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Date :  20071120

Dossier :  IMM-2099-07

Référence :  2007 CF 1211

Ottawa (Ontario), le 20 novembre 2007

En présence de Monsieur le juge Shore 

 

ENTRE :

DOMINGUEZ HERNANDEZ Gerardo Rene

RAMOS DE DOMINGUEZ Marisela

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

INTRODUCTION

[1]               [34]      [...] Or, la question n'est pas tant de savoir si des recours contre des fonctionnaires corrompus existent au Mexique, mais plutôt de déterminer si, en pratique, ceux-ci sont utiles dans les circonstances...

 

(Comme spécifié par le juge Luc Martineau dans Avila c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 359, [2007] A.C.F. no 439 (QL).)

 

 

 

procédure judiciaire

[2]               Il s'agit d'une Demande d’autorisation et demande de contrôle judiciaire à l’encontre d’une décision rendue par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (Commission), le 4 mai 2007, selon laquelle, les demandeurs, citoyens du Mexique, n’ont pas la qualité de réfugiés au sens de la Convention, ni de personnes à protéger.

 

FAITS

[3]               Les demandeurs, monsieur Gerardo Rene Dominguez Hernandez et madame Marisela Ramos de Dominguez, allèguent qu’ils ont la qualité de personnes à protéger, conformément à l’article 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c. 27 (LIPR), puisqu’ils risqueraient d’être exposés à une menace à leur vie ou à un risque de traitements ou peines cruels et inusités.

 

[4]               Il s’agit d’un couple originaire du Mexique. Le demandeur principal travailla comme coiffeur et, la plupart du temps, celui-ci se déplaça pour effectuer son travail. Il avait des clients dans toutes les sphères de la société. Au cours de son travail, il découvrit que des hommes liés aux autorités (le trésorier du District fédéral du Mexique; un commandant de police), étaient mêlés à des activités illicites (trafique de drogue). En somme, le demandeur a su et vu des choses qu’il ne devait pas savoir, ni voir. Cela lui amena des conséquences terribles. Il fut enlevé, menacé, persécuté.

 

[5]               Le demandeur principal présenta une plainte devant les autorités adéquates mais, les autorités n’ont pas voulu prendre sa plainte. Lors de la déposition en question, monsieur Dominguez Hernandez fit une déclaration écrite dans laquelle, il mentionna tous ses problèmes. Par contre, il a vu que les agents du Ministère Public, ne voulaient pas l’aider. On lui dit qu’ils ne peuvent rien faire. On lui donne des raisons inacceptables pour ne pas agir et ils n’ont pas voulu lui donner une copie de ce qui avait été rédigé.

 

[6]               Suite à cela, le demandeur principal est allé voir un avocat et celui-ci lui dit qu’il avait commis une grave erreur que d’avoir essayé de déposer une plainte et de parler du problème. Suite à sa plainte (tentative), monsieur Dominguez Hernandez a reçu de menaces de mort par voie téléphonique. Alors, sa situation est devenue pire après s’être présenté devant le Ministère Public. Le demandeur principal changea de domicile mais il fut retracé et menacé à nouveau.

 

DÉCISION DE LA COMMISSION

[7]               La Commission prétend que les demandeurs auraient pu obtenir protection dans leur pays d’origine, ne doutant pas de la crédibilité de ceux-ci.

 

QUESTION EN LITIGE

[8]               Est-ce que la Commission a commis une erreur susceptible de contrôle judiciaire, en faisant une évaluation erronée de la notion de ‘protection de l’état’ (en déterminant qu’il existait une protection pour les demandeurs)?

 

 

 

La norme de contrôle

[9]               Il est de jurisprudence constante que la norme applicable à de telles déterminations est celle de la décision manifestement déraisonnable. (Voir les décisions : Aguebor c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (C.A.F.), [1993] A.C.F. no 732 (QL); R.K.L. c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 116, [2003] A.C.F. no 162 (QL); Khaira c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 62, [2004] A.C.F. no 46(QL).) Une décision est manifestement déraisonnable lorsque, compte tenu des circonstances, elle est clairement abusive, manifestement injuste, contraire au sens commun ou sans fondement en droit ou en faits.

 

ANALYSE

[10]           Les demandeurs ont essayé d’obtenir la protection de l’État mais ils n’ont pas réussi.

 

[11]           Il est manifestement déraisonnable de prétendre que les demandeurs, considérés comme crédible par la Commission, auraient pu trouver protection dans leur pays d’origine eu égard les circonstances propres du cas présent (problèmes touchant les membres des autorités – policiers, trésorier; problèmes reliés à des trafiquants de drogue ayant des liens avec des membres des autorités, etc.). En somme, les demandeurs n’ont pas manqué à leurs obligations.

 

[12]           La Commission a errée en ne tenant pas compte de la situation particulière des demandeurs. Ceux-ci, après avoir essayé de porter plainte, ont vu leur situation s’aggraver (voir : menaces de mort).

[13]           Comme spécifié par le juge Edmond Blanchard dans Burgos c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1537, [2006] A.C.F. no 1537 (QL) :

[36]      Par ailleurs, lorsqu'elle examine la question de la protection de l'État, la Cour ne peut pas exiger que la protection actuellement offerte soit d'une efficacité parfaite. Les propos suivants du juge James Hugessen dans Villafranca c. M.E.I., [1992] A.C.F. no 1189 (C.A.F.) (QL), font d'ailleurs état de ce principe :

Par contre, lorsqu'un État a le contrôle efficient de son territoire, qu'il possède des autorités militaires et civiles et une force policière établies, et qu'il fait de sérieux efforts pour protéger ses citoyens contre les activités terroristes, le seul fait qu'il n'y réussit pas toujours ne suffit pas à justifier la prétention que les victimes du terrorisme ne peuvent pas se réclamer de sa protection.

 

[37]      Malgré tout, la simple volonté de l'État d'assurer la protection de ses citoyens n'est pas suffisante en soi pour établir sa capacité. La protection doit tout de même avoir une certaine efficacité (Bobrik c. M.C.I., [1994] A.C.F. no 1364 (1re inst.) (QL).

 

[...]

 

[42]      En déterminant qu'il existait une protection adéquate au Mexique, et que les demandeurs auraient dû porter plainte après les incidents du 21 août 2005 et du 2 octobre 2005, la Commission a rendu une décision déraisonnable, en ce sens qu'elle a omis de tenir compte du fait que la situation des demandeurs s'est aggravée les deux fois où ils ont porté plainte et qu'ils se sont adressés à deux instances différentes. Cette conclusion va d'ailleurs à l'encontre du principe établi par la Cour Suprême dans Ward, selon lequel le demandeur n'a pas à "mettre sa vie en danger en sollicitant la protection inefficace d'un État, simplement pour démontrer cette inefficacité". Cette erreur justifie l'intervention de la Cour dans la mesure où cette détermination a été incapable de résister à un examen poussé.

 

 

[14]           Suite au fait que les demandeurs ont été considérés comme crédible, la Commission devrait démontrer l’analyse des documents pertinents et faisant partie de la preuve afin d’analyser cette question (voir par exemple, la pièce 2.1 du cartable national de documentation, 23 juin 2006, document 2.1 : Country Reports on Human Rights Practices for 2005, 8 mars 2006), dont voici un extrait de l’introduction dudit rapport :

Mexico, with a population 106 million, is a federal republic composed of 31 states and a federal district, with an elected president and bicameral legislature. In 2000 voters elected President Vicente Fox Quesada of the National Action Party to a six-year term in generally free and fair multiparty elections. While civilian authorities generally maintained effective control of the security forces, elements of the security forces frequently acted independently of government authority.

 

The government generally respected and promoted human rights at the national level; however, violations persisted at the state and local level. The government investigated, prosecuted, and sentenced several public officials and members of security forces involved in criminal acts; however, impunity and corruption remained a problem. Local police released suspects who claimed to have been tortured as part of investigations, and authorities investigated complaints of torture, but authorities rarely punished officials for torture. There was a marked increase during the year in narcotics trafficking-related violence, especially in the northern border region. Violence against women continued to be a problem nationwide, particularly in Ciudad Juarez and the surrounding area. Government efforts to improve respect for human rights were offset by a deeply entrenched culture of impunity and corruption. The following human rights problems were reported:

 

·                     unlawful killings by security forces

·                     vigilante killings

·                     kidnappings, including by police

·                     torture, particularly to force confessions

·                     poor, overcrowded, sometimes life-threatening prison conditions

·                     arbitrary arrest and detention

·                     corruption, inefficiency, and lack of transparency in the judicial system

·                     statements coerced through torture permitted as evidence in trials

·                     criminal intimidation of journalists, leading to self-censorship

·                     corruption at all levels of government

·                     domestic violence against women often perpetrated with impunity

·                     criminal violence, including killings, against women

·                     trafficking in persons, allegedly with official involvement

·                     social and economic discrimination against indigenous people

·                     child labor

 

[15]           Le document 2.2 Amnesty International (AI), 2006 « Mexique » Amnesty International – Rapport 2006, nous apprend que :

Le droit à un procès équitable n’était pas toujours respecté. En particulier, les personnes mises en cause n’ont pas toutes eu la possibilité de consulter immédiatement un avocat ; en outre, le service des poursuites et la police judiciaire n’étaient pas soumises à un contrôle effectif. En mai, le Conseil national de prévention de la discrimination, une instance récemment créée, a publié une enquête nationale illustrant les types de discrimination auxquels étaient confrontés les groupes socialement défavorisés.

 

§                     En septembre, le prisonnier d’opinion Felipe Arreaga, un défenseur des droits humains connu pour son militantisme écologique, a été acquitté d’une accusation de meurtre après que la défense eut prouvé que, en représailles à son action en faveur de l’environnement, les réquisitions du procureur avaient été montées de

 

§                     Nicolasa Ramos a été libérée en appel faute de preuves après avoir passé près de trois ans dans une prison de Basse-Californie. Elle avait été accusée d’avoir volé de l’eau des canalisations publiques pour approvisionner Maclovio Rojas, une communauté de squatters établie de longue date à proximité de Tijuana. Le délit qui lui était reproché aurait été inventé.

 

§                     Octavio Acuña, défenseur des droits humains et homosexuel militant, a été assassiné en juin à Querétaro. En 2004, lui et son compagnon avaient porté plainte contre des policiers locaux pour discrimination ; peu avant le meurtre, ils s’étaient également plaints de harcèlement homophobe. Malgré cela, les enquêteurs n’auraient pas tenu compte des preuves attestant que le crime avait été motivé par l’homophobie.

 

 

[16]           Également, le document 2.3 : Human Rights Watch (HRW), 18 janvier 2006, « Mexico », World Report 2006, établit ce qui suit :

Among Mexico’s most serious human rights problems are those affecting its criminal justice system. Persons under arrest or imprisonment face torture and other ill-treatment, and law enforcement officials often neglect to investigate and prosecute those responsible for human rights violations.

 

President Vicente Fox has repeatedly promised to address these problems and has taken important steps toward doing so—establishing a special prosecutor's office to investigate past abuses and proposing justice reforms designed to prevent future ones. Unfortunately, neither initiative has lived up to its potential.

 

 

 

 

 

Impunity  

 

The criminal justice system routinely fails to provide justice to victims of violent crime and human rights abuses. The causes of this failure are varied and include corruption, inadequate training and resources, and a lack of political will. One prominent example is the unsolved murders of hundreds of young women and girls over the last decade in Ciudad Juárez, a city on the U.S. border in Chihuahua state. Several individuals facing charges for some of the Júarez killings have recanted confessions that they claim were coerced through torture.  

 

A major shortcoming of the Mexican justice system is that it leaves the task of investigating and prosecuting army abuses to military authorities. As Human Rights Watch documented in a 2001 report, the military justice system is ill-equipped for such tasks. It lacks the independence necessary to carry out reliable investigations and its operations suffer from a general absence of transparency. The ability of military prosecutors to investigate army abuses is further undermined by fear of the army, which is widespread in many rural communities and which inhibits civilian victims and witnesses from providing information to military authorities. The Mexican Supreme Court had an opportunity to address the problem of military jurisdiction in a 2005 case, but in September it upheld the military’s authority over cases involving army members even when the alleged crimes were committed while off-duty.

 

[17]           Par ailleurs, la pièce 9.7 Canada, mai 2005, Commission de l’immigration et du statut de réfugié, Mexique : Protection offerte par l’État (décembre 2003 – mars 2005), nous apprend que :

3.2 Le système judiciaire

 

[…]

 

Dans la pratique, des sources d'information internationales ont signalé en 2004 et au début de 2005 qu'un grand nombre des violations des droits de la personne commises au Mexique étaient imputables aux défauts structurels du système de justice pénale du pays (HRW 8 janv. 2005; AI 2004). Par exemple, le rapport annuel publié par Amnesty International en 2004 (ibid.) et le rapport mondial publié par Human Rights Watch en 2005 (8 janv. 2005) font valoir que des cas de torture, de détention arbitraire et d'extorsion au sein du système judiciaire continuaient de se produire dans un climat d'impunité en 2003 et en 2004, surtout au niveau des États. Les Country Reports 2004 ajoutent que malgré les tentatives faites en 2004 pour réformer le système judiciaire, on [traduction] « continuait de trouver inquiétantes les longues détentions préventives et l'application irrégulière de la loi, ainsi que l'inefficacité et la corruption judiciaires » (28 févr. 2005).

 

En juin 2004, on a rapporté les propos d'Alejandro Gertz Manero, alors ministre fédéral de la Sécurité publique (Secretaría de Seguridad Pública — SSP), qui aurait déclaré que le système judiciaire du Mexique était vétuste et indigne de confiance et qu'il ne répondait pas aux besoins de la société mexicaine (FBIS 30 juin 2004). Par ailleurs, dans un sondage d'opinion effectué auprès des Mexicains en 2004 par la Corporación Latinobarómetro, 58 p. 100 des sondés ont exprimé l'avis qu'il était tout à fait possible de soudoyer un juge pour obtenir une sentence favorable (sentencia favorable) (13 août 2004).

 

Parmi les points clés soulevés à une conférence sur les réformes judiciaires au Mexique, tenue en juillet 2004 sous le parrainage des organisations états-uniennes Center for Strategic and International Studies (CSIS) et Center for US-Mexican Studies, on trouve l'affirmation que le système de justice pénale était [traduction] « à la fois inefficace et inéquitable » (CSIS 16 juill. 2004). De nombreux spécialistes de la réforme judiciaire aux niveaux national et international ont affirmé à la conférence que [traduction] « moins de 5 p. 100 des crimes [faisaient] l'objet d'une enquête et [que] moins de 2 p. 100 [étaient] jugés par les tribunaux » (ibid.). Ils ont qualifié le système de justice pénale d'inéquitable, lui reprochant des détentions arbitraires, des retards dans les prononcés des peines et dans les procès, des [traduction] « incarcérations sans prononcé de peine », des détentions préventives et de [traduction] « mauvaises défenses juridiques » (ibid.; voir aussi AI 28 sept. 2004).

 

Plusieurs sources d'information affirment que parmi les pratiques critiquées du processus judiciaire, la détention préventive (prisión preventiva) est particulièrement inquiétante (ibid.; PJSO nov. 2004; CSIS 16 juill. 2004). À la conférence de juillet 2004 sur les réformes judiciaires, parrainée par le Center for Strategic and International Studies (CSIS) et le Center for US-Mexican Studies, les spécialistes se sont entendus pour dire que la détention préventive [traduction] « nuit au processus de poursuite et participe à l'incarcération massive qui caractérise le système » (ibid.). Dans un document publié en novembre 2004 par le Projet de justice Société ouverte (PJSO), Guillermo Zepeda, auteur du document et spécialiste de la sécurité publique, a signalé qu'à ce moment là, il y avait au Mexique quelque 82 000 personnes qui attendaient leur procès en prison, dont certains n'avaient commis que des infractions mineures (11 nov. 2004). Zepeda a fourni des arguments pour démontrer que la détention préventive n'avait pas mené à une diminution du taux de criminalité, qu'elle ne permettait pas, dans les faits, d'assurer une compensation aux victimes, et qu'elle n'était pas rentable (PJSO 11 nov. 2004).

 

Les Country Reports 2004 font remarquer quant à eux que les autorités négligeaient de faire en sorte que les inculpés pauvres soient représentés par un avocat (28 févr. 2005, sect. 1.c). En effet, [traduction] « on ne permettait pas aux inculpés en détention préventive de communiquer immédiatement avec un avocat pour discuter en privé des questions soulevées aux audiences. En outre, le système des défenseurs publics ne disposait pas des ressources nécessaires pour répondre aux besoins » (Country Reports 2004 28 févr. 2005, sect. 1.c).

 

 

[18]           Le présent dossier sera renvoyé à la Commission pour une nouvelle audience. La notion de la protection d’État nécessite l’application de ce cas d’espèce, en se servant de la documentation pertinente sur des conditions des pays qui résument l’encyclopédie des références, le dictionnaire des termes, et une galerie des portraits qui démontrent l’état de la protection dans ce type de cas en question.

 

[19]           Le fait que le demandeur doit mettre sa vie en danger en sollicitant la protection inefficace d’un État, simplement pour démontrer cette inefficacité, semblerait aller à l’encontre de l’objet de la protection internationale. (Voir : Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689; également : Aramburo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1994] A.C.F. no 1873 (QL).)

 

[20]           Dans la décision Howard-Dejo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1995] A.C.F. no 176 (QL), la Cour a souligné qu’en l’espèce, il ressortait de la preuve non seulement que l’État n’avait pas toujours réussi à protéger les cibles du terrorisme, mais que les autorités n’étaient pas en mesure d’assurer une protection proportionnelle à la menace.

 

[21]           Dans G.D.C.P. c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 989, [2002] A.C.F. no 1331 (QL), la juge Elizabeth Heneghan a affirmé que la demandeure n’est pas tenue de démontrer qu’elle a épuisé tous les recours offerts en matière de protection. Elle doit plutôt démontrer quelle a pris toutes les mesures raisonnables, compte tenu de la situation générale qui avait cours dans le pays d’origine, de toutes les mesures qu’elle a effectivement prises et de sa relation avec les autorités. (Voir également : D’Mello c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] A.C.F. no 72 (QL), par le juge Frederick Gibson.)

 

[22]           Dans Bobrik c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] A.C.F. no 1364 (QL), la juge Danièle Tremblay-Lamer note :

[13]      [...] même si l'État veut protéger ses citoyens, un demandeur remplira le critère du statut de réfugié si la protection offerte est inefficace. Un État doit donner réellement de la protection, et non simplement indiquer la volonté d'aider. Lorsque la preuve révèle qu'un demandeur a connu de nombreux incidents de harcèlement ou de discrimination ou à la fois de harcèlement et de discrimination sans que l'État le défende efficacement, la présomption joue, et on peut conclure que l'État veut peut-être protéger le demandeur, mais qu'il ne peut le faire.

 

 

[23]           D’autre part, le fait que des groupes de défense des droits civils soient en mesure d’enquêter sur de prétendus abus n’est pas pertinent au regard de la protection. (Voir : Thakur c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 600 (QL), par le juge Jean-Eudes Dubé; Mendoza c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1996] A.C.F. no 90 (QL), par le juge Francis C. Muldoon; Molnar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 1081, [2002] A.C.F. no 1425 (QL), par la juge Tremblay-Lamer.)

 

[24]           Dans Molnar, ci-dessus, la juge Tremblay-Lamer a statué que la Commission a commis une erreur en imposant aux demandeurs le fardeau de chercher réparation auprès d’agences autres que les services de police.

 

[25]           Dans la décision Elcock c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] A.C.F. no 1438(QL), le juge Gibson écrit :

[15]       [...]. J'estime qu'il doit en être de même en l'espèce, et que la SSR a commis une erreur donnant ouverture à révision en omettant d'examiner effectivement non seulement s'il existait des mécanismes légaux et procéduraux de protection mais encore si l'État, par l'intermédiaire de la police, était disposé à mettre ces mesures en oeuvre. Non seulement le pouvoir protecteur de l'État doit-il comporter un encadrement légal et procédural efficace mais également la capacité et la volonté d'en mettre les dispositions en oeuvre.

 

 

[26]           Dans le présent cas, le pouvoir protecteur de l’État ne démontre pas avoir la capacité de mettre des dispositions concernant la protection des demandeurs en œuvre. Il faut réitérer que, en ce qui a trait à la notion de « protection de l’État », chaque cas, est un cas d’espèce.

 

[27]           Les demandeurs n’avaient aucune obligation de s’adresser à « un niveau supérieur pour porter plainte » après les démarches qu’ils ont entrepris (eu égard aux circonstances décrites dans la documentation objective sur des conditions des pays, propres à leurs problèmes).

 

CONCLUSION

[28]           Pour toutes ces raisons, la demande de contrôle judiciaire est accueillie et l’affaire est retournée pour redétermination par un panel autrement constitué.


 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie et l’affaire soit retournée pour redétermination par un panel autrement constitué.

 

 

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2099-07

 

INTITULÉ :                                       DOMINGUEZ HERNANDEZ Gerardo Rene

                                                            RAMOS DE DOMINGUEZ Marisela

                                                            c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 13 novembre 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT:                               LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                      le 20 novembre 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Jorge Colasurdo

 

POUR LES DEMANDEURS

Me Sherry Rafai Far

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

JORGE COLASURDO, Avocat

Montréal (Québec)

 

POUR LES DEMANDEURS

JOHN H. SIMS, Q.C.

Deputy Attorney General of Canada

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

 

 

 

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