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Date : 20071115

Dossier : IMM-4700-07

Référence : 2007 CF 1189

[TRADUCTION FRANÇAISE]

ENTRE :

LAURA CAROLINA LOPEZ DE DONAIRE

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LE JUGE HUGHES

 

[1]               La demanderesse est une mère monoparentale originaire d’Argentine. Elle a quatre enfants, dont trois sont nés en Argentine d’un père violent; le quatrième est né au Canada, d’un autre père, avec qui la demanderesse n’a plus de relation, mais qui continue d’entretenir un lien avec l’enfant. La demanderesse travaille très fort pour assurer le soutien de ses enfants, mais elle est peu scolarisée et n’obtient que des emplois peu rémunérés. On lui a ordonné de quitter le Canada, et elle demande un sursis à l’exécution de cette mesure de renvoi.

 

[2]               Aussi sympathique que puisse être la situation de la demanderesse, elle a durant presque trois ans échappé à une ordonnance précédente de renvoi et à un mandat d’arrestation dont elle fait toujours l’objet. Avant d’être contraints de le faire, ses avocats dans la présente requête, lesquels étaient également ses avocats lors de l’ordonnance de renvoi précédente, ont omis de faire état de ces circonstances à la Cour dans les documents fournis.

 

[3]               La demanderesse a omis de présenter une demande d’asile et on lui a ordonné de quitter le Canada pour aller aux États-Unis, qui est le pays par lequel elle est entrée ici. Le 4 juin 2004, la demanderesse, accompagnée de son conjoint de fait à l’époque et de ses trois enfants nés en Argentine, a déposé une requête en sursis d’exécution d’une mesure de renvoi. La société d’avocats qui la représente aujourd’hui la représentait aussi à ce moment. La requête en sursis a été rejetée par la Cour le 7 juin 2004.

 

[4]               La demanderesse a omis de se présenter pour son renvoi le 8 juin 2004 et ne s’est pas rapportée aux autorités. Un mandat pour son arrestation a été émis. Ce n’est que le 3 novembre 2007, après une simple infraction au code de la route, que le lieu de séjour de la demanderesse a été découvert. Elle a été envoyée en détention et était toujours détenue au moment où la présente requête en sursis d’exécution d’une mesure de renvoi a été entendue. Le lieu de séjour de ses quatre enfants demeure confidentiel.

 

[5]               Dans les documents de requête soumis initialement à la Cour, il n’a pas été fait mention de la requête précédente en sursis d’exécution d’une mesure de renvoi, qui avait été rejetée, ni du mandat d’arrestation, ni de la détention, ni du fait que la demanderesse demeure détenue et que le lieu de séjour de ses enfants n’a pas été divulgué.

 

[6]               La présente requête a été présentée environ onze jours après la mise en détention de la demanderesse et elle a été entendue un jour avant la date prévue de son renvoi. Aucun élément de preuve convaincant n’a été fourni pour expliquer pourquoi la requête n’aurait pas pu être préparée et déposée deux ou trois jours après la mise en détention de la demanderesse le 3 novembre 2007, même si, apparemment, la date prévue pour son renvoi n’avait pas encore été fixée.

 

[7]               Une demanderesse qui souhaite obtenir un redressement en équité, comme un sursis, à titre interlocutoire et au moyen d’une requête du type de celle dont est aujourd’hui saisie la Cour, a l’obligation tout comme son avocat de faire une divulgation complète et franche de tous les faits pertinents, y compris les faits qui peuvent nuire à sa cause. Il n’est pas important que l’autre partie puisse prendre connaissance des faits, ce qui importe, c’est que la Cour soit au courant de tous les faits pertinents. En l’espèce, une communication partielle n’a été faite que dans un affidavit de la demanderesse soumis quelques minutes avant l’heure prévue du début de l’audience de la présente affaire, et seulement après que le défendeur eut présenté son mémoire, au moyen d’une lettre et d’un affidavit, compte tenu du court préavis, dans lequel les faits pertinents ont été révélés à la Cour pour la première fois.

 

[8]               La demanderesse, dans sa requête en vue d’obtenir un sursis à l’exécution d’une mesure de renvoi, affirme qu’une demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire est en instance depuis plusieurs mois. Il s’agit de la seconde demande du genre, la première a été refusée. L’avocat de la demanderesse affirme que la seconde demande est « beaucoup plus solide » que la première, largement parce que la demanderesse est demeurée au Canada et s’est davantage « établie ». Cette affirmation fait abstraction du fait que durant presque les trois dernières années, la demanderesse a échappé à un renvoi en dépit d’un mandat d’arrestation en cours.

 

[9]               L’avocat de la demanderesse affirme que la demanderesse subira un préjudice irréparable si elle est renvoyée en Argentine en passant par les États-Unis.  On a avancé l’argument que le mari violent pourrait chercher la demanderesse en Argentine, mais aucune preuve substantielle d’un risque réel que cela se produise n’a été amenée.

[10]           Quant à la prépondérance des inconvénients, aucune raison substantielle de favoriser la demanderesse n’a été établie. Au contraire, le défaut par la demanderesse et l’avocat de la demanderesse de faire une divulgation complète et franche de tous les faits pertinents ne milite pas en faveur de l’octroi d’une réparation en équité. Comme l’a affirmé le juge Gibson de notre Cour dans une ordonnance datée du 9 février 2007 dans Haynes c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), IMM-354-07 :

[traduction] ET la Cour conclut en outre que la demanderesse envisage un redressement en équité sans communiquer tout l’historique de son immigration au Canada et, plus particulièrement, en omettant de divulguer qu’avant sa plus récente entrée au Canada, elle était entrée au Canada le 12 juillet 1992 avec un visa de visiteur de courte durée, qu’elle a substantiellement prolongé la durée de ce visa et travaillé au Canada, qu’elle a été déportée du Canada le 7 octobre 2000, que lorsqu’elle est ensuite revenue au Canada en mars 2001, elle l’a fait de façon illégale, et que son nom n’a été signalé aux autorités de l’immigration canadiennes que lorsqu’elle a été arrêtée le 5 juin 2004, entraînant une ordonnance de déportation à son endroit le 17 septembre 2004, avec le résultat que la Cour ne peut conclure que la prépondérance des inconvénients favorise l’octroi d’un sursis à l’exécution de l’ordonnance de renvoi, au détriment des intérêts du défendeur et de la population canadienne en général, nonobstant le fait que son renvoi pourrait entraîner un risque substantiel de préjudice irréparable pour elle-même et son jeune enfant;

 

 

[11]           Par conséquent, la requête en sursis est rejetée.

 

[12]           Il s’agit d’une affaire exceptionnelle pour laquelle l’adjudication de dépens est justifiée. Je fixe ces dépens à 500 $. Je suis conscient que la demanderesse n’a peut-être pas les moyens de payer de tels dépens et le défendeur peut s’abstenir de les demander. Les avocats de la demanderesse peuvent même envisager de payer ces dépens au nom de la demanderesse, puisque les avocats ont la responsabilité de garantir une divulgation complète.

 

 

« Roger T. Hughes »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4700-07

 

INTITULÉ :                                       LAURA CAROLINA LOPEZ DE DONAIRE c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET
DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 14 NOVEMBRE 2007

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :  LE JUGE HUGHES

 

DATE :                                               LE 15 NOVEMBRE 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Daniel Kwong

 

POUR LA DEMANDERESSE

John Provart

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Green & Spigel

Avocats

Toronto (Ontario)

 

 

 

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Simms, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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