré cette conclusion relativement à un facteur qui n’avait aucun rapport avec la demande et elle en a probablement tenu compte pour en arriver à sa conclusion finale que Mme Yu n’avait pas été honnête au sujet de ses activités professionnelles.

 

[7]               En deuxième lieu, l’agente des visas a omis de tenir compte d’une des références professionnelles que Mme Yu avait fournies lors de son entrevue. L’objectif déclaré de l’entrevue était de déterminer l’ampleur de l’expérience de travail de Mme Yu en Chine. On lui a fait savoir que des renseignements complémentaires étaient nécessaires. En réponse et en complément de la documentation qu’elle avait jointe à sa demande, elle a produit une lettre de recommandation de l’Oxford-Combridge International Group de Beijing (Oxford-Combridge) dans laquelle étaient exposées en détail ses fonctions et sa rémunération à titre d’employée (pour une année au cours de la période en cause). L’agente des visas ne mentionne pas ces documents dans ses notes versées au système STIDI. De plus, au paragraphe 8 de l’affidavit qu’elle a souscrit en réponse, l’agente des visas précise bien l’expérience professionnelle dont elle a tenu compte pour évaluer l’expérience de travail de Mme Yu en Chine. Elle ne mentionne pas Oxford-Combridge.

 

[8]               Les parties ne contestent pas l’existence de la présomption que l’auteur de la décision a tenu compte de l’ensemble de la preuve versée au dossier avant de rendre sa décision. Il est également acquis aux débats qu’il n’est pas nécessaire de citer chacun des éléments de preuve dans la décision. Cette présomption est toutefois réfutable et la nécessité de citer expressément les éléments de preuve augmente en fonction de la force probante ou de la pertinence de la question à trancher. Dans le cas qui nous occupe, le dossier renferme des éléments de preuve qui parlent explicitement d’un emploi qui a duré un an. Cet emploi n’est pas mentionné dans les notes du système STIDI et l’agente des visas n’en fait pas mention dans son énumération des documents sur lesquels elle s’est fondée. Certes, il était loisible à l’agente des visas d’écarter ce document ou de ne lui accorder qu’une valeur négligeable, mais elle ne pouvait tout simplement l’ignorer. Or, il semble bien que c’est ce qu’elle a fait, du moins d’après le dossier. À mon avis, le défaut de l’agente des visas de prendre acte du document d’Oxford-Combridge et d’en tenir compte constitue une erreur manifestement déraisonnable.

 

[9]               Il se peut fort bien que Mme Yu ne soit pas en mesure de satisfaire aux exigences législatives qui l’obligeaient à avoir accumulé au moins une année d’expérience de travail à temps plein au cours des dix dernières années. Il n’en demeure pas moins qu’elle a le droit de faire évaluer correctement son expérience professionnelle. Sa présence à Sauder n’est pas un facteur qui entre en jeu lorsqu’il s’agit de procéder à une telle évaluation.

 

[10]           Pour les motifs qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie. Les avocats n’ont pas suggéré de question à certifier et le dossier n’en soulève aucune.

 

 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie et que l’affaire soit renvoyée pour être examinée par un autre agent des visas.

 

« Carolyn Layden-Stevenson »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1852-07

 

INTITULÉ :                                       HAILIAN YU c. MCI

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 6 NOVEMBRE 2007

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

 

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 7 NOVEMBRE 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Gabriel Chand

 

POUR LA DEMANDERESSE

Me Helen Park

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Chand & Company

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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