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Date : 20071115

 

Dossier : IMM-560-07

 

Référence : 2007 CF 1190

 

Ottawa (Ontario), le 15 novembre 2007

 

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BLANCHARD

 

ENTRE :

AYODEJI J. ADEWALE

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

1. Introduction

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire concernant la décision, rendue le 6 décembre 2006 au haut-commissariat adjoint du Canada à Lagos (Nigeria), par laquelle un agent des visas a refusé la demande de résidence temporaire présentée par le demandeur au titre de la catégorie des visiteurs.

 

[2]               Le demandeur réside à Lagos (Nigeria) et travaille en tant que directeur technique pour  Semyna Oil and Gas Nigeria Ltée (Semyna). Le demandeur est aussi à l’emploi de Quality International Company, une société sœur de Semyna.

[3]               Semyna entretient une relation d’affaires avec RTI Turbo Inc. (RTI), une société canadienne dont le siège social est situé à Montréal. Semyna a acheté de RTI un moteur en 2005. L’année suivante, Semyna a négocié avec RTI l’achat de deux moteurs diesel Detroit. Selon la convention d’achat, un représentant technique de Semyna doit déclarer que les moteurs fonctionnent bien à l’issue de leur mise à l’essai en sa présence avant le paiement du prix de vente et l’expédition des moteurs. À cette fin, après avoir conclu la convention d’achat, RTI a demandé au haut-commissariat du Canada à Lagos (Nigeria) en novembre 2006 de délivrer un visa de visiteur au demandeur, le représentant technique de Semyna, et à M. Yinka Jinadu, premier dirigeant de cette société. Le demandeur soutient qu’il est le seul employé de Semyna à bien connaître les moteurs diesel Detroit et qu’il aurait la responsabilité de les mettre en état de fonctionner, de les réparer et de les entretenir. 

 

[4]               La demande de visa du demandeur renferme des éléments de preuve qui montrent a) qu’il était à l’emploi de Semyna et b) qu’il se rendait au Canada à la demande de RTI dans l’exercice de ses fonctions. Une lettre signée par Ronnie Wallace, directeur des moteurs et de la vente des pièces de RTI, en date du 20 novembre 2006 est jointe en annexe à la demande. Je reproduis ci‑dessous le contenu intégral de la lettre : 

[traduction]

Nous vous demandons des visas de visiteur au nom de MM. Semiu Yinka Jinadu et Ayodeji Adewale pour leur permettre de visiter nos installations de Montréal et de Moncton.

M. S. Y. Jinadu est le premier dirigeant de Semyna Oil and Gas Limitée et de Quality International Company tandis que M. Adewale est le directeur technique de ces deux sociétés.  Semyna Oil and Gas Limitée souhaite acquérir deux moteurs diesel de RTI Turbo Inc. de Montréal. MM. Jinadu et Adewale sont tenus de procéder à l’inspection finale des moteurs et d’assister à leur mise à l’essai avant de remettre le dernier paiement à RTI Turbo Inc.

 

MM. Jinadu et Adewale sont censés se rendre à notre atelier de remontage de moteurs diesel situé à Montréal avant de visiter notre atelier de Moncton pour inspecter les autres installations où nous fabriquons des moteurs diesel. Cela leur permettrait d’évaluer notre capacité à conclure d’autres transactions avec eux dans l’avenir. MM. Jinadu et Adewale détiennent un passeport nigérian dont les numéros sont respectivement A177567 et A3440583A. Ils sont censés visiter nos installations de Montréal et de Moncton du 11 au 20 décembre 2006 pour les fins de l’inspection. Des chambres ont été réservées à l’hôtel Holiday Inn du centre-ville de Montréal. Vous trouverez ci-joint la confirmation de la réservation au nom de ces messieurs.

 

N’hésitez pas à communiquer avec nous si vous avez besoin de renseignements supplémentaires. Vous pouvez nous joindre aux numéros ci-dessus ou le faire par l’entremise de notre site Web au  www.rtiturbo.ca ou encore par courriel au 

rtiturbo@canada.com ou au rtiturbo@sympatico.ca

 

 

2.  Décision faisant l’objet du contrôle

[5]               Le 6 décembre 2006, l’agent des visas a refusé la demande de visa de visiteur au motif qu’il n’était pas convaincu que le demandeur :

a)         avait une raison légitime de venir au Canada;

b)         disposait des fonds suffisants, y compris les revenus ou les biens, pour mener les activités prévues au Canada, subvenir à ses besoins pendant son séjour au Canada et quitter le pays;

 

(c)        avait répondu aux exigences prescrites à l’article 179 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (Règlement) (c.-à-d. qu’il quittera le Canada à la fin de la période de séjour autorisée).

 

 

[6]               Les notes de l’agent versées dans le STIDI contiennent les renseignements suivants :

intéressé – homme; 34 ans; célibataire; aucun voyage à son actif;

travaille pour RTI Turbo depuis moins de deux ans;

intéressé est un ingénieur;

aucuns antécédents professionnels documentés;

voyage pour rencontrer des partenaires d’affaires;

pas convaincu de l’exactitude de ses relations d’ordre personnel et financier (pas fourni de documents personnels à l’appui);

demande refusée.

 

3.  Questions en litige

[7]               Le demandeur soutient que l’agent a rendu sa décision sur le fondement d’une conclusion de fait erronée, tirée sans tenir compte des éléments dont il disposait. Le demandeur soutient également que l’agent n’a pas donné suffisamment de motifs logiques à l’appui de sa décision et qu’il a enfreint les règles d’équité procédurale en ne communiquant pas avec lui pour obtenir de plus amples détails sur sa situation.  

 

4.  Norme de contrôle judiciaire

[8]               La décision de l’agent des visas est de nature discrétionnaire. La Cour ne modifiera cette décision que si elle la juge manifestement déraisonnable (Gandhi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1054, [2003] A.C.F. no 1327 (QL); Al-Rifai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 1236, [2002] A.C.F. n1703 (QL)).

 

5.  Analyse

[9]               Je commencerai par traiter de la requête du défendeur visant à faire rayer du dossier certains éléments de preuve. Le défendeur soutient que les documents constituant les pièces A-2, A-3, A-9 et A-10 suivent la décision visée par le contrôle judiciaire et représentent de nouveaux éléments de preuve dont ne disposait pas l’agent des visas. En outre, selon le défendeur, rien ne prouve que les documents constituant les pièces A-1, A-4, A-5 et A-6 ont été remis pour examen à l’agent des visas. 

 

[10]           Les pièces A-1, A-4, A-5 et A-6 ne se trouvent pas dans le dossier certifié du tribunal. Rien ne montre que ces pièces ont été communiquées à l’agent. Il est admis que la cour siégeant en contrôle judiciaire peut seulement examiner la preuve dont était saisi le décideur. Je conviens donc avec le défendeur qu’il est interdit d’examiner les pièces contestées dans le cadre de la présente demande. Les pièces sont donc rayées du dossier. 

 

[11]           Le demandeur prétend que le dossier du tribunal est incomplet et qu’il manque certains documents. Il fait valoir que le dossier ne renferme pas les documents confirmant la réservation d’une chambre d’hôtel au nom du demandeur. La lettre de RTI du 20 novembre 2006 fait état du « prétendu » document manquant. Le demandeur fait valoir en outre que certains documents financiers ayant pour objet d’établir que son employeur avait les moyens de financer le voyage d’affaires sont également absents du dossier. Peu importe les observations du demandeur, aucun élément n’a été produit pour appuyer la thèse que l’agent des visas disposait des documents financiers en question. Je n’ai d’autre choix que de considérer que le dossier certifié du tribunal représente le dossier complet dont était saisi l’agent des visas. 

 

[12]           Il appert du dossier que la décision repose au moins en partie sur une conclusion de fait erronée. Dans les notes qu’il a versées dans le STIDI, l’agent dit que le demandeur travaille pour RTI Turbo depuis moins de deux ans. Il s’agit de toute évidence d’une erreur parce que rien dans la preuve ne révèle que le demandeur ait travaillé pour RTI à quelque moment que ce soit ou qu’il en ait eu l’intention. La preuve indique clairement que le demandeur est à l’emploi de Semyna et qu’il entend visiter le Canada dans le but de procéder à une évaluation technique de deux moteurs diesel pour le compte de son employeur. La méprise de l’agent au sujet de la relation entre le demandeur et RTI revêt de l’importance, car elle démontre que l’agent n’a pas saisi la nature ni l’objet déclaré de la demande de visa. L’agent a dit qu’il n’était pas persuadé que le demandeur avait [traduction] une « raison légitime de venir au Canada ». La relation d’emploi entre le demandeur et Semyna est un élément essentiel de l’objet de la visite qui sous‑tend la demande de visa. Je n’accepte pas la prétention du défendeur selon laquelle l’erreur en question est une simple erreur d’écriture. Rien dans les notes fragmentaires de l’agent ne me permet de conclure que c’est le cas. 

 

[13]           Il n’appartient pas à la Cour de conjecturer la manière dont l’agent aurait exercé son pouvoir discrétionnaire s’il avait bien saisi le fait que le demandeur était à l’emploi de Semyna.  J’estime qu’une conclusion de fait erronée sur un élément tellement fondamental de la demande de visa fait en sorte que la décision de l’agent est manifestement déraisonnable et justifie, par conséquent, l’intervention de la Cour. 

 

6.  Conclusion

[14]           Pour les motifs exposés ci-dessus, je rejette la demande et renvoie l’affaire pour réexamen à un autre agent des visas. 

 

[15]           Les parties ont eu l’occasion de proposer une question grave de portée générale, comme le prévoit l’alinéa 74d) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, mais elles ne l’ont pas fait. Je suis convaincu que le dossier ne soulève aucune question de ce genre et je n’ai pas l’intention d’en certifier une. 


 

ORDONNANCE

 

            LA COUR ORDONNE :

 

1.         La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

 

2.         L’affaire est renvoyée pour réexamen à un autre agent des visas.

 

3.         Aucune question n’est certifiée.

 

 

« Edmond P. Blanchard »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

David Aubry, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-560-07

 

INTITULÉ :                                                   AYODEJI J ADEWALE

                                                                        c.

                                                                        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                                        ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 25 OCTOBRE 2007

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :              LE JUGE BLANCHARD

 

DATE DES MOTIFS

ET DE L’ORDONNANCE :                         LE 15 NOVEMBRE 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Idoerenyn E. Amana

 

                 POUR LE DEMANDEUR

Evan Liosis

 

                 POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Idoerenyn E. Amana

 

  POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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